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Hervé Hervé
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"Culture générale" et sélection. Empty "Culture générale" et sélection.

par Hervé Hervé Lun 16 Avr 2012 - 10:46
La question a déjà été abordée, mais le monde apporte un nouvel éclairage.
http://www.lemonde.fr/enseignement-superieur/article/2012/04/15/la-culture-generale-outil-de-selection-rouille_1684688_1473692.html
La culture générale, outil de sélection rouillé
LE MONDE CULTURE ET IDEES | 15.04.2012 à 14h49 • Mis à jour le 15.04.2012 à 14h57

Par Anne Chemin


Des grandes écoles, dont Sciences Po, suppriment de leur examen d'entrée la dissertation de culture générale. | AFP / Martin Bureau
Lorsqu'on évoque le spectre de la disparition de la "culture générale", Françoise Melonio soupire. Depuis quelques mois, cette professeure de littérature à la Sorbonne, qui a publié une histoire culturelle de la France aux XVIIIe et XIXe siècles, passe aux yeux des puristes pour une fossoyeuse de la culture générale : elle est la doyenne du collège universitaire de Sciences Po, qui vient de supprimer cette épreuve de l'examen d'entrée. Ulcérés, des intellectuels ont dénoncé un acte "suicidaire" qui "coupe nos enfants des meilleures sources du passé". "En bannissant des écoles, petites ou grandes, les noms mêmes de Voltaire et de Stendhal, d'Aristote et de Cicéron, ces "visionnaires" ne seraient-ils pas en train de compromettre notre avenir ?", demandent Régis Debray, Marc Fumaroli, Michel Onfray, Jean d'Ormesson, Erik Orsenna et Philippe Sollers.

Cette croisade menée au nom des humanités classiques laisse Françoise Melonio perplexe : avec cette réforme, Sciences Po estime au contraire avoir recentré l'examen d'entrée sur les fondamentaux. La dissertation d'histoire a été maintenue et les candidats devront passer un oral de langue ainsi qu'une épreuve écrite de mathématiques, de sciences économiques et sociales ou de littérature-philosophie - le commentaire d'un texte de Stendhal ou de Gracq l'année dernière, de Proust ou Chateaubriand la précédente. "La littérature ne fait-elle pas partie de la culture générale ?", sourit Françoise Melonio. Ces épreuves ont été complétées par un oral portant sur les goûts intellectuels des candidats et par l'examen de leur dossier scolaire depuis la classe de seconde. "Il permet de vérifier la cohérence de leur parcours et d'atténuer l'effet parfois aléatoire des épreuves écrites", explique-t-elle.

UNE "CULTURE DE OUÏ-DIRE"

Si la fameuse dissertation d'"ordre général" a été supprimée, c'est après une longue réflexion sur ses effets pervers : cette épreuve encourage, selon Françoise Melonio, une "culture de ouï-dire" un peu creuse. "Elle est adaptée à des étudiants qui ont deux ou trois ans d'études supérieures et beaucoup de lectures derrière eux, explique-t-elle. Mais lorsqu'ils se présentent à Sciences Po, en mars, les candidats ont 17 ou 18 ans, ils sont en terminale et ils ont fait à peine six mois de philosophie. Du coup, ils n'ont pas lu grand-chose et beaucoup de copies ressemblent à des blocs de cours reliés plus ou moins astucieusement les uns aux autres. Nous préférons une culture de première main faite de lectures approfondies à une culture de morceaux choisis ou de name dropping élaborée à partir de fiches."

Si les défenseurs de la "culture générale" se sont mobilisés avec tant de passion contre la réforme de Sciences Po, c'est qu'ils savent que, depuis quelques années, le vent ne leur est guère favorable. L'Ecole normale supérieure de Lyon vient ainsi de remplacer l'oral de "culture générale littéraire et artistique" du concours d'entrée par un exposé portant sur six ouvrages de recherche qui ont marqué les lettres ou les sciences humaines. "L'épreuve de culture générale se résumait souvent à des lieux communs un peu standardisés bachotés en classe préparatoire, affirme le président de l'ENS de Lyon, Jacques Samarut. Le nouvel oral devrait favoriser un travail de fond et une réflexion personnelle sur les oeuvres. L'esprit a changé : il ne s'agit pas de réciter une fiche ou de connaître des citations, mais de présenter une lecture critique d'un texte important."

