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Le jeunisme dans les manuels scolaires

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Carabas
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Le jeunisme dans les manuels scolaires - Page 5 Empty Re: Le jeunisme dans les manuels scolaires

par Carabas Mer 3 Juin 2009 - 23:30
Je crois beaucoup au pastiche et ai regretté que ce ne soit pas un exercice scolaire quand j'étais élève.
lilith888
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Le jeunisme dans les manuels scolaires - Page 5 Empty Re: Le jeunisme dans les manuels scolaires

par lilith888 Mer 3 Juin 2009 - 23:31
voui, voui, voui... en même temps, je ne fais que rapporter un texte pris dans un journal quelconque traitant du phénomène.

ceci n'était qu'un exemple, pas du tout le coeur de notre problématique.
Audrey
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par Audrey Mer 3 Juin 2009 - 23:32
oui, merci superhétérodyne, c'est exactement tout ce que je voulais dire... la science n'a pour l'instant jamais réussi à reproduire la réalité de la musique.
lilith888
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par lilith888 Mer 3 Juin 2009 - 23:32
Audrey a écrit:Mais pour ma part, je suis capable d'apprécier le talent mis à l'oeuvre pour rédiger un faux mauriac tout comme pour un vrai mauriac...
un faux mauriac n'en reste pas moins un vrai texte.

Ce n'est pas le mot "mauriac" collé au texte qui lui donne sa valeur...

eh ben, voilà ! on peut graver ça dans la pierre : à 23h32, après un débat acharné, Lilith et Audrey sont tombées d'accord sur la question.

sur ce, je sens que Morphée hurle pour que je vienne me blottir dans ses bras
Audrey
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par Audrey Mer 3 Juin 2009 - 23:33
Désolée, mon exemple a fait dévier le sujet...mais je suis plus à l'aise en musique bizarrement sur ce thème de réflexion...
Audrey
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par Audrey Mer 3 Juin 2009 - 23:35
lol

Bonne nuit Lilith...
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superheterodyne
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par superheterodyne Mer 3 Juin 2009 - 23:39
lilith888 a écrit:prends alors mon second exemple du faux Mauriac, si la question du piano te laisse perplexe

Je suis absolument convaincu que ton pastiche passerait effectivement comme une lettre à la poste en-dehors du contexte savant. Mais la question me laisse à vrai dire tout à fait perplexe, encore plus qu'avec l'histoire du piano. Je crois qu'il faudrait essayer de creuser ce que nous, lecteurs, identifions comme « du » Mauriac. Je vois plein de correspondances avec les beaux-arts et les arts plastiques à faire.

Mais il est tard :lol:

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Audrey
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par Audrey Mer 3 Juin 2009 - 23:41
En tout cas, c'était un débat de haute volée... j'en suis d'autant plus consciente que je suis restée au ras des pâquerettes...lol
Reine Margot
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par Reine Margot Jeu 4 Juin 2009 - 7:44
Je suis plutôt d'accord avec Jehanne: Pour comprendre les mécanismes qui produisent un effet, il faut d'abord avoir ressenti ces effets, quitte à étudier les procédés textuels ensuite.
Sartre disait avoir commencé par vibrer en lisant Jules Verne avant de décortiquer les textes.

Ensuite le terme d'illusion, de mensonge, me paraît aussi étrange. certes, les auteurs sont conscients de ce qu'ils font, mais pensent-ils uniquement avec sadisme à nous manipuler? Combien d'auteurs ont écrit au nom d'une Vérité qu'ils pensaient sincérement défendre (quitte à employer la rhétorique pour cela), je pense à Rousseau, vraiment "transporté" quand il écrit la nouvelle Héloise, Zola, au service d'une "vérité scientifique". Un texte peut aussi DIRE quelque chose. ça n'empêche pas encore une fois d'étudier les procédés ensuite.

