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John
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Censure chez Gallimard autour d'Aragon Empty Censure chez Gallimard autour d'Aragon

par John Jeu 25 Oct 2012 - 1:37
Daniel Bougnoux, directeur de la publication des oeuvres d'Aragon pour la Pléiade, a vu le chapitre d'un de ses livres censuré par Gallimard :
http://www.nonfiction.fr/article-6179-censure_chez_gallimard_autour_daragon_daniel_bougnoux_sexplique.htm

Le 24 décembre 2012, le monde littéraire célèbrera les trente de la mort de l’écrivain Louis Aragon. À cette occasion, les parutions en hommage à l’auteur d’Aurélien se multiplient. Parmi elles, Aragon, la confusion des genres, chez Gallimard, de Daniel Bougnoux, spécialiste passionné et, depuis 1997, directeur de la publication des Œuvres complètes dans la prestigieuse collection de la “Bibliothèque de la Pléiade”, dont le cinquième tome vient de paraître. Jusque là rien d’anormal. Sauf que le lundi 22 octobre, lors d’un débat public au CNL, Daniel Bougnoux a accusé Jean Ristat, le légataire testamentaire d’Aragon, de l’avoir censuré, par l’intermédiaire de son éditeur. Entretien et explications.

Nonfiction.fr - Le lundi 22 octobre 2012, lors d’un débat au Centre national du livre (CNL) à l’occasion du trentenaire de la mort de Louis Aragon, vous avez affirmé au public présent que votre ouvrage Aragon, la confusion des genres, qui vient de paraître chez Gallimard dans la collection “L’Un et l’Autre”, a été censuré d’un chapitre. Que s’est-il passé ?

Daniel Bougnoux – Le livre, remis en mai et désormais accepté, et corrigé, se trouvait prêt à l’édition quand, le 6 septembre, alors que je partais le surlendemain pour la Chine, j’ai reçu un mail inattendu de J.-B. Pontalis, le très respecté directeur de la collection “L’Un et l’Autre”, m’informant (textuellement) que “Jean Ristat ne s’opposait pas à la parution de Aragon, la confusion des genres à condition que nous en retranchions le chapitre 7”… Je prévoyais que ce chapitre ferait difficulté auprès de l’héritier d’Aragon, et j’avais demandé dès juin à Pontalis de ne rien lui communiquer de mon texte. Hélas, l’ouvrage a “fuité” au cours de l’été. Mon premier mouvement, devant cette demande assez choquante, a été de reprendre l’ouvrage pour le porter à un autre éditeur ; mais Pontalis a insisté pour le garder, me disant que même coupé il se défendait encore, et que de toute façon Ristat me poursuivrait où que je le publie… J’ai, dès le lendemain, consulté le cabinet d’Emmanuel Pierrat, et écrit aussi à Alain Toucas, arrière-petit neveu d’Aragon et avocat d’affaire à Paris : les deux experts sont formels, il n’y a dans mon chapitre ni “atteinte à la vie privée”, ni délit de diffamation. Que faire ? Je tenais essentiellement à ce que cet ouvrage paraisse au même moment que le tome V de la Pléiade, et au fond je l’avais conçu pour la collection “L’Un et l’Autre” : un auteur y parle d’un autre auteur, avec tous les effets de miroirs, d’identification affective, de trajectoire sensible… J’avais versé dans ce livre tout ce que je ne pouvais pas écrire dans l’espace, pour le coup très formaté, des Pléiade, dans mon esprit les deux parutions se complétaient étroitement. Après 48 heures d’hésitation et depuis la salle d’embarquement pour Pékin, j’ai donc mailé à Pontalis mon acceptation, résignée, au coup de hache…

De quoi parliez-vous dans ce chapitre ? Pourquoi était-il tellement important pour votre ouvrage ?

Daniel Bougnoux – Ce chapitre était, dans mon esprit, incitatif ou séminal : j’y raconte une drague homosexuelle dont Aragon m’a gratifié, dans sa chambre n° 15 de la résidence hôtel du Cap Brun, près de Toulon, par une chaude après-midi de juillet 1973. J’avais 29 ans, je venais de publier sur lui mon premier livre, une étude de Blanche ou l’oubli chez Hachette, et il s’en était montré très content – et reconnaissant ! L’épisode de la chambre, assez carnavalesque, mais dans le fond plutôt drôle ou cocasse, m’avait mis devant un abîme – mais au lieu de m’éloigner d’Aragon, il m’avait révélé sa complexité, et la capacité chez ce veuf de “sur-vie”, je veux dire de vie excessive. Aragon me montrait crûment ce don du vertige dont nous parlions lundi soir au Centre national du livre, avec Philippe Forest. Bref, à l’occasion de cet épisode je n’ai pas trouvé Aragon ridicule ni antipathique, mais au contraire tellement plus “intéressant”, et c’est pour cela que j’ai tenu, trente-neuf ans plus tard, à l’écrire. Il justifie mon titre : la “confusion des genres” ne s’entend pas chez lui au seul plan des genres littéraires, qu’il confond à plaisir en effet, mais touche d’abord à la distinction masculin-féminin.

Selon vous, pourquoi Jean Ristat, l’ayant-droit de Louis Aragon, a-t-il demandé la suppression de ce chapitre ?

