Sur la scène : théâtre en province et à Paris

Je n'ai pas accroché à l'adaptation scénique du Voyage à Tokyo d'Ozu par Dorian Rossel. Il y a visiblement une nouvelle tendance maintenant à transposer les films au théâtre  et je ne suis pas convaincue que ce soit une bonne idée alors que l'inverse a donné des chefs d’œuvre. Voyage à Tokyo raconte la visite d'un couple japonais âgé à ses enfants trop pris par leur vie active moderne dans la métropole pour pouvoir les accueillir avec disponibilité .  Voilà donc le film d'Ozu cantonné à un immense espace vide unique qui doit évoquer successivement plusieurs lieux invisibles à l'aide de petits accessoires rudimentaires ou de bruitages élémentaires. Mais la scénographie est si limitée, simple et pauvre qu'aucune magie n'opère pour les suggérer à notre imagination dans cette succession de tableaux sans nuances de lumières , si éloignés de la fluidité du cinéma . Les costumes hétéroclites sont laids et la distanciation introduite par de petits panneaux humoristiques coupe toute émotion et toute profondeur . Mais le pire est la distribution . Yoshi Oïda (83 ans) est merveilleux dans le rôle du vieil homme mais c'est le seul Japonais parmi de jeunes acteurs occidentaux qui jouent plusieurs rôles à la fois, d'hommes et de femmes, en se déguisant de façon assez simpliste (ce n'est pas subtil et on s'y perd vite) . Yoshi Oïda et la jeune actrice Elodie Weber (ni âgée ni japonaise) ne fonctionnent pas du tout comme représentation du vieux couple . Cette actrice semble même plus jeune que ses propres enfants!  J'ai bien compris que le spectacle voulait montrer l'évolution de la société japonaise et le fossé des générations mais je n'ai rien senti de cela , et malheureusement pas le temps qui passe (ou si, celui de la représentation,  assez pesant , bien qu'il ne dure qu'1h30)

Est-ce que quelqu'un avait eu le courage d'assister à Avignon aux 5h de l'adaptation théâtrale des Frères Karamazov par Bellorini? Je n'y vais vendredi que si vous me dites que c'est un spectacle extraordinaire car ce n'est pas tant la durée qui me décourage d'avance (encore que je serai morte de fatigue à la fin de cette semaine et pas prête à passer des nuits blanches de Dostoievski   ) que la transposition d'un roman fleuve à la scène...

Au fait, ce Bellorini, Nuages ?

Je signale, si cela peut intéresser quelqu'un, la reprise de la mise en scène d'Hamlet par Ostermeier au théâtre des Gémeaux de Sceaux. Ce spectacle a été l'un de ceux qui ont le plus compté dans ma vie, et je ressens un frisson à l'idée que je pourrai à nouveau le revoir.

RogerMartin, qui aimes beaucoup Shakespeare, si je ne me trompe pas, si tu passes par là, n'hésite pas...

Edit : ah bah non... Le site ne fonctionnait pas tout à l'heure, sauf pour une date qui ne m'arrangeait pas. Et la billetterie par téléphone était fermée le lundi. Le site me semblait avoir un bug (je préfère me dire ça plutôt que de me dire que j'ai raté l'occasion). Il fonctionne à nouveau normalement, et tout est complet. Je suis très déçue.

Sei a écrit:Edit : ah bah non... Le site ne fonctionnait pas tout à l'heure, sauf pour une date qui ne m'arrangeait pas. Et la billetterie par téléphone était fermée le lundi. Le site me semblait avoir un bug (je préfère me dire ça plutôt que de me dire que j'ai raté l'occasion). Il fonctionne à nouveau normalement, et tout est complet. Je suis très déçue.

C'est complet depuis plusieurs jours au moins. J'ai essayé d'avoir des places il y a quelques jours mais c'était déjà complet.

Edit : visiblement, ils rajoutent des places (ou il y a des désistements) car j'avais tenté le week end dernier pourtant

Je viens de retourner sur le site, je peux à nouveau prendre des places pour le jeudi ! Bon, je les prends, tant pis.

Edit : Laotzi, ça a marché, j'ai mes deux places pour la première. N'hésite pas si tu peux !