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Reine Margot
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par Reine Margot Jeu 4 Juin 2009 - 8:00
Je pense que finalement ça rejoint notre discussion sur le Nouveau Roman. Lillith, en amatrice de ce courant, fait preuve du même soupçon que Nathalie Sarraute...mais d'autres mouvements littéraires ne considéraient pas la littérature de la même façon, et le la dissociaient pas de la vie et des sentiments.

L'auteur qui a le moins fait de différence entre son oeuvre et sa vie est Rousseau. Lorqu'il commence à prêcher la vertu, il change d'habit dans la vie. Quand il écrit un roman sentimental, c'est dans l'espoir que les lecteurs (et surtout les lectrices) seront touchés et réformeront leurs moeurs. Il l'a payé cher d'ailleurs car il a dû mettre en conformité ses livres et sa vie, ce qui lui a été énormément reproché avec l'histoire des enfants abandonnés. Au XVIIIe-XIXe, la littérature est censée vous faire vibrer avant tout, et on ne compte plus les jeunes gens émus par l'héloise ou werther. On connaît la vague de suicides qui a suivi...balzac ensuite écrit "pour la monarchie et la religion". On doit à l'époque justifier le roman par diverses visées morales (il y a donc bien un lien avec le sentiment). Zola se justifie dans Thérèse raquin de ses scènes osées par la volonté scientifique de dire la vérité. Les liaisons dangereuses sont écrites sous l'égide de Rousseau "j'ai vu les moeurs de mon temps et j'ai publié ces lettres" , volonté d'édifier/ ou de pervertir le lecteur.

C'est au XXe siècle qu'on remet en cause l'identification quand elle est abusive et qu'intervient l'ère du soupçon. mais d'autres époques n'ont pas vu les choses ainsi.

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par lilith888 Jeu 4 Juin 2009 - 9:16
marquisedemerteuil a écrit:Je suis plutôt d'accord avec Jehanne: Pour comprendre les mécanismes qui produisent un effet, il faut d'abord avoir ressenti ces effets, quitte à étudier les procédés textuels ensuite.
Sartre disait avoir commencé par vibrer en lisant Jules Verne avant de décortiquer les textes.

Ensuite le terme d'illusion, de mensonge, me paraît aussi étrange. certes, les auteurs sont conscients de ce qu'ils font, mais pensent-ils uniquement avec sadisme à nous manipuler? Combien d'auteurs ont écrit au nom d'une Vérité qu'ils pensaient sincérement défendre (quitte à employer la rhétorique pour cela), je pense à Rousseau, vraiment "transporté" quand il écrit la nouvelle Héloise, Zola, au service d'une "vérité scientifique". Un texte peut aussi DIRE quelque chose. ça n'empêche pas encore une fois d'étudier les procédés ensuite.

pour ce qui est de Jules Verne, il est également l'un des précurseurs des mécanismes du Nouveau Roman... Un sacré filou ce Jules.
Le terme d'illusion ou de mensonge est selon moi légitime. Lorsque l'on admire un tour de magie, le premier émoi vient de l'illusion. Ensuite, selon moi, il est tellement plus excitant de voir ce qui se cache derrière.
Nous sommes à priori d'accord sur l'ordre des choses : effet sur le lecteur en premier, puis mécanismes. Là où nos avis divergent c'est en terme de pertinence : pour moi, l'effet est minime finalement pour ce qu'il apporte à l'analyse, et ce sont les outils produisant cet effet qui demandent à être étudiés. Ce qui fait, qu'au final, l'analyse que je fais des textes, oui, je peux le dire à présent, est quasi scientifique.
Pour ce qui est de la Vérité des auteurs, là encore, je parlerais de vérité défendue dans le texte, pas forcément dans la vie de l'auteur (combien d'auteurs ne vivent pas du tout en adéquation avec les idées défendues ? Et en plus, c'est leur droit le plus légitime, puisque nous pouvons ni ne devons pas exiger d'eux un gage de sincérité : nous sommes dans de la FICTION)

ah tiens, pour finir, hier j'ai lu le Rouge et le Noir, et je suis tombée sur le fameux passage "le roman est un miroir, bla bla bla...". Punaise, j'ai réalisé combien nombre font un contresens terrible et terrifiant sur ce passage, lui faisant dire exactement le contraire de ce qu'il dit en réalité.
Non, définitivement non, l'art n'a pas pour but d'imiter le réel.
Mermoz
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par Mermoz Jeu 4 Juin 2009 - 9:37
Mushroom a écrit:

Ensuite, on peut imaginer un texte à la fois de qualité et familier aux élèves... Mais j'avoue que je n'ai pas d'exemples, là, tout de suite Rolling Eyes
Je reviens à la question de base (je sais, j'arrive après la cavalerie) Perso, j'ai fait du Gainsbourg avec les élèves (est-ce est-ce si bon et SS in uruguay, superbes, avec pleins de figures de syles et de références culturelles, du gainsbourg, quoi!), je n'ai pas eu l'impression de sacrifier mon idéal (les tirer vers le haut), et pourtant ça leur a bien plus parlé que nos "classiques"... De même que j'ai déjà fait du Brel... Je crois que le principal, c'est de leur faire étudier un texte qui nous fait vibrer nous, qui nous plaît à nous et auquel on trouve de l'intérêt... sacrifier à leurs modes sans y croire ou y trouver un intérêt (je pense à harry potter ou twilight, trop mal écrit ou du moins traduit et trop peu originaux pour pouvoir être exploité en cours, à mon avis, en tout cas, quand je les ai lu, je n'ai pas eu d'idée d'exploitation comme ça m'arrive svt avec d'autres (côté énervant de la profession: qund je regarde un film ou lis un livre que je toruvent intéressants, il faut tjs que je vois comment on pourrait l'utiliser avec des élèves...)

_________________
De même que Louis Pasteur inventa la pasteurisation, c'est à Jean-Pierre Démoral que nous devons la démoralisation, et je dis bravo. Jean-Pierre Démoral commença humblement ses expériences sur sa logeuse, Mme Brouchard, qu'il démoralisa le 12 Septembre 1847.
Concierge : Y fait beau.
Démoral : Ca va pas durer.
Concierge : Je suis démoralisée.
Reine Margot
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par Reine Margot Jeu 4 Juin 2009 - 10:41
Pour moi l'analyse des mécanisme enrichit les effets, on ressent mieux les choses quand on comprend en plus le fonctionnement du texte, mais ce n'est pas une distanciation telle que ça les annihile. Goethe disait que le bon lecteur était celui qui justement alliait les deux, émotion et compréhension intellectuelle. Mais l'un n'est pas "supérieur" à l'autre, c'est un enrichissement mutuel.

Je suis d'accord pour différencier le texte et l'auteur, même si parfois (l'exemple de Rousseau le prouve) certains essaient de réunir les deux le plus possible. l'auteur, on ne sait pas ce qu'il a en tête, l'important est ce que le texte dit.

Pour l'art et le réel, voir la préface de Pierre et Jean. Maupassant ne parle pas d'imiter le réel, mais de sélectionner de "petits faits vrais" qui font la vraisemblance. L'art n'est pas totalement détaché du réel, il en parle aussi notamment quand certains auteurs peignent la société de leur temps, la fiction est justement cet espace ni totalement "vrai" ni "faux". Ce n'est pas le réel mais elle en émane aussi.

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par Dwarf Jeu 4 Juin 2009 - 21:44
@Choupinette : ce n'est pas parce qu'un texte est contemporain qu'il est forcément nul, mais disons que la proportion actuelle élevée de bouses et le manque de recul quant à la réelle qualité d'auteurs ou de paroliers/interprètes actuels font du recours à ces mêmes textes une pratique hasardeuse. Pour ce qui est de Gainsbourg, il y a à la fois la qualité et le recul (qui a permis d'apprécier d'autant plus cette dernière à l'aune du temps). Tout n'est donc que question de choix éclairé, en définitive.

