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Laotzi
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par Laotzi Lun 17 Oct 2016 - 12:01
Un article signé Alain Beitone et Raphaël Pradeau, issu de la revue trimestrielle publiée par l'association Attac, les Possibles, et consultable sur leur site internet : https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-11-automne-2016/debats/article/le-debat-sur-l-ecole

L'article, écrit par des membres (ou proches) du GRDS de Jean-Pierre Terrail (je viens de voir que l'article a été repris sur le site du GRDS), me semble intéressant en cela qu'il fait le lien avec les idées libérales (en économie) et certaines "pédagogies nouvelles". En clair, il montre qu'une partie de ceux qui se disent de gauche et progressistes (en particulier le SGEN, l'UNSA et les associations qui gravitent autour) rejoignent en fait le discours et les intérêts libéraux. Ces idées ne sont pas nouvelles, mais elles sont clairement exprimées ici et par une tribune publiée dans la revue d'une association dont le positionnement à gauche est clair et sans ambiguïté. Rien de révolutionnaire mais une synthèse qui fait plaisir à lire.

Quelques extraits :

Ainsi, Les Cahiers Pédagogiques, figure emblématique de l’éducation nouvelle, dont les militant(e)s sont progressistes et attachés à la démocratisation scolaire, saluent des propositions qui s’inscrivent explicitement dans la logique de la mise en œuvre au sein de l’école d’une approche très clairement inspirée du libéralisme économique.
(...)
Le modèle pédagogique dominant a recours très massivement à une pédagogie invisible qui résulte d’une volonté de « déscolariser » l’école. Sous prétexte de donner du sens aux apprentissages (ce qui est évidemment indispensable) on met en place des « projets », des activités qui se veulent ludiques, qui sont en rupture avec la forme scolaire. On somme les enseignants de cesser de transmettre et de se percevoir plutôt comme des « animateurs », des « médiateurs » ou des « facilitateurs ». On préconise le concret (puisqu’on part de l’idée que la plupart des élèves sont rétifs à l’abstraction), etc. Et on pense qu’à l’occasion de ces activités qui permettent « d’ouvrir l’école sur la vie », les élèves vont réaliser, de façon largement informelle et donc implicite, les apprentissages visés par l’école.


Dernière édition par Laotzi le Mer 19 Oct 2016 - 21:55, édité 1 fois (Raison : coquille)

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par Celadon Lun 17 Oct 2016 - 12:15
Merci pour le lien Laotzi.
Spinoza1670
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par Spinoza1670 Lun 17 Oct 2016 - 17:05
Luigi a publié hier Réponse à un professeur en campagne - Non, la réforme du collège n'est pas “de gauche”

Loys Bonod a écrit:
La réforme du collège, une « réforme de gauche », affirme Christophe Chartreux[1], défenseur de la réforme. Mais curieusement, ce « professeur en campagne », pratiquant l’amalgame le plus grossier en assimilant toute critique à une connivence avec la droite la plus réactionnaire, oublie les grands principes de droite de cette réforme ainsi que ses soutiens de droite. Inversement, il ne cite non plus aucune des oppositions, pourtant vibrantes, venant de la gauche.
Curieuse cécité, qui mérite donc une petite mise au point.

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« Let not any one pacify his conscience by the delusion that he can do no harm if he takes no part, and forms no opinion. Bad men need nothing more to compass their ends, than that good men should look on and do nothing. » (John Stuart Mill)

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par Olympias Jeu 20 Oct 2016 - 22:59
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par Spinoza1670 Jeu 20 Oct 2016 - 23:18
santeverre

