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lila
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par lila Dim 7 Sep 2008 - 17:38
Dans le cadre d'une séquence sur l'argu autour du thème de la guerre, auriez-vous des suggestions de lecture pour des STG "détestant" lire, et venant de BEP ?
Sicrette
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par Sicrette Dim 7 Sep 2008 - 17:52
J'ai des STG et je leur ai proposé:
"la ferme des animaux" Orwell
"A l'ouest rien de nouveau" Remarque
"Le grand troupeau" Giono (pour les bons lecteurs)


Dernière édition par Sicrette le Dim 7 Sep 2008 - 19:32, édité 1 fois
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Abraxas
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par Abraxas Dim 7 Sep 2008 - 17:58
"Candide soldat" - et les lettres de poilus éditées en Biblio. Le bombardement de Desde par Malaparte dans la Peau (et l'ensemble du livre, d'ailleurs). Fabrice à Waterloo, et la charge de la cavalerie telle que la raconte Hugo dans les Misérables. Le passage de 1984 où, à l'intérieur d'un discours d'un dirigeant, l'ennemi change, suite à un renversement d'alliances, et où la foule conspue ceux qu'elle acclamait l'instant d'avant. Et le "Barbara" de Prévert. C'est l'un des sujets le splus riches et les plus marquants, à condition de ne pas lésiner sur le saignant : les élèves finissent par comprendre que la bonne littérature est tout à fait capable d'exprimer l'horreur sans avoir recours à l'image - qu'elle est plus forte que l'image.
Vous avez aussi quelques passages particulièrement sanglants dans Pour qui sonne le glas - rayon "guerres civiles" : ça colle assez bien avec une analyse d'image de Guernica.
ysabel
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par ysabel Dim 7 Sep 2008 - 19:49
Le collaborateur et autres nouvelles de Aragon (folio 2€, on y trouve trois nouvelles vraiment très bien)
"Les Fourmis", de Boris Vian, une nouvelle courte très déconcertante et amusante que l'on trouve dans le recueil Bonnes Nouvelles (Bertrand Lacoste)

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henriette
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par henriette Dim 7 Sep 2008 - 22:30
Effroyables jardins est très court aussi, et passe bien en général.
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Hervé
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par Hervé Lun 8 Sep 2008 - 16:18
Le Feu, Journal d'une escouade d'Henri Barbusse (1916)
L'enfer des tranchées ...

"On a le cœur soulevé, tordu par l'odeur soufrée. Les souffles de la mort nous poussent, nous soulèvent, nous balancent."

Avec, en parallèle, la lecture de Tardi (par exemple : C'était la guerre des tranchées chez Casterman ...)

... Sans oublier la Chanson de Craonne :

"Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn'ne veut plus marcher,
Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.

Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés.

Huit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

Refrain

C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si, pour eux, la vie est rose,
Pour nous, c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's,les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.

Refrain
Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !"
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Invité
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par Invité Lun 8 Sep 2008 - 17:33
Il y a aussi Les Croix de Bois de Roland Dorgelès. C'est un roman assez facile à lire sur la guerre 14-18. Bon, faut aimer...
Là, un résumé: http://www.livres-online.com/Les-Croix-de-Bois.html
Kan-gourou
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par Kan-gourou Mar 9 Sep 2008 - 20:03
Je m'incruste parce que ça m'intéresse aussi.

Avez-vous un texte délibératif sur la guerre ?

Merci
minnie
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par minnie Mer 10 Sep 2008 - 6:58
un dialogue entre les frères THibaults de Roger Martin du Guard....
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Hervé
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par Hervé Jeu 11 Sep 2008 - 1:09
Avez-vous un texte délibératif sur la guerre ?

Délibératif ? Propre à emporter l'adhésion (ou le rejet) d'une assemblée ?
Cicéron a dû en faire des discours sur la question. Mais je pense aux discours des grandes figures de la Révolution française, Robespierre :
http://membres.multimania.fr/discours/guerre.htm
Danton (un extrait de son appel à l'Assemblée législative en1792 a d'ailleurs été donné au bac une année ...) Le fameux "De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace " ...

