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Dalva
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par Dalva Mar 16 Juil 2013 - 19:54
Reine, ça c'était dans les programmes d'avant 2009.
Reine Margot
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par Reine Margot Mar 16 Juil 2013 - 19:56
ah je comprends pourquoi alors! j'ai cessé d'enseigner depuis...

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par Nadejda Mar 16 Juil 2013 - 20:57
Je me souviens d'une copine qui ne pouvait s'empêcher, lorsqu'elle lisait un texte, de se jeter sur ses stabilos pour surligner les figures de style, déictiques, progression à thème constant et autres outils qui en eux-mêmes ne servent pas à grand-chose. J'avais trouvé ça triste.
J'ai l'impression que beaucoup ont peur de se confronter à des textes qui résistent et se dérobent au sens. Parce que ça prend du temps et parce que ça bouleverse les petites cases qui rassurent et qui donnent l'illusion de maîtriser quelque chose qui nous dépasse — et nous survit. Pourtant on a encore du respect pour quelques grandes figures de la critique littéraire (j'y inclus aussi des noms comme Charles Du Bos et même Simone Weil quand elle analyse L'Iliade). Quand je les lis, ces critiques, je ne vois pas tout l'attirail hérité de la linguistique et de la stylistique : je vois des hommes qui tâtonnent, n'ont pas peur de dire ce qu'ils ont ressenti face au texte (c'est presque un gros mot aujourd'hui mais on lit aussi avec son cœur). Au fil des questionnements, des reformulations (comme face à des élèves) un sens émerge, du moins une lecture personnelle, toujours perfectible, parfois infidèle. Et cette lecture se fonde sur la singularité propre à chaque texte, donc sur un contexte bien précis (qu'on a trop évacué depuis quelques décennies), un motif, une figure, que sais-je encore... Pas sur une ribambelle de procédés qui retirent au texte ce qui fait qu'on le lit, lui, et pas un autre.

(Ma réponse est un peu H.-S. par rapport aux problèmes rencontrés au collège, mais certains messages m'ont rappelé la confession de l'amie dont je parle au début.)
Ezilda
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par Ezilda Mar 16 Juil 2013 - 21:18
+ 1 000 000 000 Nadejda ! Very Happy 

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Gryphe
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par Gryphe Mar 16 Juil 2013 - 21:40
Je découvre un truc en lisant ce topic, en fait.

Les personnes qui font des cours cloisonnés passent souvent (de l'extérieur, vu de loin) pour d'horribles passéistes déclinistes élitistes (enfin bon, vous voyez, quoi) qui veulent cloisonner pour faire de la grammaire.

Je découvre en vous lisant que cloisonner est tout aussi vital pour découvrir la littérature et le sens des textes. Cloisonner ne sert pas que la grammaire, l'orthographe et la conjugaison, mais sert aussi l'accès aux textes, à la culture, au symbolique, etc.

Sinon, pourquoi y a-t-il des gens qui ont voulu faire des séquences un jour, déjà ? L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 3795679266
Parce que c'est plus fun ? L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 3795679266
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par Dalva Mar 16 Juil 2013 - 21:42
Parce que tout est dans tout et qu'ainsi, on ne voit pas qu'il n'y a rien.
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par Dalva Mar 16 Juil 2013 - 21:43
Ah oui, et puis aussi, c'était pour donner du SENS. (Mais à quoi ? Je cherche toujours.)
Lora
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par Lora Mar 16 Juil 2013 - 21:44
Apparemment, c'est parce que sinon les élèves ne comprenaient pas à quoi sert la grammaire. Ils voulaient qu'on fasse de la grammaire appliquée aux textes et non pas de la grammaire " dans le vide " avec des phrases fabriquées.
V.Marchais
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par V.Marchais Mar 16 Juil 2013 - 21:58
Oui. C'est le grand mantra des thuriféraires de la séquences : soit disant que ça aurait davantage de sens pour les élèves.
Davantage de sens de leur présenter des textes qui n'ont plus de sens et d'en profiter pour mettre la grammaire sens dessus dessous ? heu 
Ces gens-là n'ont pas le sens commun ! Razz
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damanhour
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par damanhour Mar 16 Juil 2013 - 22:10
En langue, j'ai fait de la grammaire cloisonnée : des exercices, des phrases à apprendre par coeur, bêtement, des interros chaque semaine...
Résultat ? En deux mois, des grands débutants savaient raconter leur journée et se présenter de manière correcte pendant 15 mn à l'oral. Il pouvaient écrire une page entière en langue étrangère.
Je suis sûre que si j'avais du suivre des cours de langue en séquence, sans grammaire méthodique, mon niveau d'anglais serait bien pire que celui qu'il est aujourd'hui.
Et aucun élève n'a fait de dépression. Au contraire, c'est toujours rassurant de répondre à des interros de grammaire. On apprends et ça marche; c'est simple.