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par V.Marchais Ven 21 Oct 2016 - 7:57
L’école en général et le « collège unique » en particulier souffriraient de proposer à tous les élèves un type d’étude qui n’est accessible qu’à une minorité. Il faudrait donc revenir à la valorisation du travail manuel, à l’entrée précoce dans la vie active pour les élèves qui (par nature ?) ne sont pas portés vers les questions abstraites. Ce discours conservateur que l’on trouve dans certaines publications de droite ou d’extrême droite, dans un syndicat comme le SNALC, dans le collectif Racine impulsé par le Front national, s’articule volontiers avec des orientations xénophobes (l’école serait victime elle aussi du « grand remplacement » et de l’invasion des immigrés imposant une approche communautariste, etc.).
heu
Ils n'ont pas compris ce qu'était le collège modulaire, alors.
Dites, Jean-Rémi, Daphné, ça mériterait une petite mise au point, non ?
tschai
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par tschai Ven 21 Oct 2016 - 8:07
Très remarquable analyse de Luigi-Loys une fois de plus. J'ai tenté de parcourir le blog de Chartreux. J'y ai vu soit des "articles" désespérants de flagornerie pour NVB et de mépris pour les adversaires de la réforme, soit tout simplement des liens vers des articles officiels du ministère... Et, comble du courage, des articles fermés à tout commentaire éventuel.
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par XIII Ven 21 Oct 2016 - 9:20
Le camp "progressiste", les "réformes"...que des concepts dévoyés!
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par Olympias Ven 21 Oct 2016 - 10:32
tschai a écrit:Très remarquable analyse de Luigi-Loys une fois de plus. J'ai tenté de parcourir le blog de Chartreux. J'y ai vu soit des "articles" désespérants de flagornerie pour NVB et de mépris pour les adversaires de la réforme, soit tout simplement des liens vers des articles officiels du ministère... Et, comble du courage, des articles fermés à tout commentaire éventuel.
Il se borne à pomper un peu tout et à faire la com' du ministère.
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par Tem-to Ven 21 Oct 2016 - 18:17
Après avoir lu le texte (merci Véronique), j'ai demandé à mon fils (16 ans -pile poil aujourd'hui-, 1ère) avec qui j'étais à table ce midi :

- Au fait, tu crois que cela va te servir à quoi ta scolarité depuis la maternelle ?
- Ben à trouver un boulot qui allie une activité qui m'intéresse à un bon salaire. Avec, si possible, des collègues que j'aime bien. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Comme ça... mais y'a rien d'autres ?
-... Non, je ne vois pas... Ah oui, la culture... (silence et puis petit rire), le problème avec vous autres, profs de français, c'est que vous êtes des doux rêveurs !
(fin)

Souvent, nous autres professeurs de français, oublions un peu le pragmatisme.

-----------

Véronique, qu'est-ce que tu entends par collège modulaire ?
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par Celeborn Ven 21 Oct 2016 - 20:21
V.Marchais a écrit:
L’école en général et le « collège unique » en particulier souffriraient de proposer à tous les élèves un type d’étude qui n’est accessible qu’à une minorité. Il faudrait donc revenir à la valorisation du travail manuel, à l’entrée précoce dans la vie active pour les élèves qui (par nature ?) ne sont pas portés vers les questions abstraites. Ce discours conservateur que l’on trouve dans certaines publications de droite ou d’extrême droite, dans un syndicat comme le SNALC, dans le collectif Racine impulsé par le Front national, s’articule volontiers avec des orientations xénophobes (l’école serait victime elle aussi du « grand remplacement » et de l’invasion des immigrés imposant une approche communautariste, etc.).
heu
Ils n'ont pas compris ce qu'était le collège modulaire, alors.
Dites, Jean-Rémi, Daphné, ça mériterait une petite mise au point, non ?

Oh ! Pour moi, cet article fait très clairement partie de ces articles « nous on est gentils, les autres ils sont méchants ». Alors il est certes pas inintéressant, mais quand on voit qu'au détour d'une phrase, on en profite une fois encore pour faire l'amalgame SNALC/extrême droite/xénophobe, j'ai envie de dire poubelle.

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par Celeborn Ven 21 Oct 2016 - 20:23
Petitfils a écrit:

Véronique, qu'est-ce que tu entends par collège modulaire ?

C'est le projet de réforme du collège de mon syndicat (le SNALC), qui n'est ni d'extrême droite, ni xénophobe, et qui ne prévoit pas d'envoyer des enfants de 8 ans à la mine car ils seraient naturellement faits pour le travail physique. Projet que les rédacteurs de l'article n'ont visiblement pas lu.