LA PRINCESSE DE CLÈVES


Au cours des cinq dernières années, la fonction publique a, elle aussi, pris ses distances avec la "culture générale". Nicolas Sarkozy avait estimé, en 2007, que seuls des sadiques ou des imbéciles avaient pu inscrire La Princesse de Clèves, de Mme de La Fayette, au programme du concours d'attachés d'administration. Un an plus tard, son ministre de la fonction publique, André Santini, dénonçait l'"élitisme stérile" du recrutement des fonctionnaires : "Les épreuves de culture générale ont été dévoyées et elles servent maintenant à coller les candidats. On pose des questions trop académiques et ridiculement difficiles qui n'indiquent rien des réelles aptitudes à remplir un poste. A quoi cela sert-il d'avoir une épreuve d'histoire pour les pompiers ?"

A Sciences Po, à l'ENA, dans les grandes écoles de commerce et la plupart des concours administratifs, la "culture gé" a longtemps constitué un rituel incontournable. La plupart des sujets se présentent sous la forme d'une question : "La beauté sauvera-t-elle le monde ?" (Ecole nationale de la magistrature, 2008), "La République peut-elle encore faire confiance au progrès pour rester fidèle à elle-même ?" (ENA, 2004), "L'imagination, est-ce la liberté de pensée ?" (écoles de management, 2011). Les candidats sont priés de rédiger une longue dissertation "à la française" avec une introduction en entonnoir, un plan en deux ou trois parties, une conclusion. Cet exercice rhétorique est extrêmement codifié : les correcteurs admettent sans difficulté que le style compte pour beaucoup, que le plan est essentiel et qu'ils apprécient les références culturelles et les citations de grands hommes.

UN MODE DE RECRUTEMENT TRÈS FRANÇAIS

La dissertation de " culture gé " ne concerne pas uniquement les grandes écoles qui forment les élites du pays : en France, la plupart des candidats à la fonction publique doivent se plier à ce rituel. Il y a cinq ans, le concours de secrétaire administratif du ministère de l'intérieur imposait ainsi une dissertation de trois heures sur "un sujet d'ordre général relatif aux problèmes économiques, sociaux et culturels du monde contemporain" : "Peut-on dire en 2007 que la femme est un homme comme les autres ?"

Les intellectuels étrangers regardent cet exercice très français avec une stupéfaction amusée : rares sont ceux qui comprennent qu'un pays sélectionne ses fonctionnaires et ses élites en leur demandant de formuler dans une dissertation de grandes idées générales puisées dans la littérature, la philosophie, l'histoire ou les arts. Beaucoup moquent même ce goût pour l'abstraction qui, selon eux, frôle la cuistrerie. "La dissertation de culture générale est un mode de recrutement propre à la France, constate Dominique Meurs, professeure d'économie à l'université de Nanterre et chercheuse à EconomiX et à l'Institut national d'études démographiques (INED). Les autres pays embauchent généralement leurs fonctionnaires sans concours, à travers des entretiens d'évaluation qui permettent de mesurer, non les connaissances académiques, mais les compétences professionnelles des candidats."

LE DÉBAT D'IDÉES, UNE RELIGION


Nos voisins se moquent, mais les défenseurs de la dissertation de "culture gé" n'en ont cure : pour eux, cet exercice permet aux étudiants de développer une réflexion élaborée et documentée. "La France est construite sur une religion : les élites doivent être formées au débat d'idées, explique l'écrivain Xavier Patier, directeur de la Documentation française. La forme joue, il est vrai, un rôle important, mais c'est normal : l'élégance du style est une façon de respecter le lecteur, tout comme les manières, à table, sont marque de respect pour les convives. La dissertation de culture générale repose sur des raisonnements un peu formels, mais elle permet aux étudiants de mobiliser leurs connaissances historiques, littéraires, philosophiques ou artistiques au service d'une vision du monde. C'est un effort qui correspond à notre modèle culturel et qui nous arme face à la mondialisation."

