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Iphigénie
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Les caractères (XI), La Bruyère, "Peindre les hommes, examiner la nature humaine" - Page 2 Empty Re: Les caractères (XI), La Bruyère, "Peindre les hommes, examiner la nature humaine"

par Iphigénie Lun 13 Fév - 23:34
Mais est-ce bien nécessaire de le supposer? Irène consulte l’oracle : on peut raisonnablement penser que ses réponses sont laconiques! Et c’est bien ce qui est désarmant pour Irène .
( et cruellement terre à terre pour un dieu: il n’a pas de miracle à offrir, seulement des remèdes de grand-mère ( enfin de bon sens)…
Pour la composition du texte il me semble que le texte « monte » vers la révélation du Dieu ( car il fait bien une révélation): «  c’est que vous vieillissez ».
Après l’expression des symptômes on a une série d’interrogatives affolées , à la recherche du «  remède » qui ne peut être que la mort.
De ce fait la saynète met aussi, me semble-t-il, en hiérarchie deux pouvoirs, celui d’Irène grande dame qui entend être servie, et  qui se heurte ici au pouvoir du dieu qui lui refuse tout secours d’exception, en inscrivant son existence  dans une commune destinée humaine. ( hiérarchie aussi entre la science et la Vérité du dieu, sans doute)
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par Astolphe33 Mar 14 Fév - 0:18
Iphigénie a écrit:Mais est-ce bien nécessaire de le supposer? Irène consulte l’oracle : on peut raisonnablement penser que ses réponses sont laconiques! Et c’est bien ce qui est désarmant pour Irène .
( et cruellement terre à terre pour un dieu: il n’a pas de miracle à offrir, seulement des remèdes de grand-mère ( enfin de bon sens)…

Je suis d'accord.
Puisque le commentaire parle de l'inquiétude croissante d'Irène, on pourrait remarquer justement l'ironie par antiphrase du nom choisi. Irène veut dire "paix" étymologiquement. Or elle est inquiète et finalement agressive. Cette ironie ajoute à l'effet comique, comme pour Nicandre dans un chapitre antérieur ("l'homme de la victoire" qui subit la déconfiture à la fin).
Et aussi que le "portrait" (puisque la question est "peindre les hommes") réside en fait dans un pur récit de paroles qui s'approche de plus en plus du dialogue comique, en assumant un parti pris d'extériorité. Il n'y a pas plus de portrait psychologique que de portrait physique, alors que tout renvoie au corps et à ses défaillances. Irène n'a pas de corps dans le texte, si on peut dire : elle se résume à une voix qui se plaint du corps, et c'est ce qui la peint.
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par Iphigénie Mar 14 Fév - 0:26
Ou pour Irène peut-être parce qu’elle fait partie des Heures selon la mythologie : et donc ici ce serait par ironie pour une dame ( au passage il me semble me souvenir que les  «  clés » des personnages y voyaient Mme de Montespan) qui ignore  la division du temps ?
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par Astolphe33 Mar 14 Fév - 0:38
Iphigénie a écrit:Ou pour Irène peut-être parce qu’elle fait partie des Heures selon la mythologie : et donc ici ce serait par ironie pour une dame ( au passage il me semble me souvenir  que les  «  clés » des personnages y voyaient Mme de Montespan) qui ignore  la division du temps ?
Ah, merci Iphigénie, je l'ignorais. Oui, c'est forcément une clé !
Après les clés de l'époque, ça n'a guère d'intérêt de mon point de vue, sinon anecdotique. Celle-ci du moins.
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par NLM76 Mar 14 Fév - 3:12
Les Heures ? Qu'est-ce ?

Je suis assez réticent à parler aux élèves de l'interprétation du nom Irène (reine, Montespan, paix...) : la recherche et la découverte de telles "clés" sont propres pour eux à les aveugler quant au reste. Cela leur donne en effet l'impression qu'ils ont dit tout ce qu'il y avait à dire, et que la remarque ne vaut que pour le Grand visé ici.
Quant au parti-pris d'extériorité, ça me semble très alambiqué, tu ne crois pas, @Astolphe33 ?