On pouvait en plus se concentrer sur le sens des textes et sur la civi dans la deuxième partie du cours

Je précise que des collègues m'ont déclaré que pour eux les interros de grammaire sont des "punitions" et que faire apprendre bêtement des conjugaisons est un non sens pédagogique. Vous imaginez le résultat


Dernière édition par damanhour le Mar 16 Juil 2013 - 22:15, édité 1 fois
Oudemia
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par Oudemia Mar 16 Juil 2013 - 22:14
damanhour a écrit:En langue, j'ai fait de la grammaire cloisonnée : des exercices, des phrases à apprendre par coeur, bêtement, des interros chaque semaine...
Résultat ? En deux mois, des grands débutants savaient raconter leur journée et se présenter de manière correcte pendant 15 mn à l'oral. Il pouvaient écrire une page entière en langue étrangère.
Je suis sûre que si j'avais du suivre des cours de langue en séquence, sans grammaire méthodique, mon niveau d'anglais serait bien pire que celui qu'il est aujourd'hui.
Et aucun élève n'a fait de dépression. Au contraire, c'est toujours rassurant de répondre à des interros de grammaire. On apprend et ça marche; c'est simple.
+1
mais d'aucuns diront :  "A quoi ça sert ?"
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damanhour
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par damanhour Mar 16 Juil 2013 - 22:18
Oudemia a écrit:
damanhour a écrit:En langue, j'ai fait de la grammaire cloisonnée : des exercices, des phrases à apprendre par coeur, bêtement, des interros chaque semaine...
Résultat ? En deux mois, des grands débutants savaient raconter leur journée et se présenter de manière correcte pendant 15 mn à l'oral. Il pouvaient écrire une page entière en langue étrangère.
Je suis sûre que si j'avais du suivre des cours de langue en séquence, sans grammaire méthodique, mon niveau d'anglais serait bien pire que celui qu'il est aujourd'hui.
Et aucun élève n'a fait de dépression. Au contraire, c'est toujours rassurant de répondre à des interros de grammaire. On apprend et ça marche; c'est simple.
+1
mais d'aucuns diront :  "A quoi ça sert ?"

A construire une phrase fleurs 
Mais des collègues m'ont vertement critiquée j'avoue. Pour eux c'était de la torture mentale à utiliser en dernier ressort. Les élèves par contre étaient contents. Ils apprenaient et avaient une bonne note. Et ils ne flippaient pas pour le devoir final. Par ailleurs, ils étaient surpris de leur mémoire et commençaient à voir le bénéfice de l'apprentissage par coeur pour d'autre cours, même les plus paresseux.
En tout cas j'ai pas eu de mutinerie même si le lycée était difficile.
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phi
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par phi Mar 16 Juil 2013 - 22:21
Lora a écrit:Apparemment, c'est parce que sinon les élèves ne comprenaient pas à quoi sert la grammaire. Ils voulaient qu'on fasse de la grammaire appliquée aux textes et non pas de la grammaire " dans le vide " avec des phrases fabriquées.