@lilith : Tu m'effraies décidément : que cherches-tu à prouver? Que l'on peut pasticher à l'envi? Oui, avec de la pratique, c'est l'évidence! Cependant, on ne peut se contenter de cela si l'on veut être réellement authentique en écriture et tout simplement en création, ce dont tu n'as visiblement cure d'après tes propos, alors que tu as pourtant ailleurs expliqué que tu fais de la poésie : te contentes-tu dans ces moments-là d'imiter un auteur donné et de laisser parler seulement la technique? Ton âme, ta spontanéité ne s'exprime-t-elle jamais dans ces moments-là?

A propos de la musique, si tu prétends qu'une machine peut modéliser l'âme d'un artiste, ce qui précisément le distingue des autres, alors là, je ne peux te suivre plus loin car il y a des limites à la mauvaise foi dans la confusion du fond et de la forme, particulièrement dans le domaine musical.

Le risque des théories que tu défends est un désenchantement encore accru, voire définitif, du monde. Pour revenir à notre métier, cela me rappelle en fait tous ces outils de la langue, ces grilles d'analyse toutes faites dont on gave la tête de nos enfants et même de nos étudiants plus tard et qui font qu'ils ne sont plus capables, à force, d'apprécier un texte pour ce qu'il est, de le comprendre et de l'aimer en toute simplicité : ils vont d'emblée appliquer des méthodes d'analyse mais ne sauront les mettre en perspective par rapport à la raison d'être première du texte (son histoire et ses enjeux). Et je le mesure chaque année avec mes anciens élèves montés au lycée qui sont déboussolés car là où je leur ai appris à APPRECIER un texte pour sa portée humaine, philosophique et ensuite seulement formelle (au service de ce même fond, forcément, comme le dit Marquise), ils se retrouvent trop souvent face à des profs de lycée qui les bassinent avec d'emblée des relevés de figures, de champs lexicaux et de procédés qui les feront peut-être (et encore...) accéder au sens, mais ne parviennent pas à les passionner pour autant que le type d'approche que je privilégie: et je n'invente rien, ce sont eux-mêmes qui viennent me le dire.


Dernière édition par Dwarf le Lun 8 Juin 2009 - 19:23, édité 1 fois
V.Marchais
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par V.Marchais Jeu 4 Juin 2009 - 21:48
marquisedemerteuil a écrit:Je pense que finalement ça rejoint notre discussion sur le Nouveau Roman. Lillith, en amatrice de ce courant, fait preuve du même soupçon que Nathalie Sarraute...mais d'autres mouvements littéraires ne considéraient pas la littérature de la même façon, et le la dissociaient pas de la vie et des sentiments.

Bonsoir,

Et surtout, rappelons-nous ce que Nathalie Sarraute écrivait à propos de Rocambole :
"Voici enfin le moment attendu où je peux étaler le volume sur mon lit,
l'ouvrir à l'endroit où j'ai été forcée d'abandonner... je m'y jette,
je tombe... impossible de me laisser arrêter, retenir par les mots, par
leur ens, leur aspect, par le déroulement des phrases, un courant
invisible m'entraîne avec ceux à qui de tout mon être imparfait mais
avide de per­fection je suis attachée, à eux qui sont la bonté, la
beauté, la grâce, la noblesse, la pureté, le courage mêmes... je dois
avec eux affronter des désastres, courir d'atroces dangers, lutter au
bord de précipices, recevoir dans le dos des coups de poignard, être
séquestrée, maltraitée par d'affreuses mégères, menacée d'être perdue à
jamais..."

Si c'est pas de l'identification, ça !
L'approche du lecteur, surtout jeune, ne peut pas être celle de l'essayiste. Projeter des analyses universitaires sur des collégiens qui découvrent la lecture, qui ont toute leur culture et leur expérience de lecture à construire, risque bien d'être contre-productif. Lillith, vous parlez de votre intérêt pour le dévoilement des ficelles de l'auteur, affirmant qu'il est supérieur à celui de l'illusion romanseque. Mais vous êtes une universitaire de 27 ans. Si vous aviez commencé par là, à douze ou treize ans, seriez-vous aujourd'hui là où vous en êtes ?

