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User28384
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musique Samuel Barber question naïve Empty musique Samuel Barber question naïve

par User28384 Sam 16 Déc - 21:37
Bonsoir chers collègues de musique,
 Que répondriez-vous si on vous demandait "Pourquoi l'adagio pour cordes de Samuel Barber est-il si beau ?"
Question qui m'a été posée ... en cours de philosophie... et à laquelle je n'ai pas su répondre : nous avons simplement écouté le morceau ... et c'est vrai que c'est beau !!! Very Happy
Korémuse
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musique Samuel Barber question naïve Empty Re: musique Samuel Barber question naïve

par Korémuse Dim 17 Déc - 10:45
Définir le beau me parait assez hasardeux.
Par contre, on peut rendre compte du climat de cette oeuvre touchante et tenter de l’expliquer par des critères et paramètres musicaux.
Quelles sont les émotions ressenties ?
Oeuvre émouvante , tristesse infinie, climat de désolation ...(pas de transcendance  car oe fermement rattachée à la terre par les accords dans le grave de la tessiture)  ,
Certains vivront cet Adagio comme totalement déchirant alors que d’autres ne se sentiront enveloppés que d’un voile de crêpe.
Dans l' inconscient collectif, cette oe a tellement servie (théâtre, films, enterrements ) que l’on a du mal à l’écouter in abstracto avec une oreille vierge.

Plus prosaïquement, le thème est  constitué par une longue et lente ligne mélodique continue, infinie, soutenue par de riches  accords mineurs tenus (servant de tissu sonore, de socle):

Un temps presque intemporel  (qui rappelle  le plain chant non mesuré alors qu’ici le temps est cependant bien perceptible, même si des changements de mesures le perturbe).

Le thème débute par un motif  circulaire composé de 3 notes conjointes  ascendantes formant une boucle ( cad qu’il retombe sur la première note), la seconde présentation ne revient pas sur la première note mais sur la seconde. Cela permet de créer une marche  (sinon, on ne ferait que répéter le même motif en boucle)
Une boucle qui s’ouvre  progressivement , des velléités d’ élévation (c'est ce qui nous touche)  avant de retomber quelques mesures plus loin, (comme une impossibilité de progresser vers la lumière) désinence s'achevant néanmoins sur un éclairage nouveau.
Puis, un intervalle  expressif et tendu de 5te diminuée qui rompt avec l'unité précédente.
Viennent en écho des sauts d’octave aux Violons 2 , puis des couleurs expressives (1/2 tons descendant) qui exacerbent l’expression douloureuse avant la continuation du thème par les altos cette fois-ci.

Je n'ai parlé que d'1mn 40  (sur les 10  mn) !!  pas le temps d'en dire plus mais  j'espère vous avoir donné quelques clés pour comprendre sur quoi et comment fonctionne le début de l'oeuvre.


Dernière édition par Korémuse le Dim 17 Déc - 20:58, édité 1 fois
Balthazaard
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par Balthazaard Dim 17 Déc - 12:08
Une question, sans un gramme de provocation, écoutes tu beaucoup de musique? Pour ma part, bien sur, j'aime cet adagio mais je ne le mets pas forcément au dessus d'autres compositions, pour ne citer que lui il y a chez Mahler des passages lents qui me donnent tout autant le frisson. Son format et son caractère le rendent apte aux cérémonies et aux compléments de concerts, pourquoi, comme dans d'autres morceaux, réagissons nous à celui là? caractère propre à ce morceau, comme le souligne Korémuse? formation inconsciente de notre oreille à certains phénomènes propres à la tonalité que l'on retrouve ici? utilisation des cordes?
Je crois qu'en effet il est difficile de l'écouter sans arrière pensée et cela joue.
Dans le même ordre d'esprit les métamorphoses pour cordes de Strauss, moins connues mais écrites par Strauss dans une Allemagne en ruine à plus de 80 ans, lui qui a été fidèle jusqu'au bout à son style,  et qui a vu s'écrouler tout ce en quoi il a cru.
A la fin une citation de la marche funèbre de la 3eme de Beethoven, une musique un peu aride mais qui me bouleverse plus que Barber.
Dans un autre esprit , le dernier mouvement de l'ascension de Messiaen (version orchestre), il passait en musique de fond lors d'une visite au Panthéon. Je ne peux plus l'écouter sans y superposer l'émotion (pour moi) associée à la visite de ce lieu.

Il ne manque pas de morceaux pour cordes émouvants (cf youtube)

Une petite pièce très peu connue de Lekeu (malheureusement oublié) avec de belles résonances, même si c'est moins concis et moins immédiat que Barber (mais je ne suis pas sur que ce soit moins beau)



Dernière édition par Balthazaard le Dim 17 Déc - 12:46, édité 2 fois
Korémuse
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par Korémuse Dim 17 Déc - 12:25
Oh oui ; Lekeu, avec son héritage franckiste et son influence wagnérienne,  c'est bien plus profond encore !! et l'adagio qui n'en finit pas de mourir de la 9eme de Mahler !!!!!


Dernière édition par Korémuse le Dim 17 Déc - 19:46, édité 1 fois
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User28384
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musique Samuel Barber question naïve Empty Re: musique Samuel Barber question naïve

par User28384 Dim 17 Déc - 13:08
Balthazaard a écrit:Une question, sans un gramme de provocation, écoutes tu beaucoup de musique?

Non, en effet, Balthazaard : je comprends très bien le sens de ta question et j'avoue être réellement ignorant. Me manquent réellement une éducation et une culture musicales qui permettent le bon goût, au sens kantien du terme.
Merci beaucoup à vous deux, Balthazaard et Koremuse, pour ces explications et références ... que je vais m'empresser de chercher et d'écouter musique Samuel Barber question naïve 1482308650
Balthazaard
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musique Samuel Barber question naïve Empty Re: musique Samuel Barber question naïve

par Balthazaard Dim 17 Déc - 13:53
Les adagios de Mahler sont célèbres et son utilisation des cordes très personnelle. Il faudrait tout citer, je te conseillerai dans les mouvements lents la 6ème, la 5ème, pour moi celui que je préfère la 3ème, le dernier mouvement très lent et très long mais il donne une impression de paix extraordinaire, rien de morbide mais l’expression de ce que l'on peut ressentir au spectacle de l'harmonie de la nature, plus expressionnistes (toujours selon moi) et plus tragiques celui de la 9éme et de la 10ème (inachevée)
Maintenant, attention , Mahler est très enregistré et très sensible à l'interprétation, il faut tester plusieurs visions, toutes celles des grands chefs ont leur intérêt mais le ressenti est rarement le même.







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