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lilith888
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par lilith888 Mer 12 Aoû 2020, 16:11
Je suis en train de créer une séance là dessus : les héros grecs avec défauts dirons-nous...

J'ai déjà pris les exemples de Thésée qui abandonne Ariane, Jason avec Médée, Oedipe... Mais je manque d'inspiration. En voyez-vous d'autres ? Merci Razz
Thalia de G
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par Thalia de G Mer 12 Aoû 2020, 16:12
Héraclès, tout simplement.

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Le printemps a le parfum poignant de la nostalgie, et l'été un goût de cendres.
Soleil noir de mes mélancolies.
lilith888
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par lilith888 Mer 12 Aoû 2020, 16:16
oui, j'y ai pensé, merci ! d'autres en vue ?
Médée
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par Médée Mer 12 Aoû 2020, 16:17
la colère d'Achille

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fifi51
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par fifi51 Mer 12 Aoû 2020, 16:20
Ulysse ,également, qui a, je crois, quelques casseroles à son actif (Palamède au moins).

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Oui, j'ai un clavier Fisher Price pour l'instant !
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par Shajar Mer 12 Aoû 2020, 16:35
Prométhée qui ment aux dieux ?
Austrucheerrante
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par Austrucheerrante Mer 12 Aoû 2020, 16:41
Mais existe-il un héros grec exempt de défauts ? Aucun ne me vient à l'esprit...

Et d'ailleurs, l'héroïsme implique-t-il la perfection ?
lilith888
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par lilith888 Mer 12 Aoû 2020, 16:43
Austrucheerrante a écrit:Mais existe-il un héros grec exempt de défauts ? Aucun ne me vient à l'esprit...

Et d'ailleurs, l'héroïsme implique-t-il la perfection ?

Justement, c'est pour instaurer un débat en 6ème Wink
Pour démarrer, je voulais leur donner quelques exemples Razz
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par henriette Mer 12 Aoû 2020, 16:46
Médée a écrit:la colère d'Achille
Pour moi, c'est surtout son face à face avec Hector, de sa réponse au discours du troyen jusqu'au traitement infligé à son corps, qui correspond le mieux pour le côté sombre d'Achille.

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par Médée Mer 12 Aoû 2020, 16:47
henriette a écrit:
Médée a écrit:la colère d'Achille
Pour moi, c'est surtout son face à face avec Hector, de sa réponse au discours du troyen jusqu'au traitement infligé à son corps, qui correspond le mieux pour le côté sombre d'Achille.
oui c'est à cet extrait que je pensais, on le fait souvent en 5e (mais c'est vrai que dit comme ça on peut aussi penser à sa colère contre Agamemnon)

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Sphinx
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par Sphinx Mer 12 Aoû 2020, 18:37
Austrucheerrante a écrit:Mais existe-il un héros grec exempt de défauts ? Aucun ne me vient à l'esprit...

Selon nos standards modernes, Persée n'est pas trop criminel je crois (il finit par accomplir la prophétie en tuant Acrisios, mais pas exprès).  Après il y a les héros mineurs : je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'ambivalence dans les portraits des Boréades par exemple, ou de Nestor (petit-fils de divinité et non pas fils), Patrocle, Diomède (OK il est un peu dingo et pousse l'audace jusqu'à attaquer les dieux, mais ce n'est pas raconté de façon négative). Après, je reconnais que ce ne sont pas forcément les plus connus des élèves de 6e, ni les plus passionnants.

Je pense quand même, même si ce n'est que mon humble avis, que ça vaut davantage le coup de faire bien comprendre aux élèves la distinction entre les différents sens du mot "héros" (personnage mythologique issu d'un dieu / auteurs d'exploits, d'actions hors du commun, de sacrifices / personnage principal de l'histoire), et de leur faire voir que si Héraklès correspond au trois définitions, Ion fils d'Apollon correspond seulement à la première, un pompier moderne à la deuxième, et Harry Potter à la troisième, que de les lancer dans un comparatif anthropologique de la notion de "bien" et de celle de "pas bien" entre aujourd'hui et il y a trois mille ans, qui risque de leur passer largement au-dessus de la tête. Tuer Troïlos qui n'est qu'un enfant, réduire Chryséis et Briséis en esclavage et passer son temps à lancer des raids sur les cités de la côte phrygienne pour collectionner vaches, femmes et troupeaux de bronze, bien ; bouder sous sa tente au lieu d'aller tuer plus d'ennemis, pas bien...

