Faire lire n'est pas une cause perdue ! (citation d'Alberto Manguel)

Extrait d'une interview d'Alberto Manguel (Muze, mars 2009) à propos de la Cité des mots :

Mais, ces mythes, peu de gens les connaissent encore...
C'est un problème gravissime. On vit dans une époque d'ignorance fastueuse, en raison de l'importance accordée à la machine économique. Nous avons remplacé les mythes fondateurs par une mythologie sans âme, sans profondeur. Quelles sont nos figures mythologiques ? Les stars de la Star Ac, les grandes marques. Ainsi nous sommes démunis lorsqu'il s'agit de réfléchir à grande échelle. C'est d'ailleurs le fruit d'un effort de la part des grands pouvoirs que de nous démunir. Car il est impossible d'être à la fois un consommateur et quelqu'un qui réfléchit. Si on veut une société de consommateurs, il faut élever cette société dans une forme de stupidité.

Vous pensez que notre société est élevée dans la stupidité ?
Oui, c'est même une forme de génocide. On tue l'intelligence de nos jeunes. On leur dit de lire des livres faciles, à leur portée. On ne s'intéresse plus à la difficulté. Si vous avez constamment à votre disposition une matière culturelle de digestion facile, des romans conçus pour être vendus en quantité, une télévision basée sur la bêtise... rares sont ceux qui auront le désir d'aller plus loin.

[... passage coupé : questions sur son apprentissage personnel, sur la manière dont il en est venu à s'intéresser à la lecture.]

Vous continuerez à vouloir convertir le grand public à la lecture ? N'est-ce pas une cause perdue ?
Non. C'est une question de résistance. Il faut apprendre à se poser des questions et à poser celles des autres. Je répète aux jeunes : ne vous laissez pas traiter en imbéciles ! Une façon de prendre le pouvoir, c'est en devenant lecteur !