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ysabel
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Les Inrockuptibles : article sur la débrouille à l'EN Empty Les Inrockuptibles : article sur la débrouille à l'EN

par ysabel Jeu 27 Jan - 0:32
Article des inrocks

ici

Des élèves qui font la plonge, des mairies qui revendent le matériel scolaire, des profs à la retraite qui reprennent du service... Une école sparadrap, oui mais jusqu'à quand ?

Ce n'est rien. Tout au plus une fâcheuse erreur de gestion, une anecdote pour la presse locale. L'histoire se passe en novembre 2010 dans un important collège normand, à Granville, nommé André-Malraux comme quatre-vingt-sept autres établissements à travers le pays. Salariés du conseil général de la Manche, les agents techniques de la cantine sont en colère. Il leur manque deux collègues. L'administration ne remplace plus les absences pour congé maladie.

Pour que la cantine tourne, ils se débrouillent comme ils peuvent. Un jour, ce sont des élèves volontaires qui se collent à la plonge. Un autre, l'équipe administrative prend sur son temps de pause et manie la Spontex.

Dans Ouest-France, le principal Philippe Guisembert sort de sa réserve : "Nous sommes solidaires de l'équipe des agents. Ils souffrent de leurs conditions de travail dégradées."

La fin de l'année arrive et la ligne budgétaire affectée aux remplacements est déjà épuisée, explique le conseil général qui a maintenant en charge ces personnels autrefois fonctionnaires de l'Education nationale.

Quand l'Etat s'est débarrassé d'eux en 2006, il a versé 376 000 euros pour les missions de remplacement. En 2010, elles ont coûté plus d'un million. En attendant, "il a été demandé aux collèges de gérer au mieux les absences de façon transitoire". L'Etat vous a entourloupés, débrouillez-vous. Ce qu'ont fait les élèves et le principal, renvoyés à leur bonne volonté.

Combien d'enseignants du primaire doivent payer avec leur propre argent le matériel pédagogique ?

On le sait peu mais les collectivités locales (mairie, département, région) ont des missions éducatives et la responsabilité des moyens matériels, des bâtiments. Quand elles ont de l'argent comme dans les Hauts-de-Seine, les moyens pleuvent ; lorsqu'elles doivent faire face à la crise de leurs finances comme pour la majorité d'entre elles, c'est moins drôle.

Combien d'enseignants du primaire doivent payer avec leur propre argent le matériel pédagogique, ne serait-ce que les craies ? Combien d'entre eux demandent à leur conjoint ou à des parents d'élèves de faire des photocopies ? Début janvier, Le Figaro économie rapportait que les mairies des petites communes rurales raclaient les fonds de tiroirs pour trouver de l'argent en négociant le matériel scolaire ou en mettant en vente les bureaux d'écoliers et les cartes murales... C'est sans doute ce qu'on appelle "faire mieux avec moins".

L'expression est devenue le leitmotiv de Luc Chatel à la tête du ministère de l'Education nationale, où l'on applique sans retenue la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, décidée par Nicolas Sarkozy. Depuis 2007, 50 000 postes ont disparu, et pour la rentrée 2011, on prévoit 16 000 suppressions d'emplois, principalement à l'école primaire et au collège, les maillons faibles du système où naissent et s'accroissent les inégalités sociales et scolaires.

Alors que depuis la fin des années 60, le nombre moyen d'élèves par classe a diminué puis stagné, cette tendance devrait s'inverser cette année, brisant une règle implicite entre l'administration et les syndicats, en dehors de tout souci pédagogique et en contradiction flagrante avec toutes les études scientifiques et les déclarations des prédécesseurs du ministre.

Le 22 janvier, via le collectif L'Education est notre avenir, les syndicats ont appelé à une journée d'actions contre ce "budget de pénurie". La journée "prendra des formes variées dans les départements", précise-t-on du côté des syndicats, qui regrettent en privé le manque de mobilisation chez les enseignants depuis quelques années et cherchent de nouvelles formes de résistance.

"Les gens ont tendance à se replier sur eux-mêmes, sur leur discipline, sur leur établissement", regrette une ancienne du Snes, principal syndicat des collèges et lycées. "Les personnels attendent de moins en moins l'accord des syndicats pour agir", observe Thierry Cadart, secrétaire général du Sgen-CFDT.

Ce qui s'est passé à Saint-Etienne-Vallée-Française illustre ces propos à merveille. Dans ce village de cinq cent trente habitants perdu au fond d'une vallée cévenole, des parents et un enseignant à la retraite se sont battus pendant plusieurs mois pour conserver une troisième classe dans l'école du village après la suppression d'un poste d'enseignant. Bravant l'inspection d'académie de Lozère et la gendarmerie, ils ont décidé de monter une classe alternative, illégale selon les autorités, légitime pour les parents d'élèves et Jean-Pierre Hours, l'instituteur à la retraite qui, pour l'occasion, a repris du service après trentesept années d'enseignement dans les Cévennes.

"C'est un combat isolé dans un village isolé. Nous, on ne peut pas bloquer une grande route. On a juste pris le relais de l'Education nationale", témoigne-t-il. Début janvier, l'aventure a dû cependant s'arrêter. Trop de pressions, trop de menaces, l'inspecteur d'académie promettant notamment à tous les élèves de cycle 3 (c'est-à-dire le CM2) le redoublement. Pour lui, "l'enseignant est à la retraite et n'a plus de qualité pour enseigner".