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par Reine Margot Ven 21 Oct 2016 - 20:25
Je comprends du collège modulaire qu'il y a plusieurs filières mais des passerelles entre elles qui permettent de passer de l'une à l'autre. Petit bémol: j'ai connu il y a 25 ans les 6e-5e en 3 ans et les 4e-3e techno. La 6e-5e en 3 ans devait permettre aux élèves de passer en 4e générale. Dans les faits seuls 2 élèves des deux classes de 6e-5e en 3 ans sont passés en 4e générale, tous les autres en techno. Ma meilleure amie de l'époque, débarquant en 4e générale depuis sa classe de 6e-5e en 3 ans, a eu toutes les difficultés à se maintenir. Mais bon aujourd'hui, ces mêmes élèves végéteraient dans des classes de 4e générale en ayant toujours autant de difficultés et aucun intérêt pour 'lécole...

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par ylm Sam 22 Oct 2016 - 9:05
Le camp progressiste est très bien représenté par le nouveau directeur de cabinet de Najat Vallaud-Belkacem:

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par kamasolou Sam 22 Oct 2016 - 9:35
La politique éducative du PS 2012-2016 résumée en un tweet.... :mal:
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par Chocolat Dim 23 Oct 2016 - 13:49
Petitfils a écrit:Après avoir lu le texte (merci Véronique), j'ai demandé à mon fils (16 ans -pile poil aujourd'hui-, 1ère) avec qui j'étais à table ce midi :

- Au fait, tu crois que cela va te servir à quoi ta scolarité depuis la maternelle ?
- Ben à trouver un boulot qui allie une activité qui m'intéresse à un bon salaire. Avec, si possible, des collègues que j'aime bien. Pourquoi tu me demandes ça ?
- Comme ça... mais y'a rien d'autres ?
-... Non, je ne vois pas... Ah oui, la culture... (silence et puis petit rire), le problème avec vous autres, profs de français, c'est que vous êtes des doux rêveurs !
(fin)

Souvent, nous autres professeurs de français, oublions un peu le pragmatisme.

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Véronique, qu'est-ce que tu entends par collège modulaire ?

Si ton fils était mon élève je lui dirais de commencer à lire Hannah Arendt afin de comprendre les raisons pour lesquelles la société actuelle est dans une impasse sans précédent en termes d'absence de valeurs humanistes communes.

Des doux rêveurs, les profs de français ?
On veut du concret, du progressisme, de l'utilitarisme, du pragmatisme ?

Ce ne sont pas les profs de français qui ont formulé des injonctions permettant de réduire les textes littéraires à des prétextes, qui ont imposé un laxisme inégalé en décredibilisant de manière organisée la parole et l'autorité de l'enseignant et qui ont encouragé des pratiques de terrain vides de sens et de toute exigence en termes de réflexion personnelle et d'acquisition de bases culturelles et langagières indispensable à la construction de tout citoyen se voulant autonome et non manipulable.

30 années de politiques éducatives absurdes et contradictoires ont donné les résultats que nous connaissons tous : une société éclatée et sans valeurs humanistes communes, constituée de personnes entre lesquelles aucune communication n'est possible parfois car même ce que l'on appelle "langage courant" n'est plus commun.

Je dirai, pour terminer, qu'il est encore temps de se réveiller et de remettre réellement "au centre des préoccupations" la jeunesse et son devenir, en laissant les enseignants instruire et les parents éduquer, histoire de ne plus lire dans la presse des "faits divers" avec des enseignants, des médecins, des magistrats et des forces de l'ordre agressés par des citoyens sans repères, sans rêves, sans avenir, incultes et incapables d'avoir une pensée cohérente ou de tenter de maîtriser leurs pulsions.