On trouve dans le petit bouquin de ... de Brighelli (décidément!) et Dobransky : L'Argumentation - Bac français 2de-1re- publié chez Magnard (collection Totem), la proclamation de Napoléon à ses troupes (1er mars 1815) et un débat à la chambre des députés entre Jules Ferry et Georges Clémenceau (juillet 1885) sur les guerres coloniales ...

Je pense aussi bien sûr à Victor Hugo tribun ... Il me semble aussi qu'au début de Nicomède de Corneille, à vérifier ...

Euh ... Dominique de Villepin, lors de la deuxième intervention des américains en Irak ... guerre/ STG : idée lecture 3795679266

Sinon, en groupement de texte : La Bruyère (Contre la Guerre) qui annonce Voltaire (le classique chapitre troisième de Candide et l'article Guerre du Dictionnaire philosophique )...
Kan-gourou
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par Kan-gourou Jeu 11 Sep 2008 - 8:01
Hervé a écrit:
Avez-vous un texte délibératif sur la guerre ?

Délibératif ? Propre à emporter l'adhésion (ou le rejet) d'une assemblée ?

Plutôt délibératif dans le sens: confrontation de points de vue différents dans le but de prendre une décision.
On prend généralement pour exemple les monologues des pièces de Racine mais je n'en trouve pas sur le thème de la guerre.
Nou
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par Nou Jeu 11 Sep 2008 - 8:07
Hervé, le texte de La Bruyère mentionné plus haut se trouve dans Les Caractères? Il ne me dit rien...

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par ysabel Jeu 11 Sep 2008 - 15:23
Dominique de Villepin, lors de la deuxième intervention des américains en Irak ...

Intéressant effectivement ,mais il faut peut-être attendre encore qq années avant de l'utiliser en classe - par précaution.

Je commence aussi cette année par un gpt sur la guerre en 1ère et comme je n'ai rien trouvé de vraiment caractéristique pour la délibération, je renvoie cela à ma séquence sur Tartuffe où je ferai un corpus sur la délibération au théâtre au XVIIe siècle Twisted Evil

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par Ruthven Jeu 11 Sep 2008 - 16:18
Sur la guerre, je viens de penser à ce beau poème de Renè Daumal, dans Les dernières paroles du poète. (Bon, il vaut quand même mieux l'expliquer avec les élèves sans doute).

La guerre sainte

Je vais faire un poème sur la guerre. Ce ne sera peut-être pas un vrai poème, mais ce sera sur une vraie guerre.
Ce ne sera pas un vrai poème, parce que le vrai poète, s'il était ici, et si le bruit se répandait parmi la foule qu'il allât parler,
- alors un grand silence se ferait, un lourd silence d'abord se gonflerait, un silence gros de mille tonnerres.
Visible, nous le verrions, le poète ; voyant, il nous verrait ; et nous pâlirions dans nos pauvres ombres, nous lui en voudrions d'être si réel, nous les malingres, nous les gênés, nous les tout-chose.
Il serait ici, plein à craquer des mille tonnerres de la multitude des ennemis qu'il contient
- car il les contient, et les contente quand il veut –
incandescent de douleur et de sacrée colère, et pourtant tranquille comme un artificier,
dans le grand silence il ouvrirait un petit robinet, le tous petit robinet du moulin à paroles,
et par là nous lâcherait un poème, un tel poème qu'on en deviendrait vert.
*
Ce que je vais faire ne sera pas un vrai poème poétique de poète, car si le mot "guerre" était dit dans un vrai poème,
alors la guerre, la vraie guerre dont parlerait le vrai poète, la guerre sans merci, la guerre sans compromis s'allumerait définitivement dans le dedans de nos cœurs.
Car dans un vrai poème les mots portent leurs choses