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par AsarteLilith Mer 12 Aoû 2020, 20:10
Ajax qui devient fou ?

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par egomet Jeu 13 Aoû 2020, 05:26
Sphinx a écrit:
Austrucheerrante a écrit:Mais existe-il un héros grec exempt de défauts ? Aucun ne me vient à l'esprit...

Selon nos standards modernes, Persée n'est pas trop criminel je crois (il finit par accomplir la prophétie en tuant Acrisios, mais pas exprès).  Après il y a les héros mineurs : je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'ambivalence dans les portraits des Boréades par exemple, ou de Nestor (petit-fils de divinité et non pas fils), Patrocle, Diomède (OK il est un peu dingo et pousse l'audace jusqu'à attaquer les dieux, mais ce n'est pas raconté de façon négative). Après, je reconnais que ce ne sont pas forcément les plus connus des élèves de 6e, ni les plus passionnants.

En cherchant bien, on est presque sûr de trouver, sauf pour les héros qui ne sont que des utilités dans le récit. Patrocle se retrouve à la cours de Pélée parce qu'il a tué un compagnon de jeu étant enfant. Un moment de colère bien excusable.
A un niveau plus profond, je crois que les défauts sont une nécessité pour un héros, tant sur le plan narratif que sur le plan psychologique ou anthropologique.
Comme tu le fais remarquer un héros parfait n'est pas passionnant. Il est prévisible et sans caractère. C'est le syndrome de Superman avant l'introduction de la kryptonite. Ou le principe d'Anna Karénine (les familles heureuses n'ont pas d'histoire).
Le grand ressort narratif, c'est la crise, la tragédie. La tragédie grecque part presque toujours d'une faute, volontaire ou non, parfois seulement rituelle, mais en tout cas d'un accident imputable au héros et qui perturbe l'ordre divin. On est loin de la conception chrétienne où l'intention est constitutive du crime.
Bien sûr, on pourrait rechercher le schéma de la quête, comme dans les romans de chevalerie, où le héros pur et valeureux recherche un exploit à accomplir, mais ce n'est pas tellement présent dans la mythologie grecque. Persée est sous le coup d'un oracle sinistre dès avant sa naissance (il tuera son grand-père). Il y aurait bien Jason. Il commettra des fautes par la suite, notamment dans son histoire avec Médée, mais initialement il est le fils du roi légitime.
Si ces mythes ont été transmis de génération en génération, c'est qu'ils disent quelque chose de beaucoup plus profond qu'un simple divertissement. C'est qu'ils ont des résonnances très fortes dans l'âme humaine. C'est parce qu'ils expriment de vrais dilemmes qu'ils sont légendaires "dignes d'être lus". Ce sont des archétypes, mais sur des problèmes réels et difficiles: la rétribution du meurtrier, la restauration de l'ordre, les conflits de loyauté, la cupidité et les autres passions. Le mythe est d'autant plus intéressant qu'il exprime toutes les tensions inhérentes au problème sans forcément donner une solution simple. En tuant sa mère, Oreste commet un crime tout en accomplissant un acte sacré. La tension n'est dépassée que par l'instauration des institutions judiciaires et le sacrifice au dieux.


Sphinx a écrit:Je pense quand même, même si ce n'est que mon humble avis, que ça vaut davantage le coup de faire bien comprendre aux élèves la distinction entre les différents sens du mot "héros" (personnage mythologique issu d'un dieu / auteurs d'exploits, d'actions hors du commun, de sacrifices / personnage principal de l'histoire), et de leur faire voir que si Héraklès correspond au trois définitions, Ion fils d'Apollon correspond seulement à la première, un pompier moderne à la deuxième, et Harry Potter à la troisième, que de les lancer dans un comparatif anthropologique de la notion de "bien" et de celle de "pas bien" entre aujourd'hui et il y a trois mille ans, qui risque de leur passer largement au-dessus de la tête. Tuer Troïlos qui n'est qu'un enfant, réduire Chryséis et Briséis en esclavage et passer son temps à lancer des raids sur les cités de la côte phrygienne pour collectionner vaches, femmes et troupeaux de bronze, bien ; bouder sous sa tente au lieu d'aller tuer plus d'ennemis, pas bien...