Je pense que ça partait d'une "bonne intention" au départ, vous n'avez jamais vu ces élèves qui sont persuadés que la "conjugaison" est une langue étrangère qu'on parle sans doute dans ce pays étranger exotique qu'on nomme grammaire ou étude de la langue ?
"j'ave, tu aves, il ave" ça ne les dérange pas... L'ennui c'est qu'on découpe tout en petites tranches bien fines au primaire ("mais madame Phi, ce texte là, vos élèves devaient le déchiffrer ou le comprendre ? " "Ben... les deux, ils devaient le lire quoi ?! D'ailleurs ils viennent de le faire sous vos yeux ébahis, tous sans exceptions, même mademoiselle la dysphasique et monsieur le mutique turcophone"... "ah mais non ça ne fonctionne pas comme ça, on ne peut pas leur proposer deux tâches à la fois les pauvres ! Le matin vous devez leur faire lire des tableaux de syllabes, malheureuse, et l'après-midi leur faire des lectures offertes pour les analyser ensuite sur de grandes affiches, pour qu'ils accèdent au sens ! " )... Et ces petites tranches fines bien étanches,  apparemment, on en fait un gros gloubi-boulga mixé sans morceau dans les grandes classes heu


Dernière édition par phi le Mar 16 Juil 2013 - 22:35, édité 1 fois
Gryphe
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par Gryphe Mar 16 Juil 2013 - 22:27
phi a écrit:("mais madame Phi, ce texte là, vos élèves devaient le déchiffrer ou le comprendre ? " "Ben... les deux, ils devaient le lire quoi ?! D'ailleurs ils viennent de le faire sous vos yeux ébahis, tous sans exceptions, même mademoiselle la dysphasique et monsieur le mutique turcophone"...  )...  
Phi IEN ! cheers
Chocolat
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par Chocolat Mar 16 Juil 2013 - 23:08
Comme ils nous accordent une confiance très modérée, ils ont inventé les séquences pour nous empêcher de rester trois mois sur l'étude d'une œuvre, dix heures sur une explication de texte, six mois sur la conjugaison du subjonctif imparfait, etc.

Ben oui, un prof de français est dépourvu de tout bon sens, ne sait pas gérer son temps, et ne respecte jamais les programmes !








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virgere
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par virgere Mar 16 Juil 2013 - 23:13
Et comme on ne respecte pas les programmes, ça leur donne le droit d'en faire des pourris, c'est sans conséquence Very Happy
clairlaure
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par clairlaure Mar 16 Juil 2013 - 23:21
Mon problème après lecture de ce genre de post, c'est que je me sens souvent nulle, idiote et pas à la hauteur de l'enseignement. Et pourtant je bosse, je bosse, je bosse...
Reine Margot
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par Reine Margot Mar 16 Juil 2013 - 23:29
n'empêche que je reste toujours sur mon problème de double progression (même si je n'enseigne plus ça m'a toujours agacée de ne pas trouver de solution).

Si on fait de la lecture-écriture d'un côté et de la grammaire-orthographe de l'autre, il y a bien un moment où ça se rejoint (ne serait-ce quand on montre comment les outils de la langue produisent tel effet). On va faire un peu de stylistique dans les cours de lecture (utiliser la grammaire pour montrer comment le texte construit telle impression), et de l'application de la grammaire dans les textes (montrer par exemple l'utilisation de tel temps, pour cela il faut un texte).

Donc on finit par tout croiser, alors finalement pourquoi faire 2 progressions séparées qui vont sans cesse se chevaucher et se rejoindre au bout du compte au lieu de n'en faire qu'une?

j'avais essayé de monter des progressions annuelles mais devant un tel schmilblick j'étais revenue à une seule progression, donc une suite de séquences.

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Presse-purée
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par Presse-purée Mar 16 Juil 2013 - 23:43
Gryphe a écrit:Je découvre un truc en lisant ce topic, en fait.

Les personnes qui font des cours cloisonnés passent souvent (de l'extérieur, vu de loin) pour d'horribles passéistes déclinistes élitistes (enfin bon, vous voyez, quoi) qui veulent cloisonner pour faire de la grammaire.