Les responsables des grandes écoles de management estiment, eux aussi, que la culture générale est un bon outil de sélection, ne serait-ce que parce que les entreprises le demandent. "Il s'agit d'un élément incontournable de la formation des cadres, précise Thierry Debay, directeur des admissions et concours des 25 écoles de management réunies dans la Banque commune d'épreuves. Savoir contextualiser une réflexion, posséder des capacités de discernement, organiser une pensée, cela peut être utile quand on lance un produit en permettant, par exemple, de faire la distinction entre l'essentiel et l'accessoire. La culture générale est aussi un atout dans un monde où l'ouverture d'esprit est valorisée : elle est une couche de vernis indispensable à la coloration intellectuelle d'une carrière."

La culture générale paraît en outre essentielle à tous ceux qui dénoncent les ravages de l'hyperspécialisation : en puisant dans plusieurs disciplines, en se hissant au-dessus des connaissances professionnelles, la culture générale permet, selon eux, d'échapper à la technicisation croissante du monde contemporain. Pour les philosophes Chantal Delsol et Jean-François Mattéi, ce savoir partagé est la marque de l'"honnête homme, qui, selon Diderot, agit en tout par raison". "Avec la suppression de la culture générale, nous risquons de former des esclaves qui ne lisent rien, qui ne sont pas au courant, qui appliquent simplement, scotchés à leur ordinateur, la perspective technique de la mise en coupe technique de l'humanité qui est en cours d'une façon absolument mondiale", ajoute l'écrivain Philippe Sollers.

"ÉCLATEMENT DES SAVOIRS"

Françoise Melonio entend cette inquiétude, même si elle n'en tire pas les mêmes conclusions. "Nous assistons, c'est vrai, à un éclatement progressif des savoirs, constate la doyenne du collège universitaire de Sciences Po. Dans ce contexte, la consolidation d'une culture commune est indispensable, car elle permet de lutter contre l'émiettement du monde. Nous estimons, à Sciences Po, que, à 17 ans, la culture générale n'est pas un bon outil de sélection ; mais nous souhaitons en revanche qu'elle irrigue l'ensemble du travail des étudiants. Nous proposons donc un cursus généraliste qui aborde les questions communes sous l'angle de plusieurs disciplines et nous imposons, en première et deuxième année, des cours d'humanités et des ateliers artistiques (théâtre, architecture, danse, cinéma, écriture, musique) qui mêlent réflexion théorique, sens critique et pratique d'une discipline."

Si la dissertation de culture générale est décriée, c'est en raison du caractère rhétorique d'une épreuve un brin désuète qui encourage souvent les étudiants à formuler des idées superficielles en les agrémentant de quelques citations. Nul besoin de révisions approfondies ou d'un travail de fond sur un programme, comme en français, en histoire ou en philosophie : la dissertation de culture générale, qui ne se nourrit pas de connaissances à proprement parler, picore souvent ici et là des références puisées dans de courtes fiches. Les forums étudiants du Net montrent d'ailleurs que les candidats maîtrisent fort bien les ficelles de l'exercice : l'essentiel, disent-ils, est de masquer ses lacunes, de faire un plan "à la française " et de parsemer sa copie de références culturelles, même mal maîtrisées.

En France, la " culture générale " n'a d'ailleurs de générale que le nom : elle méconnaît des pans entiers de l'univers du savoir. La littérature, la philosophie, l'histoire et les arts sont fortement privilégiés, mais la culture scientifique, les savoirs techniques, la sociologie, l'anthropologie, l'histoire économique, les sciences de la nature, de l'environnement ou de la santé sont regardés avec une certaine condescendance. "La culture, comme le "bon goût", n'est pas une notion objective déposée au Bureau international des poids et mesures de Sèvres, sourit Marie Duru-Bellat, sociologue à Sciences Po. Elle dépend évidemment de ceux qui en définissent les contours. En France, nous avons une conception plutôt élitiste et traditionnelle de la culture générale, et nous sélectionnons nos futurs dirigeants sur ces critères. Le mépris des savoirs empiriques et scientifiques est pourtant regrettable : dans un monde où les questions d'environnement sont centrales, la culture scientifique, ce n'est pas un détail !"

