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Robin
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Explication d'un texte de Hegel sur l'Idée absolue Empty Explication d'un texte de Hegel sur l'Idée absolue

par Robin Ven 10 Aoû 2012 - 8:47
"Nous avons affaire ici à un idéalisme absolu, au sens fort du terme idéalisme : à une philosophie qui aperçoit dans l’idée le centre de tout le réel et qui considère que tout ce qui est résulte du développement de l’Idée. En effet, tout ce qui est réel est rationnel, c’est-à-dire conforme à l’Idée.

Tout le reste est erreur, opinion, velléité, tout le reste est arbitraire et passager ; seule l’Idée absolue est l’Etre, seule elle est la Vie impérissable, la Vérité qui se sait telle, toute vérité.

Elle est le seul objet et le seul contenu de la philosophie. Du fait qu’elle est pour ainsi dire, le réceptacle de toutes les déterminations et que sa nature est telle qu’elle est capable, par autodétermination et particularisation, de toujours revenir à elle-même, elle peut affecter les formes les plus diverses et l’objet de la philosophie consiste précisément à le reconnaître, à la retrouver sous ces formes variées. La Nature et l’Esprit sont, en général, les deux modes sous lesquels elle se présente, l’art et la philosophie sont les deux modes sous lesquels elle s’appréhende et se donne son être-là approprié. La philosophie a le même objet et poursuit le même but que l’art et la religion ; mais elle est le moyen le plus élevé d’appréhender l’Idée absolue."

Hegel, Science de la Logique, tome II


Dans ce texte extrait de la Science de la logique, Hegel expose en quelques lignes d’une grande densité l’essentiel de sa pensée : l’Idée est le centre de tout le réel, le seul contenu et le seul objet de la philosophie.

Hegel n’est pas le premier philosophe à avoir mis l’Idée au centre de la pensée. Platon, philosophe grec du IVème siècle av. J.-C., élève de Socrate, fondateur du Lycée, considérait, lui aussi, que l’Idée (eidos en grec) « est ce qu’il y a de plus véritablement étant » ; seules les Idées (le Bien, le Vrai, le Beau) sont éternelles et tout ce qui existe (les objets du monde sensible) n’existent que par participation aux Idées, par exemple un beau visage, un beau corps ne sont « beaux » que dans la mesure où ils participent (ils sont un reflet) de l’Idée du Beau (voir Le Banquet de Platon) ; tous les objets du monde sensible ont une idée qui leur correspond dans le monde intelligible (cette table, ce cheval, cet homme, mais aussi les notions abstraites comme le courage ou la vertu).

La philosophie de Platon est un idéalisme, au même titre que celle de Hegel. Mais ce qui distingue la pensée de Hegel de celle Platon est exprimé en quelques mots lourds de sens dans le premier paragraphe du texte : « tout ce qui est résulte du développement de l’Idée. » Le mot essentiel ici est le mot « développement ».

Pour Platon, l’Idée ne se « développe » pas, elle « est », éternellement subsistante, immobile et, comme dirait Stéphane Mallarmé « telle qu’en elle-même l'Eternité la change » ; pour Hegel, au contraire, l’Idée se développe. Comment se développe-t-elle ? Hegel l’exprime dans le troisième paragraphe du texte « la Nature et l’Esprit sont, en général, les deux modes sous lesquels elle se présente.»

l’Idée, au départ n’a aucune détermination particulière et dans cette absence de déterminations, elle cherche à se connaître elle-même, en s’objectivant, d’abord dans la Nature (le règne minéral, végétal et animal), puis dans l’esprit humain (« elle peut prendre les formes les plus diverses », écrit Hegel) ; on peut donc dire que contrairement à l’Idée platonicienne qui subsiste éternellement, sans aucun changement, comme l’Etre de Parménide, l’Idée hégélienne prend peu à peu conscience d’elle-même, se perfectionne en s’incarnant dans le devenir ; la pensée de Hegel se présente comme une conciliation entre Parménide, "le penseur de l’Être" et Héraclite, "le penseur du devenir" (l’Être, l'Idée, la vérité éternelle advient dans la temporalité et dans l'Histoire).

"Tout ce qui est réel est rationnel, c'est -à-dire conforme à l'idée." cette phrase de Hegel a fait l'objet de nombreuses critiques. "Tout ce qui est réel est rationnel" ne signifie pas que tout est actuellement rationnel, mais que le réel, résultant du développement de l'Idée est "virtuellement" rationnel ; d'autres termes, les guerres, les inégalités, la souffrance des innocents ne sont pas rationnels "en soi", mais sont liés au fait que l'Idée se développe par étapes dans un mouvement dialectique : affirmation/détermination (thèse) - négation (antithèse) - négation de la négation (synthèse). Hegel donne à ce processus un nom difficile à traduire en français "Aufheben" qui signifie à la fois nier, laisser tomber, affirmer et soulever.