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par Spinoza1670 Dim 23 Oct 2016 - 14:03
Je rebondis sur ce que dit chocolat à cause de la proximité frappante avec ce que dit Hirsch, un pédagogue américain, dans son ouvrage paru récemment qui prend pour exemple le cas français :

[Article] Le débat sur l'école : le camp progressiste doit se battre sur les deux fronts Hirsch_cover_Why-Knowledge-Matters-200x300

Hirsch fait une revue documentée d'un récent déclin tragique des résultats scolaires en France, quand les écoles de la nation sont passées d'un modèle "culture commune au centre" et "connaissance au centre" à un modèle "enfant au centre" et "compétences au centre" - en d'autres mots, quand les Français ont américanisé leur système scolaire.

Dans son nouveau livre, Hirsch montre de manière irréfutable que seuls des programmes équilibrés et basés sur des connaissances (et non des compétences) peuvent apporter les connaissances nécessaires à tous les enfants et surmonter l'inégalité des chances.

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par V.Marchais Dim 23 Oct 2016 - 14:56
Tout comme Chocolat et Spinoza.

Je dirais à ton fils que la littérature a cette caractéristique peu commune d'être à la conjonction du plus intime et du plus universel chez l'homme. Elle met en mots toutes nos expériences, les émotions qui nous traversent, jusqu'aux plus obscures. Et ces émotions étant la loi commune de tous les hommes, elle parvient à articuler le singulier et le collectif.
Par ailleurs, en ordonnant les événements en une histoire signifiante, elle donne un sens à un parcours sur lequel nous pouvons projeter notre propre parcours. En d'autres termes, elle répond à notre besoin de sens, à nos questions existentielles.
Bref, la littérature est la meilleure exploration de notre humanité. Elle nous permet de construire, de développer, de nourrir cette humanité. Elle nous apprend à nous connaître nous-mêmes, vertu essentielle depuis les Grecs, et à connaître l'autre ; elle nous apprend la projection, l'empathie. Elle nourrit notre imagination, qui n'est pas une faiblesse de doux rêveur, mais une ressource essentielle à l'homme. L'imagination est ce qui lui permet de penser ce qui n'est pas, d'inventer. Elle est ce qui permet de penser le contrat social en pleine monarchie absolue. Elle est ce qui permet de penser des jours meilleurs quand tout va mal. Elle est la force des résilients et des résistants. Elle est une des conditions de notre liberté. Et le déferlement d'images de la société du spectacle et du tittytainment, qui coupe court à notre imagination, est une formidable machine à aliéner.
Je lui ferais lire Hannah Arendt, effectivment, et Orwell, deux auteurs d'une modernité confondante.

Je remets ici l'article de Jourde que je citais ailleurs. Il est, je crois, un bon début de réponse à ton fils. Ton fils est pragmatique, efficace. Eichmann était pragmatique, efficace. Ton fils veut-il vraiment n'être que cela ? Tu peux l'interpeller à ce sujet.

L’œuvre d’art est pour Arendt un « objet de pensée », mais d’une pensée particulière. La pensée, telle qu’elle se déploie dans la littérature, recherche une vérité qui concerne chacun de nous intimement, et nous laisse libres. Elle est donc « l'activité des hommes libres par excellence », où « chacun se risque en personne ».

La fonction de cette sorte de pensée est d’abord « de rapatrier les hommes dans le réel », car on peut travailler, s’affairer, se marier, avoir des enfants, sans être véritablement ni au monde ni à soi-même. C'est à ce retour sur soi, sur le monde, sur les autres, qu’invitent les grands textes littéraires. Ils nous font naître au monde.

