J'étais prof et me voilà directrice d'une SEGPA !

Effectivement ça n'a pas été simple parce que je ne voulais pas donner l'impression à l'équipe que je les laissais tomber. Je les retrouverai en tant que prof, nous travaillerons sur les mêmes projets donc j'ai finalement réussi à sauter le pas.
Je ne vais pas regretter tout simplement parce que ce n'est pas dans ma nature.
Ce qui m'a poussée à prendre cette décision ce sont plusieurs choses comme en vrac :
- devoir toujours faire plus avec moins : des classes à 19 (alors qu'on ne devrait pas dépasser 16)
- des demandes constantes d'inclusion mais sans les moyens pour
-expliquer à mes collègues qu'on fait des demandes de moyens, leur dire quelques semaines plus tard qu'on ne les aura pas mais qu'il faut bosser quand même
-vivre h24 avec les trucs vraiment glauques que vivent mes élèves
-gérer quasi seule les problèmes psychologiques et sociaux, tenter par tous les moyens de trouver des solutions avant que tout ne soit réduit à néant en quelques minutes
-me faire insulter par les parents (pas tous les jours heureusement) et me faire engueuler un jour sur deux par des familles qui n'acceptent pas qu'on impose des règles
J'en passe.
La goutte d'eau c'est de rentrer à 19h après une journée pourrie et ne pas être capable de retenir mes larmes devant ma gamine de 12 ans. Comment la rassurer quand elle me dit "maman tu ne vas pas bien, ça m'inquiète".

Je n'attendais rien de ce poste si ce n'est découvrir autre chose, c'est fait. Mes CDE ont passé beaucoup de temps à essayer de me convaincre de passer le concours de perdir, en vain, je retrouverai en septembre mon poste de professeure avec beaucoup de plaisir.

J'ai lu ce fil avec plaisir et je t'ai trouvée très courageuse.
Tu as raison : priorité à ta famille, en particulier à ta plus jeune fille à qui tu auras plus de temps à consacrer.

Ton expérience est très instructive DD. Tiens bon...

Merci
Il est clair que cette expérience aura été terriblement enrichissante (sur le plan professionnel pas financier, bien au contraire j'y ai perdu) mais pour le moment je reste engluée dans la violence de l'agression verbale d'une mère hier en fin d'après midi. Il va falloir du temps pour digérer, plus que je n'imaginais. Pour le moment je n'ai envie que d'une chose pleurer toutes les larmes de mon corps mais je ne dois pas craquer, je ne vois pas comment je l'expliquerais à ma gamine.
Bref, allez, on respire un bon coup, comme disait ma grand mère je mets ça dans ma poche avec mon mouchoir par dessus.

Moi aussi au début j'ai été très surprise de la violence verbale de certains parents. C'est quasi quotidien et c'est usant. Au début comme toi j'absorbais toutes ces émotions et j'étais très mal pendant plusieurs jours. Ensuite j'ai commencé à répliquer et à me mettre en colère. Mais j'étais toujours aussi mal. Depuis la reprise de janvier, nouvelle technique : j'écoute, je souris, je ne bataille plus. Je parle le moins possible, je me préserve. De toute façon ça sert à rien d'argumenter ou de se justifier avec des parents agressifs comme ça. C'est pas toujours facile mais je le vis mieux. Mais je comprends parfaitement ce que tu décris. Si tu as le sentiment d'avoir pris la bonne décision, c'est que c'était la bonne décision ! Prends soin de toi.

J'ai exactement la même technique : rester calme (en 3 ans je ne me suis jamais énervée ni avec les gamins ni avec les parents), ne pas tenter de convaincre qui ne veut pas l'être, ne pas crier. Mais là c'est bon, un peu marre de servir de paillasson. J'aurai tenu 3 ans, d'après mon collègue PLP sur ce poste là avec le profil des familles 3 ans c'est déjà bien. Lui croyais que j'allais craquer au bout de la 1ere année . Là je sens qu'il faut passer à autre chose ne serait ce que pour ma santé mentale.

:missT2:
Je comprends mieux pourquoi certains perdirs peuvent en arriver à céder devant des revendications illégitimes des parents…
Si l'institution EN se respectait un minimum ces parents mal élevés et séditieux se prendraient un bon , avec l'assistance des FDO le cas échéant.

Bon courage, doubledecker, plus que quelques mois à tenir.
Tu as pris la bonne décision.

Mathador a écrit::missT2:
Je comprends mieux pourquoi certains perdirs peuvent en arriver à céder devant des revendications illégitimes des parents…
Si l'institution EN se respectait un minimum ces parents mal élevés et séditieux se prendraient un bon , avec l'assistance des FDO le cas échéant.