"Je n'avais aucune honte à être placé en garde à vue pour défendre l'école"

Cet avis peut se comprendre dans la perspective de la lutte contre la réforme des retraites mais ne correspond guère aux projets mis en oeuvre par son ministre, Luc Chatel, qui déclarait devant le Sénat le 30 novembre : "Dans l'académie d'Orléans-Tours, cent quarante-six retraités ont été recrutés. Le fait qu'un jeune retraité de l'Education nationale vienne donner quelques heures de cours en remplacement d'un professeur absent me semble entrer parfaitement dans le cadre du lien entre les générations." Si le ministre le dit !

A Saint-Etienne-Vallée-Française, Jean-Pierre Hours se dit déçu, mais pas amer : "Je n'avais aucune honte à être placé en garde à vue pour défendre l'école, mais on ne peut pas mettre en danger la scolarité des élèves. Le combat qu'on a mené, on l'a perdu, mais le simple fait de dire 'Non, ça suffit', c'est déjà une grande victoire."

"Supprimer des postes, ça ne donne pas confiance aux enseignants. Les mesures de carte scolaire (ici, la répartition des suppressions de poste - ndlr) sont bien réelles, mais touchent aussi au moral et au symbolique. On leur envoie de mauvais signes", observe l'historien de l'éducation Claude Lelièvre.

"On nous rajoute sans cesse des missions supplémentaires dans et en dehors de notre temps de service. Je suis loin des 35 heures de travail, mais le problème n'est pas là. Je crois à l'intérêt pédagogique des projets. L'avenir des enfants me passionne, mais on nous demande de faire beaucoup avec très peu et surtout sans direction", confirme Florent, professeur dans un collège de l'ancien bassin minier du Pas-de-Calais. Professeur principal engagé dans divers projets pédagogiques, il ajoute :

"Ça finit par devenir démotivant. Si ça continue, beaucoup d'enseignants réfléchiront à une reconversion. Ne serait-ce que pour ne pas devenir des professeurs acariâtres."

"On perçoit le désenchantement général des acteurs, des enseignants surtout, depuis une dizaine d'années et cela s'est vraiment accentué pendant le mandat de Xavier Darcos, résume Bruno Suchaut, chercheur en sciences de l'éducation et président de l'Iredu (Institut de recherche sur l'éducation) à l'université de Bourgogne. Les réformes se sont succédé, incompréhensibles et incohérentes pour les acteurs de terrain. Ils n'ont pas compris la logique d'une politique éducative."

Fin décembre, le ministère a publié le nombre de candidats aux concours enseignants : avec 21 000 étudiants contre 38 249 l'année précédente dans le second degré et 18 000 candidats contre 34 952 un an avant dans le primaire, la baisse est vertigineuse.

Grégory Danel


on trouve de plus en plus d'articles sur la débacle de l'EN. J'ai l'impression que les gens commencent enfin à ouvrir leurs yeux - un peu - sur ce qui arrive.

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phenicia
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par phenicia Jeu 27 Jan - 8:42
Ysabel a écrit:
on trouve de plus en plus d'articles sur la débacle de l'EN. J'ai l'impression que les gens commencent enfin à ouvrir leurs yeux - un peu - sur ce qui arrive.

Comme je souhaiterais que tu aies raison, mais il y a des jours comme en ce moment où il c'est dur de rester optimiste; quand tu lis les différents commentaires d'articles sur le net qui traitent de ce sujet ..... pale
Ruthven
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par Ruthven Jeu 27 Jan - 9:04
ysabel a écrit:
on trouve de plus en plus d'articles sur la débacle de l'EN. J'ai l'impression que les gens commencent enfin à ouvrir leurs yeux - un peu - sur ce qui arrive.

Il y a une fenêtre médiatique en ce moment sur le dysfonctionnement des services publics liés, non plus aux fonctionnaires ou à la lourdeur du système, mais bien à la pénurie budgétaire, tant pour la justice, la police, Pole Emploi que pour l'EN.
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Invité
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par Invité Jeu 27 Jan - 9:13
il ne faut pas lire les commentaires sur les sites de presse.
Pseudo
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Demi-dieu

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par Pseudo Jeu 27 Jan - 9:24
Ce que j'entends aussi, ce sont les gens qui disent que c'est partout pareil. Partout les gens sont écrasés, exploités, humiliés. Avec, à l'autre bout, les exploiteurs qui appliquent la technique du "sauve-qui-peut" et se paye sur les dépouilles.
Au delà de l'école, c'est notre société qui est psychopathe.
Reine Margot
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Demi-dieu

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par Reine Margot Jeu 27 Jan - 9:27
Ruthven a écrit:
ysabel a écrit:
on trouve de plus en plus d'articles sur la débacle de l'EN. J'ai l'impression que les gens commencent enfin à ouvrir leurs yeux - un peu - sur ce qui arrive.

Il y a une fenêtre médiatique en ce moment sur le dysfonctionnement des services publics liés, non plus aux fonctionnaires ou à la lourdeur du système, mais bien à la pénurie budgétaire, tant pour la justice, la police, Pole Emploi que pour l'EN.

je trouve aussi que le traitement de ces sujets montre de plus en plus les choses telles qu'elles sont, on ne pointe plus du doigt les profs sans cesse comme feignants, on montre bien les effets concrets de la pénurie.
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