Laotzi a écrit:

Sei a écrit:Edit : ah bah non... Le site ne fonctionnait pas tout à l'heure, sauf pour une date qui ne m'arrangeait pas. Et la billetterie par téléphone était fermée le lundi. Le site me semblait avoir un bug (je préfère me dire ça plutôt que de me dire que j'ai raté l'occasion). Il fonctionne à nouveau normalement, et tout est complet. Je suis très déçue.

C'est complet depuis plusieurs jours au moins. J'ai essayé d'avoir des places il y a quelques jours mais c'était déjà complet.

Edit : visiblement, ils rajoutent des places (ou il y a des désistements) car j'avais tenté le week end dernier pourtant

Oui, c'est très étrange. Dans le doute, j'ai pris les places (mais il n'y avait le choix que pour une date). C'est vraiment un spectacle que j'aimerais revoir.

J'ai vu Karamazov, et j'ai beaucoup aimé, comme toujours avec Bellorini, c'est vraiment un spectacle total, du vrai théâtre avec un texte qui n'en est pas à l'origine, la musique est superbe, les comédiens excellents, le décor très astucieux, les lumières superbes, il y a des images d'une force évocatrice rare.
Mon mari a tellement aimé qu'il y retourne une deuxième fois.

Ah Mel tu me donnes des regrets a posteriori car je n'ai pas eu le courage d'affronter la durée du spectacle ni la transposition du roman à la scène!
Mais cette semaine j'ai vu une mise en scène très moderne de Dom Juan par Myriam Muller avec la troupe du Centaure du Luxembourg. Cette adaptation est très intelligente dans ses choix (par exemple remplacer le père de Dom Juan par la mère, les paysannes par de modestes employées) , pleine d'humour et de vitalité . Les acteurs se donnent à fond et sont très convaincants y compris les petits rôles (par exemple Pierrot devenu un jeune ouvrier candide joué par Brice Montagne) , Garance Clavel très émouvante en frêle Elvire etc... Dom Juan (Jules Werner formidable) est un parvenu qui mène une vie dorée dans la société de consommation, jouisseur et corrompu,  et Sganarelle est son bon pote du même acabit... jusqu'au jour où la roue tourne . Le fantastique est effacé au profit d'un regard plus actuel  mais sans négliger la bouffonnerie. La première partie du spectacle est très inventive, la deuxième faiblit un peu faute de réussir à trouver un intérêt contemporain à M. Dimanche et aux frères d'Elvire. J'ai passé une très bonne soirée, très divertissante et intellectuellement stimulante, car Myriam Muller apporte un  regard inédit sur la pièce et la troupe a un entrain communicatif  . Le spectacle tourne en province, en Normandie puis vers Nancy je crois.

Quelqu'un a vu le Lorenzaccio de Dalmas ?

nuages a écrit:Est-ce que quelqu'un avait eu le courage d'assister à Avignon aux 5h de l'adaptation théâtrale des Frères Karamazov par Bellorini? Je n'y vais vendredi que si vous me dites que c'est un spectacle extraordinaire car ce n'est pas tant la durée qui me décourage d'avance (encore que je serai morte de fatigue à la fin de cette semaine et pas prête à passer des nuits blanches de Dostoievski   ) que la transposition d'un roman fleuve à la scène...

Tiens, je tombe sur ce post... je suis allée à Avignon et j'ai été déçue par les Frères Karamazov. Pas du tout le souffle de Liliom ou de Tempête sous un crâne. Et puis, certains personnages sont vraiment à mon avis trop décalés par rapport au roman. Le staretz, en particulier, est totalement invraisemblable.

Par contre, j'ai vu un autre spectacle, totalement à l'opposé (dans le off, seul en scène, pas du tout de moyens) que j'ai beaucoup aimé et qui est repris en ce moment à Paris : D'autres vies que la mienne, d'après le livre d'Emmanuel Carrère.

Il se joue en ce moment à la Reine Blanche et je vous le recommande.

Quelqu'un a vu le "ça ira" de Pommerat ? Je vais m' embarquer pour l' aventure pendant 4 h30 dimanche prochain, j' espère que ça vaut le coup...

Je ne connais pas cette pièce mais j'adore Cendrillon de Pommerat . Ce qu'il fait ne peut pas manquer d'intérêt .

capucine42 a écrit:Quelqu'un a vu  le "ça ira" de Pommerat ? Je vais m' embarquer pour l' aventure pendant 4 h30 dimanche prochain, j' espère que ça vaut le coup...