Je découvre en vous lisant que cloisonner est tout aussi vital pour découvrir la littérature et le sens des textes. Cloisonner ne sert pas que la grammaire, l'orthographe et la conjugaison, mais sert aussi l'accès aux textes, à la culture, au symbolique, etc.

Eh oui, à partir du moment où tu conçois ta matière comme autre chose qu'un support à compétences et qui va au delà du dieu Utile, la notion de séquence pose problème aussi (et j'aurais de plus en plus tendance à dire avant tout) pour le travail sur la littérature, en lecture et en écriture. Je sais que se dire "prof de lettres" pose problème dans certains cercles, mais lorsque je me présente comme prof de français, cela sous-entend de langue et de littérature françaises.

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elwellon
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par elwellon Mar 16 Juil 2013 - 23:50
V.Marchais a écrit:L'étude idéale, je ne sais pas.
Je crois que j'essaie de répondre à des questions du type : Pourquoi ce texte nous parle-t-il ? Que signifie-t-il au-delà de ce qu'il dit à première lecture ? Que nous dit-il de nous, du monde dans lequel nous vivons ?

Par exemple, les contes nous parlent des grands interdits, mais aussi du désir invariable de l'homme de transgresser ces interdits, et de ce qui s'ensuit. Il a aussi quelque chose de profondément satisfaisant parce qu'il y représente traditionnellement le destin incarné par des êtres bienveillants (les fées) qui récompensent les gentils et punissent les méchants. Quand l'ordre est bousculé par des êtres malveillants (sorcières, marâtres), il est bien vite rétabli par des figures de la bravoure et de l'initiative (le prince) ou de l'ingéniosité (le Chat, le vaillant petit tailleur, le pêcheur des mille et une Nuits). Il nous parle de la nécessité de s'arracher à ses parents (La Belle au Bois dormant, La petite Sirène), de se confronter à la réalité et à ses difficultés, pour grandir et être reconnu (comme la vraie princesse, le roi légitime...).

Pour revenir à l'exemple d'Ulysse et du cyclope, puisque nous en parlions, voici comment je l'aborde.
D'abord, j'ai une progression littéraire, et à mon sens, pour bien comprendre Ulysse, il faut avoir travaillé un peu sur le héros grec et la notion d'hybris, et toute l'ambivalence qui y est attachée.
Nous reformulons l'intrigue : le héros de Troie vainc le cyclope par sa ruse, sa force et son courage. Voilà qui fait du roi d'Ithaque un héros digne de ce nom. Mais en héros digne de ce nom, il cède à l'hybris en ne résistant pas au plaisir de "narguer" le cyclope et de lui révéler finalement son nom, rendant par là possible la malédiction dont il fera l'objet. Ainsi, l'orgueil d'Ulysse est en quelque sorte responsable de sa situation, de ses malheurs. Dix ans d'épreuves, de dépouillement et d'humiliations s'en suivront, jusqu'à ce qu'il débarque dans le monde civilisé nu et cru, sans compagnons, sans armes, sans navire, sans aucun des attributs d'un héros, et qu'il rentre chez lui sous l'apparence d'un mendiant, rejeté, battu, humilié. Mon questionnement vise à faire émerger tout cela.
En outre, j'étudie le portrait du cyclope, nom pas pour quelques épithètes, mais pour faire émerger l'idée de barbarie : démesure, brutalité, rejet des lois (notamment celles de l'hospitalité) et des habitudes des hommes (ils sont décrits comme ne mangeant pas de pain, buvant le vin non coupé, et n'ayant pas d'assemblées). Le monde des cyclopes, c'est l'opposé du monde grec, de la polis, et c'est de ce monde-là qu'Ulysse est exclu tant qu'il erre au milieu des monstres et des divinités.
Cette analyse est renforcée par la comparaison avec Alkinoos, roi cultivé, courtois, respectueux des règles, des dieux et de son hôte : ici se dessine un modèle de civilisation.
Ulysse ne connaîtra finalement pas le sort le plus souvent malheureux réservé aux héros. Peut-être parce que, dans le dernier chant, il renonce à poursuivre les prétendants jusque dans le royaume des morts et se soumet à l'arrêt (dans tous les sens du terme) des dieux. Il devient un roi de la mesure. Et ce qui se joue dans L'Odyssée, c'est, si j'ai bien compris, une réflexion sur les valeurs de civilisation et les moyens de les incarner.
En tout cas, c'est cela que j'essaie de mettre en évidence avec mes élèves.