Mais ce ne sera pas non plus discours philosophique. Car pour être philosophe, pour aimer la vérité plus que soi-même, il faut être mort à l'erreur, il faut avoir tué les traîtres complaisances du rêve et de l'illusion commode. Et cela, c'est le but et la fin de la guerre, et la guerre est à peine commencée, il y a encore des traîtres à démasquer.
Et ce ne sera pas non plus œuvre de science. Car pour être un savant, pour voir et aimer voir les choses telles qu'elles sont, il faut être soi-même, et aimer se voir, tel qu'on est. Il faut avoir brisé les miroirs menteurs, il faut avoir tué d'un regard impitoyable les fantômes insinuants. Et cela, c'est le but et la fin de la guerre, et la guerre est à peine commencée, il y a encore des masques à arracher.
Et ce ne sera pas non plus un chant enthousiaste. Car l'enthousiasme est stable quand le dieu s'est dressé, quand les ennemis ne sont plus que des forces sans formes, quand le tintamarre de guerre tinte à tout casser, et la guerre est à peine commencée, nous n'avons pas encore jeté au feu notre literie.
Ce ne sera pas non plus une invocation magique, car le magicien demande à son dieu "Fais ce qui me plaît", et il refuse de faire la guerre à son pire ennemi, si l'ennemi lui plaît et pourtant ce ne sera pas davantage une prière de croyant, car le croyant demande à son mieux : "Fais ce que tu veux", et pour cela il a dû mettre le fer et le feu dans les entrailles de son plus cher ennemi, - ce qui est le fait de la guerre, et la guerre est à peine commencée.

Ce sera un peu de tout cela, un peu d'espoir et d'effort vers tout cela, et ce sera aussi un peu un appel aux armes. Un appel que le jeu des échos pourra me renvoyer, et que peut-être d'autres entendront.

Vous devinez maintenant de quelle guerre je veux parler.

Des autres guerre - de celles que l'on subit - je ne parlerai pas. Si j'en parlais, ce serait de la littérature ordinaire, un substitut, un à-défaut, une excuse. Comme il m'est arrivé d'employer le mot "terrible" alors que je n'avais pas la chair de poule. Comme j'ai employé l'expression "crever de faim" alors que je n'en étais pas arrivé à voler aux étalages. Comme j'ai parlé de folie avant d'avoir tenté de regarder l'infini par le trou de la serrure. Comme j'ai parlé de mort, avant d'avoir senti ma langue prendre le goût de sel de l'irréparable. Comme certains parlent de pureté, qui se sont toujours considérés comme supérieurs au porc domestique. Comme certains parlent de liberté, qui adorent et repeignent leurs chaînes. Comme certains parlent d'amour, qui n'aiment que l'ombre d'eux-mêmes. Ou de sacrifice, qui ne se couperaient pour rien le plus petit doigt. Ou de connaissance, qui se déguisent à leurs propres yeux. Comme c'est notre grande maladie de parler pour ne rien voir.

Ce serait un substitut impuissant, comme des vieillards et des malades parlent volontiers des coups que donnent ou reçoivent les jeunes gens bien portants.

Ai-je donc le droit de parler de cette autre guerre - celle qu'on ne subit pas seulement – alors qu'elle n'est peut-être pas irrémédiablement allumée en moi ? Alors que j'en suis encore aux escarmouches ? Certes, j'en ai rarement le droit. Mais "rarement le droit", cela veut dire aussi "quelquefois le devoir" – et surtout "le besoin", car je n'aurai jamais trop d'alliés.
*
J'essaierai donc de parler de la guerre sainte.

Puisse-t-elle éclater d'une façon irréparable Elle s'allume bien, de temps en temps, ce n'est jamais pour très longtemps. Au premier semblant de victoire, je m'admire triompher, et je fais le généreux, et je pactise avec l'ennemi. Il y a des traîtres dans la maison, mais ils ont des mines d'amis, ce serait si déplaisant de les démasquer! Ils ont leur place au coin du feu, leurs fauteuils et leurs pantoufles, et ils viennent quand je somnole, en m'offrant un compliment, une histoire palpitante ou drôle, des fleurs et des friandises, et parfois un beau chapeau à plumes. Ils parlent à la première personne, c'est ma voix que je crois entendre, c'est ma voix que je crois émettre : « je suis ..., je sais ..., je veux... » - Mensonges ! Mensonges greffés sur ma chair, abcès qui me crient : « Ne nous crève pas, nous sommes du même sang ! », pustules qui pleurnichent : « Nous sommes ton seul bien, ton seul ornement, continue donc à nous nourrir, il ne t'en coûte pas tellement ! ».
Et ils sont nombreux, et ils sont charmants, ils sont pitoyables, ils sont arrogants, ils font du chantage, ils se coalisent – mais ces barbares ne respectent rien – rien de vrai, je veux dire, car devant tout le reste, ils sont tire-bouchonnés de respect. C'est grâce à eux que je fais figure, ce sont eux qui occupent la place et tiennent les clefs de l'armoire aux masques. Ils me disent : « Nous t'habillons ; sans nous, comment te présenterais-tu dans le beau monde ? » -Oh plutôt aller nu comme une larve !

