Tribune Hirsch-Davidenkoff : "notre système éducatif forme ce que Marc Bloch appelait des chiens savants [en 1944]"

Luigi_B a écrit:
Il quitte "L'Etudiant" pour "une proposition extérieure".

Il a passé le CAPES pour voir en vrai ?

Nan, je rigole.

C'est tout de même intriguant cette idée qui irrigue la pensée éducative des médias qui consiste à laisser supposer que le savoir, c'est nul.

Faut voir le système scolaire secondaire (dont Bloch parle exclusivement) à son époque...
Le vernis culturel pour tous, la vraie science pour quelques uns.
Avant la fabrique du crétin, la fabrique du M. Jourdain.

Mais le système secondaire a bien changé. Ne parlons pas du supérieur.

Presse Purée a écrit:C'est tout de même intriguant cette idée qui irrigue la pensée éducative des médias qui consiste à laisser supposer que le savoir, c'est nul.

Ce n'est pas vraiment ce qui est écrit non plus. Ce qu'on lui reproche au singe savant, ce n'est pas d'être savant, en général.

the educator a écrit:

Presse Purée a écrit:C'est tout de même intriguant cette idée qui irrigue la pensée éducative des médias qui consiste à laisser supposer que le savoir, c'est nul.

Ce n'est pas vraiment ce qui est écrit non plus. Ce qu'on lui reproche au singe savant, ce n'est pas d'être savant, en général.

C'est très précisément de ne pas l'être qui lui est reproché. (Par Bloch, du moins.)

Alors il faut s'entendre sur les mots savant (je n'ai pas lu Bloch) et savoir.

Marc Bloch a écrit:Un mot, un affreux mot, résume une des tares les plus pernicieuses de notre système éducatif : celui de bachotage […] autrement dit : hantise de l’examen et du classement. […] On n’invite plus les étudiants à acquérir les connaissances dont l'examen permettra, tant bien que mal, d'apprécier la solidité. C'est à se préparer à l’examen qu'on les convie. Ainsi un chien savant n'est pas un chien qui sait beaucoup de choses, mais qui a été dressé à donner, par quelques exercices choisis d’avance, l’illusion du savoir.

Il est très clair que ce que désigne ici Marc Bloch (qu'il serait dramatiquement erroné de prendre pour cible) est tout autre chose que le savoir puisqu'il en dénonce au contraire l'illusion.

OK, j'ai été imprécis tout à l'heure : ce qu'on reproche au « chien savant » ou au « singe savant », c'est précisément de n'offrir, du savoir, que l'apparence ; d'avoir l'air savant sans l'être (autrement dit ce n'est pas la pure et simple ignorance, pour autant que ça existe vraiment). Mais ça, ce n'est pas du commentaire de Marc Bloch ou quoi que ce soit, c'est de la compréhension du français ordinaire en ses tournures ironiques. De la même façon doctus cum libro est une façon parmi d'autres, ironique aussi, de désigner un ignorant. On dirait aujourd'hui doctus cum disco duro

PauvreYorick a écrit:

the educator a écrit:

Presse Purée a écrit:C'est tout de même intriguant cette idée qui irrigue la pensée éducative des médias qui consiste à laisser supposer que le savoir, c'est nul.

Ce n'est pas vraiment ce qui est écrit non plus. Ce qu'on lui reproche au singe savant, ce n'est pas d'être savant, en général.

C'est très précisément de ne pas l'être qui lui est reproché. (Par Bloch, du moins.)

+1.

Voir la fameuse polémique autour de la citation de Montaigne et du contresens sur la tête bien pleine et bien faite.

Sinon, je ne comprends pas non plus grand'chose à l'article, c'est juste au nom de Bloch que j'ai réagi. Bloch parle des étudiants de son époque (autant dire l'équivalent d'une toute petite portion des meilleurs étudiants d'aujourd'hui) au moment où il porte ce diagnostic. J'ai l'impression que la citation, dans l'article, est purement décorative.

En tout cas on peut lui faire dire dans ce contexte tout et son contraire. Mais cela vient justement du sens que l'on donne au mot savoir. Et de se demander quel(s) savoir(s) apporte l'école. Et si cela est suffisant dans la formation des hommes, et des citoyens. mais davidenkoff et ses amis ont beau être caricaturaux au possible, et risibles dans leur démonstration, je ne crois pas que leur mauvaise réponse évacue la question.

Bof, c'est l'absence de contexte qui crée l'illusion de cette possibilité, justement. C'est un texte sur l'enseignement supérieur de 1944, apparemment. Je pense en effet qu'il est publié chez Allia à la suite de L'Étrange défaite mais je n'arrive pas à mettre la main sur ce petit volume, que j'ai lu il y a fort longtemps. Une chose est certaine, c'est qu'une transposition directe à la situation actuelle est hasardeuse ─ et aussi que Davidenkoff et alii n'ont pas besoin de se référer à Bloch pour soutenir ce qu'ils soutiennent.

Je suis d'accord (mais j'ai édité pour en rajouter un peu).