C'est sûr qu'en sixième, c'est trop tôt pour s'attaquer à la question des système de valeurs. Surtout qu'ils sont beaucoup moins nets qu'on ne se l'imagine. L'Iliade elle-même, c'est une tension entre plusieurs systèmes. Ca commence sur la razzia, mais le bouclier d'Achilles déplace l'accent sur la protection de la cité. C'est une allégorie extrêmement intéressante quant à l'éthique du guerrier. On y voit par exemple une scène de justice qui fait écho à l'histoire de Patrocle enfant. Sans renier les objectifs initiaux de la guerre, il y a clairement une réévaluation des priorités. Briséis n'est plus le problème. Et l'Iliade s'achève sur la consolation du roi ennemi vaincu et une suspension de la violence.
J'ajouterai que la source de la morale dans les systèmes de l'Antiquité est très éloignée de la morale kantienne, et parfois dure à comprendre aujourd'hui. L'impureté des juifs, les vicissitudes des mythes archaïques, les vices décrits par les philosophes, le péché des chrétiens sont très différents de ce que la morale kantienne ou le droit moderne pourraient dénoncer. Ca va au-delà de dire que les raids sont bien et la bouderie pas bien.
Et chaque système de valeur connaît ses tensions internes. Pour moi, ce qui caractérise le plus une société, ce n'est pas telle ou telle caractéristique qu'elle aurait plus que les autres, ça résiste rarement à l'analyse, mais les débats et les doutes qui la tiraillent.

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par Iphigénie Jeu 13 Aoû 2020, 09:23
+1"D'accord avec Sphinx et Egomet
Les héros pas plus que les dieux antiques ne sont des incarnations de la morale, mais plutôt de la puissance dans le "bien" comme dans le ""mal". Et en effet leur intérêt est dans cette tension:  c'est ce qui rend Homère ou Sophocle passionnants d'ailleurs.
( Ce simple constat nous fait du bien dans notre époque si bien-pensante quoique si malfaisante, à mon avis...)
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par Sphinx Jeu 13 Aoû 2020, 09:36
egomet a écrit:
Si ces mythes ont été transmis de génération en génération, c'est qu'ils disent quelque chose de beaucoup plus profond qu'un simple divertissement. C'est qu'ils ont des résonnances très fortes dans l'âme humaine. C'est parce qu'ils expriment de vrais dilemmes qu'ils sont légendaires "dignes d'être lus". Ce sont des archétypes, mais sur des problèmes réels et difficiles: la rétribution du meurtrier, la restauration de l'ordre, les conflits de loyauté, la cupidité et les autres passions. Le mythe est d'autant plus intéressant qu'il exprime toutes les tensions inhérentes au problème sans forcément donner une solution simple. En tuant sa mère, Oreste commet un crime tout en accomplissant un acte sacré. La tension n'est dépassée que par l'instauration des institutions judiciaires et le sacrifice au dieux.

Et encore, faut-il attribuer toutes ces significations aux héros homériques... Quand Homère indique qu'un héros a tué quelqu'un sans faire exprès, il doit s'en purifier parce que la mort est une souillure religieuse, pas parce que c'est une tache morale (les bonnes cérémonies et hop, c'est réglé). La plupart de ces "crimes" et des conflits de valeurs afférents apparaissent dans des sources plus tardives il me semble, les tragiques (même s'il nous manque une bonne partie des sources épiques). Là aussi je serais très prudente à ne pas mélanger le système de valeurs de la fin de l'époque mycénienne, ce qu'en comprend le ou les poètes, le système de valeurs de l'époque de production du poème, le système de valeurs de l'époque de Sophocle ou d'Euripide, celui de l'époque de la poésie hellénistique, celui de l'époque de Sénèque, celui de l'époque de Racine, etc. Il n'y a pas un seul Achille ou un seul Oreste, il n'y a pas une seule interprétation ou une seule valeur des mythes.