Disons que de nombreux parents d'élèves de SEGPA sont juste à mille lieues d'une personne lambda : QI très faible, misère sociale (qui a causé ou qui a été engendrée par le QI), illettrisme (voir causes ci-dessus), alcoolisme ou toxicomanie. Du coup leurs enfants sont totalement à l'ouest. Qu'ils ne relèvent "que" de la SEGPA est parfois déjà un miracle. Quand les enfants ont été alcoolisés gravement lorsqu'ils étaient foetus, qu'ils ont été ignorés en tant que petits enfants, les dégâts sont irréversibles. Dans la SEGPA de mon ancien collègue, beaucoup relevaient d'ITEP. Les gamins juste en "difficultée, on hésitait à les y envoyer pour ne pas qu'ils subissent les autres, totalement inadaptés à la scolarisation.
Mais ces parents, bien que totalement dysfonctionnels, ne reconnaissent pas du tout qu'ils le sont et que c'est ça qui a causé les troubles de leurs enfants. Ils disent aimer leurs enfants (et c'est sûrement le cas) mais n'ont aucun moyen cognitif et moral de les "éduquer" comme il faut (temps de qualité, lecture, bienveillance, exemplarité minimum). Donc ce qui leur reste, c'est soutenir leurs mômes contre un système qui les "broie" car ils n'y comprennent rien.
Moi perso, je ne vois pas de solution à ça. Car ça mêle déghéttoïsation, lutte contre les addictions, lutte contre les carences éducatives et affectives graves...
Je croise souvent une ancienne élève de SEGPA (niveau : incapable de retenir des tables de multiplication en 5e donc à 13 ou 14 ans pour elle) qui a maintenant des enfants. Ca me fait flipper car cette jeune fille, bien que gentille, avait l'âge mental d'un enfant de primaire (et encore pas sur tout) et était très influençable. Comment peut-elle protéger ses enfants si elle ne peut se protéger elle-même? Je pense qu'elle vit chez ses parents, donc dans la cité, avec tout ce que cela implique.
Longue digression pour dire que chez les SEGPA, les parents sont bien pires que la moyenne, et quand on voit déjà certains parents correctement insérés dans la société, ça fait peur!

Ce que je critique n'est pas tellement l'existence de tels parents (comme tu le dis, nul besoin d'être en SEGPA ou dans un quartier difficile pour en trouver) mais que l'on accepte implicitement que les perdirs subissent leurs agissements. Où passe leur dignité dans cette histoire ? Comment peut-on leur demander de nous protéger de cela quand eux-mêmes n'en sont pas protégés ? La police accepterait-elle que l'on aille insulter le supérieur de l'agent qui a mis monchérimoncœur en GAV ?

doubledecker, merci beaucoup de nous avoir fait partager cette parenthèse.
Je ne suis pas surprise de ce que tu écris, cela correspond à pas mal de conversations que j'ai pu avoir dans mon ancien établissement (et au genre de choses qu'on avait en tant que PP, dans une moindre mesure vis-à-vis des parents par contre).

Et bon futur retour parmi nous.

@Mathador : quels armes avons-nous si ce n'est porter plainte? en début de semaine je me suis fait agresser (je crois que le mot n'est pas trop fort maintenant que j'y repense) par une mère d'élève. Aller porter plainte? ouais je pourrais le faire, je devrais très certainement aussi mais je n'en ai ni l'énergie ni le courage. C'est sûrement plus que débile mais je ne veux pas m'effondrer en pleur en racontant ce qui m'est arrivé. Il n'y a pas eu de coups non, juste une mère qui me hurlait dessus. Ma CDE est une femme extraordinaire, quand elle a appris le lendemain ce qui m'était arrivé (elle était en conseil de discipline à ce moment) elle a immédiatement envoyé un courrier à la DSDEN. Voilà, après on fait quoi? un rappel à la loi pour ces familles? oui mais je le répète je n'ai pas le courage d'aller déposer ne serait-ce qu'une main courante. Alors c'est aussi de ma faute, j'assume entièrement ce qui peut être qualifié de lâche dans mon comportement mais là basta, je n'en peux plus, je reviens de l'autre côté du bon (=pour moi) côté. Et ma dignité ce soir je m’assoies dessus, je lui préfère ma santé mentale

Daphnenya, Ergo, tous les autres, merci pour vos mots de rebienvenue chez les profs

Je pensais plutôt à l'idée de faire venir directement la police ou la gendarmerie pour dégager l'usager posant problème, mais c'est sans doute délicat d'autant plus qu'il n'y a pas de vigile à faire intervenir entre temps.
Bien sûr que l'exemple du commissariat que je donnais était caricatural. Je serais en revanche vraiment curieux de voir comment on traite ce genre de problème dans un SIP (Service des Impôts des Particuliers).
PS: je comprends tout à fait pour le dépôt de plainte. Moi-même je n'en avais pas déposé lorsqu'une élève m'avait insulté il y a quelques années.