A propos d'E. Davidenkoff :

Dans un mois, il rejoindra le Monde comme rédacteur en chef chargé du développement éditorial (et plurimédia) de la chaîne « Campus ».

http://www.lesclesdelapresse.fr/

J'ai lu Marc Bloch et même si c'était il y a un certain temps, même si je ne suis pas un spécialiste, même si c'est toujours difficile de récupérer la pensée de personnes disparues, je pense qu'on peut dire a minima les choses suivantes:

D'abord, Hirsch-Davidenkoff le citent à bon compte et tombent ainsi eux-mêmes sous l'accusation de "l'illusion de savoir" (travers en tout point identique à la "citation", qu'on garde à disposition à tout moment de façon à donner l'illusion qu'un penseur important vous supporte. Cette citation "savante" c'est une spécialité politique, ça s'apprend, ça ne montre rien).

Marc Bloch dénonce, en 1944, un travers du système français avec lequel nous sommes tous en accord. Il est évident que par exemple la prépa aux gds écoles, l'ENA, médecine ,l' agreg... peuvent mener à une forme de bachotage exagéré, peu productif, peu épanouissant au final. Bloch recherchait des méthodes plus pertinentes pour faire progresser les élèves - non pas des alibis pour justifier la moindre régression. Invoquer une remarque faite par Bloch dans les années 40 et la généraliser au système éducatif actuel, qui n'a plus rien à voir, c'est juste du grand n'importe quoi. La valeur démonstrative, ou même comparative d'un tel argument est strictement nulle.

L'Etrange Défaite est un livre très intéressant et Bloch un esprit libre. S'il paraissait aujourd'hui, l'auteur serait ostracisé de la même façon que Finkielkraut, Onfray, sans même parler de Zemmour, parce que ce n'est pas un livre politiquement correct (et pourtant, c'était un communiste "dur" et un résistant, mais les temps ont changé). Et probablement Hirsh et Davidenkoff seraient-ils les premiers à crier au loup.

thierryK a écrit:L'Etrange Défaite est un livre très intéressant et Bloch un esprit libre. S'il paraissait aujourd'hui, l'auteur serait ostracisé de la même façon que Finkielkraut, Onfray, sans même parler de Zemmour, parce que ce n'est pas un livre politiquement correct (et pourtant, c'était un communiste "dur" et un résistant, mais les temps ont changé). Et probablement Hirsh et Davidenkoff seraient-ils les premiers à crier au loup.

Tu dois confondre Marc Bloch avec quelqu'un d'autre, parce que je ne vois vraiment pas ce qui ferait de lui un "communiste dur".

thierryK a écrit:[..] même si c'est toujours difficile de récupérer la pensée de personnes disparues, je pense qu'on peut dire a minima les choses suivantes:

L'Etrange Défaite est un livre très intéressant et Bloch un esprit libre. S'il paraissait aujourd'hui, l'auteur serait ostracisé de la même façon que Finkielkraut, Onfray, sans même parler de Zemmour, parce que ce n'est pas un livre politiquement correct (et pourtant, c'était un communiste "dur" et un résistant, mais les temps ont changé). Et probablement Hirsh et Davidenkoff seraient-ils les premiers à crier au loup.

Je vois comme une contradiction entre le premier paragraphe et le dernier.

Et surtout, si on se limite à la vérité historique, il ne me semble pas que Bloch ait jamais été communiste, pas plus dur que mou. Mais je peux me tromper.

archeboc a écrit:
Et surtout, si on se limite à la vérité historique, il ne me semble pas que Bloch ait jamais été communiste, pas plus dur que mou. Mais je peux me tromper.

Non non, tu ne te trompes pas, je le faisais remarquer moi aussi.
Tout le monde cherche à récupérer Marc Bloch j'ai l'impression (sauf les universitaires strasbourgeois d'extrême-droite qui s'étaient jadis élevés contre le fait de donner son nom à Strasbourg 2).

Je peux me tromper aussi. Après lecture Wikipedia, pas de mention de la qualité communiste de Marc Bloch. Donc visiblement juste un esprit libre et le "pourtant" n'a pas lieu d'être.

L'école forme surtout des élèves de moins en moins savants.

Ah purée, Davidenkoff, le type qui avait failli m'achever alors que je revenais de chez mon toubib le 16 septembre dernier! Je ne connaissais pas cet individu, j'ai d'abord cru (ayant raté le début de l'émission) qu'il s'agissait d'un nervi de la DGESCO. Je vous laisse juger sur pièce, son discours est celui d'un apologue de secte, l'argumentaire est là encore tout à fait brouillon et lorsqu'un contradicteur émet un argumentaire étayé, son réflexe est de rabâcher son antienne : "le numérique vous fait marcher sur l'eau".
http://www.franceinter.fr/emission-un-jour-en-france-du-tableau-noir-a-la-tablette-lecole-numerique
Sont même prêts à invoquer les mânes de Marc Bloch désormais, zont peur de rien les lapins.

"des jeunes Français.es" , "chacun.e" , "leurs salarié.e.s",  "les étudiant.e.s"  

"porteurs.es"  

Un oubli : "L'université Toulouse 3 expérimente l'enseignement par les pairs"  

Sinon, il en voit où, des chiens savants? dans les collèges et lycées? des chiens fous, je vois, des chiens errants, je vois aussi, des chiens-chiens tout mous idem, mais des chiens savants, franchement, non.