Il me semble que la question du crime, de sa rétribution, de la culpabilité, etc, c'est un problématique très Ve siècle, Homère ou Hésiode ne prennent pas du tout les choses par le même bout. Aussi parce que le héros homérique est un mythe explicatif : après le règne de Cronos et des Titans (forces de la nature, forces cosmiques, si on se fie à l'interprétation de leurs noms), après le règne de Zeus et des Olympiens (force de création, apparition de telle et telle plante par l'action des dieux, union des dieux aux hommes, don de l'agriculture, de la vigne aux hommes, naissance des arts, de la forge et ainsi de suite), le temps des héros représente l'action "civilisatrice" des hommes sur leur environnement : il fallait des hommes hors du commun, nés d'une hiérogamie, pour dompter les "monstres" de l'inconnu, de la nature sauvage. Quand les héros ont terminé de remplir leur fonction, ils meurent et disparaissent, et c'est l'âge des hommes.

Pour un auteur tragique athénien qui essaie de rajouter dans tout ça du sens logique, c'est-à-dire du dialogue, de donner une vraie psychologie à ses personnages (Euripide notamment) et de placer le tout dans un décor qui tout en sonnant mythique parle un peu au lecteur, le héros finit fatalement par se heurter au plafond de verre : on ne peut pas faire ce qu'a fait le héros, c'est mal, c'est un crime, et là, hop, tragédie. Parce que le spectateur athénien vit dans un monde éminemment raisonnable. Et c'est encore pire pour nous dont le système moral (largement chrétien) est plus strict encore que le système athénien ("tu ne tueras point" quelles que soient les circonstances) : si on veut faire un film sur un héros, et le rendre sympathique, on est quand même obligé de mettre une bonne partie de l'histoire sous le tapis. (Le meurtre de Mégara et des enfants d'Hercule ? Selon les auteurs antiques "oui mais il était poussé par Atè sur l'ordre d'Héra, c'était pas sa faute." Selon les modernes, "oui mais quand même, quel crime affreux....")

Toutes proportions gardées, et on me dira peut-être que j'ai tort car je ne suis pas une experte, il me semble qu'on peut faire un parallèle avec les héros DC Comics et Marvel qui sont bien plus souvent, dans les films récents, accusés de crimes qui sont la conséquence de leurs pouvoirs et de leur inadaptation à la société (destruction de bâtiments etc) et doivent bien plus souvent faire face aux conséquences de leurs actions - ça devient un passage obligé, limte une tarte à la crème, de n'importe quel film - que leurs équivalents des comics d'il y a quarante ou cinquante ans. Les systèmes de valeurs changent là aussi ; l'humain se crée toujours des héros mais finit toujours par les trouver trop encombrants.

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par egomet Jeu 13 Aoû 2020, 16:49
Sphinx a écrit:

Et encore, faut-il attribuer toutes ces significations aux héros homériques... Quand Homère indique qu'un héros a tué quelqu'un sans faire exprès, il doit s'en purifier parce que la mort est une souillure religieuse, pas parce que c'est une tache morale (les bonnes cérémonies et hop, c'est réglé). La plupart de ces "crimes" et des conflits de valeurs afférents apparaissent dans des sources plus tardives il me semble, les tragiques (même s'il nous manque une bonne partie des sources épiques). Là aussi je serais très prudente à ne pas mélanger le système de valeurs de la fin de l'époque mycénienne, ce qu'en comprend le ou les poètes, le système de valeurs de l'époque de production du poème, le système de valeurs de l'époque de Sophocle ou d'Euripide, celui de l'époque de la poésie hellénistique, celui de l'époque de Sénèque, celui de l'époque de Racine, etc. Il n'y a pas un seul Achille ou un seul Oreste, il n'y a pas une seule interprétation ou une seule valeur des mythes.

