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Invité El
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par Invité El Lun 11 Avr 2016 - 17:35
Je vais travailler avec mes premières L ce roman de Zola. Ils devront le lire en intégralité, et nous ferons une LA (au moins) qui rentrera dans leur descriptif pour l'EAF. Je l'ai donné dans le cadre de l'objet d'étude "les réécritures". 

Je suis bien plus à l'aise avec Balzac qu'avec Zola, et j'ai été surpris de lire aussi souvent sur le forum des commentaires peu amènes envers Balzac que j'imaginais plus populaire. Fin de la parenthèse!

Je n'ai pas pu travailler comme je voulais (j'ai relu le Lire le Réalisme et le Naturalisme de C. Becker, quelques pages de l'histoire de la littérature dirigée par Tadié, l'excellente préface de S. Guermès pour le roman (Livre de Poche), quelques comptes-rendus de La Religion de Zola, et un article de J. Noiray ("Quand Zola revisite la Bible") dans l'excellent recueil paru en 2011 chez Garnier: Formes bibliques du roman au XIXè siècle) et il me reste soit des questions, soit des hésitations. Je ne doute pas qu'il y aura de solides zoliens sur le forum. 

Le roman m'a paru intéressant car il est possible d'évoquer la plupart des aspects de l'objet d'étude: 
- le travail de "réécriture" à partir des carnets (la description méthodique de l'office, au début, par exemple)
- l'intertextualité biblique, évidemment
- d'autres topoi comme la poésie bucolique (Mouret et Albine sous les cerisiers?) et plus spécifiquement le locus amoenus, ...
- le motif "naturaliste": "la vie, grouillant sous ce poil etc" (p 125) après l'évocation de la société animale (?), "les poussées de la chair", "la reproduction fatale", etc
- le retour des personnages (le docteur Pascal)

Ce que j'ai surtout du mal à formaliser, c'est l'équilibre entre la satire de la religion (la question a l'air plus complexe que ce que l'on pourrait croire chez Zola) et l'utilisation du motif religieux comme image symbolique du désordre de la chair (je ne suis pas certain que l'expression soit la plus idoine): pensez-vous que l'un prime sur l'autre?

Je ne suis pas non plus du tout certain du texte que je vais choisir pour la LA, et qui soit suffisamment représentatif de toute l'oeuvre. Il me semble que pour la problématique, la description du Paradou serait indispensable. Mais je me demande si un texte descriptif serait suffisant. Avez-vous déjà proposé des extraits? Lesquels?

Merci à tous les neos qui viendront ici apporter leurs lumières!
Gilbertine
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par Gilbertine Lun 11 Avr 2016 - 22:26
Je n'ai que peu de lumières à apporter. N'y a-t-il pas un refus de ce qui brime en l'homme l'élan vital (qui peut aussi être un élan spirituel) ? Il y a un combat entre Vénus et la Vierge, mais une réconciliation est possible. La sexualité peut être diabolisée, comme la chasteté torturante. On ne parle de désordre de la chair que si un ordre a été établi comme cadre rigide et artificiel, un "ordre moral" contre nature, par exemple qui me semble être une cible de Zola.
Serge commet-il une faute ? Laquelle ? Sûrement pas d'avoir répondu à sa vocation spirituelle, je crois.

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par Gilbertine Lun 11 Avr 2016 - 22:45
Zola est très "compréhensif" vis-à-vis de la vocation de Serge, sans doute parce que l'élan est franc et passionné, même s'il se trompe d'objet.

Quand une problématique me semble difficile ou aporétique, je prends un autre angle d'attaque. Par exemple, les portraits de femmes ou d'hommes dans ce roman, me semblent être une perspective sympa. C'est un chef d'oeuvre d'équilibre et de contre-points. La Création est un puzzle complexe, mais les êtres se complètent si l'on ne force pas l'assemblage des pièces. (Comparaison douteuse Embarassed ) La nature n'est-elle pas privée de créateur dans ce roman ? Je creuse, je creuse, sans savoir si je m'enfonce ou non...

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Invité El
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par Invité El Mar 12 Avr 2016 - 9:28
Merci beaucoup Gilbertine!

