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John
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Médiateur

LP : 15400 euros pour "enluminer la cour" Empty LP : 15400 euros pour "enluminer la cour"

par John Sam 26 Mar 2011 - 10:16
http://lycee-electrique.blog.lemonde.fr/2011/03/

Dix-neuf élèves et un artiste : une autre image du lycée pro

À Goussainville (Val d’Oise), c’est l’architecture banale d’un bloc de béton nu mangé par l’humidité, ceinturé d’une barrière métallique d’un même gris, qui accueille chaque matin 160 professeurs et 1400 lycéens des sections générale, technologique et professionnelle. Le lycée « Romain Rolland » ressemble un peu à une prison. L’établissement semble être conçu à la fois pour contenir des rebelles et s’en protéger. La cour d’honneur- une chape de ciment et quatre bancs faits du même matériau - n’est qu’un lieu de passage. À l’intérieur, des dispositifs ont été mis en place pour prévenir la violence potentielle : les portes des salles de cours- qui ne s’ouvrent pas sans clé - sont percées d’un hublot et des caméras de vidéosurveillance secondent l’œil des surveillants. « On dirait Prison Break ici ! » ironise une jeune prof. Classé ZEP, zone sensible, zone prévention violence, le lycée traîne sa mauvaise réputation en queue des palmarès.

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Le « Projet Kersalé »

« En réalité, Romain Rolland n’est pas vraiment différent des autres lycées, affirme la nouvelle proviseur, Mme Benbassa, « il faut changer l’image de l’établissement ». Mission confiée à Mehdi, Victor, Abdoulaye, Jordan, Bokari, Ayoub et les treize autres élèves d’une classe de première de la filière « Bac pro » spécialité électrotechnique, les 1 BELEEC.

Ils doivent transformer la cour de béton brut en une œuvre d’art lumineuse. Ils n’ont qu’une année scolaire pour tout réaliser, du dessin au câblage. Ils ont choisi pour thème les étoiles, « parce que ça représente l’infini ». Yann Kersalé, grand plasticien qui utilise la lumière comme matière première, est l’atout du projet, et sa caution médiatique. Il a accepté d’aider les 1 BELEEC dans leur travail. Sur le site Internet du lycée, cette initiative s’appelle « Illumine ta compétence », mais quand ils en parlent entre eux les élèves et les professeurs ne disent plus que « le projet Kersalé ».

« Classes dangereuses »

Avec un tel parrainage, ravaler la façade et enluminer la cour permettra surtout de redorer le blason des lycéens. Il s’agit de motiver des élèves estampillés « classes dangereuses » et particulièrement ceux de la section professionnelle souvent dévalorisée. Pour l’instant, ça marche.

« Ce projet va fermer la bouche à pas mal de personnes », lance Victor, élève de 1 BELEEC, « on va leur montrer qu’on peut faire de belles choses avec la lumière ». Le projet a un certain succès en classe. Si tout se passe bien, le 21 juin 2011, le pavé et le fronton du lycée seront constellés de points lumineux comme sur les planches de recherche dessinées par les élèves. Et les 1 BELEEC auront une plaque gravée de leurs noms.

Zoé Lamazou

22 mars 2011
Des nouvelles du “projet Kersalé”

C’est imperceptible. On ne le remarque pas tout de suite. Certains ne le verront peut-être jamais car tout autour le paysage est figé: un bloc de béton impose sa masse opaque en travers d’un ciel gris. Mais il manque une lettre capitale au fronton du lycée de Goussainville. L’établissement s’appelle désormais Romain Rollan, et non plus Romain Rolland.

Le lycée avait pourtant douze lettres d’avance : Z, E et P, pour Zone d’Education Prioritaire, ou A, P et V pour Affectation Prioritaire à Valoriser, et encore Z et S pour Zone Sensible, et enfin Z, P et V pour Zone Prévention Violence.