Bérénice Levet rappelle qu'Arendt, pendant le procès d'Eichmann, se disait que le criminel nazi, dans sa personnalité falote et banale, n’avait pu commettre le mal absolu qu’au prix de cette absence à soi et au monde. Il s’était « immunisé contre le réel », « grâce à un arsenal de clichés, de formules toutes faites, de phrases vermoulues. Comme s’il avait, par avance, obstrué toutes les voies par lesquelles l’interrogation sur le sens de ses actes pouvait s’immiscer ». Arendt « acquiert alors la conviction que ce qui faisait défaut à Eichmann à l'époque des faits, et continue de lui faire défaut au moment de son procès, ce n'est pas l’intelligence, ce n'est pas la faculté logique, cognitive, mais bien la disposition à s'entretenir avec soi-même, à se donner rendez-vous ». C'est précisément cette disposition qu'entretient, que favorise la littérature. C'est elle qui cherche le langage le plus propre à cette vérité de l'entretien avec soi, c'est elle qui lutte contre les clichés, les mots d'ordre, les discours formatés, tout ce qui nous masque la réalité. Certains, sans doute, n'en ont pas besoin, et y parviennent parfaitement sans recours au littéraire. D'autres encore font un usage purement social de la culture. Il y avait des nazis très cultivés. Au sens où l'on conçoit la culture comme un pur élément de décorum. Mais ce n'est pas là qu'est son sens. Profondément, une société qui se coupe de la littérature court le risque d'assécher ou de raréfier ce mode particulier de pensée. Comme le dit Karen Blixen, citée par Bérénice Levet : « ce sont les gens sans imagination qui sont les pires ».

Alors continuons joyeusement à démolir les filières littéraires et l’enseignement des humanités, fabriquons des gens efficaces qui sauront efficacement licencier et fermer des usines, efficacement spéculer, efficacement gagner beaucoup d’argent et en perdre beaucoup, nous nous préparons un bel avenir efficace. Il y a au moins une chose qu’on ne peut pas retirer à Eichmann : il était très efficace.

Pierre Jourde, Confiture de culture,

Publié le 19/02/2012.
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par Chocolat Dim 23 Oct 2016 - 15:09
Merci Spinoza pour cette référence.

L'existence de ce livre prouve à quel point les enseignants de terrain ont été peu écoutés en France pendant ces trente dernières années. Les politiques ont préféré laisser les clés de la maison à des "experts" de tout et de rien et en dehors de toute réalité.

Espérons que si c'est un pédagogue américain qui écrit ce que la plupart des enseignants de terrain disent depuis des années, nos politiques finiront par se réveiller et accepteront de mettre en place des politiques éducatives pertinentes.

En attendant que ce soit officiellement le cas, résistons et enseignons !

Que faire d'autre ?

J'édite, parce que j'ai lu les propos de Véro entre temps et parce que je dois lui remercier... d'exister.
Parce que des gens comme elle, qui ne flanchent et ne renoncent jamais et qui réussissent à faire éditer des manuels dignes de ce nom, c'est inégalablement précieux, par les temps qui courent !


Dernière édition par Chocolat le Dim 23 Oct 2016 - 17:32, édité 1 fois

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par V.Marchais Dim 23 Oct 2016 - 16:03
Tu es u amour Chocolat. Merci à toi, à Spinoza, à Loys, à tant d'autres sans lesquels je ne tiendrais pas. C'est bon de vous lire et de se savoir moins seul.
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par Spinoza1670 Dim 23 Oct 2016 - 16:33
Merci Véronique. Je pense la même chose à ton égard. fleurs

Sur le "tittytainment" :  

Jean-Claude Michéa a écrit:en septembre 1995, - sous l'égide de la fondation Gorbatchev - « cinq cents hommes politiques, leaders économiques et scientifiques de premier plan », constituant à leurs propres yeux l'élite du monde, durent se réunir à l'Hôtel Fairmont de San Francisco pour confronter leurs vues sur le destin de la nouvelle civilisation. [...] l'assemblée commença par reconnaître - comme une évidence qui ne mérite pas d'être discutée - que « dans le siècle à venir, deux-dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l'activité de l'économie mondiale ». Sur des bases aussi franches, le principal problème politique que le système capitaliste allait devoir affronter au cours des prochaines décennies put donc être formulé dans toute sa rigueur : comment serait-il possible, pour l'élite mondiale, de maintenir la gouvernabilité des quatre-vingts pour cent d'humanité surnuméraire, dont l'inutilité a été programmée par la logique libérale !

La solution qui, au terme du débat, s'imposa, comme la plus raisonnable, fut celle proposée par Zbigniew Brzezinski sous le nom de tittytainment. Par ce mot-valise, il s'agissait tout simplement de définir un « cocktail de divertissement abrutissant et d'alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète ».