Je pense aussi que Zola n'accuse pas Serge. Je crois que le déterminisme l'empêche de considérer tout à fait la chair comme le lieu du libre-arbitre. Elle a sa logique et sa dynamique: s'il y a une faute de Serge, c'est parce qu'il a menti à son corps (cf. la remarque de frère Archangelas qui voit d'un mauvais oeil la dévotion mariale de l'abbé; entre parenthèses, ce qui est génial, pour bien connaître le sujet, c'est l'exactitude dans la manière de présenter cette piété, quelle ironie cinglante!).

Le titre, dans ce cas, est bien ironique: on l'entend d'abord comme une condamnation d'un ecclésiastique à cause d'un péché de chair, et finalement c'est la faute d'un homme qui a méprisé le corps. Et donc, ultimement, la nature que Dieu a (aurait?) faite.

La question de la présence d'un créateur est en effet déterminante. J'hésite un peu... Je pense que Cripure répondra clairement sur ce point.

Enfin, je n'avais pas pensé à la perspective que tu évoques concernant les portraits, et que je vais creuser.

Merci beaucoup!
Gilbertine
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par Gilbertine Mar 12 Avr 2016 - 12:45
Je n'arrive plus à remettre la main sur mon exemplaire Embarassed Quel bordel ordre aléatoire dans ma bibliothèque ! Pour le choix d'un extrait pour une LA, je me souviens d'un passage intéressant centré sur l'arbre qui donne à Albine et à Serge l'élan pour s'aimer (II, 15 ?)

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par Tem-to Mar 12 Avr 2016 - 16:30
Je propose quelques pistes de réflexions :

- On peut réfléchir à ce que n'est pas Serge et qui se dégage par opposition à ce qu'est le frère Archangelas.
On peut en faire autant pour Albine par rapport à Désirée (l'opposition est plus nuancée).
Les scènes de rencontre entre ces deux binômes peuvent être intéressantes.
On peut aussi étudier les onomastiques de Archangelas (archange, guerrier au service de dieu), de Serge (un tissu qui recouvre le corps), de Mouret petite mort postérieure à l'apaisement des sens, de Désirée (participe passé qui peut induire la nudité - ici de l'esprit), et d'Albine (latin "albus" qui signifie blanc et, par extension, pureté) ?

- On peut aussi se pencher sur les commentaires du docteur Pascal (la voix de Zola dans le roman ?) sur ces personnages et sur son attitude quand il les rencontre.

- On peut réfléchir au besoin de transcendance qu'éprouve Serge qui hésite (thème du roman) entre transcendance divine ou transcendance amoureuse et charnelle qui permet la reproduction chrétienne ("Croissez et multipliez-vous" - dans le noir, bien sûr...). Ces transcendances trouvent, à la vive inquiétude d'Archangelas, une forme de confluence dans la figure de la vierge Marie.
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par Isidoria Mar 12 Avr 2016 - 23:14
C'est un des Rougon Macquart que je n'ai jamais lu, un manque à combler!
Merci de m'en donner l'idée, et bon courage pour monter ta séquence.
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Invité El
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par Invité El Mar 12 Avr 2016 - 23:29
Petitfils, merci beaucoup. 

J'ai préparé une fiche sur l'onomastique que je donnerai à la rentrée  Zola, La Faute de l'abbé Mouret 2252222100

Le docteur Pascal est-il la voix de Zola? C'est possible, parfois. Mais je tiens a priori le plus souvent possible que le roman est polyphonique et que ça ne peut pas être aussi net. 

Je n'avais pas vu qu'il était possible de mettre en perspective à ce point des couples de personnages. Je vais y réfléchir. 

Je suis plus dubitatif sur ton dernier paragraphe parce qu'il me semble trop mélanger des concepts différents. "Transcendance divine" me semble un pléonasme; tu veux peut être dire que le désir de Dieu s'opposerait au désir de la chair. C'est complexe car bien que Zola fasse la satire -évidemment- d'un christianisme castrateur, il est trop documenté pour ignorer que les deux peuvent se rejoindre dans la quête du mystique (cf. la tradition de lecture du Cantique des Cantiques). C'est pour cela que j'hésite sur la question de savoir si c'est la satire qui prime ou la valeur symbolique de l'Absolu. 

