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[Syndicats] Entretien avec Claire Mazeron - II Empty [Syndicats] Entretien avec Claire Mazeron - II

par John Sam 9 Aoû 2008 - 16:23
"Les syndicats, c'est encore la dernière chose que le ministère respecte un peu."


Claire Mazeron est professeur agrégée de géographie. Elle occupe au Snalc (Syndicat National des Lycées et Collèges) la fonction de Secrétaire national à la pédagogie.

Vous trouverez le début de cet entretien en vous rendant au lien suivant :

Voici la suite des réponses qu'elle a eu l'amabilité de nous faire parvenir en août 2008.


3) Quels conseils adresseriez-vous à de jeunes professeurs, qui effectueront leur première rentrée en septembre 2008 ?

Ne jamais oublier qu’ils sont devenus professeurs pour faire partager à leurs élèves l’amour de leur(s) discipline(s) – concept souvent tabou dans les IUFM, où l’on distille l’idée que l’on peut enseigner n’importe quoi du moment qu’on possède la « science » de l’éducation. Etre prudents toutefois à l’égard de cette vénérable institution : rien de sert de provoquer inutilement – attendre que ça passe, et s’occuper (préparer l’agrég, par exemple !). Se fier aux tuteurs des établissements, proches du « terrain » et aux compétences réelles en matière de gestion de classe. Etre exigeants dans leurs objectifs, même s’ils doivent composer ensuite avec la « réalité ». Se tenir au courant des textes en vigueur, afin de ne pas se laisser impressionner sinon influencer par les « grandes geules » des établissements ou le consensus ambiant : en Lettres, le travail en séquence ne saurait par exemple plus être imposé de manière aussi stricte dans les nouveaux programmes de collège (il est désormais possible de « cloisonner » partiellement l’enseignement de la grammaire ou de l’orthographe). En bref, garder un œil critique et ne pas accepter n’importe quoi, sous prétexte que « ça se fait ». Et si possible, se syndiquer : pas seulement pour s’informer sur son propre cas (et en particulier en vue des mutations), mais aussi pour faire poids, parce-que c’est encore la dernière chose que le ministère respecte un peu. Peu importe le syndicat (les cotisations sont toutes déductibles des impôts à hauteur des deux tiers !), seul compte l’engagement…

4) Inciteriez-vous aujourd'hui des adolescents à devenir professeurs ?

Il fut un temps où entrer dans l’Education nationale était une véritable promotion sociale : lorsque le professeur bénéficiait, par la reconnaissance de ses compétences de haut niveau, d’un véritable statut social et d’une relative aisance financière, les candidats étaient nombreux. Aujourd’hui, certains CAPES sont véritablement désertés : pour accepter d’être nommé TZR en Seine-Saint-Denis à 1300 euros par mois, il faut avoir la foi ! Et les perspectives ne sont pas roses : outre que l’on attend toujours une revalorisation financière pourtant promise, il faut s’attendre à connaître une évolution radicale du métier dans les années à venir : la rapport Pochard, pour l’instant mis en sommeil, nous promet bivalence, recrutement par les chefs d’établissement (avec les pressions locales qui vont avec !) et alourdissement des tâches annexes à l’enseignement. Comment inciter sereinement un jeune d’aujourd’hui à devenir professeur… ?

5) Quelles sont les principales réformes concrètes que vous aimeriez voir mises en place dans l'Education Nationale ?

C’est l’esprit même du système qu’il s’agit de réformer. Lors de son dernier congrès de réflexion (octobre 2007), le SNALC a proposé un projet global dont les grandes lignes sont les suivantes :

- Face aux difficultés du recrutement, au manque d’attractivité du métier :

Maintien des concours nationaux, à haut niveau d’exigence disciplinaire, suppression de l’épreuve dite « pré-professionnelle »

Exigence d’une année de formation initiale supplémentaire, constituée de stages et d’approfondissement disciplinaire (niveau Master 1 pour le CAPES, Master 2 pour l’Agrégation), assortie d’une revalorisation conséquente des débuts de carrière

- Face à une formation inadaptée aux besoins des stagiaires, aux dérives pédagogistes :

Retour au stage en responsabilité de 4 à 6h maximum

Mise en place d’un tronc commun de la formation transversale, assurée par des formateurs qualifiés, issus du terrain et appelés à y retourner, et assurant notamment une bonne connaissance du système éducatif comme des droits et devoirs du fonctionnaire.