Cette analyse, cynique et méprisante, a évidemment l'avantage de définir, avec toute la clarté souhaitable, le cahier des charges que les élites mondiales assignent à l'école du XXIème siècle. C'est pourquoi il est possible, en se fondant sur elle, de déduire, avec un risque limité d'erreur, les formes a priori de toute réforme qui serait destinée à reconfigurer l'appareil éducatif selon les seuls intérêts politiques et financiers du Capital.

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par Olympias Dim 23 Oct 2016 - 16:49
Je crois qu'il ne faut rien céder, ne rien lâcher, qu'il faut lutter pied à pied. Parce que nos élèves n'ont pas besoin d'être distraits mais d'être instruits. Parce que dans le monde actuel, leur instruction est le seul patrimoine que les plus pauvres peuvent faire fructifier. 
1e ST2S 1,30h par semaine ! Premier cours : un cours de chrono et de vocabulaire politique. Elles ont adoré ("Ah Madame, là au moins on se repère !"). Seulement ensuite, nous pouvons commencer le premier thème.
Leodagan
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par Leodagan Dim 23 Oct 2016 - 17:20
Quelle est la référence exacte de ce livre de Hirsch ?
ysabel
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Enchanteur

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par ysabel Dim 23 Oct 2016 - 17:37
Spinoza1670 a écrit:Merci Véronique. Je pense la même chose à ton égard.  fleurs  

Sur le "tittytainment" :  

Jean-Claude Michéa a écrit:en septembre 1995, - sous l'égide de la fondation Gorbatchev - « cinq cents hommes politiques, leaders économiques et scientifiques de premier plan », constituant à leurs propres yeux l'élite du monde, durent se réunir à l'Hôtel Fairmont de San Francisco pour confronter leurs vues sur le destin de la nouvelle civilisation. [...] l'assemblée commença par reconnaître - comme une évidence qui ne mérite pas d'être discutée - que « dans le siècle à venir, deux-dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l'activité de l'économie mondiale ». Sur des bases aussi franches, le principal problème politique que le système capitaliste allait devoir affronter au cours des prochaines décennies put donc être formulé dans toute sa rigueur : comment serait-il possible, pour l'élite mondiale, de maintenir la gouvernabilité des quatre-vingts pour cent d'humanité surnuméraire, dont l'inutilité a été programmée par la logique libérale !  

La solution qui, au terme du débat, s'imposa, comme la plus raisonnable, fut celle proposée par Zbigniew Brzezinski sous le nom de tittytainment. Par ce mot-valise, il s'agissait tout simplement de définir un « cocktail de divertissement abrutissant et d'alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète ».

Cette analyse, cynique et méprisante, a évidemment l'avantage de définir, avec toute la clarté souhaitable, le cahier des charges que les élites mondiales assignent à l'école du XXIème siècle. C'est pourquoi il est possible, en se fondant sur elle, de déduire, avec un risque limité d'erreur, les formes a priori de toute réforme qui serait destinée à reconfigurer l'appareil éducatif selon les seuls intérêts politiques et financiers du Capital.

La Boétie l'avait déjà très bien dit :

Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres drogueries , c’étaient aux peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, ces allèchements avaient les anciens tyrans pour endormir leurs sujets sous le joug . Ainsi les peuples assotis trouvant beaux ces passe-temps, amusés d’un vain plaisir qui leur passait devant les yeux, s’accoutumaient à servir aussi niaisement, mais plus mal, que les petits enfants qui, pour voir les luisantes images des livres enluminés, apprennent à lire.
Les Romains tyrans s’avisèrent encore d’un autre point : de festoyer souvent les dizaines publiques, abusant cette canaille comme il fallait, qui se laisse aller, plus qu’à tout autre chose, au plaisir de la bouche : le plus avisé et entendu d’entre eux n’eût pas quitté son esculée de soupe pour recouvrer la liberté de la République de Platon.
Les tyrans faisaient des largesses d’un quart de blé, d’un sestrier de vin et d’un sesterce ; et lors c’était pitié d’ouïr crier : Vive le roi ! Les lourdauds ne s’avisaient pas qu’ils ne faisaient que recouvrer une partie du leur, et que cela même qu’ils recouvraient, le tyran ne leur eût pu donner, si devant il ne l’avait ôté à eux-mêmes ; tel eût amassé aujourd’hui le sesterce, et se fût gorgé au festin public, bénissant Tibère et Néron et leur belle libéralité , qui le lendemain étant contraint d’abandonner ses biens à leur avarice, ses enfants à la luxure , son sang même à la cruauté de ces magnifiques empereurs, ne disait mot non plus qu’une pierre, ne se remuait non plus qu’une souche.