 

 J'ai adoré lire ce topic, je trouve passionnant de confronter nos pratiques et j'avoue que je suis en train de m'interroger sur les miennes. Cependant, je voudrais quand même signaler que tout en travaillant en séquences, qu'en utilisant les outils de la langue pour donner du sens à un texte, moi aussi, Véronique, je porte une importance à l'oeuvre en elle-même. Qu'a-t-elle apportée à l'époque d'Homère? en quoi fait-elle encore sens à notre époque? D'ailleurs je le dis à la fin de mon post. Je ne suis pas en train de défendre le travail en séquences spécifiquement car je peux le lâcher dès demain si je vois qu'il pose problème à mes élèves. Or, quand je te lis, même si je n'ai pas utilisé la même méthode, je sais que mes élèves ont réfléchi sur les valeurs véhiculées par le livre. Je ne crois pas (mais peut-être que je me trompe) être passée à coté de l'oeuvre (me souvenant des excellents cours à la fac de mon professeur de civilisation grecque sur la séparation entre ceux qui mangent de la viande crue, comme le Cyclope,  et ceux qui mangent la viande cuite, comme Ulysse, symbole de la civilisation).
Je suis prête à tout remettre en cause si je vois que mes élèves ne comprennent rien à mes cours, or ce n'est pas le cas. Je me fous royalement des recommandations des IPR, des IUFM ou de l'EN. Je ne vois qu'une chose: c'est donner du plaisir à mes élèves en leur faisant partager ma passion pour la littérature et je pense que c'est le même combat pour les néos ici, puisqu'on parle boutique en plein mois de juillet!!!!Cependant, je trouve aussi très intéressant cet échange, mais certains ont racourci trop promptement mes propos en croyant que j'utilisais le texte d'Homère pour montrer uniquement les adjectifs qualificatifs. Ce n'est pas du tout le cas, c'est restreindre la pensée d'autrui (bon, notamment la mienne Very Happy ). Je m'insurge contre ce procès que l'on veut faire Very Happy J'ai bien lu ce topic, et je compte reprendre certaines idées à la rentrée, cependant je vais aussi conserver quelques unes des miennes car jai vu les progrès de mes élèves que ce soit en rédaction (bon, facile, ils ne savaient pas écrire: aucune rédaction faite à l'école primaire:affraid: ) ou dans la compréhension des textes.
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par User5899 Mer 17 Juil 2013 - 1:37
V.Marchais a écrit:Cripure, vous qui êtes bien plus spécialiste d'Homère que moi, qu'en dites-vous ?
Sphinx a écrit:Ceci sans vouloir répondre à la place de monsieur Cripure dont j'attends l'intervention avec intérêt Smile
Spoiler:
Houla ! Razz Non, non, non, je ne suis spécialiste de rien, je suis prof du secondaire ! Razz J'espère au contraire apprendre de Sphinx comme nous apprenons des autres docteurs de ce site ! Mais vous vous doutez bien, Véronique, Sphinx, Abraxas, que je ne puis que souscrire à ce que vous présentez, puisque vous montrez ici même ce qu'est travailler sur un texte : mettre en évidence ce que présente le texte, et non partir d'une réalité préexistante au texte pour montrer comment ce dernier est bien conforme à la réalité....
Bon, Sphinx, à vrai dire, je suis toujours un peu chagriné qu'on veuille absolument situer les voyages d'Ulysse. Pour moi, passé le cap Soumion, il est dans un univers dessiné par le poème et rien n'est plus vain que la pénible démarche de Bérard, à mon avis. C'est comme ceux qui veulent absolument que quand Baudelaire écrit "là-bas", il faille comprendre "la Hollande" Rolling Eyes
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par User5899 Mer 17 Juil 2013 - 1:47
Nadejda a écrit:Je me souviens d'une copine qui ne pouvait s'empêcher, lorsqu'elle lisait un texte, de se jeter sur ses stabilos pour surligner les figures de style, déictiques, progression à thème constant et autres outils qui en eux-mêmes ne servent pas à grand-chose. J'avais trouvé ça triste.
J'ai l'impression que beaucoup ont peur de se confronter à des textes qui résistent et se dérobent au sens. Parce que ça prend du temps et parce que ça bouleverse les petites cases qui rassurent et qui donnent l'illusion de maîtriser quelque chose qui nous dépasse — et nous survit. Pourtant on a encore du respect pour quelques grandes figures de la critique littéraire (j'y inclus aussi des noms comme Charles Du Bos et même Simone Weil quand elle analyse L'Iliade). Quand je les lis, ces critiques, je ne vois pas tout l'attirail hérité de la linguistique et de la stylistique : je vois des hommes qui tâtonnent, n'ont pas peur de dire ce qu'ils ont ressenti face au texte (c'est presque un gros mot aujourd'hui mais on lit aussi avec son cœur). Au fil des questionnements, des reformulations (comme face à des élèves) un sens émerge, du moins une lecture personnelle, toujours perfectible, parfois infidèle. Et cette lecture se fonde sur la singularité propre à chaque texte, donc sur un contexte bien précis (qu'on a trop évacué depuis quelques décennies), un motif, une figure, que sais-je encore... Pas sur une ribambelle de procédés qui retirent au texte ce qui fait qu'on le lit, lui, et pas un autre.