Cordialement,
Véronique.
Dwarf
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Le jeunisme dans les manuels scolaires - Page 5 Empty Re: Le jeunisme dans les manuels scolaires

par Dwarf Jeu 4 Juin 2009 - 21:48
V.Marchais a écrit:
Dwarf a écrit:Lilith, sur la forme supérieure au fond, nous avons déjà eu un débat dessus avec Abraxas et de nombreux autres intervenants et, comme souvent, la vérité se trouve être plus proche de l'équilibre entre forme et fond que de l'un des deux exclusivement (c'était la conclusion naturelle à laquelle la majorité était arrivée). Cela ne signifie pas que l'on doit évacuer la forme mais elle ne saurait se suffire à elle-même, voilà tout.

Bonsoir,

Bien sûr. Il ne s'agit pas de faire primer le fond ou la forme mais de montrer comment une expérience humaine s'incarne dans une forme. Et pour cela, il est simplement plus habile de s'appuyer sur le récit de cette expérience et sur les réactions spontanées des élèves à ce récit. A charge pour nous d'attirer ensuite leur attention sur les moyens mis en oeuvre par l'auteur pour susciter ces émotions. En procédant ainsi, on va du caractère universel de la littérature (ce qu'elle a à dire à tout être humain, élève ou non, spécialiste des Lettres ou non) à son langage particulier (auquel on initie encore modestement mais rigoureusement nos non-spécialistes). Tenter de faire le chemin dans l'autre sens me paraît bien hasardeux. A "déconstruire" le texte, pour parler post-moderne, avant même d'avoir savouré ce qu'il nous raconte, on risque bien de dégoûter nos jeunes lecteurs. Mon dieu ! Lire, c'est d'abord rencontrer une histoire, des personnages, s'identifier à eux - quelle formidable expérience de l'altérité ! Pourquoi bouder son plaisir ? En priver les élèves ?
Je suis toujours émerveillée de voir jusqu'où peuvent aller les élèves quand on a éveillé leur intérêt pour l'histoire, les personnages. Ayant mis des mots sur l'horreur qu'il ressentent face au châtiment d'Oedipe, ils vont facilement, quand on leur demande pourquoi c'est si horrible, repérer l'intensité du lexique, les accumulations, les hyperboles, voire le jeu des temps - et définir l'hypotypose, mais aussi les ressorts de la tragédie, sera un jeu d'enfant. Mais je ne les conduis facilement là où je veux les conduire que parce que j'ai pu prendre appui sur l'enthousiasme suscité par le texte.
J'irai jusqu'à dire qu'un peu de paraphrase, au collège, ce n'est pas si mal : pour être capable de paraphraser un texte, encore faut-il l'avoir compris. Plus ou moins directement, à partir des réactions des élèves, collectivement, nous y consacrons toujours quelques minutes. Cela permet d'éclairer certains passages obscurs - et l'on est parfois surpris par les contresens des élèves ! Vraiment, ce n'est pas du luxe - et j'ai plus d'un élève dont j'aimerais qu'il sache au moins paraphraser le texte !
A propos, vous avez lu ? Le nouveau Brevet devrait mettre davantage l'accent sur la compréhension.

Cordialement,
Véronique.

J'approuve tous ces points! Quant au brevet, reste à faire en amont (et dès la primaire) que ce ne soit pas qu'un voeu pieux!
Dwarf
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par Dwarf Jeu 4 Juin 2009 - 21:52
V.Marchais a écrit:
L'approche du lecteur, surtout jeune, ne peut pas être celle de l'essayiste. Projeter des analyses universitaires sur des collégiens qui découvrent la lecture, qui ont toute leur culture et leur expérience de lecture à construire, risque bien d'être contre-productif. Lillith, vous parlez de votre intérêt pour le dévoilement des ficelles de l'auteur, affirmant qu'il est supérieur à celui de l'illusion romanseque. Mais vous êtes une universitaire de 27 ans. Si vous aviez commencé par là, à douze ou treize ans, seriez-vous aujourd'hui là où vous en êtes ?