LES "BONS CODES"


Est-ce en raison de cette tradition de lettrés ? La dissertation de culture générale est, du point de vue social, l'une des épreuves les plus discriminantes qui soient. "Elle élimine tous ceux qui n'ont pas les bons codes, souvent hérités du milieu familial, expliquait en 2008 le ministre de la fonction publique, André Santini. C'est une forme de discrimination invisible. Or, la fonction publique doit jouer son rôle d'ascenseur social, d'intégration et se montrer à l'image de la population." Beaucoup d'intellectuels contestent cette idée - "la culture générale n'est d'aucun pays et d'aucune classe sociale", affirment ainsi Chantal Delsol et Jean-François Mattéi -, mais les résultats des recherches scientifiques sont sans ambiguïté : la dissertation de culture générale "à la française" est un puissant facteur d'exclusion sociale.

En 2008, trois chercheurs de l'INED (Mireille Eberhard, Dominique Meurs et Patrick Simon) ont analysé le parcours de 1 800 candidats au concours des instituts régionaux d'administration, qui forment les attachés. Les deuxièmes générations de l'immigration réussissent les notes de synthèse aussi bien que les autres candidats, mais elles trébuchent sur la dissertation de culture générale : elles obtiennent en moyenne une note de 8,4 sur 20, contre 9,1 pour les "natifs". "Même ceux qui ont suivi une préparation au concours ne rattrapent pas le niveau, alors qu'ils progressent dans les autres matières, observe Dominique Meurs. Comme si la culture générale relevait non pas de connaissances ou de capacités de raisonnement acquises à l'école, mais de quelque chose d'indicible qui se transmet dans le milieu social."

Dans les concours d'entrée des écoles de management, les boursiers semblent, eux aussi, partir avec un handicap : l'étude des 150 000 notes du concours 2010 montre qu'ils affichent un retard de 0,9 point en "culture gé" - moins qu'en langue ou en maths, mais plus qu'en économie ou en dossier de synthèse. Pour les sociologues, cette difficulté est liée au fait qu'ils manient mal les "codes" d'une épreuve où les manières comptent au moins autant que le fond. "La dissertation de culture générale fait appel à une tournure d'esprit, une assurance, un goût pour l'abstraction, une façon de présenter ses idées, de mettre la bonne citation au bon endroit, qui s'apprend dans les milieux favorisés, poursuit Dominique Meurs. Cette aisance est le fruit d'un apprentissage culturel, au même titre que la façon de se tenir à table."

LIMITER L'EFFET SÉGRÉGATIF


Pour lutter contre cette discrimination invisible, le gouvernement a engagé en 2008 une révision générale des concours de la fonction publique. Inspirée par le rapport de deux inspecteurs généraux de l'administration, Corinne Desforges et Jean-Guy de Chalvron - dédié à "Marie-Madeleine de La Vergne, comtesse de La Fayette, et à la princesse de Clèves" -, cette réforme a touché plus de 420 concours. "Les longues dissertations générales favorisaient les candidats issus de milieux favorisés et avaient peu de rapport avec le métier exercé plus tard, explique-t-on au cabinet du ministre de la fonction publique, François Sauvadet. Nous privilégions désormais les études de cas, les notes de synthèse, les mises en situation, qui permettent de mesurer non un bagage culturel mais de réelles aptitudes professionnelles. Cela correspond à une attente de l'Etat, mais aussi des usagers."

Pour limiter l'"effet ségrégatif" des épreuves de culture générale, Salima Saa, la présidente de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, propose, elle, que les épreuves de culture générale s'appuient désormais sur un programme clairement défini. C'est ce que font déjà les 25 écoles de management réunies dans la Banque commune d'épreuves, qui choisissent tous les ans un thème de réflexion étudié en classe préparatoire : la beauté en 2009, la vie en 2010, l'imagination en 2011. "Ces cours leur permettent d'acquérir des repères intellectuels qui les aident à rédiger leur dissertation de culture générale, souligne Thierry Debay, le directeur des admissions et concours de la Banque commune d'épreuves. Mais le système éducatif est implacable : en France, la discrimination sociale commence très tôt, dès le primaire. Il est difficile de redresser la situation aussi tardivement."

