- Melyne5Fidèle du forum
Merci Baldred de l'ouvrir. De plus celui-ci concernait les groupes de français et maths alors que nous parlons du français dans les derniers messages. D'ailleurs chez nous, aucun prof de math ne se plaint des groupes faibles, au contraire,ils trouvent ça génial et pensent que les élèves progressent bien . Même ressenti que pour la réforme de 2016 et les compétences qui nous avaient divisés . Tout simplement deux enseignements totalement différents.Baldred a écrit:Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:roxanne a écrit:Et après, tu ne prends que ça parce "tu comprends, moi, je n'ai pas la pédagogie pour les élèves en difficulté".
Remarque, moi non plus. Je ne sais pas faire. Quatorze élèves, souvent moins, dont la plupart n’arrive à rien : trop de lacunes, trop peu d’attention, trop peu de travail, trop peu d’espoir peut-être, et, pour certains, des désordres dans la tête. La moindre consigne, le moindre atome de leçon doit être répété et reformulé ad nauseam, sans quoi rien ne rentre et personne ne se met au travail. Cela n’empêche pas la plupart de tout faire de travers, et pour les derniers, ils me mettent à sec, et m’ont déjà deux fois fait dire cette phrase impensable : « Je suis désolé, je ne sais plus comment expliquer. »
Ce groupe m’épuise. J’ai la réputation d’être patient et indulgent, mais je me sens parfois devenir mauvais, et je revois les brusques colères qui échappaient à ma mère quand elle n’en pouvait plus d’essayer de m’apprendre à diviser. C’est l’effet de l’impuissance. Les heures passent, le peu qu’ils acquièrent est perdu le lendemain, où il faut tout reprendre. Alors, je régresse, je renonce à la pelle, j’abandonne le programme. Rien n’y fait. Nous sommes en octobre, ils sont en 5e, ils ne savent pas conjuguer être et avoir aux temps simples.
Ils ne sauraient pas davantage s’ils étaient moins nombreux. Je comprends maintenant ceux qui pensent que le nombre d’élèves joue peu. Ils seraient cinq que je serais toujours aussi démuni.
On doit pouvoir apprendre à enseigner ces élèves. Mais je n’ai pas envie d’apprendre. Je n’ai pas envie de me mettre la rate au court-bouillon parce qu’un ambitieux a voulu plaire avec une mesure faussement old school dont il n’aura jamais à répondre. Là encore, effet de l’impuissance : sans doute, si quelqu’un me montre une bonne façon de faire, et qui ne mange pas trop de temps, je me raviserai. En attendant, je prie pour que ces groupes passent à l'as.
Toujours est-il qu’il ne me viendrait pas à l’idée de laisser à d’autres ce fardeau. On m’a trop fait le coup quand j’étais remplaçant. J’espère bien que mes collègues pensent de même.
Merci pour ce témoignage, je pense qu'il faudrait ouvrir un fil particulier pour ces groupes dits "faibles" qui posent de nombreux problèmes qu'évidemment l'institution ignore. La prise en charge et le regroupement d'élèves en difficulté posent de nombreux problèmes dont les éléments de solution n'existent que dans nos expériences professionnelles et leur mutualisation. Se sentir en échec est un symptôme non pas de notre manque de compétences mais d'une nouvelle "mission impossible" ( Remember ? " si vous ou l'un de vos collaborateurs étiez capturés ou tués, le département d'état nierait avoir eu connaissance de vos agissements) de notre institution.
Si j'ai le temps, j'ouvrirai ce fil ce soir. Je propose une première piste : fuck le programme.
- Sylvain de Saint-SylvainGrand sage
yranoh a écrit:Tu ne trouves pas que ces élèves en très grande difficulté se trouvent mieux, plus à même d'apprendre, dans ces groupes plus petits et homogènes ? J'avais un certain nombre d'entre eux l'an dernier en 6e, et je dois dire qu'en français ils sont plus épanouis cette année (et pourtant il y en a vraiment deux qui sapent le cours). Idem pour les meilleurs, mais c'est plus évident.
Bon, pour moi ce sont des heures très pénibles, ça je ne dis pas.
S'ils s'en trouvent mieux, ils le cachent bien. Mais je vois tout en noir. Peut-être qu'ils en apprennent plus que je ne crois. Peut-être qu'il leur fait du bien de voir qu'on se consacre tout entier à eux. Surtout, si on pouvait bazarder le programme, et fixer quelques objectifs simples, je crois que ces élèves pourraient tirer profit du regroupement. Je ne me fais aucune illusion : si ces groupes sont maintenus et généralisés, dans trois ans, nous avons des groupes de trente.