Il y a une grande dignité à préserver sa santé mentale. Dans quel métier autre que les nôtres accepte-t-on de continuer le travail après avoir été insulté.e ? On en vient même à culpabiliser de l'avoir été. Sans compter les remises en cause en interne...C'est le monde à l'envers. Il est temps de cesser de se laisser faire ! Sans quoi, on nourrit la bête.

IL faut porter plainte .on sait bien qu'il n"y aura pas grand chose derrière mais c'est envoyer un message dans une societe qui banalise ce genre de fais et nous devalorise sans cesse..c'est relever la tete et dire stop.ne pas le faire banalise ces faits dans la tete des parents ,des enfants ,implicitement cela encourage de tels comportememts puisqu'on ne risque rien pourquoi s"en priver?
IL en va de la perception du statut du prof dans la societe.ce n'est Pas le seul critere mais c"en est un.On ne nous respecte pas nous devons nous faire respecter par tous les moyens.

Comme je te comprends DD !

J'ai été 3 ans DDFPT d'un EREA (le plus au Nord de la France). Ne cherchez pas, dans le triste concours de la misère sociale, il vous bat tous !

C'était mon premier poste en tant que DDFPT, et cela a été hyper enrichissant à tous niveaux.

J'y ai passé 3 ans très difficiles, mais aussi paradoxalement 3 ans formidables !

J'y ai trouvé quasiment une 2nde famille, solidaire dans les moments difficiles, et il y en eu beaucoup.

Mais je savais que je n'y resterai pas, pour ma santé morale et physique. Heureusement pour moi une opportunité s'est offerte.

Je me permets de te faire un énorme bisou, prends bien soin de toi.

Amicalement, néocdt.

@polie2046 et ema75 oui, si j'écoute mon cerveau rationnel je sais très bien qu'il faut porter plainte, il n'y a qu'à faire cette démarche somme toute assez simple parce qu'il est inacceptable de vivre de telles choses sur son lieu de travail, que si on ne fait rien c'est la porte ouverte à toute sorte d'incivilités et j'en passe. Et puis il y a mon cerveau émotionnel qui n'a qu'une envie : ne pas ressasser, ne pas me réveiller après un rêve où je revis cette scène. Bref tourner la page. La principale a laissé plusieurs messages à la mère, elle ne lâchera pas l'affaire tant que cette dernière ne sera pas venue me présenter des excuses. Ça me suffira.

@neocdt : mp

Bonne semaine DD. L'essentiel c'est ton équilibre intérieur et familial. Si tu es soutenue comme tu l'entends et que cela donne des résultats, c'et parfait. Meilleures pensées pour toi !

Merci Polie. La mère ne s'est pas manifestée mais j'ai réussi à digérer l'affaire et je peux en parler sereinement maintenant.

Mon cerveau s'est remis en mode prof pour l'an prochain : impossible de regarder un film, écouter une chanson, lire un journal sans imaginer comment je pourrais utiliser ce matériau en cours et avec les primaires US qui ont commencé j'ai de quoi faire

Un très grand merci à vous tous pour vos réactions, vos messages au cours de ces 3 années! Et qui sait, l'année est loin d'être finie j'aurai peut être encore deux ou trois trucs à vous raconter

Depuis le 16 mars comme vous ici j'appelle tous les jours les familles, explique comment utiliser les interfaces, comment installer un logiciel sur le pc familial. Le retour est toujours positif, les familles sont contentes que ce lien ne soit pas brisé, il y a un énorme désarroi.

Et puis aujourd'hui sur ma boîte acad un message : "merci beaucoup pour tout ce que vous faites pour tout vos eleves"

Je ne fais rien d'extraordinaire, juste mon boulot, ni plus ni moins et cette mère prend la peine d'envoyer ce message, comme ça, gratuitement.
Ces quelques mots ont mille fois plus de valeur que les vidéos pondues par la cellule com' de blanquer.

Bonjour,
Ce fil m'intéresse et je vous remercie de partager vos expériences.
Je suis PLC aussi et j'envisage parfois de m'orienter vers la direction d'une segpa.
Je suis depuis quelques semaines responsable d'enseignement en milieu pénitentiaire et côté misère sociale, solitude et contraintes, c'est extrême ! (je suis l'unique responsable éducation nationale de la prison!) J'ai choisi bien entendu, et j'apprécie le contact avec les détenus. Mais je sais déjà que je ne resterai pas longtemps.
Je ne sais pas encore si je m'orienterai vers la direction de segpa...ou si je redeviendrai enseignante (sachant que les postes sont rares par ici).
Je ne supportais plus la routine de mon métier, j'avais besoin de voir autre chose et de repousser mes limites...et surtout, préparer ma fin de carrière. Ayant 42 ans, je ne me vois pas enseigner encore 26 ans!!
Mais voilà, nous n'avons pas beaucoup de perspectives....

Si j'en ai encore l'énergie, je passerai peut-être le cappei l'année prochaine... ce qui m'ouvrira davantage de portes.