Il y a des courageux pour relire ma traduction en français facile ?

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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par Iphigénie Mar 14 Fév - 8:15
NLM76 a écrit:Les Heures ? Qu'est-ce ?

Je suis assez réticent à parler aux élèves de l'interprétation du nom Irène (reine, Montespan, paix...) : la recherche et la découverte de telles "clés" sont propres pour eux à les aveugler quant au reste. Cela leur donne en effet l'impression qu'ils ont dit tout ce qu'il y avait à dire, et que la remarque ne vaut que pour le Grand visé ici.
Quant au parti-pris d'extériorité, ça me semble très alambiqué, tu ne crois pas, @Astolphe33 ?

Il y a des courageux pour relire ma traduction en français facile ?
Oh oui je suis d’accord pour les « clés »: je ne le mentionnais - parce que ça m’est revenu de loin!- que pour support de l’idée qu’il y a aussi dans ce texte un retournement de la grandeur sociale ( se transporte à grands frais) vers l’humilité morale ( si grands que soient etc etc: ils doivent mourir comme les autres hommes) . Wink
Les heures font partie de ces petites divinisations de tout dans l’Antiquité. Elles symbolisent l’ordre du monde et l’ordre des saisons en particulier : c’est pourquoi je ne serais pas surprise que ce soit là l’explication de ce nom ici sachant que les anciens connaissaient à fond leur mythologie qui leur était familière bien mieux qu’à nous! Wink
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par NLM76 Mar 14 Fév - 10:07
Alors, pour les questions de méthode, je suis allé voir quelques corrigés. Par exemple, celui-ci. Le fond en est tout à fait pertinent. La forme me gêne beaucoup plus, et me semble induire de mauvaises pratiques. C'est en particulier la distribution en colonnes qui me paraît gênante, avec une distinction assez obscure entre "interprétation" et "analyse". En fait l'obscurité semble se lever à la lecture des colonnes : "l'analyse" consiste dans le relevé des figures de style et autres "procédés d'écriture". Or j'ai le sentiment que l'articulation entre le procédé relevé et l'interprétation  est escamotée, dans la mesure où l'utilisation du jargon parfois ("champ lexical, périphrase") n'apporte rien à l'interprétation. Surtout, la fiche accrédite l'idée qu'il faut absolument accoler un terme technique à l'interprétation, trouver un "procédé d'écriture" à interpréter. C'est ce qui fait, me semble-t-il, que les élèves ne lisent pas le texte, et se précipitent sur le relevé de procédés. Nous avons fait, la collègue et moi, à peu près la même explication ; mais il me semble que la présentation, la méthode proposée induit un morcellement du discours, une désarticulation du propos. Bon ; évidemment, tout dépend de ce qu'on fait de ces fiches, en classe, tout dépend de ce que les élèves font eux-mêmes de ces fiches. Elles peuvent toutes deux aussi bien être utilisées à bon escient qu'à mauvais escient.
Maintenant, ce qui est bien, c'est que le jargon est relevé en 3e colonne, ce qui peut indiquer que c'est le moins important, et que l'essentiel du travail réside dans les deux premières colonnes. Cela dit, peut-être ferions-nous mieux l'un et l'autre de proposer des fiches où les termes techniques apparaissent encore moins, parce que, même mis au second ou au troisième plan, comme les "clés", ils font écran pour les élèves, parce qu'ils les fascinent dans leur caractère mystérieux. En fait, on a le même problème qu'Esculape avec Irène. Elle croit que c'est le mystère et le jargon qui font la bonne médecine, comme nos élèves croient que c'est le jargon et l'obscurité qui font la bonne explication de texte. Ce serait peut-être amusant aussi d'écrire un pastiche avec Saint Genette à la place d'Irène, et Apollon, dieu de la poésie, en lieu en place de son fils Esculape.