(Ma réponse est un peu H.-S. par rapport aux problèmes rencontrés au collège, mais certains messages m'ont rappelé la confession de l'amie dont je parle au début.)
Bon, là aussi, quand même, quelques précisions. Si vous voulez dire que le vocabulaire de la linguistique est trop difficile pour des élèves du secondaire, d'accord. Mais on ne peut pas se passer d'une description des moyens linguistiques utilisés. Je n'ai aucune envie de recommencer la querelle de Barthes vs Picard, mais enfin celui-ci, dans sa fureur anti-Barthes en est réduit à faire appel à la bonne volonté de chacun pour qu'on parvienne à se mettre d'accord sur une vérité sur Racine...
Pour faire simple :
-J'ai choisi le voussoiement sur ce forum. Dépourvu de sens ? (énonciation)
-Madame Tim, femme créole opulente et extravagante, est vue par un paysan montagnard sous le second empire : dépourvu de sens ? (discours rapporté - point de vue)
-Baudelaire utilise énormément l'alexandrin dans Les Fleurs du Mal mais compose "Invitation au voyage" uniquement en vers impairs : dépourvu de sens ? (versification)
-Rimbaud compose "Larme" en vers de onze syllabes : dépourvu de sens ? (versification)
-Flaubert résume tout le drame d'Emma dans un même chapitre, le 9e de la 1re partie, en faisant varier la narration de sa réaction devant deux objets distincts. Dépourvu de sens ? (points de vue - discours rapportés - connotations)

Etc. Razz
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L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ? - Page 6 Empty Re: L'étude des textes au collège : comment en sommes-nous arrivés là ?