Je l'ai malheureusement raté faute de places, mais j'ai entendu beaucoup d'avis positifs.

Je n'aime pas trop le travail de Bellorini, mais au moins, on ne s'ennuie pas en allant voir ses spectacles. Sur la durée de ses Karamazov, je pense cela dit que j'aurais craqué.

Dernièrement, je suis allée voir le dernier Ariane Mnouchkine, Une chambre en Inde. Malgré mon indulgence pour Mnouchkine, j'ai trouvé le spectacle raté. Elle n'a rien à dire (et qui lui en voudrait ? Elle vient à peine de sortir de son grand chantier qu'était Macbeth) et se perd. Cixous se dépatouille de tout ça en écrivant l'alter ego de Mnouchkine, en Inde, sur les traces du Mahabharata, mais qui regrette de ne pas être partout à la fois, parce qu'il faudrait parler des attentats en France, et des jeunes radicalisés, et de la situation à Alep, et du statut des femmes en Inde, et... Je crains que Mnouchkine ne vieillisse dans l'inquiétude de créer son "dernier spectacle", ce qui l'a fait se précipiter (bon, elle aura sans doute eu besoin de renflouer les caisses de la Cartoucherie après Macbeth, très onéreux).

Mais une heureuse découverte : Letter to a man, au théâtre de la Ville (enfin, déplacé à l'espace Pierre Cardin, car le théâtre est en travaux actuellement). Bob Wilson met en scène Mikhail Baryshnikov dans un objet scénique merveilleux d'humour, d'élégance et d'humanisme. Baryshnikov y incarne Nijinski, dans ses quelques moments de vacillement avant la folie. Le texte, fonctionnant comme un objet musical, est composé d'après les écrits de Nijinski. Plus rien n'a vraiment de sens, mais tout est si précis, que finalement tout a du sens. Qui d'autre que Wilson et Baryshnikov auraient pu peindre de façon si nette, si délimitée, ces moments flous où la raison en train de se perdre questionne la raison du monde ?

@ capucine
Vu deux fois "ça ira "une fois seule, une fois avec des élèves lycéens qui ont adoré.
On ne sent pas tellement le temps passer même s'il peut arriver de décrocher de temps à autre, mais c'est vraiment fait pour impliquer le spectateur et ça pose plein de questions passionnantes sur ce qu'est la politique. Comme il n'y a aucune référence historique précise - volontairement- on suit les événements presque comme s'ils se passaient au fur et à mesure, comme si cela se réinventait sous nos yeux. J'espère que tu y trouveras beaucoup de plaisir !

Merci. Vos opinions me donnent très envie d'y être.

Je me renseigne encore sur un spectacle fleuve de plus de 4h qui va être représenté en mars Songes et Métamorphoses d'après Shakespeare et Ovide mis en scène par Guillaume Vincent. Certains d'entre vous connaissent-ils cette création ou le travail de cet artiste?

Quel bonheur d'avoir pu voir au théâtre mercredi la sublime Judith Chemla interpréter et chanter "La Traviata" dans la très belle adaptation scénique de Benjamin Lazar! Cette artiste je l'ai tant aimée au cinéma dans "Ce sentiment de l'été" , film d'une délicatesse bouleversante sur le chagrin inconsolable de la perte d'un être aimé et dans "Une Vie" où elle incarne la fragile Jeanne de Maupassant au triste destin! Mais , toute frêle, elle a une présence d'une intensité extraordinaire sur la scène comme comédienne et j'ai découvert que comme cantatrice sa voix est pur enchantement. Superbe mise en scène de Benjamin Lazar qui mêle acteurs et musiciens , Dumas et Verdi en français et en italien, parmi les tulles et les fleurs d'un décor onirique plein de poésie romantique. Après les Bouffes du Nord à Paris le spectacle est en tournée dans toute la France. Ovation unanime mercredi dernier!

Je ressors absolument enthousiasmée par le spectacle de Pommerat. Effectivement les 4 h30 ne pèsent rien, j' ai rarement ressenti une telle communion entre le public et les acteurs. J' aimerais beaucoup voir d' autres pièces de Pommerat à présent.