Du coup, je me suis relu pour regarder si j'ai utilisé le jargon avec parcimonie, et ai corrigé l'utilisation du terme technique "pointe", en le mettant entre guillemets et en le paraphrasant ; mais en somme, il y avait une grosse différence entre nos deux explications quand au poids du jargon. On pourrait même ajouter, sans trop d'effets pernicieux, l'idée de gradation - même si l'usage d'un terme technique peut induire davantage de pinaillages du correcteur  - quand j'utilise l'adjectif du langage courant "grandissante". Je laisse ainsi, parce que j'aime à montrer qu'il s'agit vraiment de lire le texte, en honnête homme, et non pas de prétendre à un langage d'expert. Au fond, je trouve qu'il est de bon aloi que les termes techniques soient davantage des termes de grammaire que des termes de rhétorique.

Ajoutons aussi le problème que pose l'utilisation du terme "hyperbole" pour "à grands frais" et "tous ses maux". Je pense qu'il n'y a pas d'hyperbole ici. D'une part, en effet, réellement, Irène dépense beaucoup d'argent : il y a une exagération, non pas dans le propos, mais dans l'acte. D'autre part, dans "tous ses maux", c'est presque la même chose, sauf si l'on explique clairement que l'exagération est dans la bouche d'Irène, à condition, pour le coup, de prendre le passage pour du discours narrativisé. La figure, dans le texte, est davantage une antiphrase, ou la litote ou même de façon globale, l'ironie : "tous ses gigantesques maux qui n'existent que dans son imagination". Et encore est-ce plus compliqué : les maux de la vieillesse et de la vie déréglée sont bien réels. Bon; soit, si l'on veut, pour le mot "hyperbole" ici. Mais ce qui importe, c'est l'analyse exacte du propos, et de son caractère plaisant, lequel peut fort bien se faire sans tous ces termes techniques, qui ne font qu'emberlificoter l'explication : au lieu d'expliquer, on finit par enfumer. Tout cela pour dire que le nom franco-grec "hyperbole" est un des termes techniques dont je me méfie le plus, en particulier parce qu'il n'apporte pas grand-chose d'intéressant par rapport à son équivalent franco-latin "exagération", comme "antithèse" n'apporte rien à son équivalent "opposition"... sinon l'odeur d'encens, qui parfume et enfume.

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Esclarmonde
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par Esclarmonde Mar 14 Fév - 13:14
A propos des clés, je le mentionne à titre anecdotique aux élèves, donc absolument pas comme un alpha et un oméga, mais en passant, et j'embraye immédiatement en rappelant la Préface de l'auteur : "bien que je les tire souvent de la cour de France et des hommes de ma nation, on ne peut pas néanmoins les restreindre à une seule Cour ni les renfermer en un seul pays [...] je crois pouvoir protester contre tout chagrin, toute plainte, toute maligne interprétation, toute fausse application".
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par NLM76 Mar 14 Fév - 13:19
Esclarmonde a écrit:A propos des clés, je le mentionne à titre anecdotique aux élèves, donc absolument pas comme un alpha et un oméga, mais en passant, et j'embraye immédiatement en rappelant la Préface de l'auteur : "bien que je les tire souvent de la cour de France et des hommes de ma nation, on ne peut pas néanmoins les restreindre à une seule Cour ni les renfermer en un seul pays [...] je crois pouvoir protester contre tout chagrin, toute plainte, toute maligne interprétation, toute fausse application".
Oui ; en effet, c'est l'argument définitif.
Bon, avec mes 1re STMG, je n'ai le temps de rien. Alors plutôt que de dire un truc pour l'effacer juste après, je saute. Ce n'est pas comme en 1re Générale : personne ne sera allé voir sur internet.

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Astolphe33
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par Astolphe33 Mar 14 Fév - 13:32
NLM76 a écrit:
Je suis assez réticent à parler aux élèves de l'interprétation du nom Irène (reine, Montespan, paix...) : la recherche et la découverte de telles "clés" sont propres pour eux à les aveugler quant au reste.
Quant au parti-pris d'extériorité, ça me semble très alambiqué, tu ne crois pas, @Astolphe33 ?

Pas de malentendu : on échange ici entre collègues, évidemment que je ne parlerais pas à des élèves de "parti pris d'extériorité". C'est juste que, de mon point de vue, on passe à côté de La Bruyère si on ne souligne pas à quel point la notion de "caractère" chez lui ne relève pas de la psychologie. Mais passons.

