Brigade d'intervention poétique en 4eme : quels textes choisir pour des récitations à plusieurs voix ?

Quelque part sur le forum, j'ai déniché l'idée d'une brigade d'intervention poétique : des élèves arrivent à brûle pour point dans une classe et récitent une poésie ; puis, ils repartent sans mot dire. Bien sûr les profs, eux, sont au courant et expliquent l'initiative à leurs élèves.
J'en ai parlé à la direction et aux élèves : tout le monde est emballé par l'idée.
Maintenant, je bloque un peu sur le choix des textes. J'ai déjà repéré : "Colloque sentimental" de Verlaine, "Après la bataille" de Hugo, et j'hésite sur "Nuit du 4". Je cherche des textes qui regorgent d'émotion et qui se prêtent facilement à une récitation à plusieurs voix. Auriez-vous des idées ?

Pour les textes, les élèves pourraient choisir par eux-mêmes.

Pour les interventions, je te conseille de faire très attention. Donne à chaque collègue quelque chose qu'il pourra coller sur sa porte pour indiquer qu'il ne souhaite pas être dérangé pendant l'heure. Les élèves auront déjà le trac d'entrer dans la classe pour réciter leur poème, si en plus le professeur leur claque la porte au nez, ils risquent de très mal vivre l'expérience !

Meuh non ! On ira uniquement dans les classes où le collègue aura donné son accord au préalable.
Pour le choix des élèves, c'est prévu mais je vais d'abord leur concocter un florilège.

Aventure à haut risque à mon avis aussi mais bon, qui ne tente rien n'a rien. Tu nous raconteras comment ça s'est passé Mauvette.

Et que dirais-tu de L'Enfant, ou de L'Horloge ?

L'enfant, ça me semble trop long. J'ai peur que l'effet de surprise produit par notre arrivée impromptue ne perde ses bienfaits de silence et d'écoute si le texte est trop long.
Par contre, l'horloge, très bonne idée, je le note.

Ah, quelqu'un qui pourra m'expliquer à quoi mènent ces "brigades".

On a eu un débarquement deux fois de suite d'un comédien lisant un poème dans notre classe, comme ça, à brûle-pourpoint, puis me donnant une photocopie du texte et disparaissant. La consigne semblait être de ne pas en parler, donc on a repris le cours des choses sans rien dire à chaque fois. La troisième fois, il attendait la classe en bas de l'escalier un jour à midi et a lu un autre texte. C'était un peu le bazar...

L'autre jour, des élèves du collège voisin ont débarqué dans mon CP et l'un d'entre eux a dit un "poème" (une dizaine de mots...), accompagné par le même comédien qui le lui a fait recommencer trois fois parce que ça n'allait pas. Puis, ils sont repartis.

Ah, je me souviens du texte, d'un seul coup :

"Quand un troglodyte est trop gros, vous lui dites ?"

Le pauvre gamin n'avait manifestement rien compris mais il a récité son truc et puis voilà, ils sont repartis. Je dois dire que mes élèves sont maintenant habitués à ces interventions et n'ont qu'à peine levé le nez de leurs fichiers de maths, ils n'ont posé aucune question.

Franchement, je ne comprends absolument rien à ce truc et je ne vois pas où ça mène. Si quelqu'un qui fait des brigades de ce type pouvait m'expliquer, ça m'arrangerait bien !

J'ai tendance à être d'accord avec toi, j'ai peur que ce genre d'action ne provoque l'indifférence ou l'hilarité et ne fasse plus plaisir aux acteurs qu'au public. Désolé d'être le rabat-joie de service.

Mais en fait, je ne sais pas du tout ce qu'elles sont censées provoquer, ces actions !

On m'a dit "c'est une brigade d'intervention poétique, il ne faut pas prévenir les enfants et ne pas en parler après, l'effet de surprise doit être total". Moi, j'ai appliqué à la lettre, mais je me demande ce qu'on est censés en faire. Je ne sais pas s'il y a une suite, si à un moment les diseurs de poèmes vont venir dans nos classes nous en parler, si c'est fini, si ça n'est pas fini, à quoi ça rime... je ne sais rien !

Moi non plus, et puis "brigade" et "poétique" c'est antinomique non?

Bah, en poésie, y'a des clartés obscures et des trucs comme ça, non ?

Des oxymores, mais c'est censé être joli, alors que "brigade poétique" est vraiment trop martial à mon goût. Encore une fois désolé, Mauvette, c'est peut-être très bien ton idée, même si ça ne me plaît pas trop sur le papier.

Je sais que ça s'appelle des oxymores, mais comme je me suis fait insulter copieusement sur ce forum la dernière fois que j'ai parlé de poésie, ayant eu le mauvais goût de parler de "pieds" au lieu de "syllabes", depuis, e suis prudente et je laisse la parole aux vrais profs.

Bon, j'aimerais bien avoir le point de vue de Mauvette, savoir ce qu'elle attend de ce truc et ce qu'il y a derrière.

Pour moi, pour le moment, ça ne me dérange guère, puisque mes élèves écoutent poliment (c'est court) puis passent à autre chose, mais ça n'est guère productif. Je suis sûre qu'il y a des gens qui ont pensé des trucs là-derrière et que je les loupe.

Ce qui est surtout poétique, c'est l'interruption de la leçon en cours...   