Pour combattre ces armées, je n'ai qu'une toute petite épée, à peine visible à l'œil nu, coupante comme un rasoir, c'est vrai, et très meurtrière. Mais si petite vraiment, que je la perds à chaque instant. Je ne sais jamais où je l'ai fourrée. Et quand je l'ai retrouvée, alors je la trouve lourde à porter, et difficile à manier, ma meurtrière petite épée.
Moi, je sais dire à peine quelques mots, et encore ce sont plutôt des vagissements, tandis qu'eux, ils savent même écrire. Il y en a toujours un dans ma bouche, qui guette mes paroles quand je voudrais parler. Il les écoute, garde tout pour lui, et parle à ma place, avec les mêmes mots - mais son immonde accent. Et c'est grâce à lui qu'on me considère, et qu'on me trouve intelligent. (Mais ceux qui savent ne s'y trompent pas: puissè-je entendre ceux qui savent !)
Ces fantômes me volent tout. Après cela, ils ont beau jeu de m'apitoyer : « Nous te protégeons, nous t'exprimons, nous te faisons valoir. Et tu veux nous assassiner! Mais c'est toi-même que tu déchires, quand tu nous rabroues, quand tu nous tapes méchamment sur notre sensible nez, à nous tes bons amis. »

Et la sale pitié, avec ses tiédeurs, vient m'affaiblir. Contre vous, fantômes, toute la lumière! Que j'allume la lampe, et vous vous tairez. Que j'ouvre un œil, et vous disparaîtrez. Car vous êtes du vide sculpté, du néant grimé. Contre vous, la guerre à outrance. Nulle pitié, nulle tolérance. Un seul droit: le droit du plus être.

Mais maintenant, c'est une autre chanson. Ils se sentent repérés. Alors, ils font les conciliants. « En effet, c'est toi le maître. Mais qu'est-ce qu'un maître sans serviteurs ? Garde-nous à nos modestes places, nous promettons de t'aider. Tiens, par exemple : figures-toi que tu veuilles écrire un poème. Comment ferais-tu sans nous ? »
Oui, rebelles, un jour je vous remettrai à vos places. Je vous courberai sous mon joug, je vous nourrirai de foin, et vous étrillerai chaque matin. Mais tant que vous sucerez mon sang et volerez ma parole, oh! plutôt jamais n'écrire de poèmes !

Voyez la jolie paix qu'on me propose. Fermer les yeux pour ne pas voir le crime. S'agiter du matin au soir pour ne pas voir la mort toujours béante. Se croire victorieux avant d'avoir lutté. Paix de mensonge! S'accommoder de ses lâchetés, puisque tout le monde s'en accommode. Paix de vaincus Un peu de crasse, un peu d'ivrognerie, un peu de blasphème, sous des mots d'esprit, un peu de mascarade, dont on fait vertu, un peu de paresse et de rêverie, et même beaucoup si l'on est artiste, un peu de tout cela, avec, autour, toute une boutique de confiserie de belles paroles, voilà la paix qu'on me propose. Paix de vendus! Et pour sauvegarder cette paix honteuse, on ferait tout, on ferait la guerre à son semblable. Car il existe une vieille et sûre recette pour conserver toujours la paix en soi: c'est d'accuser toujours les autres. Paix de trahison !
*
Vous savez maintenant que je veux parler de la guerre sainte.
Celui qui a déclaré cette guerre en lui, il est en paix avec ses semblables, et, bien qu'il soit tout entier le champ de la plus violente bataille, au-dedans du dedans de lui-même règne une paix plus active que toutes les guerres. Et plus règne la paix au- dedans du dedans, dans le silence et la solitude centrale, plus fait rage la guerre contre le tumulte des mensonges et l'innombrable illusion.
Dans ce vaste silence bardé de cris de guerre, caché du dehors par le fuyant mirage du temps, l'éternel vainqueur entend les voix d'autres silences. Seul, ayant dissous l'illusion de n'être pas seul, seul, il n'est plus seul à être seul. Mais je suis séparé de lui par ces armées de fantômes que je dois anéantir. Puissè-je un jour m'installer dans cette citadelle ! Sur les remparts, que je sois déchiré jusqu'à l'os, pour que le tumulte n'entre pas la chambre royale !
« Mais tuerai-je ? » demande Ardjouna le guerrier. « Paierai-je le tribut à César ? » demande un autre. - Tue, est-il répondu, si tu es un tueur. Tu n'as pas le choix. Mais si tes mains se rougissent du sang des ennemis, n'en laisse pas une goutte éclabousser la chambre royale, où attend le vainqueur immobile. - Paie, est-il répondu, mais ne laisse pas César jeter un seulcoup d'œil sur le trésor royal.