Cordialement,
Véronique.

Tout à fait d'accord, une fois encore! C'est bien là le drame de notre institution d'ailleurs! Pour avoir voulu importer les fruits de la recherche universitaire dans le secondaire, nous avons rendu l'étude et la pratique de notre langue absconse et pénible alors qu'elle est la porte d'accès à tout un monde par procuration qui enrichit notre expérience et notre vie dans celui qui nous accueille matériellement.
V.Marchais
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par V.Marchais Jeu 4 Juin 2009 - 22:11
lilith888 a écrit:
Se projeter en autrui, il y a pour ça, en premier lieu, les parents, ensuite les gens que nous cotoyons, en vrai.

Ouh là ! Se projeter en autrui, ça peut vite devenir pathologique. Heureusement que nous avons la littérature ! Cette fonction cathartique est saluée d'Aristote à Tatossian en passant par Jung. Quant au symbolique, ça n'a rien de fourre-tout : c'est une fonction qui fait partie de l'économie psychique. Nous sommes pétris de pulsions, nous les refoulons partiellement, et nous les évacuons sur le mode symbolique - par le verbe, le rêve, l'art... Encore heureux !
Nous sommes des milliers à être devenus professeurs de Lettres parce que nous pensons que la littérature, expérience de l'altérité infiniment vaste et nécessaire, expérience libératrice et jubilatoire aussi, aide à vivre. Quelle libération en effet de découvrir qu'on n'est pas le seul à se sentir un gros nul animé de rêves démesurés en lisant Chateaubriand, de mettre à distance ce malaise, d'en rire enfin !
Tout le monde s'accorde sur le fait que la mise en correspondance du fond et de la forme doit se faire à un moment donné - mais pourquoi diable cette haine de l'histoire ? A quoi rime cet acharnement à la congédier ainsi ?
Je garde toujours à l'esprit, quand j'enseigne, que je m'adresse à des non-spécialistes, dont beaucoup n'iront jamais au lycée. Si déjà ils pouvaient continuer de lire, tout simplement ! Et garder disponible cette culture faite de la mémoire de personnages et d'intrigues : Roméo et Juliette, Lancelot, Vautrin, Jean Valjean et Fantine... Leur recontre avec les textes doit être assez joyeuse pour leur donner envie de continuer après nous.
J'ai tant d'élèves qui se plaignent que, trop souvent, en Français, ils ne font que disséquer des textes comme on ferait de cadavres. Ils se raccrochent certes à cette technique facilement identifiable, mais sans parvenir à s'en nourrir. C'est si triste ! Chaque chose en son temps. Il faut laisser le lecteur grandir et mûrir.

Cordialement,
Véronique.
V.Marchais
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par V.Marchais Jeu 4 Juin 2009 - 22:18
lilith888 a écrit:
pour ce qui est de Jules Verne, il est également l'un des précurseurs des mécanismes du Nouveau Roman...

Bonsoir,

Voilà qui m'intrigue. Je vous serais reconnaissante si vous vouliez bien développer.

Cordialement,
Véronique.
jehanne
jehanne
Niveau 8

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par jehanne Jeu 4 Juin 2009 - 22:26
Monde par procuration, a dit Dwarf, c'est tout à fait cela!
Et j'ai beaucoup aimé aussi la comparaison avec l'interprétation au piano de Audrey (rien à voir, mais si problèmes de voisinage avec le piano, ce que je connais, la meilleure solution est d'opter pour un système "Silent" avec possibilité de jouer au casque, en numérique, et en acoustique aux heures convenues avec les voisins...)