Baldred a écrit:Si j'ai le temps, j'ouvrirai ce fil ce soir. Je propose une première piste : fuck le programme.
J'ai commencé de m'en éloigner. Mais je navigue à vue, sans savoir où je vais, ce qui m'est très déplaisant. Je ne saurais même pas fixer les objectifs souhaitables pour ce groupe. La discussion que tu viens d'ouvrir devrait m'être utile.
- marco66Niveau 3
Bonjour à tous,
Je lis, mais je participe peu, cependant
Ma compagne, très engagée comme CMI, mais en retraite depuis septembre avait le même ressenti ainsi, en fait, que toute notre équipe.
J'en soupçonne un cependant de ne pas être franc sur le fait qu'il trouverait ça bien...
Une voisine, prof des écoles, nous a expliqué qu'elle avait demandé sa mut' dans une "bonne" école parce qu'elle était bonne pour faire progresser les bons élèves...on étaient mi-horrifiés mi-morts de rire en sortant de chez eux.
Alors, oui, français et maths, ce sont des enseignements totalement différents et nous utilisons les ressources qui nous ont été attribuées différemment.
Mais on est contre les groupes, tous.
Je lis, mais je participe peu, cependant
En total désaccord avec ceci. Je suis prof de maths et complètement remonté contre la mise en place de cette ségrégation.Melyne5 a écrit:D'ailleurs chez nous, aucun prof de math ne se plaint des groupes faibles, au contraire,ils trouvent ça génial et pensent que les élèves progressent bien . Même ressenti que pour la réforme de 2016 et les compétences qui nous avaient divisés . Tout simplement deux enseignements totalement différents.
Ma compagne, très engagée comme CMI, mais en retraite depuis septembre avait le même ressenti ainsi, en fait, que toute notre équipe.
J'en soupçonne un cependant de ne pas être franc sur le fait qu'il trouverait ça bien...
Une voisine, prof des écoles, nous a expliqué qu'elle avait demandé sa mut' dans une "bonne" école parce qu'elle était bonne pour faire progresser les bons élèves...on étaient mi-horrifiés mi-morts de rire en sortant de chez eux.
Alors, oui, français et maths, ce sont des enseignements totalement différents et nous utilisons les ressources qui nous ont été attribuées différemment.
Mais on est contre les groupes, tous.
- yranohHabitué du forum
Ce n'est pas pour le défendre, mais parfois entre susciter le soupçon, la moquerie ou l'effroi on ne sait pas toujours que choisir.
- Manu7Expert spécialisé
Je viens ici pour répondre à Balred au sujet de sa remarque sur le groupe des faibles ou des nuls. Je suis totalement d’accord avec toi, un prof ne peut pas accepter qu’on parle d’élèves nuls ni qu’un élève se considère comme nul. Et quand un élève le dit je le reprends à chaque fois en lui rappelant que même si ses résultats ne sont pas très bons, il est loin d’être nul car il a acquis de nombreuses notions dans son parcours et qu’il est fort possible que plus tard il les utilisera quotidiennement bien plus souvent qu’un autre qui a de meilleurs résultats.
Mais je me positionnais à la place des élèves et pour eux c’est le groupe des nuls. Et c’est un fait. Et pour un élève c’est sans doute plus facile à affirmer que de dire qu’il est dans le groupe des faibles, car c’est une façon de se révolter. Au moins un nul, il peut être fort dans son domaine. Je me suis retrouvé dans un groupe de nuls quand j’étais en 4eme en anglais. Et nous avons été tellement forts dans notre nullité que les profs ont jeté l’éponge après un trimestre. On n’écrivait rien et on ne parlait pas anglais. Nous sommes revenus en classe entière, nous avons gagné notre combat.
Mais je me positionnais à la place des élèves et pour eux c’est le groupe des nuls. Et c’est un fait. Et pour un élève c’est sans doute plus facile à affirmer que de dire qu’il est dans le groupe des faibles, car c’est une façon de se révolter. Au moins un nul, il peut être fort dans son domaine. Je me suis retrouvé dans un groupe de nuls quand j’étais en 4eme en anglais. Et nous avons été tellement forts dans notre nullité que les profs ont jeté l’éponge après un trimestre. On n’écrivait rien et on ne parlait pas anglais. Nous sommes revenus en classe entière, nous avons gagné notre combat.