Il me semble que la question du crime, de sa rétribution, de la culpabilité, etc, c'est un problématique très Ve siècle, Homère ou Hésiode ne prennent pas du tout les choses par le même bout. Aussi parce que le héros homérique est un mythe explicatif : après le règne de Cronos et des Titans (forces de la nature, forces cosmiques, si on se fie à l'interprétation de leurs noms), après le règne de Zeus et des Olympiens (force de création, apparition de telle et telle plante par l'action des dieux, union des dieux aux hommes, don de l'agriculture, de la vigne aux hommes, naissance des arts, de la forge et ainsi de suite), le temps des héros représente l'action "civilisatrice" des hommes sur leur environnement : il fallait des hommes hors du commun, nés d'une hiérogamie, pour dompter les "monstres" de l'inconnu, de la nature sauvage. Quand les héros ont terminé de remplir leur fonction, ils meurent et disparaissent, et c'est l'âge des hommes.

La question du crime est universelle. Ce qui varie, c'est l'organisation sociale qui permet d'y faire face. Plusieurs meurtres sont évoqués chez Homère. Les réponses sont archaïques. On est sur les systèmes les plus primitifs, que j'aurais tendance à qualifier de spontanés, à savoir la vendetta et le prix du sang. Le meurtre du compagnon de jeu de Patrocle n'est pas vengé. Sur le bouclier d'Achilles, il est également question d'un meurtre, mais là le conseil des anciens se réuni pour prendre une décision, de type prix du sang, si mon interprétation est bonne. Une somme d'or est d'ailleurs prévue pour récompenser les juges.
Pour l'anecdote, les systèmes de vendetta et de prix du sang sont toujours pratiqués dans certains coins d'Afrique. Mon gardien de nuit a été concerné il y a quelques années. Rien de bien grave, mais après quelques nuits au poste, sa famille a dû payer pour une agression au couteau et une blessure légère.

Tu as raison de signaler le décalage dans le temps. La tragédie athénienne classique se place sous le régime des lois de la cité. Il y a une grosse part de propagande d'ailleurs. Athènes est le modèle de la vertu civique et de la loi, par opposition à Thèbes, par exemple (très clair dans Œdipe à Colone). L'Orestie s'achève par un jugement de l'Aréopage, qui permet de briser le cycle de la vengeance, impasse des systèmes de rétribution archaïques. Il y a clairement l'évocation d'une transition dans l'œuvre d'Eschyle.

On ne saura jamais vraiment comment les choses se passaient à l'époque mycénienne.

Sphinx a écrit:Toutes proportions gardées, et on me dira peut-être que j'ai tort car je ne suis pas une experte, il me semble qu'on peut faire un parallèle avec les héros DC Comics et Marvel qui sont bien plus souvent, dans les films récents, accusés de crimes qui sont la conséquence de leurs pouvoirs et de leur inadaptation à la société (destruction de bâtiments etc) et doivent bien plus souvent faire face aux conséquences de leurs actions - ça devient un passage obligé, limte une tarte à la crème, de n'importe quel film - que leurs équivalents des comics d'il y a quarante ou cinquante ans. Les systèmes de valeurs changent là aussi ; l'humain se crée toujours des héros mais finit toujours par les trouver trop encombrants.

En effet. C'est tout le principe de la série X-men par exemple: des mutants rejetés et dangereux, qui souffrent plus qu'à leur tour. C'est aussi une réflexion sur l'élitisme qui impose plus de devoirs qu'il ne confère de droits. Je pense, que de tous les héros grecs, c'est Achille qui s'en rapproche le plus, notamment quand les dieux lui donnent des armes nouvelles. Les autres héros grecs ne sont pas investis d'une mission équivalente.
J'ai entendu dire qu'il y avait une influence biblique sur les superhéros Marvel, de l'Ancien Testament plus exactement, autour des représentants du Peuple Elu, mais d'un Peuple Elu qui fait constamment face à la catastrophe, qui souffre et a une mission salvatrice.

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par AsarteLilith Jeu 13 Aoû 2020, 17:21
''c'est Achille qui s'en rapproche le plus, notamment quand les dieux lui donnent des armes nouvelles'' : le passage qu'on peut lire dans le tdl 5e ?

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par egomet Jeu 13 Aoû 2020, 17:35
AsarteLilith a écrit:''c'est Achille qui s'en rapproche le plus, notamment quand les dieux lui donnent des armes nouvelles'' : le passage qu'on peut lire dans le tdl 5e ?

