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Robin
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Bac Philo 2012 : Serions-nous plus libres sans l'Etat ? Empty Bac Philo 2012 : Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

par Robin Jeu 9 Aoû 2012 - 13:24
"L’État est le plus froid des monstres froids. Il ment froidement ; et voici le mensonge qui s'échappe de sa bouche : "Moi l’État, je suis le peuple." (Nietzsche) : instrument d'émancipation et de liberté, puisqu'il permet de garantir la sécurité des individus, l’État peut devenir, en certains cas, une machinerie de pouvoir profondément destructrice et aliénante.

L’État est l'ensemble des institutions (politiques, juridiques, militaires, administratives, économiques) qui organisent une société sur un territoire donné. La notion d’État suppose premièrement la permanence du pouvoir : l’État n'apparaît que lorsque le pouvoir s'institutionnalise, lorsqu'il cesse d'être incorporé à la personne d'un chef et deuxièmement la "chose publique" (res publica) : si le pouvoir de l’État n'appartient pas à son détenteur, s'il n'est pas sa propriété personnelle, c'est qu'il définit un espace public commun à tous.

L’État doit être distingué de la nation, ensemble vivant d'individus concrets ayant en commun une Histoire, une langue et un territoire.

Etre libre, cela signifie d'abord ne pas être empêché de faire ce que l'on veut, sortir de chez soi ou quitter son pays par exemple, ou encore dire sans crainte ce que l'on pense. Par suite, la liberté est conçue habituellement comme absence de toute contrainte étrangère. Dans la civilisation grecque, la liberté est la libre condition de l'homme qui n'est pas esclave (servus) ou prisonnier. La liberté fut donc d'abord un statut, une condition sociale et politique garantie par un ensemble de droits et de devoirs. Comme l'a montré Hannah Arendt dans La Crise de la culture, sans une vie publique politiquement garantie, la liberté est un mot vide sens, elle ne peut avoir aucune "réalité mondaine".

Serions-nous plus libres sans l’État ?

Nous examinerons la justification de l’État en tant qu'incarnation de l'intérêt général et garantie de la liberté des citoyens, puis la dénonciation des dangers en germe dans l’État. Nous nous demanderons enfin quelle forme d’État est la plus susceptible de garantir la liberté des individus.

Se demander si nous serions plus libres sans l’État suppose que la liberté existait avant l'instauration de l’État. C'est précisément ce que conteste Thomas Hobbes, l'un des premiers penseurs de l’État moderne. Hobbes part d'abord d'un constat : sans un pouvoir fort qui commande leur obéissance, les hommes s'entre-déchirent. Dans Le Léviathan, son œuvre majeure, Hobbes pose d'abord la fiction théorique d'un "état de nature", état dans lequel se trouvent les hommes, abstraction faite de tout pouvoir et de toute loi. Dans cet état, les hommes sont gouvernés par le seul état de conservation (le "conatus" ou désir de persévérer dans son être) ; étant égaux, les hommes ont les mêmes désirs, les mêmes droits et les mêmes moyens de parvenir à leurs fins.

C'est pourquoi l'égalité naturelle entre les hommes se transforme naturellement en rivalité. L'état de nature, c'est l'état de la "guerre de tous contre tous". "L'Homme est un loup pour l'Homme" : doué de raison, c'est-à-dire de la capacité de calculer et d'anticiper, il prévoit le danger et attaque avant d'être attaqué. L'angoisse de la mort fait peser sur la vie de tous une menace permanente. Les mêmes raisons qui ont conduit les hommes à l'état de guerre, le calcul et la peur de la mort, vont donc conduire les hommes à en sortir, c'est-à-dire à quitter l'état de nature.

Sortir de l'état de nature, c'est pour chacun renoncer à son droit naturel au profit de l'ordre et de la sécurité dont le souverain - homme ou assemblée - qui exercera le pouvoir, sera le garant. C'est donc d'un contrat, c'est-à-dire d'un acte volontaire et juridique, que naît le pouvoir, l’État. Pour autant, le pouvoir n'est pas arbitraire, ni despotique, bien qu'il doive être, selon Hobbes, absolu.