L'école française est, il est vrai, une championne des inégalités sociales : la dernière enquête PISA (Programme international pour le suivi des élèves), qui date de 2009, montre que, malgré tous les grands discours sur l'égalité républicaine, le poids du milieu économique et social de l'enfant pèse plus lourdement en France qu'ailleurs : la "variance" liée aux origines sociales atteint 16,7 % dans l'Hexagone, contre seulement 6,2 % en Islande, 7,8 % en Finlande, 8,6 % au Canada, 11,8 % en Italie, 13,7 % au Royaume-Uni, 14,5 % au Danemark. Le travail d'ouverture sociale mené par Science Po sous la direction de Richard Descoings est évidemment utile - en treize ans, le pourcentage d'enfants d'ouvriers a triplé, passant de 1,5 à 4,5 % -, mais il intervient à un âge où les destins sociaux sont, pour l'essentiel, déjà joués. Comme le signale l'ex-président de la Conférence des grandes écoles, Alain Cadix : "L'ascenseur social ne démarre pas au quinzième étage !"

Anne Chemin

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« Et je demande aux économistes politiques, aux moralistes, s’ils ont déjà calculé le nombre d’individus qu’il est nécessaire de condamner à la misère, à un travail disproportionné, au découragement, à l’infantilisation, à une ignorance crapuleuse, à une détresse invincible, à la pénurie absolue, pour produire un riche ? » (Almeida Garrett cité parJosé Saramago).
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par Presse-purée Lun 16 Avr 2012 - 10:56
Article de glorification des réformes actuelles qui ont cours dans tous les pays, qui visent à enfermer les classes populaires dans le destin social qui leur est imposé pendant qu'une infime partie de la population se goberge des richesses créées par tous.
C'est par les savoirs, leur compréhension, leur accumulation raisonnée qu'on se libère et qu'on devient autonome.

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par Collier de Barbe Lun 16 Avr 2012 - 11:03
Franchement voir des prof de lettres regrettez l'épreuve de culture générale me sidère un peu.
Je l'ai préparée, j'ai passé plusieurs de ces concours et franchement c'est pas glorieux! Comme le dit l'universitaire de l'IEP "la dissertation de culture générale, qui ne se nourrit pas de connaissances à proprement parler, picore souvent ici et là des références puisées dans de courtes fiches" bref c'est l'apprentissage du pipeau.
Je trouve que l'on devrait au contraire se battre pour des épreuves avec un vrai contenu.


Dernière édition par Collier de Barbe le Lun 16 Avr 2012 - 11:10, édité 1 fois (Raison : pour)

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par John Lun 16 Avr 2012 - 11:06
Je trouve que l'on devrait au contraire se battre des épreuves avec un vrai contenu.
Il est drôle, ce lapsus Wink

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par Collier de Barbe Lun 16 Avr 2012 - 11:11
John a écrit:
Je trouve que l'on devrait au contraire se battre des épreuves avec un vrai contenu.
Il est drôle, ce lapsus Wink