J’ai été envoûtée hier soir par une splendide représentation de butô,  un art gestuel japonais qui a pris naissance après la deuxième guerre mondiale . La troupe  Sankai Juku présentait «  Meguri » (cycle) de son chorégraphe fondateur Ushio Amagatsu,  qui interprétait lui-même quelques solos au cours des sept tableaux successifs.  Le dispositif est déjà incantatoire par le dépouillement du décor constitué de sable, d’un mirage aquatique et d’un mur de pierre incrusté de crinoïdes fossilisés suggérant un temple archaïque, qui se teinte très subtilement de couleurs changeantes, rose, vert, or… Les danseurs tous masculins semblent étrangement sortis des limbes, imberbes, poudrés du blanc blafard des fantômes, crânes rasés et boucles d’oreille ethniques. Les mouvements lents et rituels des corps sont d’une grâce divine, les élevant en apesanteur, suggérant leur envol aérien comme des albatros battant des ailes, des métamorphoses de  chrysalides ou l’ouverture progressive de corolles. Cette gestuelle intemporelle pure se fond en effet avec l’évocation de la nature, un hommage essentiel au sable et à la terre, au royaume des plantes et des oiseaux. Elle est à la fois intensément physique et immatérielle, conjuguant la naissance, la vie et la mort.  Elle puise en effet parfois dans les réminiscences d’atroces tortures  quand les corps convulsés tremblent, se tordent et que les visages expressifs tournés vers le ciel, bouche grande ouverte crient de façon silencieuse l’impuissante douleur : ces souvenirs d’Hiroshima m’ont paru  insoutenables. Puis peu après, la danse revient comme une vague apaisante, porteuse de rêve, nourrie de spiritualité et de quiétude. C’est d’une beauté poétique sidérante.

Qui a vu Le misanthrope de la Comédie française retransmis au cinéma ? C'est plus difficile d'avoir des émotions... Ne devraient-ils pas limiter les gros plans (je trouve ça assez insupportable) et se contenter de cadrer la scène ? Parfois, on ne voit même pas les entrées / sorties des acteurs... Qu'avez-vous pensé de la mise en scène ?

Pas vu car j'étais justement au théâtre ! J'ai toujours beaucoup de mal à voir du théâtre filmé au cinéma alors que l'utilisation de techniques cinématographiques au théâtre peut donner de très beaux effets scéniques, comme en témoigne la mise en scène moderne et inventive que j'ai vue du Triomphe du Temps et de la Désillusion (l'oratorio de Haendel) par Warlikowski que j'ai beaucoup aimée. J'en parlerai ici demain.

Nuages, la représentation de butô à laquelle tu as assisté avait l'air magnifique !
J'ai eu l'occasion une fois de voir une danseuse de butô, mais je n'avais pas aimé car elle était vraiment très tendue. J'aimerais beaucoup renouveler l'expérience.
Sinon, on m'avait dit beaucoup de bien de la mise en scène par Guillaume Vincent de L'Eveil du printemps, mais je n'ai jamais eu l'occasion de voir son travail. Ton retour sur ce nouveau spectacle m'intéresse.

Je n'aime pas non plus beaucoup le théâtre filmé, hormis de rares spectacles : l'émotion de la Phèdre de Chéreau me parvient malgré tout, la beauté formelle de la mise en scène par Beno Besson du Cercle de craie caucasien survit parfaitement à l'épreuve de la caméra, et Bob Wilson crée des spectacles si cinématographiques que les Fables filmées ne posent pas de problème et s'adaptent facilement aux divers cadrages.
J'ai plusieurs Molière filmés, mais je les considère comme des documents de travail pour les élèves, et ne les apprécie pas particulièrement.

Au fait, j'ai finalement revu le Ostermeier dont j'avais fait la publicité ici, et j'ai été très déçue. Le prologue m'a éblouie comme à l'époque, cependant je déteste les acteurs cabotins, et Lars Eidinger en fait des caisses, plus que dans mon souvenir. Il y a du virtuose et une habileté à retranscrire le grotesque qui, chez Shakespeare, cohabite souvent avec le sublime, mais les choix outranciers de la mise en scène, une certaine volonté de "faire moderne", en cassant l'illusion théâtrale (qui est certes aussi une problématique à l'œuvre dans les textes originaux) rompt le savant équilibre qui fait toute la saveur de Shakespeare. Nous passons du côté de la société du spectacle en perdant la tragédie. C'est dommage, il s'en faut de peu pour que la troupe réussisse à surfer sur la crête.