Il a fallu que Romain Rolland perde la mauvaise majuscule et, de ce fait, son véritable patronyme. Pourquoi cette ablation ? L’enlèvement de la lettre D fait partie d’un plan plus vaste : « le projet Kersalé » , ou l’illumination de la cour par une classe de première professionnelle, section électrotechnique, avec le parrainage de l’architecte et artiste Yann Kersalé.

Constellation

Les élèves de la classe 1 BELEEC ont bien avancé sur leur ouvrage jusqu’en février. L’essentiel du travail a été réalisé en cours d’arts appliqués . En dessins et en maquette, ils ont placé LED et autres lampes à interrupteur crépusculaire sous les bancs, aux quatre coins des allées, dans les branches de buissons de ferraille qu’ils ont inventés, le long du mât où est censé flotter le drapeau français… Les lettres du fronton seront percées de dizaines de petits trous et la lumière jaillira de ces empiècements pour figurer une constellation.

maquette de la cour du lycée - photo : Marie Augustin

Ristournes

En attendant, la lettre D- qui a servi de témoin- est posée dans un coin du bureau de M. Bonnet, le chef des travaux du lycée, conseiller technique du chef d’établissement. Avec M. Vallat, son assistant, il veille à la bonne marche des sections professionnelle et technique du lycée polyvalent Romain Rolland. Cette année, il a été nommé chef du projet Kersalé. Pendant que les 1 BELEEC dessinent installation artistique et câblage, messieurs Bonnet et Vallat se chargent de la paperasse: les commandes de matériel. Le budget du projet Kersalé est équivalent au budget d’une année de fonctionnement technique de filières pro et technique, environ 15 400 euros. La région Ile de France a fourni l’essentiel des subventions, l’Education nationale n’a déboursé que 400 euros. Le lycée voulait consacrer plus à l’illumination, mais n’espère plus de sponsors. Il faut donc négocier, profiter des dons ou ristournes des fournisseurs habituels, des remises accordées par les grossistes amis de l’atelier Kersalé sur simple coup de fil du « maître ».

Charbon

Outre la disparition de la première lettre, un indice très discret de la matérialisation du projet est l’apparition d’une petite armoire de commande pirate accrochée à une plus grosse armoire dans le local de l’ancienne loge. Cette boîte connectée en amont de la principale, lui volera un peu de courant pour alimenter l’installation des 1 BELEEC. Un jeudi, précédés de leur enseignant en costume cravate, trois élèves de la classe sont sortis en blouse bleue de l’atelier d’électrotechnique pour préparer la connexion. Bokari, Murat et Jordan ont dépecé la loge, soulevant une à une les plaques du faux plafond pour repérer les chemins de câbles déjà en place, qui serviront de guide pour faire passer les fils électriques de leur œuvre. Dans le hall, les potes des autres classes se marraient en avisant le bleu. Jordan a répondu sur un ton nonchalant : « Charbon … »

Quatre semaines

La cour ne sera inaugurée que le 21 juin mais en réalité il reste moins de quatre semaines aux 1 BELEEC pour faire le gros du travail: câbler et brancher. Après, ils quitteront le lycée pour leurs lieux de stages. Cette perspective de laisser leur projet en cours de route ne les déçoit pas du tout. Ils savent que d’autres classes prendront le relais : « Les terminales vont terminer ! » Les élèves serruriers métalliers sont aussi sur le coup pour la conception des buissons ardents.

Après l’émulation de la période de création, l’intérêt pour le projet est un peu retombé en classe de 1 BELEEC. Certains élèves reconnaissent que le projet leur a plu. « Le projet nous a permis de rencontrer de nouvelles personnes et ça nous a appris plein de choses », affirme Mehdi, « faire une maquette : je ne savais pas, il y a aussi plein de choses en électricité qu’on sait faire maintenant, comme programmer par exemple. » « Le projet, au moins, ça nous fait un objectif », ajoute Bilel. Mais d’autres sujets de préoccupation se sont vite imposés cette année: les révisions pour le BEP que près de la moitié de la classe doit repasser, les stages que certains n’ont pas encore obtenus et la suite : après le BAC , alternance ou pas ?

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