Edité, je relirai mieux la prochaine fois

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par Iphigénie Lun 16 Avr 2012 - 11:32
C'est curieux ce mépris des "couches sociales défavorisées":
incapables d'accéder à la culture générale: et pourquoi? trop cons? un Camus y est bien arrivé lui, et tant d'autres, qui n'ont pas forcément décroché le nobel, mais quand même...
Il est vrai que c'est plus facile de supprimer l'épreuve que de l'enseigner correctement, ça, oui.
Remplacer la dissertation par un entretien?
Eh ben un Modiano n'est pas là d'avoir son bac ...
Un oral est bien plus discriminant que l'écrit en fait. Ça discrimine sur les émotions au lieu de discriminer sur les connaissances: beau progrès.
Et mesurer la validité de l'épreuve dans un concours de commerce n'est pas très honnête nn plus: il faudrait voir aussi la part de travail et d'investissement des étudiants pour cette épreuve....
Schéhérazade
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par Schéhérazade Lun 16 Avr 2012 - 12:38
J'aimerais bien que l'auteur de l'article cite le nom de ces "intellectuels étrangers" qui regardent avec une "stupéfaction amusée" notre modèle...article de propagande qui veut discréditer le point de vue des tenants de la culture générale en le caricaturant et en passant un certain nombre de faits sous silence. Notamment le fait que les classes populaires accédaient davantage aux grandes écoles il y a quarante ans, alors que la culture générale était prise en compte dans les concours. Il n'y a qu'à voir le vocabulaire employé pour discréditer: "le débat d'idées, une religion". Bien évidemment pour l'auteur de l'article, il n'y a pas de débat légitime d'idées sur le sujet qu'elle traite: Marie Duru Bellat et consorts incarnent le Bien, la Raison, et Fumaroli ou Debray la Réaction. Ils sont des égarés ridicules dont les craintes font "sourire" Marie Duru Bellat. Parce qu'évidemment, elle est bien plus savante qu'eux.
Ce n'est pas un mépris seulement des classes populaires, Iphigénie. C'est un mépris de la culture tout court, assimilée par Marie Duru Bellat, citée dans l'article, à la culture bourgeoise, à un ensemble de "codes" purement formels.
Les propos de Santini, hélas, quant à l'attente de l'Etat et prétendument des usagers (on leur a demandé leur avis?) confirment en tout point les inquiétudes de Sollers sur les bataillons d'"esclaves qui ne lisent rien" voulus par le pouvoir. Nous avons affaire à une révolution culturelle larvée, qui prend pour prétexte l'égalité, qui n'est pas sa véritable fin. Sinon on poserait le problème autrement: comment transmettre réellement une culture générale à tous à partir du primaire.
Je trouve terrifiant que Marie Duru Bellat aient davantage l'oreille du pouvoir que Fumaroli en la matière.
Collier de Barbe
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par Collier de Barbe Lun 16 Avr 2012 - 12:40
"Notamment le fait que les classes populaires accédaient davantage aux grandes écoles il y a quarante ans, alors que la culture générale était prise en compte dans les concours" pourriez vous sourcer cette affirmation s'il vous plaît? merci

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par John Lun 16 Avr 2012 - 12:49
"Notamment le fait que les classes populaires accédaient davantage aux grandes écoles il y a quarante ans, alors que la culture générale était prise en compte dans les concours" pourriez vous sourcer cette affirmation s'il vous plaît? merci
En proportion, oui.
Il faut retrouver les stats, mais elles sont officielles : la part des élèves de classes populaires et moyennes en grandes écoles est inférieure à celle d'il y a une quarantaine d'années.

Pour ça, d'ailleurs, que Descoings a instauré les conventions ZEP en 2001. Mais, si on est oppsoé aux conventions ZEP, on dira que c'est juste une manière de truquer les chiffres en réservant des places à quelques-uns parmi ceux qu'on exclut de toute façon :/

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par Presse-purée Lun 16 Avr 2012 - 13:07
Ce n'est pas la forme de l'épreuve que je défends, mais je suis assez atterré de voir la campagne de presse menée contre la culture gé actuellement.
Comme si connaître des faits n'aidait pas ensuite à faire de liens.

Par ailleurs, comment ensuite défendre un certain nombre de disciplines au lycée, quand l'institution nous demande de mettre en avant le fait que cela "serve" pour des épreuves de sélection dans le supérieur, alors qu'à côté la presse se gausse de l'inanité de ces parcours, alors qu'on valorise des compétences extra-scolaires, instrumentales et utilitaires définies non pas pour leur intérêt en soi mais pour leur soit-disant intérêt "dans la vraie vie", i.e. définies par l'économie (qui par définition nous veut du bien)?