Daniel Bougnoux – C’est une demande abusive, et pour moi assez inexplicable. D’ailleurs, comment censurer un livre de papier à l’époque du mail et d’Internet ? Il est vrai que dans ce chapitre, je l’égratigne : le récit assez complaisant que lui-même a donné du dernier Aragon dans son livre d’entretiens avec Francis Crémieux, Avec Aragon [Gallimard, 2003], ne me suffit pas, ne me plaît pas ; j’ai assisté à autre chose, j’ai vu autour du vieil Aragon des relations moins idylliques ou tranquilles que celles racontées par Ristat, et mon témoignage contredisait le sien. Je ne voudrais pas, d’une façon générale, qu’on s’en remette à un seul témoin, ni qu’on édulcore la cruauté, mais aussi le courage, et la complexité des situations qu’Aragon a connues jusque dans son grand âge. Son personnage m’a frappé par sa puissance de provocation ou de scandale, et je cherche dans mes propres écrits à restituer cette complexité, ou à le compliquer plutôt qu’à l’expliquer.

Gallimard, et notamment votre éditeur Jean-Bertrand Pontalis, vous ont-ils défendu ?

Daniel Bougnoux – Je ne sais pas, difficile à dire : Ristat est tout puissant dans la maison Gallimard, et leurs “services juridiques” ont arbitré, m’a dit Pontalis, en sa faveur, alors que les avocats consultés par moi m’ont écrit le contraire ! “Jibé” Pontalis était le premier navré par ce coup de force, et voulait sauver l’édition du livre, je lui ai donc donné raison en consentant à cet “arrangement”.

Voici donc... le chapitre censuré : http://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20121024.OBS6797/affaire-aragon-le-chapitre-censure.html

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Condorcet
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par Condorcet Jeu 25 Oct 2012 - 3:24
Où comment souvent la censure suscite l'intérêt, joue la caisse de résonance, offre une formidable publicité au livre et à l'auteur autant qu'elle déconsidère le censeur. L'emprise intellectuelle d'Aragon aux Lettres françaises notamment se conçoit mal aujourd'hui et pourtant, la virulence des attaques lancées de part et d'autre laisse le spectateur contemporain pantois.
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Abraxas
Doyen

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par Abraxas Jeu 25 Oct 2012 - 5:57
Si tout le reste du livre est de cette plume, j'ai peur de ne pas l'acheter. C'est effroyablement écrit — empanaché de métaphores et de comparaisons, et d'épithètes homériques.
Celadon
Celadon
Demi-dieu

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par Celadon Jeu 25 Oct 2012 - 8:11
Bof.
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Mareuil
Neoprof expérimenté

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par Mareuil Jeu 25 Oct 2012 - 13:37
Abraxas a écrit:Si tout le reste du livre est de cette plume, j'ai peur de ne pas l'acheter. C'est effroyablement écrit — empanaché de métaphores et de comparaisons, et d'épithètes homériques.
Comme toi. J'ai fréquenté la rue de Varennes en 1967-68 -mon sujet de maîtrise était la réécriture des Communistes. Aragon intimidait, évidemment. Elsa fascinait par son intelligence.
Palombella Rossa
Palombella Rossa
Neoprof expérimenté

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par Palombella Rossa Jeu 25 Oct 2012 - 14:23
Mareuil a écrit:
Abraxas a écrit:Si tout le reste du livre est de cette plume, j'ai peur de ne pas l'acheter. C'est effroyablement écrit — empanaché de métaphores et de comparaisons, et d'épithètes homériques.
Comme toi. J'ai fréquenté la rue de Varennes en 1967-68 -mon sujet de maîtrise était la réécriture des Communistes. Aragon intimidait, évidemment. Elsa fascinait par son intelligence.

"... un pianiste réhausse son jeu à coups d’apoggiatures et d’effets de pédale"... Je suis tentée de ne pas aller plus loin.
"....tout en lisant Castille branlait du chef..." Là, j'arrête.

ça me rappelle les khopies où l'on m'explique que le passage de la mort d'Emma Bovary est "très vivant".

Il s'est un peu relu, ledit Bougnoux ? "Ses lèvres aux accents rugissants et suaves " !!! Quand même, quoi ... titanic
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Mareuil
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par Mareuil Jeu 25 Oct 2012 - 14:31
Palombella Rossa a écrit:
Mareuil a écrit:
Abraxas a écrit:Si tout le reste du livre est de cette plume, j'ai peur de ne pas l'acheter. C'est effroyablement écrit — empanaché de métaphores et de comparaisons, et d'épithètes homériques.
Comme toi. J'ai fréquenté la rue de Varennes en 1967-68 -mon sujet de maîtrise était la réécriture des Communistes. Aragon intimidait, évidemment. Elsa fascinait par son intelligence.

"... un pianiste réhausse son jeu à coups d’apoggiatures et d’effets de pédale"... Je suis tentée de ne pas aller plus loin.
"....tout en lisant Castille branlait du chef..." Là, j'arrête.

ça me rappelle les khopies où l'on m'explique que le passage de la mort d'Emma Bovary est "très vivant".

Il s'est un peu relu, ledit Bougnoux ? "Ses lèvres aux accents rugissants et suaves " !!! Quand même, quoi ... titanic

On peut toujours faire pire. Il aurait pu écrire : "ses lèvres mugissantes aux accents suaves". yesyes
Palombella Rossa
Palombella Rossa
Neoprof expérimenté

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par Palombella Rossa Jeu 25 Oct 2012 - 17:01
Quant à Castille, Castille... franchement !
Pour moi, Aragon et Castille, c'est ça :
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