Merci!

Isidoria: vas-y, c'est un roman vraiment intéressant et qui a une place éminente (si j'ai bien compris) dans les Rougon.
Tem-to
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par Tem-to Mer 13 Avr 2016 - 9:13
elpenor, je suis heureux de t'avoir un peu aidée.

- Pour Archangelas, nul doute : c'est la satire de la religion qui prime. C'est un extrêmiste de dieu (ouverture possible sur certains fanatismes religieux contemporains ?).

- Serge, immatérialiste, est guidé par un besoin de transcendance que les années de séminaire ont exacerbé à l'âge d'adolescent. Mais la symbolisation de la religion se fait chez lui davantage par l'intermédiaire de la vierge Marie que par celui du christ. Généralement perçue comme une mère par les séminaristes, Serge voit la vierge plus comme une femme que comme une mère et sa spiritualité s'en dévoierait...
Dans La Conquête de Plassans, roman qui précède La faute de l'abbé Mouret, Marthe Mouret, la mère de Serge, a les mêmes tentations sensuelles (théorie de l'hérédité zolienne) avec l'abbé Faujas. Mais ce dernier, après avoir utilisée Marthe en tout bien tout honneur à des fins d'honorabilité (hypocrite), la rejette durement quand il la sent devenir par trop extatique. Il n'est intéressé que par sa progression dans la hiérarchie de l'église catholique.

Chez les deux jeunes filles, il y a sans doute un rapprochement à faire avec Rousseau.
- Désirée est, pour moi, une représentante du pré-christianisme (ordre animal, "bon sauvage"), de l'avant propriété (âge d'or). Pour elle, il n'y a pas que question à se poser : il faut suivre l'ordre de la nature et tout est bien.
- Albine est à considérer en fonction de la façon dont elle a été élevée puis dont elle n'a plus été élevée. C'est une plante (ordre végétal) qui, dans son enfance, a d'abord grandi dans un milieu socialisé (tuteur pour la plante). En raison des circonstances de sa vie, elle a été transplantée au Paradou à l'adolescence par son oncle Jeanbernat (nom proche de Jean-Jacques), adepte des théories des Lumières, et laissée autonome voir indépendante (tuteur retiré).

Sans doute sont-ce là des éléments de lecture par trop personnels. Je les partage à tout hasard...
Oudemia
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Bon génie

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par Oudemia Mer 13 Avr 2016 - 9:19
Petitfils, Zola, La Faute de l'abbé Mouret 2252222100 pour le rapprochement avec La Conquête de Plassans : j'y avais pensé, avec la flemme d'aller chercher le livre pour voir comment sont traitées les scènes dans le jardin mais il y a peut-être à creuser ce côté-là aussi.
Tem-to
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par Tem-to Mer 13 Avr 2016 - 9:56
elpenor, j'ignore ce qu'est la tradition de lecture du Cantique des Cantiques. Peux-tu m'en dire plus ?
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Invité El
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par Invité El Mer 13 Avr 2016 - 11:05
Ah voilà, c'est ce genre de perspective que je n'ai pas: merci pour l'inscription dans la ligne de La Conquête de Plassans. Il faut que je relise les Rougon tout d'un coup: je l'ai fait une fois, en DEUG, mais j'ai des souvenirs un peu lointains  Embarassed

Je fais assez naturellement des ponts comme ceci, avec Rousseau, mais je me contrains à ne pas aller trop loin en cours car il faudrait pouvoir démontrer tout cela avec rigueur. 

Concernant la dévotion mariale: il y a eu de vrais débats chez les théologiens catholiques sur la place que devait prendre la piété mariale. La tendance à lui donner une place de plus en plus grande s'est exacerbée pendant la Contre-Réforme: le culte marial est devenu "identitaire" pour les catholiques. Et les Protestants, comme d'autres (ici Zola, je suis parfaitement d'accord avec ton analyse), les moquent pour cela. Il y a une vrai confusion dans certains milieux catholiques sur les places respectives du Christ et de Marie. Entre parenthèses, le débat n'est pas terminé. 