Je ne sais pas. Je n'ai pas le tdl 5e.

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par AsarteLilith Jeu 13 Aoû 2020, 18:24
En clair, si je te suis bien, le don des armes à Achille par Thétis se double de devoirs ( ici, protéger les compagnons d'armes) ? Il faut que je relise le texte alors.

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par egomet Jeu 13 Aoû 2020, 19:11
AsarteLilith a écrit:En clair, si je te suis bien, le don des armes à Achille par Thétis se double de devoirs ( ici, protéger les compagnons d'armes) ? Il faut que je relise le texte alors.

C'est évident. En fait, le don des armes est une nécessité pour lui permettre d'accomplir ses devoirs envers ses camarades, puisque les siennes sont aux mains d'Hector. Cela a été largement évoqué dans les pages précédentes.
Mais avec l'investiture des dieux, au travers de ces armes, on va au-delà de la simple fraternité militaire. La description des armes comporte une allégorie qui étend le champ des devoirs du guerrier. La pièce la plus décrite est le bouclier. Ce n'est pas un hasard. Dans l'imaginaire hoplitique, qui commence à peu près à l'époque d'Homère, c'est l'arme la plus importante. Bien sûr, on peut se dire que le bouclier est un bon support pour des images, mais d'autres pièces auraient pu faire l'affaire (par exemple une cuirasse), et de toute façon on se fiche un peu de la vraisemblance. C'est avec le bouclier qu'on établit sa solidarité avec ses frères d'armes. On se protège, mais on protège aussi le compagnon à sa gauche. Les scènes représentées ne laissent aucun doute sur la dimension civique de la mission. Alors qu'Agamemnon a organisé une razzia, Achille est posé comme le défenseur d'une cité, avec ses habitants, son mode de vie, ses dieux, sa justices. Tout ce qui compte pour un citoyen grec est représenté sur le bouclier.

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par AsarteLilith Jeu 13 Aoû 2020, 19:18
Très intéressant. Je ne fais pas étudier le bouclier en cours, j'irai lire ça pour compléter ma réflexion

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par Puck Jeu 13 Aoû 2020, 22:33
Tiens, Démone, un commentaire fort intéressant et qui plaît bien aux élèves.
http://expositions.bnf.fr/homere/antho/65/00.htm

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par AsarteLilith Jeu 13 Aoû 2020, 23:25
Merci, noble héraut !

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par Sitia Jeu 13 Aoû 2020, 23:41
Bonsoir,
la lecture de ce sujet m'a enfin amenée à m'inscrire sur ce forum que je lis assidument depuis quelques années. J'espère y contribuer efficacement.
Je pense que le mot "héros" tel qu'utilisé ici ne répond pas à une définition très stricte pour les Grecs: je n'ai pas l'Iliade sous la main, mais je crois qu’il y sert parfois de nom générique pour nombre de personnages, tout comme les rois sont souvent "divins" et tous "nourrissons de Zeus" ou quelque chose comme ça.
Il me semble que le héros grec doit respecter les dieux et les lois des hommes, et non le bien et le mal de notre morale. Il doit accomplir des actes sortant de l'ordinaire, qui suscitent l'admiration et le respect de ses pairs. Mais le risque avec des 6es me semble être qu'ils sont influencés par les super-héros du cinéma ou des séries, dotés de super-pouvoirs, de costumes avec ou sans cape, voire de masque.
Un héros grec, Hérakles ou Ulysse par exemple, est un homme ou le fils d'une divinité et d'un humain, et hormis une force ou une intelligence supérieure, il ne dispose d'aucun pouvoir extraordinaire, à moins qu'un dieu ne le lui donne temporairement ou l'aide directement ou en lui confiant un objet magique ou un secret bien utile. Il veille sur ses compagnons (même s'il les conduit parfois à leur perte), est responsable de leur sort car il leur est supérieur. La perfection n'entre pas en ligne de compte, me semble-t-il.
Ulysse, Achille, Jason, Persée sont qualifiés de héros mais sont différents. Certains éliminent des monstres, dans une quête ou au hasard de leur errance.  Achille, le héros par excellence, boude dans sa tente, disait un autre message : cela me semble très réducteur (après avoir lu avec passion JP Vernant et D Bouvier). Il a été privé sans raison de sa part d'honneur, lui pour qui l'honneur acquis par ses exploits guerriers est primordial. Il a subi une injustice et un affront publics (Briséis n'est plus le problème, disait encore un autre message) qui doivent être réparés publiquement. La mort de Patrocle change ses priorités, d'autant qu'il en ressent la responsabilité. Il devient un monstre assoiffé de vengeance, sombre dans l'hubris et oublie comment se comporter: respecter le corps de l'ennemi mort, manger avec ses compagnons, organiser les funérailles de son ami. Est-il un héros, outre sa valeur de guerrier, parce qu'il finit par retrouver et se soumettre comme avant aux lois des hommes et des dieux, en donnant l'hospitalité à Priam, en retrouvant des sentiments apaisés, en lavant et en rendant le corps d'Hector selon les règles, en accordant du temps pour ses funérailles, donc parce qu'il a vaincu le monstre qu'il était devenu sous l'emprise de la douleur ?
Je me suis éloignée du sujet initial. Je demande souvent aux 6es de lister qualités et défauts, justement, d'Ulysse, défauts selon notre regard à nous. Cela ne va pas très loin mais cela leur donne en général un peu de vocabulaire. J'axe ensuite davantage sur l'idée de modèle à imiter pour lesdites qualités, mais auquel on peut s'identifier et s'attacher malgré ou grâce auxdits défauts. Faire rêver les élèves en leur racontant Ulysse est important: certains m'en reparlent quand je les recroise des années plus tard.
*Ombre*
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Grand sage