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par Moonchild Lun 16 Avr 2012 - 16:34
En France, la " culture générale " n'a d'ailleurs de générale que le nom : elle méconnaît des pans entiers de l'univers du savoir. La littérature, la philosophie, l'histoire et les arts sont fortement privilégiés, mais la culture scientifique, les savoirs techniques, la sociologie, l'anthropologie, l'histoire économique, les sciences de la nature, de l'environnement ou de la santé sont regardés avec une certaine condescendance.
C'est pas complètement faux ça.
Presse-purée
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par Presse-purée Lun 16 Avr 2012 - 16:37
Ouip, malheureusement. (voir le bouquin de Normand Baillargeon dont je parlais dans un autre fil Liliane est au lycée. Est-il nécessaire d'être cultivé?)

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Carabas
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par Carabas Lun 16 Avr 2012 - 17:21
A la lecture de l'article, et en voyant le nom de Françoise Mélonio, je nuance quand même un peu. Il est vrai d'une part que la dissert de culture gé est devenue un peu fourre-tout, où il faut dire des choses attendues. Il suffit d'ouvrir un manuel préparant à ce type d'épreuve pour s'en rendre compte. On sait un petit peu de tout sur tout, on étale un joli vernis, mais en vrai, on ne sait rien.

Si la dissertation de culture générale est décriée, c'est en raison du caractère rhétorique d'une épreuve un brin désuète qui encourage souvent les étudiants à formuler des idées superficielles en les agrémentant de quelques citations. Nul besoin de révisions approfondies ou d'un travail de fond sur un programme, comme en français, en histoire ou en philosophie : la dissertation de culture générale, qui ne se nourrit pas de connaissances à proprement parler, picore souvent ici et là des références puisées dans de courtes fiches. Les forums étudiants du Net montrent d'ailleurs que les candidats maîtrisent fort bien les ficelles de l'exercice : l'essentiel, disent-ils, est de masquer ses lacunes, de faire un plan "à la française " et de parsemer sa copie de références culturelles, même mal maîtrisées.
C'est complètement ça.

Et ce n'est pas comme si toutes les épreuves étaient supprimées : Sciences po maintient d'autres épreuves disciplinaires qui ont peut-être plus de sens et de contenu.

Mais surtout, pour connaître F. Mélonio, je peux vous dire qu'elle défend âprement ce qu'on appelle la culture générale. C'est d'ailleurs quelqu'un qui a du mal à s'enfermer dans une matière, tant une discipline s'appuie sur une diversité d'autres. C'est quelqu'un d'imminemment cultivé. On apprend plus en une heure avec elle qu'en 3h avec d'autres. Je me dis que si une personne comme elle estime qu'il est nécessaire de recentrer des épreuves, ce n'est pas pour plaire au pince ni pour être dans le vent. Elle est même du genre à aller à contre-courant.

Bref, je me dis qu'avant de m'indigner (ce que j'ai fait, à l'annonce de cette nouvelle), je devrais peut-être réfléchir et voir de quoi on parle vraiment. En fait, on ne parle pas de la culture générale, mais d'une épreuve un peu mal fichue qui se prétend "épreuve de culture générale". Ce n'est pas tout à fait la même chose...
En fait, c'est l'épreuve telle qu'elle est pensée qui est rouillée, et non la culture générale en elle-même.

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Leclochard
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par Leclochard Lun 16 Avr 2012 - 19:32
Moonchild a écrit:
En France, la " culture générale " n'a d'ailleurs de générale que le nom : elle méconnaît des pans entiers de l'univers du savoir. La littérature, la philosophie, l'histoire et les arts sont fortement privilégiés, mais la culture scientifique, les savoirs techniques, la sociologie, l'anthropologie, l'histoire économique, les sciences de la nature, de l'environnement ou de la santé sont regardés avec une certaine condescendance.
C'est pas complètement faux ça.

C'est une remarque très juste. On a une hiérarchie implicite.