- BaldredSage
Manu7 a écrit:Je viens ici pour répondre à Balred au sujet de sa remarque sur le groupe des faibles ou des nuls. Je suis totalement d’accord avec toi, un prof ne peut pas accepter qu’on parle d’élèves nuls ni qu’un élève se considère comme nul. Et quand un élève le dit je le reprends à chaque fois en lui rappelant que même si ses résultats ne sont pas très bons, il est loin d’être nul car il a acquis de nombreuses notions dans son parcours et qu’il est fort possible que plus tard il les utilisera quotidiennement bien plus souvent qu’un autre qui a de meilleurs résultats.
Mais je me positionnais à la place des élèves et pour eux c’est le groupe des nuls. Et c’est un fait. Et pour un élève c’est sans doute plus facile à affirmer que de dire qu’il est dans le groupe des faibles, car c’est une façon de se révolter. Au moins un nul, il peut être fort dans son domaine. Je me suis retrouvé dans un groupe de nuls quand j’étais en 4eme en anglais. Et nous avons été tellement forts dans notre nullité que les profs ont jeté l’éponge après un trimestre. On n’écrivait rien et on ne parlait pas anglais. Nous sommes revenus en classe entière, nous avons gagné notre combat.
Bonsoir,
En effet, se dire nul est un puissant bouclier à opposer à celui qui tenterait quelque chose. C'est une manière tres efficace de s'empêcher de penser, et de s'opposer à toute tentative pour faire bouger les choses.
Dire d'un élève qu'il est nul c'est lui lancer une des malédictions les plus paralysantes qui soient. Certes si l'autorité qui prononce cette malédiction n'est pas légitime, ou injuste, cela peut constituer une force pour réagir, sinon...
Je comprends ton exemple, même s'il me parait biaisé. D'une part parce que les groupes de niveaux en langues ont une longue histoire, j'ai été moi par exemple surcôté avec un résultat navrant. D'autre part un 4e est plus mûr et mieux armé pour "jouer au con" si quelqu'un à l'imprudence d'aller le chercher sur ce terrain là.
Mais sur le fond, nous sommes d'accord : le classement est délétère, mais ça ne date pas du choc des savoirs.
Nous, les profs, nous oscillons entre 2 fonctions contradictoires : nous instruisons et nous classons. Cela a longtemps paru "naturel" au nom d'un "mérite " scolaire que nous incarnons sincèrement. Il me semble que ça ne l'est plus, et ce n'est pas du Bourdieu.
Ce que veut mettre en place le "choc des savoirs" est à mes yeux haïssable, le groupe "faible" ne doit pas être une filière, ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas utile.
Tiens une autre chose qui était évoqué sur le forum avant, les groupes faibles devaient concerner les enseignants les moins expérimentés, les stagiaires, les contractuels et offrir en enseignement au rabais. Qu'en-est-il finalement ?
- beaverforeverNeoprof expérimenté
D'après un article du Monde du 24 octobre, le ministère n'envisage pas de généraliser les groupes de " besoins " en 4e et 3e pour 2025. Le cabinet pense organiser du soutien à la place. Le budget actuel est insuffisant pour financer les groupes.
- roxanneOracle
C'était écrit dès le départ.
- Manu7Expert spécialisé
Et finalement, dans les collèges qui ont des groupes de niveau ou besoin, avez-vous des profs principaux de français ou maths en 6ème ou 5eme ?
- trompettemarineMonarque
Dans l'établissement d'un ami, c'est le cas. Moralité : les classes en barrettes ont leur conseils de classe la même soirée. Les collègues de maths ou de français doivent assister, en étant présents tous ensemble, aux trois conseils consécutifs.
- maduNiveau 8
Manu7 a écrit:Et finalement, dans les collèges qui ont des groupes de niveau ou besoin, avez-vous des profs principaux de français ou maths en 6ème ou 5eme ?
Oui. Je rencontre donc des parents d’élèves que je n’ai pas en classe.
- RubikNiveau 10
Oui, dans mon collège 2 collègues de français sont depuis toujours professeurs principales de 6e et ont accepté de continuer cette année. Elles disent dès maintenant que si le dispositif est reconduit, elles ne recommenceront pas l'année prochaine : elles assistent à des ESS ou mettent en place des PAP pour des élèves qu'elles n'ont pas et trouvent extrêmement inconfortable ce rôle pour des élèves qu'elles ne connaissent pas.