Je suis un peu déconcerté par ta remarque mettant dans le même sac l'étymologie d'Irène (inscrite dans le texte de LB) et la clé Montespan (extérieure et arbitraire). Le choix de ce nom grec n'a rien de fantaisiste, il a un sens précis, en contradiction avec le comportement du personnage. Je ne vois pas en quoi ce serait "aveugler" les élèves, c'est tout le contraire il me semble. Mais il est vrai que je songeais à des élèves de 1ère générale.
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par Iphigénie Mar 14 Fév - 13:48
Esclarmonde a écrit:A propos des clés, je le mentionne à titre anecdotique aux élèves, donc absolument pas comme un alpha et un oméga, mais en passant, et j'embraye immédiatement en rappelant la Préface de l'auteur : "bien que je les tire souvent de la cour de France et des hommes de ma nation, on ne peut pas néanmoins les restreindre à une seule Cour ni les renfermer en un seul pays [...] je crois pouvoir protester contre tout chagrin, toute plainte, toute maligne interprétation, toute fausse application".
La clé (Irène?) en effet n'est pas essentielle, mais peut être un peu plus qu'anecdotique pour autant: je vais m'écarter un peu, une fois n'est pas coutume, de ce que dit Nlm ou de ce qu'ajoute ici Astolphe: elle ne peut être qu'un point de départ (ou d'arrivée, ou de quand on en éprouve un "besoin" explicatif, peu importe) pour ouvrir une porte, ce n'est donc pas l'essentiel, on peut parfaitement s'en passer devant une classe qui en plus rame déjà bien assez... Ca tout le monde est d'accord, je crois.

Mais peut-être, pour autant les clés ne sont-elles pas tout à fait hors sujet  puisqu'aussi bien c'est ce qui a  immédiatement fleuri en marge des Caractères dès leur publication; les contemporains y voyaient un "sel supplémentaire". Qu'il rabatte son caquet à la Montespan, ou à une quelconque autre dame identifiée par les contemporains, participe du sens du texte. Il y a chez La Bruyère une part assez constante d'"insurrection" sociale, morale, religieuse face à l'inégalité des conditions et des comportements.
Peut-être aussi, et là je m'éloigne considérablement du texte pour une remarque très personnelle sur l'évolution de l'approche des textes ces cinquante dernières années, peut-être donc que la peur du contexte comme dérivatif au texte a atteint ses limites. Il m'arrive parfois de penser que les lectures décontextualisées finissent parfois par perdre  leur sens au profit d'une reconstruction qui peut être, pas toujours pour autant, intellectuellement très fine, qui se présente comme très "scientifique" dans son analyse du corps du texte, mais c'est comme pour le légiste: la vérité est parfois aussi dans le rapport avec le lieu, l'heure, les détails extérieurs. J'ai souvent eu l'habitude de dire que pour comprendre Lorenzaccio et sa révolte impossible, mieux vaut lire le Père Goriot qui lui est strictement contemporain qu' un corpus sur le theâtre à travers les siècles, ce qu'ont rendu impossible les programmes par genre...
On peut aussi considérer que le texte n'appartient plus à son temps ni à son auteur, que c'est le lecteur qui crée l'oeuvre par sa lecture etc pourquoi pas, mais je ne sais pas, ça me gêne quand même aussi...parce qu'à force, on finira bien par penser que les textes anciens (passés les dix ans) sont tous tellement insipides, voire inférieurs à nos préoccupations, voire nos (sacrées) "valeurs" contemporaines...Or le contexte des Caractères me paraît intrinsèquement lié à leur réflexion, et c'est par ce regard très "concret" qu'ils restent une des oeuvres du XVIIe les plus contemporaines (sans doute avec Molière ou La Fontaine): c'est de leur réflexion sur leur temps qu'elles tirent vraiment leur éclairage, sur le nôtre, les suivants et les précédents.
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par NLM76 Mar 14 Fév - 14:03
Oui. Ça aussi, c'est vrai. Je crois que j'ai un côté anti-contextualisation excessif. Lequel, au total, au plan pédagogique, est peut-être contre-productif. Les textes littéraires ne lévitent pas hors du temps, hors de tout ancrage dans le monde. [A part le divin Homère, bien sûr !] Les anecdotes, l'ancrage dans l'histoire plaisent aux élèves, et c'est une bonne chose.
C'est sans doute lié à mon incompétence dans le domaine... j'ai tendance à me taire sur ce genre de sujet, parce que je ne m'appelle pas @Delia, et que j'ai peur de m'avancer outre mesure, comme j'ai le sentiment que beaucoup le font.