Dans La Science de la Logique, Hegel oppose la "logique de l'entendement", fondée sur les déterminations fixes de la pensée, notamment les principes d'identité, de non-contradiction et de Tiers exclu dans la logique d'Aristote - et la logique de la raison, fondée sur le mouvement dialectique.

Pour Hegel, tout n'est pas actuellement conforme aux exigences de la raison parce que l'Histoire, comme "Odyssée de l'Esprit absolu" n'est pas terminée. On voit ici à l’œuvre l'idée de "progrès", héritée de la philosophie des Lumières.

La conception hégélienne de la réalisation de l'Idée dans l'Histoire a été vivement contesté par le philosophe danois Soren Kierkegaard qui reproche à la pensée de Hegel de ne pas prendre en compte les individus concrets. Pour Kierkegaard, l'objet de la philosophie n'est pas, comme le prétend Hegel, l'Idée, mais l'existence.

Pour Karol Wojtyla, le thème du rapport entre fini et infini est le cœur même de la dialectique hégélienne et, dans son sillage, de toute la culture moderne. "Celle-ci a tenté de séculariser la grande affirmation chrétienne de la rencontre, dans le Christ, entre le fini et l'infini, en présentant cette conciliation comme advenu en vertu de la force autonome de la Nature, de l'Histoire ou de l'Homme, et non comme l'acte gratuit de Dieu se faisant présent dans la Grâce."

L'Idée est le seul objet et le seul contenu de la Philosophie dans la mesure où le réel est l'ensemble des déterminations de l'Idée. La philosophie de Hegel est une gigantesque entreprise de conciliation entre les opposés, en particulier entre la nature - et le réel en général - et l'esprit. Dans la mesure où la nature est une détermination de l'esprit qui procède, dit Hegel, par autodétermination et particularisation, l'esprit se contemple lui-même à travers la nature, mais aussi, à un degré supérieur, à travers l'esprit humain. Parmi les déterminations de l'esprit absolu, Hegel met au premier rang, au-dessus de la religion, du Droit et de l’État, l'art et la philosophie.

Comment une œuvre d'art peut-elle être une détermination de l'Idée ? L'idée, comme on l'a dit, cherche à se connaître elle-même à travers tout ce qu'elle peut être. C'est ainsi qu'elle s'incarne dans le génie d'un artiste particulier, par exemple Vermeer et dans une œuvre, par exemple La vue de Delft ; lorsque nous contemplons la vue de Delft, nous ne contemplons pas la nature, comme lorsque nous contemplons un arbre ou un coucher de soleil, mais l'esprit de Vermeer et finalement l'esprit lui-même (l'Idée). On peut dire aussi que lorsque nous contemplons La vue de Delft de Vermeer, l'esprit se contemple lui-même.

Cependant, l'art a encore sur le réel un point de vue particulier, celui de la sensibilité individuelle de l'artiste, il est lié aux passions qu'il flatte et vise le Beau et non le Vrai. Pour Hegel, ce n'est pas dans l'art, mais dans la philosophie que l'esprit se contemple et se réalise parfaitement lui-même.

La philosophie, selon Hegel, est la science qui rend compte d'elle-même, du sujet qui l'énonce, du processus historique où il prend place et finalement, de l'unité du sujet et de l'objet.

La véritable transformation et la potentialité révolutionnaire de la philosophie consiste dans le travail sur les représentations humaines. Lorsque Hegel dit : "tout ce qui est réel est rationnel" il veut dire : "tout ce qui est réel doit devenir rationnel". Il y a une dimension normative de la raison théorique.

La fin de la philosophie est la "conscience de soi" comme communauté historique, politique et religieuse, d'individus actifs qui transforment le monde, le progrès dans la conscience de la liberté dans la connaissance de soi, dans la liberté de conscience, dans le Droit et dans l'État comme liberté objective.

La philosophie de Hegel est une philosophie de l'Histoire, une philosophie de l'action et d'une liberté en progrès avec ses contradictions dialectiques, de l'histoire subie à l'histoire conçue où l'Odyssée de l'esprit s'achève après être passée de la conscience de soi à la conscience morale puis à la conscience politique et religieuse.





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