D'ailleurs, l'histoire de l'exégèse du Cantique reflète cette tendance. 

Je l'évoquais car le livre a une histoire compliqué. Son inscription au canon juif fut disputée à la fin du 1er siècle car on chantait des passages du livre dans les cabarets, avec des filles sur les genoux. Finalement, Rabbi Aqiba impose son interprétation allégorique (en plein essor dans les milieux juifs, puis chrétiens) de l'union entre Israël et son dieu. Pour faire vite, les Chrétiens y voient ensuite l'union du Christ et de l'Eglise, puis du Christ et de l'âme du croyant; il y a au Moyen-Âge (Saint Bernard et al.) des interprétations mariales. Ce que je voulais dire en évoquant le livre est le questionnement plus complexe qu'on ne pourrait croire sur le corps et la chair. L'interprétation dominante, dans la ligne du néo-platonisme des premiers siècles, est évidemment défavorable au corps. Mais avec l'incarnation, le corps devient aussi le lieu du salut. Et on ne peut alors opposer de manière tout à fait caricaturale le corps et l'esprit, qui cherchent une voie de salut commune. L'interprétation du Cantique est alors significative: voilà un livre biblique qui dirait que pour signifier l'union avec Dieu, la meilleure métaphore, c'est l'union des corps. Mais je pense que Zola veut surtout faire la critique, radicale et représentative de l'athéisme de la fin du XIXè, d'un christianisme qu'il considère comme mortifère. 

J'ai un peu de mal à rassembler mes idées: je ne suis pas chez moi et il y a un monstre de deux ans qui découvre les joies de la mitraillette  Embarassed Rolling Eyes
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Invité El
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par Invité El Mer 13 Avr 2016 - 11:10
Gilbertine, plus j'y pense, plus je trouve ta suggestion de LA excellente: la rencontre sous l'arbre. Merci  cheers Je vais essayer rapidement de proposer un découpage ( pale)
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par Tem-to Mer 13 Avr 2016 - 11:17
Merci elpenor. Tous aux abris (mitraillette !).
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par maldoror1 Mer 13 Avr 2016 - 11:32
Isidoria a écrit:C'est un des Rougon Macquart que je n'ai jamais lu, un manque à combler!
Merci de m'en donner l'idée, et bon courage pour monter ta séquence.
C'est sans doute mon préféré de la série... Amours interdites sur fond olfactif du Paradou, couple à mi-chemin entre celui, sulfureux, de René et Maxime dans La Curée et celui, sublimé, de Clotilde et Pascal dans le dernier tome.

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par maldoror1 Mer 13 Avr 2016 - 11:38
Petitfils a écrit:Je propose quelques pistes de réflexions :

- On peut réfléchir à ce que n'est pas Serge et qui se dégage par opposition à ce qu'est le frère Archangelas.
On peut en faire autant pour Albine par rapport à Désirée (l'opposition est plus nuancée).
Les scènes de rencontre entre ces deux binômes peuvent être intéressantes.
On peut aussi étudier les onomastiques de Archangelas (archange, guerrier au service de dieu), de Serge (un tissu qui recouvre le corps), de Mouret petite mort postérieure à l'apaisement des sens, de Désirée (participe passé qui peut induire la nudité - ici de l'esprit), et d'Albine (latin "albus" qui signifie blanc et, par extension, pureté) ?

- On peut aussi se pencher sur les commentaires du docteur Pascal (la voix de Zola dans le roman ?) sur ces personnages et sur son attitude quand il les rencontre.

- On peut réfléchir au besoin de transcendance qu'éprouve Serge qui hésite (thème du roman) entre transcendance divine ou transcendance amoureuse et charnelle qui permet la reproduction chrétienne ("Croissez et multipliez-vous" - dans le noir, bien sûr...). Ces transcendances trouvent, à la vive inquiétude d'Archangelas, une forme de confluence dans la figure de la vierge Marie.
En effet, il est possible de voir Pascal comme le double de Zola. On décèle également dans son discours les travaux du docteur Lucas sur l'hérédité, une des sources zoliennes. En tout cas, c'est ce qu'a avancé cette année un professeur en charge de la préparation à l'agrégation: La Fortune des Rougon était au programme.