L’État incarnerait donc l'intérêt général et préserverait la sécurité, l'ordre, mais aussi la liberté. L’État a trouvé son apologiste le plus fervent en la personne de Hegel pour qui l’État est la réalisation de l'idée morale et du droit qui, sans l’État, demeureraient des abstractions.

Certains penseurs, comme Nietzsche ("l’État est le plus froid des monstres froids") voient au contraire dans le culte de l’État un danger dont le totalitarisme fut, en notre siècle, la manifestation. Dans nos sociétés dites "démocratiques", l'extension de la bureaucratie, la complexité des technostructures rendent la gestion de l'Etat de plus en plus étrangère aux citoyens et aux peuples.

D'où le développement d'un anti-étatisme qui dénonce la violence que l’État exerce sur les individus en les dépossédant d'eux-mêmes : l'anarchisme et le marxisme.

Pour les anarchistes (Bakounine, Proudhon), l’État est le mal politique absolu, l'oppression incarnée dévorant les forces vives et la liberté des individus. Les anarchistes préconisent une société sans État, dans laquelle les rapports entre les hommes seraient exclusivement fondés sur des associations mutuelles et des contrats privés.

Selon Marx, l’État est au service de la classe dominante ; il n'est que le moyen institutionnel de perpétrer la domination et l'exploitation de classe. En supprimant les oppositions de classe, la révolution doit conduire, à terme, à la suppression de l’État, après une période de transition : la "dictature du prolétariat".

La dictature du prolétariat à travers l'exercice du pouvoir par un parti unique n'a pas libéré l'homme de l'oppression, mais a accru le pouvoir d'oppression de l’État dans des proportions inimaginables en donnant lieu à une hypertrophie totalitaire de l’État.

De sorte que c'est dans l’État de Droit que semblent se trouver les garanties de la liberté. John Locke, penseur de l’État libéral estime que le pouvoir de l’État doit être limité. Institué pour sauvegarder la liberté et la propriété privée, sa sphère de compétence ne doit pas excéder le domaine public.

"Moi l’État, je suis le Peuple !" Nietzsche montre à travers cette prosopopée que l’État devient un "monstre froid" à partir du moment où il ne représente plus la nation et confisque les droits de la société civile et des individus. La nation (du latin "natio", naissance), au sens large est une communauté humaine élargie, regroupant des individus partageant, le plus souvent, une Histoire, une langue, des institutions, une monnaie et un territoire. La nation, comme corps politique exprimant la volonté générale, est souveraine, à l'égard de ses membres et à l'égard des autres nations. Selon Aristote, la communauté politique ne doit être ni trop étroite, ni trop large, le modèle en est la Cité. La nation, forme moderne de la communauté politique dépasse le cadre de la Cité antique par sa taille et sa complexité.

Depuis la Révolution française, la nation est la détentrice de la souveraineté, comme le montre le préambule de la Constitution de la Vème République : "Au nom du Peuple français..."

Hannah Arendt faisait remarquer dans La crise de la culture que la liberté n'est qu'un mot vide de sens s'il ne recouvre pas des réalités concrètes. Un peuple qui n'a plus la maîtrise de sa monnaie, de ses frontières, de sa politique intérieure et de sa politique étrangère est-il encore un peuple libre ? Un "super-État" qui tend à faire disparaître les nations pour les fondre dans une "confédération" dominée par le peuple le plus puissant, est-il compatible avec la liberté des peuples ?

Selon Hobbes et les théoriciens du "contrat social", l’État a été instauré pour garantir la sécurité, l'ordre et la liberté des individus. Hegel, fervent apologiste de l’État voit dans l’État la réalisation concrète de l'idée morale et du Droit. Cependant, l’État représente un danger totalitaire quand il absorbe la société civile au lieu de la représenter. C'est la raison pour laquelle les anarchistes désirent supprimer l’État. Réalité ambiguë, l’État apparaît cependant comme un mal nécessaire. Les libéraux (John Locke) proposent, non de supprimer l’État, mais de limiter ses pouvoirs. Mais n'oublions pas que l’État détient son autorité de la nation, ensemble vivant d'individus concrets et véritable détentrice de la souveraineté.
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