Et moi qui n'ai pas d'autre arme, dans le monde de César, que la parole, moi qui n'ai d'autre monnaie, dans le monde de César, que des mots, parlerai-je ?
Je parlerai pour m'appeler à la guerre sainte. Je parlerai pour dénoncer les traîtres que j'ai nourris. Je parlerai pour que mes paroles fassent honte à mes actions, jusqu'au jour où une paix cuirassée de tonnerre règnera dans la chambre de l'éternel vainqueur.
Et parce que j'ai employé le mot de guerre, et que ce mot de guerre n'est plus aujourd'hui un simple bruit que les gens instruits font avec leurs bouches, parce que c'est maintenant un mot sérieux et lourd de sens, on saura que je parle sérieusement et que ce ne sont pas de vains bruits que je fais avec ma bouche.

Printemps 1940.

Il y a aussi des choses à piocher dans Mars ou la guerre jugée d'Alain (téléchargeable ici : http://classiques.uqac.ca/classiques/Alain/mars_ou_la_guerre_jugee/mars_ou_guerre.html ). Une série de courts textes autour de la guerre, de la philo. très accessible .
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Hervé
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guerre/ STG : idée lecture Empty Re: guerre/ STG : idée lecture

par Hervé Jeu 11 Sep 2008 - 18:39
Nou a écrit:Hervé, le texte de La Bruyère mentionné plus haut se trouve dans Les Caractères? Il ne me dit rien...

Oui, oui ... C'e'st un extrait des Caractères (X, paragraphe 9 ou XII, paragraphe 119 selon les éditions). Il est donné dans le Lagarde et Micahrd, XVIIème, pages 421 et 422 . Je peux éventuellement le scanner ... Un extrait :

La Bruyère, "Du souverain ou de la République", Les Caractères, 1688

"La guerre a pour elle l'antiquité ; elle a été dans tous les siècles : on l'a toujours vue remplir le monde de veuves et d'orphelins, épuiser les familles d'héritiers, et faire périr les frères à une même bataille. Jeune Soyecour(1) ! je regrette ta vertu, ta pudeur, ton esprit déjà mûr, pénétrant, élevé, sociable, je plains cette mort prématurée qui te joint à ton intrépide frère, et t'enlève à une cour où tu n'as fait que te montrer : malheur déplorable, mais ordinaire ! De tout temps les hommes, pour quelque morceau de terre de plus ou de moins, sont convenus entre eux de se dépouiller, se brûler, se tuer, s'égorger les uns les autres ; et pour le faire plus ingénieusement et avec plus de sûreté, ils ont inventé de belles règles qu'on appelle l'art militaire ; ils ont attaché à la pratique de ces règles la gloire ou la plus solide réputation ; et ils ont depuis renchéri de siècle en siècle sur la manière de se détruire réciproquement. De l'injustice des premiers hommes, comme de son unique source, est venue la guerre, ainsi que la nécessité où ils se sont trouvés de se donner des maîtres qui fixassent leurs droits et leurs prétentions. Si, content du sien, on eût pu s'abstenir du bien de ses voisins, on avait pour toujours la paix et la liberté."

Avec quelques autres textes ici :
http://www.lescorriges.com/fichesbac/bac_2002_guerre.htm

"Plutôt délibératif dans le sens: confrontation de points de vue différents dans le but de prendre une décision."

Si tu veux, d'où l'intérêt des discours devant l'Assemblée, souvent contradictoires, comme celui de Ferry/Clémenceau de 1885 ...
Nou
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par Nou Ven 12 Sep 2008 - 8:23
Merci Hervé, je l'ai trouvé entre temps Smile

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