J'irai voir le nouveau spectacle de Guillaume Vincent début mars malgré sa longueur . La seule mise en scène que j'ai vue d'Ostermeier est celle de La Mouette l'an dernier et j'en suis sortie horripilée par le massacre.

La semaine dernière je suis allée voir l'adaptation scénique que Warlikowski a faite de l'oratorio de Haendel Le Triomphe du Temps et la Désillusion ,  première mise en scène que je voyais de cet artiste polonais . C'est le spectacle qui a été monté à Aix l'été dernier avec le Concert d' Astrée d'Emmanuelle Haïm , mais avec une nouvelle cantatrice , la jeune Chinoise Ying Fang. J'ai été conquise par cette mise en scène ultramoderne, iconoclaste et audacieuse .
L'oratorio composé par Haendel à 22 ans fait intervenir quatre chanteurs qui interprètent quatre allégories: la jeune Beauté tentée par le Plaisir qui subit les avertissements moraux du Temps (le ténor impressionnant comme un ogre Michael Spyres) et de la Désillusion, qui la mettent en garde contre la vanité de la jeunesse épicurienne et l'incitent à se tourner vers la vie spirituelle . Warlikowski a choisi le décor très moderne des fauteuils d'une salle de cinéma qui devient le miroir des spectateurs , salle divisée en deux parties séparées par une cage de verre, l'une consacrée à l'hédonisme et l'autre à la sagesse . Des accessoires  plus prosaïques laissent imaginer tour à tour une boite de nuit , des toilettes et une chambre d'hôpital.  Les allégories de la Beauté et du Plaisir sont puissamment incarnées physiquement par des personnages sensuels qui s'abandonnent aux excès de jouissance d'aujourd'hui, drogues et sexe, tentés par la séduction de nombreux figurants des deux sexes qui les accompagnent, tandis que des visages géants projetés en noir et blanc sur double écran suggèrent l'extase fascinante de ces ivresses.  Ces tableaux d'hymne à la jeunesse sont tellement forts qu'ils ne paraissent pas anachroniques par rapport à la musique de Haendel mais lui donnent une intensité saisissante. Warlikowski transforme ensuite la salle de cinéma en royaume des morts où reviennent prendre place tour à tour gravement tous les figurants emportés par le Plaisir , devenus des ombres (j'y ai vu des allusions terribles au sida ou à l'overdose). Le Plaisir semble lui-même vaincu par les conséquences tragiques du bonheur qu'il a exalté .  Très intelligemment Warlikowski a complètement transformé la visée édifiante du livret (d'un cardinal ) et son apologie religieuse en présentant le couple Temps et Désillusion comme des parents tyranniques et grotesques qui cherchent à empêcher Beauté de vivre sa vie . Quand celle-ci , à force d'avertissements, finit par les rejoindre, ce n'est pas pour s'élever vers Dieu mais s'ouvrir les veines plutôt que de renoncer aux plaisirs terrestres de sa jeunesse . Cette dernière scène tragique, avec Beauté qui revêt une robe blanche avant de se suicider est une merveille , d'autant plus que l'intensité de cette mort est dramatiquement amplifiée par les écrans géants qui la projettent sur les murs. J'ai été impressionnée par la jeune Ying Fang, très jolie, visage blanc aux grands yeux fardés,  dans le rôle de Beauté, car elle se donne complètement dans l’interprétation de son personnage , réalisant le prodige de réussir à chanter dans des scènes qui impliquent un jeu violent. J'ai été convaincue par le parti pris de modernisation totale de cet oratorio par Warlikowski, dont il fait une réécriture frénétiquement désespérée, autodestructrice et terriblement actuelle.  

J' ai vu hier Trissotin ou les femmes savantes de Macha Makaieff et j' au beaucoup aimé la mise en scène, à la fois moderne et fidèle à l' esprit de Molière. La distribution était un peu inégale mais Belise et Trissotin étaient à mourir de rire.

Quelqu'un a-t-il vu La résistible ascension d'Arturo Ui avec Torreton ?
Je crois que c'est de saison, et j'y suis conviée bientôt.