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par Tem-to Mer 13 Avr 2016 - 11:43
maldoror1 a écrit:
Isidoria a écrit:C'est un des Rougon Macquart que je n'ai jamais lu, un manque à combler!
Merci de m'en donner l'idée, et bon courage pour monter ta séquence.
C'est sans doute mon préféré de la série... Amours interdites sur fond olfactif du Paradou, couple à mi-chemin entre celui, sulfureux, de René et Maxime dans La Curée et celui, sublimé, de Clotilde et Pascal dans le dernier tome.

Je trouve le couple Renée / Maxime très très très éloigné de celui Albine / Serge !
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par maldoror1 Mer 13 Avr 2016 - 11:49
Petitfils a écrit:
maldoror1 a écrit:
Isidoria a écrit:C'est un des Rougon Macquart que je n'ai jamais lu, un manque à combler!
Merci de m'en donner l'idée, et bon courage pour monter ta séquence.
C'est sans doute mon préféré de la série... Amours interdites sur fond olfactif du Paradou, couple à mi-chemin entre celui, sulfureux, de René et Maxime dans La Curée et celui, sublimé, de Clotilde et Pascal dans le dernier tome.

Je trouve le couple Renée / Maxime très très très éloigné de celui Albine / Serge !
Bien sûr, les couples sont très différents, mais les isotopies du jardin, des végétaux érotisés, des parfums, du tabou etc...peuvent être intéressantes à comparer. Mais ce n'est que mon humble avis...

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par Tem-to Mer 13 Avr 2016 - 11:54
Ah oui, dans la scène de la serre.
Ok mais là où le Paradou est paradis, la serre est l'enfer. Un érotisme voilé dans le rapport Serge / Albine, une pornographie assumée dans celui Maxime / Renée.
A vérifier en comparant les lexiques employés dans les deux scènes.
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par maldoror1 Mer 13 Avr 2016 - 12:01
Petitfils a écrit:Ah oui, dans la scène de la serre.
Ok mais là où le Paradou est paradis, la serre est l'enfer. Un érotisme voilé dans le rapport Serge / Albine, une pornographie assumée dans celui Maxime / Renée.
A vérifier en comparant les lexiques employés dans les deux scènes.
Nous sommes bien d'accord: les couples sont intéressants à comparer en ce qu'ils sont antithétiques. Et l'on constate que nombre des amants zoliens sont très souvent végétalisés. Même Miette et Silvere, dans leur innocence chaste. Influence du naturaliste?

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par Tem-to Mer 13 Avr 2016 - 12:46
maldoror1 a écrit:
Petitfils a écrit:Ah oui, dans la scène de la serre.
Ok mais là où le Paradou est paradis, la serre est l'enfer. Un érotisme voilé dans le rapport Serge / Albine, une pornographie assumée dans celui Maxime / Renée.
A vérifier en comparant les lexiques employés dans les deux scènes.
Nous sommes bien d'accord: les couples sont intéressants à comparer en ce qu'ils sont antithétiques. Et l'on constate que nombre des amants zoliens sont très souvent végétalisés. Même Miette et Silvere, dans leur innocence chaste. Influence du naturaliste?

Sorry repas familial agrandi. Je reviens après.
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par Tem-to Mer 13 Avr 2016 - 17:31
maldoror1 a écrit:
Petitfils a écrit:Ah oui, dans la scène de la serre.
Ok mais là où le Paradou est paradis, la serre est l'enfer. Un érotisme voilé dans le rapport Serge / Albine, une pornographie assumée dans celui Maxime / Renée.
A vérifier en comparant les lexiques employés dans les deux scènes.
Nous sommes bien d'accord: les couples sont intéressants à comparer en ce qu'ils sont antithétiques. Et l'on constate que nombre des amants zoliens sont très souvent végétalisés. Même Miette et Silvere, dans leur innocence chaste. Influence du naturaliste?