par User5899 Mer 17 Juil 2013 - 1:57
virgere a écrit:Je me rappelle avoir eu du mal, au lycée, à accepter les décorticages de texte. "Pourquoi" l'auteur a écrit ça, pourquoi il l'a écrit comme ça, qu'est-ce qu'il voulait dire... j'ai souvent trouvé qu'on nous faisait sur-interpréter les textes. Au détriment du plaisir de se laisser porter par les mots...
1) "Pourquoi l'auteur a écrit ça ?" Question sans réponse. Next one ! Razz
"Pourquoi l'auteur a écrit ça comme ça ?" 404 Error Answer not found - Next one Razz
"Qu'est-ce que l'auteur veut dire ?" Mais je n'en sais rien, moi. Le sait-il / savait-il lui-même, d'ailleurs ? Ce qui est sûr, c'est qu'il a dit ça. La lecture, c'est un lecteur face à un texte. Que le texte soit pris dans un contexte, oui. Qu'il soit le moyen de parvenir à la réponse à la question de la volonté de l'auteur, je n'en crois pas un mot. Péché d'orgueil du prof pas sûr de lui.
2)Les "décorticages"... Pourquoi l'image de la carapace ? Qu'est-ce qu'un texte sinon des mots ? Bien sûr qu'il y a un plaisir à se laisser porter, c'est le plaisir de la dérive, du rêve, du "point de départ" : le texte, le tableau, la musique est le point de départ d'une perte de conscience, c'est le moyen d'un plaisir. Bon. Mais si on veut tenter de comprendre ? Il faut bien qu'on nous apprenne à lire un texte, à regarder un tableau, à écouter un quatuor à cordes ou une sonate !
3)"Surinterpréter"... Ma foi, il faudrait des exemples précis. J'imagine que nous ne sommes pas tous également inspirés tous les jours.

Sans rancune, hein Razz
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Abraxas
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par Abraxas Mer 17 Juil 2013 - 6:47
Cripure, cette histoire de "là-bas" à propos de Baudelaire, c'est juste que l'Invitation au voyage est pompée sur une lettre de Descartes qui lui, clairement, parle de la Hollande.
Mais quand j'ai lu les Fleurs du mal pour la première fois, je l'ignorais. Et ma foi, mon "là-bas" de cette époque était juste "l'ailleurs" rimbaldien. Chacun a les Abyssinies qu'il mérite (c'est ce que j'appelle le syndrome de Borgès, qui proposait de lancer une étude sur l'influence de Kafka sur les Romantiques : nous ne pouvons plus lire Baudelaire sans penser à Rimbaud — ou à Breton, ou à Char). Les anachronismes peuvent être porteurs de pistes, n'est-ce pas…
Si je l'expliquais à des élèves, j'évoquerais Descartes, comme matrice textuelle, mais pas comme matrice de sens. J'imagine que nous en faisons tous de même.
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par Iphigénie Mer 17 Juil 2013 - 7:30
Cripure, cette histoire de "là-bas" à propos de Baudelaire, c'est juste que l'Invitation au voyage est pompée sur une lettre de Descartes qui lui, clairement, parle de la Hollande.
Avec beaucoup moins d'érudition, on peut quand même penser au poème en prose qui renvoie explicitement à la Hollande. Sur ce coup vous êtes bien sévère, Cripure ,et  bien savant, Abraxas, mais c'est votre charme...Wink
(même si c'est vrai qu'on s'en fiche un peu / EDIT: que ce soit la Hollande, oeuf corse, je ne parle pas de votre charme à tous deux  :lol: Wink   / , et que c'est surtout le pays de Cocagne, hein...Very Happy )
Cela dit, si la référence à la Hollande permet aussi d'expliquer pourquoi il parle des "ciels brouillés" et pas des cieux, ça fait aussi avancer le schmilblick.


Dernière édition par iphigénie le Mer 17 Juil 2013 - 8:05, édité 2 fois
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par Iphigénie Mer 17 Juil 2013 - 7:44
Bon, Sphinx, à vrai dire, je suis toujours un peu chagriné qu'on veuille absolument situer les voyages d'Ulysse. Pour moi, passé le cap Soumion, il est dans un univers dessiné par le poème

(bon , je lis en remontant...)
Là aussi, oui et non: l'univers mental est aussi une manière de délimiter le monde homérique; alors chercher à lire Homère comme le guide du routard, non, mais chercher un sens géographique à ces voyages, pourquoi pas, cela fait partie de la multiplicité des sens possibles de l'oeuvre. D'ailleurs ça a au moins permis Schliemann, ce qui n'est pas si mal, finalement . Il me semble que tout le charme de la lecture, c'est de n'admettre aucun interdit, à partir du moment où on débouche sur une idée nouvelle... Si on est sûr avant de commencer de ce que l'on doit ou ne doit pas y trouver,c'est figé, non?
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