Nous avons 1 groupe faible par bloc de 2 classes, donc les collègues PP n'ont pas les faibles alors que ce sont justement ceux pour lesquels il y a le plus de travail avec les parents (beaucoup de refus d'orientation, plus une ulis dont les élèves sont en grande difficulté par exemple).
Pour ce qui est des conseils de classe, la direction a dit que les enseignants des groupes "à besoins" ne vont évidemment pas faire tous les conseils, de choisir ceux où l'on a le plus d'élèves ou bien le plus à dire. Ce qui va évidemment vider encore plus les conseils de leur substance.
Moi par exemple, j'ai 2 groupes faibles de 6e, donc des élèves issus de 4 classes. Je vais aller au conseil de la classe dans laquelle j'ai 8 élèves, mais pas aux autres pour lesquels je n'ai que 3 élèves.
J'irai en revanche au conseil des 5e où j'ai le groupe "normal", mais je ne connais pas les 5 élèves que je n'ai pas en classe.
Nous avons 1 groupe faible par bloc de 2 classes, donc les collègues PP n'ont pas les faibles alors que ce sont justement ceux pour lesquels il y a le plus de travail avec les parents (beaucoup de refus d'orientation, plus une ulis dont les élèves sont en grande difficulté par exemple).
Pour ce qui est des conseils de classe, la direction a dit que les enseignants des groupes "à besoins" ne vont évidemment pas faire tous les conseils, de choisir ceux où l'on a le plus d'élèves ou bien le plus à dire. Ce qui va évidemment vider encore plus les conseils de leur substance.
Moi par exemple, j'ai 2 groupes faibles de 6e, donc des élèves issus de 4 classes. Je vais aller au conseil de la classe dans laquelle j'ai 8 élèves, mais pas aux autres pour lesquels je n'ai que 3 élèves.
J'irai en revanche au conseil des 5e où j'ai le groupe "normal", mais je ne connais pas les 5 élèves que je n'ai pas en classe.
- Aperçu par hasardModérateur
Baldred a écrit:Nous, les profs, nous oscillons entre 2 fonctions contradictoires : nous instruisons et nous classons.
C'est, depuis que je suis enseignant, une contradiction qui véritablement m'embarrasse et sur laquelle je ne cesse de me questionner. Je m'étonne souvent que l'on assimile à ce point évaluation et classement, comme si les deux étaient naturellement indissociables. C'est-à-dire, dans le fond, qu'on assimile évaluation et notation, avec cette fonction particulière de la note que d'une manière ou d'une autre elle doit contribuer à la fin au calcul d'une note moyenne qui vaudra comme instrument de comparaison et donc, oui, de classement.
Je rêve (mais je suis idéaliste, je le sais) d'une évaluation qui soit avant tout un dialogue continu entre des intelligences (celle de l'enseignant et celle de l'élève, celles des élèves entre eux), une évaluation délicate qui ait surtout le souci de faire sens pour celui à qui elle s'adresse, et où l'on n'attendrait pas constamment que le développement des aptitudes soit réduit à des indicateurs.
Mais on voit bien que nous sommes pris dans un fonctionnement bien différent, à l'unisson de la société contemporaine, pas seulement occidentale d'ailleurs: il nous faut multiplier les indicateurs objectifs (ou supposés tels) de performance et de progrès, pas de formation qui tienne sans cela, et les élèves sont eux-même poussés à se considérer comme des sortes de produits dont il faudrait à chaque instant vérifier la conformité à certains standards, jusqu'à finir dans le bon panier de ceux qui passent de manière optimale le test qualité. Je me dis parfois qu'il faudrait être Persan, chasseur-cueilleur ou carrément venir d'une autre planète pour se rendre compte de ce qu'il y a d'exotique et de non nécessaire dans cette manière de concevoir l'évaluation et la formation.
Bon... c'est juste une petite remarque en forme de parenthèse. Je ne voudrais pas faire dévier le fil vers des considérations trop générales...
- Barnafée la PatouilleNeoprof expérimenté
Manu7 a écrit:Et finalement, dans les collèges qui ont des groupes de niveau ou besoin, avez-vous des profs principaux de français ou maths en 6ème ou 5eme ?
Oui, des collègues de maths ont fait ce choix. Elles ont une heure de "devoirs faits" avec leur classe afin de tous les connaître.
