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John
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Pierre Chagnon (Québec) : Avant d'évaluer les enseignants, évaluons les députés !  Empty Pierre Chagnon (Québec) : Avant d'évaluer les enseignants, évaluons les députés !

par John Dim 12 Fév 2012, 16:38
http://www.cyberpresse.ca/debats/opinions/201202/10/01-4494719-avant-devaluer-les-enseignants-evaluons-les-deputes.php

Pierre Chagnon
L'auteur a été bâtonnier du Québec.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) fait grand état de son désir, de son idée de procéder à l'évaluation de l'enseignement pour améliorer l'état de celui-ci au Québec. Faut-il comprendre qu'il s'agit aussi, par voie de conséquence, d'évaluer le personnel de l'éducation, du moins une grande partie de celui-ci. Que voilà une bonne idée!

Mais il faudrait, avant toute chose, que nous soyons convaincus que le tout se fera avec les meilleurs outils, avec les meilleurs instruments, en tenant compte de toutes les variables, et surtout par des personnes compétentes et formées à cette fin. Ce n'est pas impossible. En d'autres termes, si nous pouvons envoyer des hommes et des femmes dans l'espace, voire sur la lune, qu'est-ce que c'est que d'évaluer plus de 130 000 personnes sur terre faisant partie du personnel de l'éducation à différents niveaux. Il n'y a rien là.

Certains enseignants, et je les comprends, ont une peur bleue de l'évaluation de leur enseignement dans l'état actuel des choses. Ils ont raison. En effet, rien n'est plus frustrant que de se faire évaluer «tout croche», sur le coin de la table, avec des mauvais outils, en quelques minutes, et parfois par des supérieurs, par ailleurs compétents dans une foule de domaines, mais peut-être plus ou moins compétents ou tout à fait incompétents pour une telle fonction.

Winston Churchill disait au Parlement britannique : «Give us the tools, we will do the job». Qui va évaluer les évaluateurs? Qui va évaluer les évaluateurs qui évaluent les évaluateurs? Pour être conséquent, dans la chaine hiérarchique, il va toujours y avoir quelqu'un qui va évaluer quelqu'un qui évalue quelqu'un à un niveau inférieur. Non! Et comme on dit souvent, l'exemple doit venir de haut.

Voilà pourquoi, avant de procéder à l'évaluation de l'enseignement, dans un délai de 100 jours, comme le souhaite le président de la CAQ, je lui propose de commencer à évaluer les 125 députés qui nous représentent tous partis confondus. Ça m'apparaît beaucoup plus facile, non ! Lorsqu'il aura terminé ce travail, il pourra commencer à évaluer les candidats aux postes de députés et ministres représentant sa bannière, ce qui peut représenter 125 hommes ou femmes. Il n'y a rien là. Et puis, s'il lui reste un peu de temps, il pourra évaluer l'ensemble des candidats, soit plus ou moins 600 personnes. Il n'y a rien là, mais vraiment rien là.

Mon raisonnement s'appuie pourtant sur un principe pédagogique fondamental. Avant de demander à un élève de pouvoir résoudre un gros problème, on lui enseigne d'abord à pouvoir résoudre un problème de difficulté moyenne. Et avant de pouvoir solutionner un problème de difficulté moyenne, on commence par lui présenter un petit problème à résoudre. C'est l'enfance de l'art. Voilà pourquoi je propose au chef de la CAQ de commencer par la loi des petits nombres. Et de grâce, ne me dites pas que c'est la population qui évalue à chaque élection le travail de nos députés ou ministres, ou la capacité des candidats à le devenir. Ce n'est pas ça une évaluation.

Enfin, autre détail non négligeable, et c'est un principe que tout bon gestionnaire formé à la bonne école connaît. Il est toujours préférable, lorsqu'on veut faire des changements significatifs, de le faire en collaboration avec les gens concernés plutôt que contre leur gré. Sinon, l'opération est plus souvent qu'autrement condamnée à un échec et dans un tel cas, il est préférable d'attendre «le moment».

On ne peut pas tirer sur les fleurs pour qu'elles poussent plus vite. Ça prend de bonnes graines, une bonne terre, un bon engrais, un bon éclairage, un bon arrosage et une bonne température. Parfois, dit-on, il faut aussi prendre le temps de leur parler.

À bien y penser, l'évaluation de l'enseignement pour le moment est une fausse bonne idée, une FBI (prononcée FBI à l'anglaise). Les 130 000 personnes faisant partie du personnel de l'éducation n'ont pas à s'inquiéter sinon seulement de ceux qui ont des FBI.

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