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par Iphigénie Mar 14 Fév - 14:14
Oui on est d’accord sur le Μηδὲν ἄγαν  tout comme le nécessaire et humble  Γνῶθι σεαυτόν Smile (- et l’étendue des savoirs dans ce domaine de Délia)  Wink
Spoiler:
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par NLM76 Mer 15 Fév - 14:50
Astolphe33 a écrit:
Pas de malentendu : on échange ici entre collègues, évidemment que je ne parlerais pas à des élèves de "parti pris d'extériorité". C'est juste que, de mon point de vue, on passe à côté de La Bruyère si on ne souligne pas à quel point la notion de "caractère" chez lui ne relève pas de la psychologie. Mais passons.

Je suis un peu déconcerté par ta remarque mettant dans le même sac l'étymologie d'Irène (inscrite dans le texte de LB) et la clé Montespan (extérieure et arbitraire). Le choix de ce nom grec n'a rien de fantaisiste, il a un sens précis, en contradiction avec le comportement du personnage. Je ne vois pas en quoi ce serait "aveugler" les élèves, c'est tout le contraire il me semble. Mais il est vrai que je songeais à des élèves de 1ère générale.

Pour le "parti-pris d'extériorité", je ne voulais pas dire que c'était trop compliqué pour les élèves; c'est entre nous que j'ai du mal à suivre le raisonnement, qui me paraît un peu tordu. Oui, c'est de la parole ; mais n'est-ce pas essentiellement à travers la parole que le caractère, au sens de la psychologie, apparaît ?

Pour ce qui est du nom Irène, tu as raison, je vais un peu vite en mettant tout cela dans le même sac. Irène l'intranquille, d'accord, c'est intéressant pour les élèves ! En revanche, je ne vois pas trop pour les Heures, qui, à priori, en tout cas chez Hésiode, ne représentent pas les âges de la vie, mais éventuellement les saisons.

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par Iphigénie Mer 15 Fév - 15:20
En revanche, je ne vois pas trop pour les Heures, qui, à priori, en tout cas chez Hésiode, ne représentent pas les âges de la vie, mais éventuellement les saisons.
Ce n'est pas spécialement le symbole des âges qui est intéressant mais à travers le changement des saisons, le symbole de l'ordre du monde, comme on le voit à travers le nom des trois premières, qui sont tout un programme, Eunomie, Dikè et Eiréné!
Irène voudrait remonter le temps, ou du moins ne pas voir son passage: elle n'accepte pas l'ordre du monde, soit de faire comme avant elle sa mère et sa grand-mère.... Je pense pour ma part qu'au contraire c'est l'étymologie de "paix" qui ne mène pas à grand chose;)
Mais quoi, pour un élément futile, on ne va pas discuter des "heures" Very Happy


Dernière édition par Iphigénie le Mer 15 Fév - 15:25, édité 1 fois
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par NLM76 Mer 15 Fév - 15:24
Tu ne trouves pas qu'Irène est dominée par l'intranquillité et l'agitation ? C'est vrai que cela aussi, c'est assez discutable..