Pour revenir aux "autres vies", en lisant "Seul dans Berlin" de Falada (roman extraordinaire) je suis un petit Berlinois à la fin du nazisme, qui met en place une résistance à son niveau. C'est une expérience de la vie en système totalitaire, et je vous garantis qu'on y est.
Je lis les romans de Mahfouz et je suis cette première épouse confinée dans le gynécée, vénérant le seigneur et maître, et n'imaginant même pas mettre un pied hors de la maison (et quand elle le fait, pour aller à la mosquée, c'est le drame!). Je suis aussi le despote familial, je partage sa vision du monde (... je l'aime, même!)
En lisant "Vie et destin" je suis dans Stalingrad assiégé.
Ce sont comme des expériences fictives. Je pense même (mais là c'est peut-être très naïf...) qu'elles pourraient m'aider un jour...
Cela n'a rien à voir avec la télé-réalité. On n'est pas spectateur.
Et "Les Frères Karamazov"!!! Comment Lilith peut-elle faire entrer "Les Frères Karamazov" dans son système de lecture? Il est vrai qu'elle aime Mauriac (ce qui pour moi est un mystère...)

Cela dit, pour la poésie il faut une autre approche que pour la fiction. Qu'en dit V. Marchais?
Audrey
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par Audrey Jeu 4 Juin 2009 - 22:32
Jehanne, il me semble quand même que le système "silent" est hors de portée pour mes petits moyens financiers, non? et je vais tout juste finir de payer mon "vulgaire" numérique en fin de mois, alors le quitter maintenant...surtout quand je pense au poids que ça pèse! lol
jehanne
jehanne
Niveau 8

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par jehanne Jeu 4 Juin 2009 - 22:42
Audrey a écrit:Jehanne, il me semble quand même que le système "silent" est hors de portée pour mes petits moyens financiers, non? et je vais tout juste finir de payer mon "vulgaire" numérique en fin de mois, alors le quitter maintenant...surtout quand je pense au poids que ça pèse! lol

Oui, c'est cher, mais les fous de piano sont prêts à s'endetter jusqu'au cou pour leur instrument. Et, à peine payé, on change pour un plus beau! Jouer en numérique, on s'en lasse vite (mais on peut facilement revendre un piano numérique pas trop ancien)

Je m'arrête là. Il n'y a pas de topic "piano"?


Dernière édition par jehanne le Sam 31 Juil 2010 - 21:40, édité 1 fois
Audrey
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Le jeunisme dans les manuels scolaires - Page 5 Empty Re: Le jeunisme dans les manuels scolaires

par Audrey Jeu 4 Juin 2009 - 23:07
Eh non, pas de topic piano je crois!

Et je suis déjà lasse du numérique... je me sens frustrée...je trouve tout ce que je joue moche, je n'arrive pas à y mettre ce que je veux, ce que je sens..alors que chez ma prof..ben j'avoue, parfois, je joue un morceau et je fais carrément un petit cri du genre " wow!" en restant bouche bée tant je suis surprise de ce que je produis comme son.

Je pense que dès que je changerai d'appart, je penserai à un VRAI piano...

fin de la digression...

tout ça pour dire que ce qui me paraît le fond du problème dans tout ce débat, c'est l'émotion.
L'art n'est qu'émotion: partagée, ressentie, créée de toute pièce même par quelqu'un qui cherche à pasticher (parce que je le répète, un pastiche, une imposture peuvent eux aussi provoquer des émotions!), dès qu'elle existe, il y a Art.

Le rire est le propre de l'homme, parce que le propre de l'homme, c'est l'émotion. Vouloir tout réduire à une analyse formelle, éliminer l'émotion de l'équation, est pour moi nier l'essence même de l'humanité...

Je ne prône pas un sentimentalisme puant et guimauvesque...
Je me mets juste en position, et je fais de même avec mes élèves, de me laisser saisir par les émotions, d'en éprouver la puissance, pour ensuite admirer la fine ouvrage littéraire à l'oeuvre derrière tout ça...pour mieux comprendre pourquoi tel auteur me fait vibrer mieux que tel autre, et pour, rêvons un peu, devenir à mon tour vecteur d'émotions.