Non, influence (pas forcément consciente au moment de l'écriture) des mythes comme celui de la terre à la fois nourricière et mangeuse d'hommes comme l'ex-cimetière du début de La Fortune.
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User5899
Demi-dieu

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par User5899 Jeu 14 Avr 2016 - 0:32
elpenor a écrit:
Je n'ai pas pu travailler comme je voulais (j'ai relu le Lire le Réalisme et le Naturalisme de C. Becker, quelques pages de l'histoire de la littérature dirigée par Tadié, l'excellente préface de S. Guermès pour le roman (Livre de Poche), quelques comptes-rendus de La Religion de Zola, et un article de J. Noiray ("Quand Zola revisite la Bible") dans l'excellent recueil paru en 2011 chez Garnier: Formes bibliques du roman au XIXè siècle) et il me reste soit des questions, soit des hésitations. Je ne doute pas qu'il y aura de solides zoliens sur le forum.
Le roman m'a paru intéressant car il est possible d'évoquer la plupart des aspects de l'objet d'étude: 
- le travail de "réécriture" à partir des carnets (la description méthodique de l'office, au début, par exemple)
- l'intertextualité biblique, évidemment
- d'autres topoi comme la poésie bucolique (Mouret et Albine sous les cerisiers?) et plus spécifiquement le locus amoenus, ...
- le motif "naturaliste": "la vie, grouillant sous ce poil etc" (p 125) après l'évocation de la société animale (?), "les poussées de la chair", "la reproduction fatale", etc
- le retour des personnages (le docteur Pascal)

Ce que j'ai surtout du mal à formaliser, c'est l'équilibre entre la satire de la religion (la question a l'air plus complexe que ce que l'on pourrait croire chez Zola) et l'utilisation du motif religieux comme image symbolique du désordre de la chair (je ne suis pas certain que l'expression soit la plus idoine): pensez-vous que l'un prime sur l'autre?
Je n'ai jamais étudié La Faute. Je ne te narguais pas, mais j'essayais de me débarrasser de tâches "incontournables" pour pouvoir le relire, mais finalement, ça prendra trop de temps, alors je fais de tête, autant dire que vu la précision des questions, ça n'ira pas loin.
D'abord, j'ai lu des remarques sur l'onomastique, et ça me semble toujours précieux chez Zola (je ne suis pas convaincu par "Mouret", mais c'est un détail).
La Faute fait suite à La Conquête de Plassans, le roman consacré aux manœuvres politiciennes via le clergé, par l'intermédiaire de l'abbé Faujas. Faujas utilise sans lui céder Marthe Mouret, amoureuse de lui d'une certaine façon. Le clergé, à part Serge, est clairement du côté de l'ordre et des apparences, dans les RM, que ce soit dans la Conquête, dans Pot-Bouille (avec son abbé Mauduit (sic Razz ), dans Le Rêve. Il me semble qu'il faut en tenir compte : les prêtres sont souvent "du bon côté" du pouvoir, et sont comptables des hypocrisies bourgeoises ou populaires.
Satire de la religion ? Honnêtement, ça ne me frappe pas tant que ça.
En revanche, l'église face aux désordres de la chair, oui, sans aucun doute. Zola, dans les RM, ne brosse pas vraiment un tableau du second empire, même si ce dernier est quasiment partout. Il raconte les pulsions humaines et prétend illustrer comment les pires d'entre elles aboutissent au second empire, mais également combien importantes sont les pulsions de vie. Dans cette optique générale, regarde ce qu'on trouve sur Mouret dans Le Docteur Pascal :

"L'abbé Mouret, curé à Saint-Eutrope, au fond d'une gorge marécageuse, s'était cloîtré là avec sa soeur Désirée, dans une grande humilité, refusant tout avancement de son évêque, attendant la mort en saint homme qui repoussait les remèdes, bien qu'il souffrît d'une phtisie commençante."