- Barnafée la PatouilleNeoprof expérimenté
beaverforever a écrit:D'après un article du Monde du 24 octobre, le ministère n'envisage pas de généraliser les groupes de " besoins " en 4e et 3e pour 2025. Le cabinet pense organiser du soutien à la place. Le budget actuel est insuffisant pour financer les groupes.
Enfin un choix pertinent.
Mais seront-ils maintenus en 6e-5e?
- BaldredSage
Aperçu par hasard a écrit:Baldred a écrit:Nous, les profs, nous oscillons entre 2 fonctions contradictoires : nous instruisons et nous classons.
C'est, depuis que je suis enseignant, une contradiction qui véritablement m'embarrasse et sur laquelle je ne cesse de me questionner. Je m'étonne souvent que l'on assimile à ce point évaluation et classement, comme si les deux étaient naturellement indissociables. C'est-à-dire, dans le fond, qu'on assimile évaluation et notation, avec cette fonction particulière de la note que d'une manière ou d'une autre elle doit contribuer à la fin au calcul d'une note moyenne qui vaudra comme instrument de comparaison et donc, oui, de classement.
Je rêve (mais je suis idéaliste, je le sais) d'une évaluation qui soit avant tout un dialogue continu entre des intelligences (celle de l'enseignant et celle de l'élève, celles des élèves entre eux), une évaluation délicate qui ait surtout le souci de faire sens pour celui à qui elle s'adresse, et où l'on n'attendrait pas constamment que le développement des aptitudes soit réduit à des indicateurs.
Mais on voit bien que nous sommes pris dans un fonctionnement bien différent, à l'unisson de la société contemporaine, pas seulement occidentale d'ailleurs: il nous faut multiplier les indicateurs objectifs (ou supposés tels) de performance et de progrès, pas de formation qui tienne sans cela, et les élèves sont eux-même poussés à se considérer comme des sortes de produits dont il faudrait à chaque instant vérifier la conformité à certains standards, jusqu'à finir dans le bon panier de ceux qui passent de manière optimale le test qualité. Je me dis parfois qu'il faudrait être Persan, chasseur-cueilleur ou carrément venir d'une autre planète pour se rendre compte de ce qu'il y a d'exotique et de non nécessaire dans cette manière de concevoir l'évaluation et la formation.
Bon... c'est juste une petite remarque en forme de parenthèse. Je ne voudrais pas faire dévier le fil vers des considérations trop générales...
C'est sans doute le cœur du sujet, mais un vaste débat qui se fige vite entre les tenants d'un darwinisme scolaire qui légitime la sélection des "meilleurs" et les "bisounours" rousseaussistes à l'égalitarisme naïf. En général on parle assez vite de l'échec du collège unique, des sportifs, des médecins, des plombiers, des boulangers, de mai 68 et de son grand père.
Pourtant la création d'une orientation sélection précoce que sous-tend le "choc des savoirs" pose bien la question de cette opposition instruction/ classement.
En choisissant de travailler avec les groupes faibles, est-ce que je défends l'éducation pour tous, ou est-ce que je rends plus "cool" la sélection des plus aptes ?
- michel74Niveau 5
Baldred a écrit:Aperçu par hasard a écrit:Baldred a écrit:Nous, les profs, nous oscillons entre 2 fonctions contradictoires : nous instruisons et nous classons.
C'est, depuis que je suis enseignant, une contradiction qui véritablement m'embarrasse et sur laquelle je ne cesse de me questionner. Je m'étonne souvent que l'on assimile à ce point évaluation et classement, comme si les deux étaient naturellement indissociables. C'est-à-dire, dans le fond, qu'on assimile évaluation et notation, avec cette fonction particulière de la note que d'une manière ou d'une autre elle doit contribuer à la fin au calcul d'une note moyenne qui vaudra comme instrument de comparaison et donc, oui, de classement.
Je rêve (mais je suis idéaliste, je le sais) d'une évaluation qui soit avant tout un dialogue continu entre des intelligences (celle de l'enseignant et celle de l'élève, celles des élèves entre eux), une évaluation délicate qui ait surtout le souci de faire sens pour celui à qui elle s'adresse, et où l'on n'attendrait pas constamment que le développement des aptitudes soit réduit à des indicateurs.