héros grecs non héroïques ? Empty Re: héros grecs non héroïques ?

par *Ombre* Ven 14 Aoû 2020, 08:53
AsarteLilith a écrit:''c'est Achille qui s'en rapproche le plus, notamment quand les dieux lui donnent des armes nouvelles'' : le passage qu'on peut lire dans le tdl 5e ?

Ce n'est pas la description du bouclier qui figure dans ce manuel mais le passage qui suit un peu après, qui montre Achille revêtant son équipement et se préparant au combat. Ce portrait en acte révèle toute l'ambivalence du personnage, à la fois sublime et terrible. Je présente ce texte aux élèves, je le situe, je le lis, et je demande simplement aux élèves comment ils imaginent Achille d'après ce passage : fort ? beau ? effrayant ? ... autant de choix possibles qui doivent être justifiés en s'appuyant sur le texte. Il y a là matière au débat que Lilith appelle de ses voeux. À partir de ce seul texte, on met bien en évidence les tensions autour du personnage, l'éclat divin qui l'auréole, sa puissance mais aussi la violence de ses passions et sa démesure. Le héros, à cause de son ascendance et de ses dons, est toujours menacé par l'hybris. Je suis d'accord avec Sitia : celle-ci se manifeste pleinement dans l'outrage au corps d'Hector.

Le héros grec n'a pas à voir avec la morale. Il est, pour le meilleur et pour le pire, mi-dieu, mi-homme, c'est-à-dire qu'il renvoie à l'homme une image exacerbée, frappante, digne d'être chantée, de ce qu'il peut accomplir pour sa gloire et l'équilibre du monde, ou pour sa perte. Dans sa dimension positive, c'est un personnage civilisateur, qui combat des montres, ces créatures du chaos, et fonde des cités où prévaut l'ordre. Dans sa dimension négative, il cède aux passions, à l'hybris, et menace lui-même cet ordre. La plupart des héros incarnent ces deux facettes (Thésée, Jason...) mais c'est particulièrement lisible chez Achille.

Lilith, pour en revenir à ta demande, je pense que ce portrait d'Achille (voire le combat contre Hector) pourrait t'être utile.

Parmi les héros de la lose, tu peux peut-être aussi évoquer Bellérophon. On y retrouve, comme chez Jason ou Thésée, cette succession d'exploits, cette légitimité affirmée, et puis cette transgression des limites qui appelle le châtiment, mais l'histoire est beaucoup plus courte, et donc facilement abordable en classe. Je te mets le texte en spoiler.


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