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par Iphigénie Mer 15 Fév - 15:29
NLM76 a écrit:Tu ne trouves pas qu'Irène est dominée par l'intranquillité et l'agitation ? C'est vrai que cela aussi, c'est assez discutable..
Je dirais plutôt par l'exigence envers autrui et l'amour de soi: "elle se transporte à grands frais": son déplacement ne passe pas inaperçu, cela me paraît plus intéressant que le simple fait qu'elle fasse un long voyage; elle déplace le monde avec elle ("se transporter" se dit, dit Littré, des personnes  qui font autorité lorsqu'elles "se transportent" dans un lieu, comme un juge, cela a quelque chose d'un "voyage officiel"), elle "se transporte" avec aussi le sens, évidemment, passif: ce n'est pas vraiment un verbe d'action Wink  "elle se fait transporter" et le verbe a quelque chose de satirique déjà: Irène met le monde à son service. D'où ses questions outrées de la fin: comment peut-on ne pas répondre à ses demandes? Je me répète, mais je trouve qu'on place peut-être trop souvent le commentaire sur l'intempérance ou l'agitation d'Irène, alors qu'à mon avis il est aussi et autant peut-être sur sa vanité. (d'où Montespan Smile )
bon, j'ai du temps, je suis allée rechercher la Théogonie: as-tu remarqué que Irène y est qualifiée de "dans la pleine force de l'âge, fleurissante( oui j’ai oublié de dire en effet pour les non- hellenistes: pas «  florissante » mais bien en pleine fleur)"? (Εἰρήνην τεθαλυῖαν): je crois que La Bruyère avait bien de l'humour, et des lectures. Laughing
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par NLM76 Mar 7 Mar - 5:45
Face aux élèves, je n'arrivais pas à leur proposer un synonyme tenu de "rembarrer" (casser, clasher, recaler) pour dire la façon dont l'oracle répond à Irène (en fait je n'avais pas non plus "rembarrer", mais seulement "recaler", de sorte que je n'ai pas trouvé en consultant le cnrtl). Mais, pour me souvenir, je note ici que j'ai trouvé : "rabrouer". On peut aussi ajouter les vieillis mais joli "remiser, rebuter", ou encore plus séduisant mais inusité "rebuffer".
Il faudrait faire un petit lexique des mots bien pratiques pour éviter certaines vulgarités qui nous viennent constamment à la bouche et pour lesquels nous avons le sentiment de n'avoir pas d'alternative. [*** -> sot, ch... -> pénible, emm... eur -> fâcheux, etc.]

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par Iphigénie Mar 7 Mar - 13:12
Mon «  rabattre le caquet » ne te sied point? Smile
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Les caractères (XI), La Bruyère, "Peindre les hommes, examiner la nature humaine" - Page 2 Empty Re: Les caractères (XI), La Bruyère, "Peindre les hommes, examiner la nature humaine"

par NLM76 Mar 7 Mar - 13:36
C'est joli aussi. Je note.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
Solovieï
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par Solovieï Ven 11 Aoû - 22:52
Salut. J’ai lu l’entièreté de ce fil, ayant de nouveau des « STMG » cette année, ce qui ne m’enchante pas, mais enfin il faut bien rendre service…
Je travaille déjà La Bruyère en Générale, je souhaite donc le conserver en voie techno., même s’il s’agit d’un livre différent (XI).
Après relecture, j’avais également sélectionné la dérision des stoïciens et « Irène ». Pour la remarque à propos du stoïcisme, j’hésite encore. « Irène » me semble incontournable, dans un livre XI finalement assez pauvre en portraits (relativement).
J’ai également retenu, comme candidats potentiels (EL) :
- « Ménalque » (6) : quelqu’un aurait-il un découpage à proposer ?
- « Tout est étranger dans l’humeur […] » (18)
- « L’on entend dans les places […] » (26)
-  « Il y a un temps où la raison […] » (49)
- « Les enfants ont déjà de leur âme […] » (53)
- « Quelque rapport qu’il paraisse […] » à « […]  qu’il a lui seul de l’esprit et du mérite. » (85)
-  Un homme d’esprit n’est point jaloux […] » à « […] aux règles, aux  préceptes, à l’expérience. » (85)
- « Quelques hommes dans le cours de leur vie […] » (99)
Solovieï
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par Solovieï Mer 30 Aoû - 19:07
J'ai finalement retenu :
1. Remarque 35, "Irène"
2. Remarque 99, "Quelques hommes dans le cours de leur vie"

Pour l'EL n°3, je vais voir du côté de Montaigne, Montesquieu (Éloge de la sincérité), Pascal,...
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