Mais on voit bien que nous sommes pris dans un fonctionnement bien différent, à l'unisson de la société contemporaine, pas seulement occidentale d'ailleurs: il nous faut multiplier les indicateurs objectifs (ou supposés tels) de performance et de progrès, pas de formation qui tienne sans cela, et les élèves sont eux-même poussés à se considérer comme des sortes de produits dont il faudrait à chaque instant vérifier la conformité à certains standards, jusqu'à finir dans le bon panier de ceux qui passent de manière optimale le test qualité. Je me dis parfois qu'il faudrait être Persan, chasseur-cueilleur ou carrément venir d'une autre planète pour se rendre compte de ce qu'il y a d'exotique et de non nécessaire dans cette manière de concevoir l'évaluation et la formation.
Bon... c'est juste une petite remarque en forme de parenthèse. Je ne voudrais pas faire dévier le fil vers des considérations trop générales...
C'est sans doute le cœur du sujet, mais un vaste débat qui se fige vite entre les tenants d'un darwinisme scolaire qui légitime la sélection des "meilleurs" et les "bisounours" rousseaussistes à l'égalitarisme naïf. En général on parle assez vite de l'échec du collège unique, des sportifs, des médecins, des plombiers, des boulangers, de mai 68 et de son grand père.
Pourtant la création d'une orientation sélection précoce que sous-tend le "choc des savoirs" pose bien la question de cette opposition instruction/ classement.
En choisissant de travailler avec les groupes faibles, est-ce que je défends l'éducation pour tous, ou est-ce que je rends plus "cool" la sélection des plus aptes ?
Pour moi c'est clairement le deuxième choix : je rends plus "cool" la sélection des plus aptes
Il aurait fallu organiser autrement. On a voulu prendre comme exemple la methode de Singapour , mais en oubliant que les "faibles" ne vont pas au même rythme , ils ont une année de plus.... Et la bas, c'est compétition à fond !! avec toutes les dérives ... En France , on veut le beurre et l'argent du beurre .. Une réforme mais sans trop changer et à moindre coût ...
- henrietteMédiateur
On est pris dans des injonctions paradoxales.
Les plus faibles ont besoin de plus de temps et/ou iront moins loin dans un programme donné, mais on ne peut/veut pas faire redoubler.
Si on les met à part dans un groupe faible, outre les problèmes éthiques potentiels, il faut aussi donner plus de temps si on veut qu'ils raccrochent et atteignent le niveau médian. Comment faire ça sans leur mettre des heures en plus par rapport aux autres, ou aménager la scolarité type deux années en trois ans, voire une année en deux ans ?
Si on laisse les classes hétérogènes à 30 ou 31, ça ne fonctionne pas non plus. Comment leur apporter l'aide et le temps supplémentaire dont ils ont besoin ? Et si on allège les classes à 24 avec des heures en demi-groupe, cela demande des profs, des salles et des sous en plus.
Les plus faibles ont besoin de plus de temps et/ou iront moins loin dans un programme donné, mais on ne peut/veut pas faire redoubler.
Si on les met à part dans un groupe faible, outre les problèmes éthiques potentiels, il faut aussi donner plus de temps si on veut qu'ils raccrochent et atteignent le niveau médian. Comment faire ça sans leur mettre des heures en plus par rapport aux autres, ou aménager la scolarité type deux années en trois ans, voire une année en deux ans ?
Si on laisse les classes hétérogènes à 30 ou 31, ça ne fonctionne pas non plus. Comment leur apporter l'aide et le temps supplémentaire dont ils ont besoin ? Et si on allège les classes à 24 avec des heures en demi-groupe, cela demande des profs, des salles et des sous en plus.
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"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
- Aperçu par hasardModérateur
Baldred a écrit:Aperçu par hasard a écrit:Baldred a écrit:Nous, les profs, nous oscillons entre 2 fonctions contradictoires : nous instruisons et nous classons.
C'est, depuis que je suis enseignant, une contradiction qui véritablement m'embarrasse et sur laquelle je ne cesse de me questionner. Je m'étonne souvent que l'on assimile à ce point évaluation et classement, comme si les deux étaient naturellement indissociables. C'est-à-dire, dans le fond, qu'on assimile évaluation et notation, avec cette fonction particulière de la note que d'une manière ou d'une autre elle doit contribuer à la fin au calcul d'une note moyenne qui vaudra comme instrument de comparaison et donc, oui, de classement.