Je pense que dans une durée déterminée (ex: semaine X) c'est une démarche intéressante dans le cadre de l'Histoire des Arts. A fortiori si les élèves doivent choisir des oeuvres pour compléter le travail fait en classe, cela peut permettre de leur ouvrir d'autres horizons...
A ne faire qu'avec les collègues volontaires, bien évidemment !

Mon humble contribution d'idées :

Le Bestiaire d'Apollinaire : ok, pour l'émotion bof, mais 3 élèves peuvent réciter un animal chacun, c'est bref... Si tu as des élèves faibles volontaires, ça peut être plus abordable pour eux.
"La Rose et le Réséda" : facile à partager grâce au distique
"Je suis comme je suis", Prévert : qui plaira probablement aux filles... et avec des strophes bien marquées
"Chantre" (pour un élève timide ou avec une mémoire défaillante ? :lol:)

(je continue la réflexion...)

Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui vient d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui vent fleurant la menthe et le thym
- Et tout le reste est littérature !

Rikki et Caspar Goodwood, au collège, le but des interventions poétiques est de faire découvrir des poèmes à un public qui n'a pas l'habitude d'en entendre (ou qui n'en travaillent qu'une partie de l'année en cours de français). Normalement, cela s'accompagne d'une semaine de "promotion" de la poésie avec affiches dans les couloirs et expositions au CDI. On demande aux professeurs de ne pas prévenir les élèves pour que la surprise soit totale mais rien ne les empêche d'en parler avec la classe s'ils le désirent. L'idée est de vivre une parenthèse poétique l'espace d'un instant.

Je comprends bien l'idée mais m'interroge sur ses modalités pratiques et son utilité, et aussi sur la réaction pas forcément positive des autres élèves.

Je n'ai pas posté pour ça. Mais je ne refuse pas de m'expliquer. Voilà mes raisons qui ne sont pas les raisons de toutes les autres brigades. Voilà pourquoi, après une réflexion prolongée, je tente :
- partager, compter les uns sur les autres, s'investir dans un projet à plusieurs
- se produire devant un public inhabituel, casser les frontières de la classe
- travailler en amont une récitation afin qu'elle soit la plus percutante possible
- partager un moment poétique avec des élèves inconnus
- être écouté, ou non et comprendre pourquoi ça a marché, ou non
- faire naître une émotion face à un texte poétique : que ce soit le trac, la surprise, la tristesse, le dégoût, l'incompréhension.

Je crois que j'ai à peu près fait le tour. Maintenant, j'avoue que des idées de textes, ça m'aiderait...
-

"Le chat et l'oiseau" de Prévert peut être lu à deux.
Sinon, les sonnets peuvent être lus à deux, et cela évitera de n'avoir que des poèmes tristes.

Pour Prévert, j'ai repéré plutôt "Familiale", mais c'est vrai que c'est encore triste.
Et sinon, j'ai choisi aussi "Le grillon" de Florian et ce texte de Maeterlinck :

Et s’il revenait un jour
Que faut-il lui dire ?
- Dites-lui qu’on l’attendit
Jusqu’à en mourir…

Et s’il m’interroge encore
Sans me reconnaître ?
- Parlez-lui comme une sœur.
Il souffre peut-être…

Et s’il me demande où vous êtes
Que faut-il répondre
- Donnez-lui mon anneau d’or
Sans rien lui répondre…

Et s’il veut savoir pourquoi
La salle est déserte ?
- Montrez-lui la lampe éteinte
Et la porte ouverte…

Et s’il m’interroge alors
Sur la dernière heure ?
- Dites-lui que j’ai souri
De peur qu’il ne pleure…

 

Je pense sinon à ce poème :

Alain Bosquet, Passage d’un poète

Le poète est passé : un remous dans l'argile
se dresse en monument,
avec soudain le bras qui se profile,
la lèvre et l'œil aimants ;

Le poète est passé : le ruisseau qui hésite,
devient fleuve royal ;
il n'a plus de repos ni de limites ;
il ressemble au cheval.

Le poète est passé : au milieu du silence
s'organise un concert,
comme un lilas ; une pensée se pense,
le monde s'est ouvert.

Le poète est passé : un océan consume
ses bateaux endormis.
La plage est d'or et tous les ors s'allument
pour s'offrir aux amis.

Le poète est passé : il n'est plus de délire
qui ne soit Å“uvre d'art.
Le vieux corbeau devient un oiseau-lyre.
Il n'est jamais trop tard

pour vivre quinze fois : si le poète hirsute
repasse avant l'été,
consultez-le car de chaque minute
il fait l'éternité.

Je fais remonter pour dire que ça s' est très bien passé. Tous les élèves se sont investis à fond (et pour la récitation, en 4e, c'est pas gagné d'avance...). La plupart ont eu un stress positif et m'ont dit avoir adoré. Je pense que ça leur laissera un bon souvenir.
Ensuite, pour les spectateurs, on a eu de très bons accueils, peu de rires, encore moins d'indifférence, pas mal d'applaudissements et de mercis. Les collègues volontaires étaient ravis et ont eu de bonnes réactions de la part de leurs classes.
Bref, je suis ravie d'avoir tenté.

Super !!!
Tu as choisis quels poèmes, finalement ? Lesquels ont le mieux "fonctionné" ?

"Colloque sentimental" a très bien marché.
Et sinon, celui qu'ils ont choisi le plus souvent, c'est celui de Maeterlinck, mais il était difficile à interpréter.
Les autres poèmes étaient : "le grillon" de Florian, "Après la bataille" de Hugo et "Familiale" de Prévert.