Suppression du mémoire professionnel

- Face à l’échec du collège unique (classes ingérables, développement des incivilités et violences, et gaspillage des moyens en dispositifs de « remédiation » inefficaces et coûteux), à la priorité donnée aux activités périscolaires au détriment des apprentissages, aux passages quasi-automatiques de classe en classe et à la dévalorisation conséquente du brevet des collèges :
Diversification des parcours :

Découpage de la scolarité au collège en deux cycles, 6°-5° et 4°-3°. Les élèves ne maîtrisant pas les fondamentaux à l’entrée en 6° effectuent le premier cycle en 3 ans au lieu de deux. Même possibilité pour les élèves en difficultés en fin de 5° (4°-3° en 3 ans) mais sans cumul possible (scolarité effectuée au maximum en 5 ans), ce qui suppose :

Un palier d’orientation en fin de 5°, et une poursuite d’études vers :
- une 4° générale
- une 4°-3° en 3 ans, avec LV2 optionnelle et un renforcement des enseignements fondamentaux
- une classe avec Découverte Professionnelle 3h en collège et 6h en lycée professionnel
- un apprentissage sous statut scolaire dès 14 ans en lycée professionnel

… tout en conservant la possibilité de passerelles !

Suppression des IDD et PPRE (avec restitution correspondante des horaires disciplinaires) et limitation des actions de « sensibilisation ».

Un brevet revalorisé, ne prenant en compte ni B2i, ni note de vie scolaire mais instaurant une épreuve de LV et limitant le contrôle continu

- Face à la transformation progressive du lycée en « lycée unique » et « lieu de vie », à la perte de valeur du baccalauréat (soumis aux exigences de statistiques fixées à l’avance !) et aux menaces sur les lycées professionnels (suppression prévue de 95% des BEP par la mise en place du baccalauréat professionnel en 3 ans) :

En 3ème, création d’un réel palier d’orientation débouchant sur une filière générale ou technologique ou professionnelle. L’entrée en LP ne doit pas se faire par défaut.

Disparition de la seconde indifférenciée et instauration de secondes « typées » à côté desquelles pourrait être proposée une seconde « pluridisciplinaire » pour les élèves le souhaitant.

Suppression des TPE, PPCP, ECJS sous leur forme actuelle avec restitution des horaires aux disciplines notamment aux LV.

Pas de philosophie en LP. Par ailleurs, le bac pro n’a pas à donner accès à l’enseignement supérieur hors BTS.

Le baccalauréat doit rester un examen terminal, national, à épreuves écrites anonymes. Il doit sanctionner un réel niveau, condition siné qua non pour permettre l’accès à l’enseignement supérieur, accès qui serait « modulé » selon la série

Maintien des CAP et BEP. Le bac pro doit rester une possibilité d’études en 2 ans après le BEP.

- Pour tous les professeurs, face à la multiplication des tâches annexes à l’enseignement (au détriment de la mission de transmission et sans formation correspondante), à la mise sous tutelle des enseignants (parents d’élèves, administration), à la multiplication des situations d’enseignement difficiles (TZR, établissements sensibles, poste à compléments de service…) et à la paupérisation - par la perte constante de pouvoir d’achat depuis de 20 ans et les difficultés financières criantes des jeunes collègues :

Ni l'animation ni l'encadrement des activités périscolaires ne doivent constituer une obligation de service. Les études dirigées, remplacements de courte durée, etc. doivent être réservés aux professeurs volontaires, rémunérés en heures supplémentaires.

Limitation de la bivalence aux seuls Professeurs de LP, effectivement recrutés sur cette base.

Rétablissement de la souveraineté des professeurs au sein des conseils de classe : suppression des procédures d’appel existantes (recours auprès du chef d’établissement, commissions d’appel) au profit d’un examen académique de rattrapage.

Suppression du conseil pédagogique

Respect effectif de la liberté pédagogique, dans le cadre de programmes et d’une formation cohérents. Seuls les corps d’inspection sont habilités à juger de la qualité des enseignements dispensés.

Des mesures d’incitation et de dédommagement effectives : primes revalorisées, bonifications en vue de la retraite, etc.

Augmentation de l’ensemble des traitements de 20 à 25%. La formule " travailler plus pour gagner plus" ne doit constituer en aucun cas le seul moyen de revaloriser les traitements des professeurs.

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