Je rêve (mais je suis idéaliste, je le sais) d'une évaluation qui soit avant tout un dialogue continu entre des intelligences (celle de l'enseignant et celle de l'élève, celles des élèves entre eux), une évaluation délicate qui ait surtout le souci de faire sens pour celui à qui elle s'adresse, et où l'on n'attendrait pas constamment que le développement des aptitudes soit réduit à des indicateurs.
Mais on voit bien que nous sommes pris dans un fonctionnement bien différent, à l'unisson de la société contemporaine, pas seulement occidentale d'ailleurs: il nous faut multiplier les indicateurs objectifs (ou supposés tels) de performance et de progrès, pas de formation qui tienne sans cela, et les élèves sont eux-même poussés à se considérer comme des sortes de produits dont il faudrait à chaque instant vérifier la conformité à certains standards, jusqu'à finir dans le bon panier de ceux qui passent de manière optimale le test qualité. Je me dis parfois qu'il faudrait être Persan, chasseur-cueilleur ou carrément venir d'une autre planète pour se rendre compte de ce qu'il y a d'exotique et de non nécessaire dans cette manière de concevoir l'évaluation et la formation.
Bon... c'est juste une petite remarque en forme de parenthèse. Je ne voudrais pas faire dévier le fil vers des considérations trop générales...
C'est sans doute le cœur du sujet, mais un vaste débat qui se fige vite entre les tenants d'un darwinisme scolaire qui légitime la sélection des "meilleurs" et les "bisounours" rousseaussistes à l'égalitarisme naïf. En général on parle assez vite de l'échec du collège unique, des sportifs, des médecins, des plombiers, des boulangers, de mai 68 et de son grand père.
Pourtant la création d'une orientation sélection précoce que sous-tend le "choc des savoirs" pose bien la question de cette opposition instruction/ classement.
En choisissant de travailler avec les groupes faibles, est-ce que je défends l'éducation pour tous, ou est-ce que je rends plus "cool" la sélection des plus aptes ?
Je pense qu'il y a là un paradoxe ordinaire (lié à la contradiction que tu évoquais précédemment) que les groupes de niveau ne font que rendre plus visible: en tant qu'enseignant, nous sommes très nombreux à défendre l'idée d'une éducation pour tous, mais, groupes de niveau ou pas, nous sommes contraints d’œuvrer dans un système qui fait de la systématisation de l'évaluation chiffrée (érigée en indicateur ultime) et donc du tri la condition sine qua non de la formation.
Suis-je un Bisounours? Peut-être. Mais je voudrais seulement insister (encore) en passant sur le fait que l'abandon du recours constant à des indicateurs chiffrés (censés être objectifs) et du tri ne devrait pas signifier pour autant l'abandon du jugement et de l'évaluation. Le jugement, plutôt que d'être figé dans une note, une couleur ou tout ce qu'on voudra, peut être - de manière à mon avis tout à fait suffisante - articulé à un bilan oral ou écrit et à une explication qui donne une perspective dans une logique de dialogue continu avec celui à qui il s'adresse. Bon... cela peut-il fonctionner avec une classe de 30, ou même avec une classe de 20? C'est peu probable j'en conviens. A mon avis il faudrait tout repenser en profondeur, et non pas tant faire des groupes de niveau que des petits groupes sans considération de niveau pour rendre possible ce mode d'évaluation essentiellement dialogué (ceci incluant l'habitude du dialogue entre les élèves).
Pour revenir sur l'idée d'une éducation pour tous et sur mon éventuel tropisme du côté des Bisounours, j'ajoute que je crois en l'égalité des intelligences. On me dira que c'est faux, que d'ailleurs des études montrent que, etc. Et on aura probablement raison. Mais je m'en fiche. Parce que j'ai choisi d'y croire comme d'autres croient en Dieu, et qu'il me semble que cette foi m'aide à faire mon travail.
- yranohHabitué du forum
Le redoublement est possible. Seulement on ne le pratique plus. Ce qui serait peut-être bien c'est que les élèves et leurs parents sachent qu'ils ont cette possibilité.
- Manu7Expert spécialisé
yranoh a écrit:Le redoublement est possible. Seulement on ne le pratique plus. Ce qui serait peut-être bien c'est que les élèves et leurs parents sachent qu'ils ont cette possibilité.
Dans notre collège et notre académie on le pratique à nouveau depuis quelques années et d'ailleurs nous sommes régulièrement conviés à des commissions d'appel et maintenant on peut le pratiquer à tous les niveaux. Il me semblait que je ne sais plus quel ministre avait changé les règles, je suppose que je ne rêve pas puisque que j'étais en commission d'appel en juin dernier.