Ce texte a fait un grand effet sur mes élèves ces deux dernières années.

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« vous qui entrez, laissez toute espérance ». Dante

« Il vaut mieux n’avoir rien promis que promettre sans accomplir » (L’Ecclésiaste)
Tem-to
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par Tem-to Dim 23 Oct 2016 - 17:37
Véronique, Chocolat, je comprends ce que vous voulez dire mais les ado d'aujourd'hui ne le comprendront pas et pire, n'auront pas envie -pour bon nombre d'entre eux- d'essayer parce qu'ils sont formatés (ce que nous n'étions pas à leur âge) à la mondialisation malgré nos mises en garde à nous, parents. Regardez leurs cours d'histoire-géo, d'économie et même de langues vivantes étrangères. J'ai écouté une capsule audio d'espagnol mise en ligne par sa prof où il s'agissait d'un entretien d'embauche (dans la grande période de crise que connaît l'Espagne depuis quatre ou cinq ans). il y avait, implicitement, une critique féroce du capitalisme qui passait uniquement par la persuasion et jamais par la conviction. Le tout sur un ton nihiliste qui m'a révolté. Et croyez-moi que dans ces cas-là, nos élèves retiennent plus l'implicite que l'explicite.

Spinoza, je pense comme Chocolat que si les Américains viennent à penser comme les Européens, nous avons peut-être une chance de retrouver cet essentiel dont vous parlez tous les trois. Deux de mes prof formateurs, m'ont même confié que des profs américains du supérieur ou non enviaient les français (les seuls à leurs dires -je n'ai pas vérifié) à continuer de travailler la dissertation. Mais il y a très loin de la coupe aux lèvres parce qu'il n'est pas nouveau que des intellectuels ou artistes américains de premier plan culturel fassent preuve d'europhilie et même d'européanisme dans le contexte pourtant peu brillant où se trouve l'Europe aujourd'hui. Je ne parle pas de l'immense majorité américaine dont la production est corrélé au marketing pensé pour prendre l'adolescence et même la pré-adolescence dans ses rets afin d'en faire des consommateurs captifs. Par quelque bout que je prenne l'écheveau, j'en reviens toujours à la même conclusion : c'est foutu si le politique continue d'être à genoux devant l'économique. L'inverse n'est aujourd'hui pas tenable. Il faut donc qu'ils puissent être égaux, de même taille, les yeux dans les yeux, sans la haine et le mépris sourds du deuxième pour le second. Mais le second ne cesse de s'abaisser sauf, actuellement, le copain wallon dans les négociations commerciales européennes avec le Canada. Ce n'est même plus le village gaulois qui résiste mais le bourg d'outre quiévrain. Ce David-là ne tuera pas ce Goliath-ci.

Nos élèves, nos enfants sentent tout cela, plus ou moins confusément. Ils n'ont pas la confiance que nous avions à l'époque de notre propre adolescence dans un avenir où l'idée était prépondérante à l'objet. Et pour eux, il n'y aura pas de retour en arrière, ils n'ont pas connu cet arrière et leur âge, quoi de plus naturel, les incite à regarder par le pare-brise plutôt que dans le rétroviseur.

Alors en matière pédagogique, n'abandonnons pas le rétroviseur (bien sûr que la lecture d'Hannah Arendt s'y trouve dans un coin) mais accompagnons leur regard au travers du pare-brise. C'est en ce sens que je conçois la lutte.

fleurs2 fleurs2 fleurs2 à vous trois.
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