Cloitré, il attend la mort, refusant tout avancement. Sa faute, ce n'est pas d'avoir succombé à la blanche Albine, c'est de l'avoir poussée à la mort en refusant la vie (ce qu'on trouve dans la luxuriance (luxure, évidemment) du Paradou (absolution ?)) et en l'abandonnant. C'est la lecture du savant :

"- Maître, est-ce qu'il n'y avait pas là un grand jardin ? ne m'as-tu pas conté cette histoire ?
Pascal, dans la joie de cette bonne journée, eut un tressaillement, un sourire d'une tendresse infiniment triste.
- Oui, oui, le Paradou, un jardin immense, des bois, des prairies, des vergers, des parterres, et des fontaines, et des ruisseaux qui se jetaient dans la Viome... Un jardin abandonné depuis un siècle, le jardin de la Belle au Bois dormant, où la nature était redevenue souveraine... Et, tu le vois, ils l'ont déboisé, défriché, nivelé, pour le diviser en lots et le vendre aux enchères. Les sources elles-mêmes se sont taries, il n'y a plus, là-bas, que ce marais empoisonné... Ah ! quand je passe par ici, c'est un grand crève-coeur !
Elle osa demander encore :
- N'est-ce point dans le Paradou que mon cousin Serge et ta grande amie Albine se sont aimés ?
Mais il ne la savait plus là, il continua, les yeux au loin, perdus dans le passé.
- Albine, mon Dieu ! je la revois, dans le coup de soleil du jardin, comme un grand bouquet d'une odeur vivante, la tête renversée, la gorge toute gonflée de gaieté, heureuse de ses fleurs, des fleurs sauvages tressées parmi ses cheveux blonds, nouées à son cou, à son corsage, à ses bras minces, nus et dorés... Et, quand elle se fut asphyxiée, au milieu de ses fleurs, je la revois morte, très blanche, les mains jointes, dormant avec un sourire, sur sa couche de jacinthes et de tubéreuses... Une morte d'amour, et comme Albine et Serge s'étaient aimés dans le grand jardin tentateur, au sein de la nature complice ! et quel flot de vie emportant tous les faux liens, et quel triomphe de la vie !
[...]
Elle se reprit, la voix tremblante, les joues empourprées, sans savoir pourquoi.
- Serge ne l'aimait donc pas, qu'il l'a laissée mourir ?
Pascal sembla se réveiller, frémissant de la retrouver près de lui, si jeune, avec de si beaux yeux, brûlants et clairs, dans l'ombre du grand chapeau. Quelque chose avait passé, un même souffle venait de les traverser tous deux. Ils ne se reprirent pas le bras, ils marchèrent côte à côte.
- Ah ! chérie, ce serait trop beau, si les hommes ne gâtaient pas tout ! Albine est morte, et Serge est maintenant curé à Saint-Eutrope, où il vit avec sa soeur Désirée, une brave créature, celle-ci, qui a de la chance d'être à moitié idiote. Lui est un saint homme, je n'ai jamais dit le contraire... On peut être un assassin et servir Dieu."



Je ne suis pas certain de t'aider beaucoup Razz


HS L'aire Saint-Mittre, au début de La Fortune, avale bien les cadavres, mais produit des poires monstrueuses, gorgées de jus et de vie, que les adultes repoussent avec horreur, mais que les enfants adorent...


Dernière édition par Cripure le Jeu 14 Avr 2016 - 0:35, édité 1 fois
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User5899
Demi-dieu

Zola, La Faute de l'abbé Mouret Empty Re: Zola, La Faute de l'abbé Mouret

par User5899 Jeu 14 Avr 2016 - 0:32
Petitfils a écrit:
Sorry repas familial agrandi. Je reviens après.

Il y a une belle oie à ce repas agrandi ? Razz
Tem-to
Tem-to
Grand sage

Zola, La Faute de l'abbé Mouret Empty Re: Zola, La Faute de l'abbé Mouret

par Tem-to Jeu 14 Avr 2016 - 8:47
Cripure a écrit:
Petitfils a écrit:
Sorry repas familial agrandi. Je reviens après.

Il y a une belle oie à ce repas agrandi ? Razz

Non et il n'y a pas non plus de voisins ou d'employés.
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