- PrezboGrand Maître
Manu7 a écrit:Et finalement, dans les collèges qui ont des groupes de niveau ou besoin, avez-vous des profs principaux de français ou maths en 6ème ou 5eme ?
Témoignage côté parent : j'ai une fille en 6ème qui a pour PP un prof de maths qu'elle n'a pas en classe. Elle le voit une fois par quinzaine en vie de classe, et une fois par quinzaine en aide aux devoirs. Ce n'est pas idéal.
(Dans le même collège, la prof-doc est également PP d'une classe.)
- Manu7Expert spécialisé
Prezbo a écrit:Manu7 a écrit:Et finalement, dans les collèges qui ont des groupes de niveau ou besoin, avez-vous des profs principaux de français ou maths en 6ème ou 5eme ?
Témoignage côté parent : j'ai une fille en 6ème qui a pour PP un prof de maths qu'elle n'a pas en classe. Elle le voit une fois par quinzaine en vie de classe, et une fois par quinzaine en aide aux devoirs. Ce n'est pas idéal.
(Dans le même collège, la prof-doc est également PP d'une classe.)
J'imagine les réunions parents / PP où le PP paraphrase le bulletin en ayant la crainte de se tromper d'élève...
A une époque nous n'étions pas très chauds d'avoir un PP qui voit les élèves seulement une heure par semaine et maintenant ce sont des sauveurs !!!
- vik78Niveau 3
C'est le cas aussi chez nous: prof doc PP et prof de maths PP en 6ème !Prezbo a écrit:Manu7 a écrit:Et finalement, dans les collèges qui ont des groupes de niveau ou besoin, avez-vous des profs principaux de français ou maths en 6ème ou 5eme ?
Témoignage côté parent : j'ai une fille en 6ème qui a pour PP un prof de maths qu'elle n'a pas en classe. Elle le voit une fois par quinzaine en vie de classe, et une fois par quinzaine en aide aux devoirs. Ce n'est pas idéal.
(Dans le même collège, la prof-doc est également PP d'une classe.)
- poutouNiveau 10
J'ai 2 groupes de 6e, ce qui fait que je connais tous les élèves de la classe dont je suis pp, même s'ils sont répartis sur 2 groupes.
C'est un peu étrange car je connais peu les relations entre eux de classe, par rapport aux années précédentes.
Il était hors de question que je sois pp si je n'avais pas tous les élèves en cours de Français.
Comme le principal manquait de pp, il a bien dû accepter notre demande. 3 de mes collègues de maths sont aussi pp et ont aussi 2 groupes de 6e (ou de 5e) pour connaitre tous les élèves de la classe dont ils sont pp. Mais mes collegues de Lettres ont jeté l'éponge.
Pas sûre de recommencer l'an prochain, si les groupes sont maintenus. C'est quand même très étrange pour moi, la mission de pp ainsi conçue...
C'est un peu étrange car je connais peu les relations entre eux de classe, par rapport aux années précédentes.
Il était hors de question que je sois pp si je n'avais pas tous les élèves en cours de Français.
Comme le principal manquait de pp, il a bien dû accepter notre demande. 3 de mes collègues de maths sont aussi pp et ont aussi 2 groupes de 6e (ou de 5e) pour connaitre tous les élèves de la classe dont ils sont pp. Mais mes collegues de Lettres ont jeté l'éponge.
Pas sûre de recommencer l'an prochain, si les groupes sont maintenus. C'est quand même très étrange pour moi, la mission de pp ainsi conçue...
- floflo1010Niveau 6
Mais un prof doc peut être P.P. ?vik78 a écrit:C'est le cas aussi chez nous: prof doc PP et prof de maths PP en 6ème !Prezbo a écrit:Manu7 a écrit:Et finalement, dans les collèges qui ont des groupes de niveau ou besoin, avez-vous des profs principaux de français ou maths en 6ème ou 5eme ?
Témoignage côté parent : j'ai une fille en 6ème qui a pour PP un prof de maths qu'elle n'a pas en classe. Elle le voit une fois par quinzaine en vie de classe, et une fois par quinzaine en aide aux devoirs. Ce n'est pas idéal.
(Dans le même collège, la prof-doc est également PP d'une classe.)
- Collège : groupes de niveaux maths et français, 2 scénarios
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