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Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. (W.B)
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"Culture générale" et sélection. Empty Re: "Culture générale" et sélection.

par Presse-purée Dim 27 Mai 2012 - 14:22
*remonte le topic*

un nouvel article sur le sujet, dans Madame Figaro

Entretien Danièle Sallenave / Marie Desplechin

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Homines, dum docent, discunt.Sénèque, Epistulae Morales ad Lucilium VII, 8

"La culture est aussi une question de fierté, de rapport de soi à soi, d’esthétique, si l’on veut, en un mot de constitution du sujet humain." (Paul Veyne, La société romaine)
"Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres". La Boétie
"Confondre la culture et son appropriation inégalitaire du fait des conditions sociales : quelle erreur !" H. Pena-Ruiz
"Il vaut mieux qu'un élève sache tenir un balai plutôt qu'il ait été initié à la philosophie: c'est ça le socle commun" un IPR
Condorcet
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par Condorcet Dim 27 Mai 2012 - 15:03
"N’est-ce pas une autre bonne définition de la culture générale ?
D. S. Elle permet de sortir de l’enfermement. Un enfant, autrefois, était enfermé dans le village, l’école, la maison, la cure. Aujourd’hui, il est enfermé dans la cité avec ses cassettes pornos – oui, ils me le disent, ils sont très libres – et ses jeux vidéo. Il n’a pas de vision sur le vaste monde.

M. D. On retient par désir. On retient si on a un projet personnel lié à cette connaissance. Cette fameuse culture générale permettait, par le biais des concours, de grimper socialement, d’aller vers un mieux. Aujourd’hui, ce n’est plus tellement le cas. Et notre société s’interroge."

Je pense aussi que, par diplomatie ou par pudeur, les deux écrivains interviewés n'évoquent pas le moindre prestige des sciences humaines et sociales ou plus généralement de l'épistémologie des sciences qui ont été évincées des grands médias et donc des horizons mentaux de beaucoup de nos concitoyens.
Presse-purée
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par Presse-purée Lun 4 Juin 2012 - 8:03
*remonte le topic*

Un article relance le débat dans Telerama. Marrant d'ailleurs, car il me paraît plus moquer la notion qu'autre chose ... mais il est construit comme une dissert'... bref.

Pour le lire, c'est là!!!

On peut aussi trouver quelques suppléments: de courtes tribunes de diverses personnalités (Bernard Stiegler, Pierre Tapie, président de l'ESSEC, Olivier Galland, sociologue ...) sur le sujet.

http://recherche.telerama.fr/recherche/recherche.php?ecrivez=culture+g%E9n%E9rale&go-rech=

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Homines, dum docent, discunt.Sénèque, Epistulae Morales ad Lucilium VII, 8

"La culture est aussi une question de fierté, de rapport de soi à soi, d’esthétique, si l’on veut, en un mot de constitution du sujet humain." (Paul Veyne, La société romaine)
"Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres". La Boétie
"Confondre la culture et son appropriation inégalitaire du fait des conditions sociales : quelle erreur !" H. Pena-Ruiz
"Il vaut mieux qu'un élève sache tenir un balai plutôt qu'il ait été initié à la philosophie: c'est ça le socle commun" un IPR
Raoul Volfoni
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"Culture générale" et sélection. Empty Re: "Culture générale" et sélection.

par Raoul Volfoni Lun 4 Juin 2012 - 10:48
Et si nous sommes sans doute individuellement moins lettrés que « l'honnête homme » du XVIIe siècle, nous sommes collectivement beaucoup plus cultivés que la France d'alors.

A la bonne heure ! :lol:

La théorie du savoir "à portée de clic" dans lequel il suffirait de "piocher" me semble réellement dangereuse. Sans même parler de l'effet désastreux d'une panne prolongée des réseaux, je vois mal comment des intellectuels peuvent défendre cette vision. A mon avis, on ne peut réfléchir utilement et efficacement que si l'on dispose de références personnelles, que l'on peut mobiliser à volonté... sans compter que, comme le soulignent les enseignants interrogés, beaucoup d'élèves utilisent mal Internet. Croire qu'ils peuvent y "piocher" de façon pertinente, cela revient à lâcher en forêt quelqu'un qui n'y connaît rien en champignons, en espérant qu'il n'en ramène que de comestibles (et qu'il sache les cuisiner, en prime).
Iphigénie
Iphigénie
Prophète

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par Iphigénie Lun 4 Juin 2012 - 11:15
voui. Michel Serres devrait moins fréquenter les universités américaines de prestige et venir voir sur le terrain ce que donne son optimisme forcené sur les Tice...
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