Oui, je le clame: je suis sensible. Et j'en suis fière.

Voilà mon humble position.
Carabas
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Le jeunisme dans les manuels scolaires - Page 5 Empty Re: Le jeunisme dans les manuels scolaires

par Carabas Jeu 4 Juin 2009 - 23:13
Carabas a écrit:Au collège, je me moquais éperdûment de la forme.
La culture se nourrit aussi d'histoires : Gilgamesh, Ulysse, Bouddha, Jésus, etc.
Une culture se définit par rapport aux histoires qu'elle véhicule.

V.Marchais a écrit:
Nous sommes des milliers à être devenus professeurs de Lettres parce que nous pensons que la littérature, expérience de l'altérité infiniment vaste et nécessaire, expérience libératrice et jubilatoire aussi, aide à vivre. Quelle libération en effet de découvrir qu'on n'est pas le seul à se sentir un gros nul animé de rêves démesurés en lisant Chateaubriand, de mettre à distance ce malaise, d'en rire enfin !
Tout le monde s'accorde sur le fait que la mise en correspondance du fond et de la forme doit de faire à un moment donné - mais pourquoi diable cette haine de l'histoire ? A quoi rime cet acharnement à la congédier ainsi ?
Je garde toujours à l'esprit, quand j'enseigne, que je m'adresse à des non-spécialistes, dont beaucoup n'iront jamais au lycée. Si déjà ils pouvaient continuer de lire, tout simplement ! Et garder disponible cette culture faite de la mémoire de personnages et d'intrigues : Roméo et Juliette, Lancelot, Vautrin, Jean Valjean et Fantine... Leur recontre avec les textes doit être assez joyeuse pour leur donner envie de continuer après nous.
J'ai tant d'élèves qui se plaignent que, trop souvent, en Français, ils ne font que disséquer des textes comme on ferait de cadavres. Ils se raccrochent certes à cette technique facilement identifiable, mais sans parvenir à s'en nourrir. C'est si triste ! Chaque chose en son temps. Il faut laisser le lecteur grandir et mûrir.
Je crois que nous nous rejoignons.


Le problème de l'émotion, c'est sa trop grande subjectivité. On peut être ému devant des niaiseries.
Mais on ne peut l'évacuer du plaisir de la lecture (et heureusement!)
Audrey
Audrey
Oracle

Le jeunisme dans les manuels scolaires - Page 5 Empty Re: Le jeunisme dans les manuels scolaires

par Audrey Jeu 4 Juin 2009 - 23:22
Je ne parle pas de l'émotion de bas étage moi!! je parle de celle qui te prend aux tripes! Celle qui par exemple me fait pleurer quand je vois Cyrano parler de son ombre sur le mur, quand j'entends l'ouverture de n'importe quelle Passion de Bach, ou pleurer de rire quand je vois une super mise en scène des Précieuses ridicules comme hier soir...

Mais finalement, quand j'y pense, AB productions à sa grande époque avait presque fait un art de la naiserie: faire rire à ce point par un ridicule achevé, c'est de l'art, non?...je pense même qu'on pourrait faire d'intéressants travaux de recherche sur la modernisation du servus currens dans "le miel et les abeilles"...


Dernière édition par Audrey le Jeu 4 Juin 2009 - 23:33, édité 1 fois
Audrey
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Le jeunisme dans les manuels scolaires - Page 5 Empty Re: Le jeunisme dans les manuels scolaires

par Audrey Jeu 4 Juin 2009 - 23:33
Voilà comment je définis l'émotion artistique: elle te vole à toi-même, l'espace d'un moment, te captive et t'emmène dans l'ailleurs d'un autre. Et ça, quand même... "le miel et les abeilles", ou les pubs avec des bébés, n'y arrivent pas.

Comme dirait Sinclair, l'émotion artistique "elle te fout les poils".
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