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cliohist
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L’enseignement de l’informatique en France - Page 2 Empty Re: L’enseignement de l’informatique en France

par cliohist Sam 18 Mai 2013 - 10:44
Notez le glissement terminologique.
Tout à fait d'accord.
Devauchelle écrit : « ce rapport le montre bien : la science informatique est négligée. Il faut aussi travailler à cette conscience en prenant en compte toutes les strates qui vont du savoir à l'usage, de la machine à l'humain, et non pas en les séparant. La prise en compte du numérique dans le monde scolaire ne peut se faire en dehors d'une vision systémique, systématique et explicite »

La traduction de « digital humanities » fait aussi débat dans les sciences humaines ou dans les sciences sociales (« humanités digitales » ou « humanités numériques » ). Sur le fond, la programmation est partout dans notre quotidien, le plus souvent sans laisser la possibilité aux internautes de contrôler un tant soit peu les choix techniques faits par les multinationales comme Facebook, Apple ou Google.

mes terminales finalisent leur dossier pour l'oral :
- ils ne savent pas ...
Finalisent ? Le langage des techniciens de la vidéo s'imposerait-il peu à peu ?
Ils ne savent pas ? La question de l'assimilation est une chose. Mais il serait aussi possible de lister tout ce que l'Education demande à un lycéen de connaître, sans avoir pris le temps de l'enseigner.
Word ou Internet, combien d'heures sont occupées à initier les retraités internautes aux arcanes du traitement de texte ou du réseau, souvent bien loin de leurs usages réels (mail ou webcam) ?
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par JEMS Sam 18 Mai 2013 - 11:36
Gné ? Suspect
Je ne vois pas du tout le rapport avec les retraités... il faut m'expliquer un peu.
Le principal problème avec l'usage de l'informatique c'est qu'il est devenu, non plus un objet de savoirs empiriques, qui s'accumulent avec des cours ciblés, mais un outil au service de compétences. Vouloir évaluer par compétences l'informatique est une aberration sans nom, si vous enseignez en BTS, vous vous pouvez observer les dégâts de cette logique. Les élèves ne maîtrisent pas, ils vous balancent un vague compte rendu bâclé sous Word. La mise en forme, pffff, pas important. Le contenu compte, lui seul est évalué.
En 10 ans, nous avons transformé complétement l'enseignement des suites bureautiques pour les positionner au rang d'outil. Simple outil. Or, je suis désolé, mais ils sont de véritables vecteurs de valeur ajoutée dans la vie professionnelle.
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par JPhMM Sam 18 Mai 2013 - 11:41
Je vais être plus précis : quel rapport entre Word et un enseignement de l'informatique ???

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Labyrinthe où l'admiration des ignorants et des idiots qui prennent pour savoir profond tout ce qu'ils n'entendent pas, les a retenus, bon gré malgré qu'ils en eussent. — John Locke

Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
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par JEMS Sam 18 Mai 2013 - 11:48
C'est une des composantes de l'enseignement de l'informatique.
Je me souviens, au début des années 2000, que nous apprenions en cours les principes des réseaux, des composantes informatiques, comment résoudre des problèmes informatiques sans solliciter notre prof... aujourd'hui, on prend une salle avec des PC et .... on tapote un vague truc, on l'imprime trois ou quatre fois car on ne sait plus qu'il existe un aperçu avant impression... bref, c'est du gâchis.
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par cliohist Sam 18 Mai 2013 - 12:04
Je ne vois pas du tout le rapport avec les retraités...
deux raisons :
- la demande vient de l'ensemble de la société, pas seulement de l'école.
- les choix faits pour les retraités ne sont pas toujours les plus pertinents.

Que faire ? Pourquoi faire ?
Pour poursuivre le débat, une provocation : dans ses usages sociaux courants, le numérique a-t-il besoin de l'école, dans la mesure où les tutoriels sont parfois bien très faits ? Les utilisateurs ne sont-ils pas soit des autodidactes, soit des gens qui font appel aux compétences de leur entourage ?

Maîtriser la programmation, se former à la distance critique,
ce sont d'autres enjeux et d'autres défis, à ne pas laisser aux seuls scientifiques ?

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par JEMS Sam 18 Mai 2013 - 12:12
Non, là encore, je suis désolé, mais l'informatique a sa place dans l'école à condition qu'il constitue un réel apport (et que les enseignants aient la volonté de les apprendre aussi (mode provocation on)).
J'ai eu un métier avant d'enseigner et je sais évaluer les apports de l'enseignement de l'informatique sur mon insertion professionnelle. De même que les apports de l'informatique dans ma vie d'enseignant. Cripure disait un jour qu'il avait découvert les "styles", voilà un bel exemple d'enseignement que nous faisions il y a 10 ans et qui est tombé en désuétude.
C'est comme la prise de notes (ou la sténo), j'en ai bavé durant ma scolarité car il y avait des gammes, des listes énormes d'abréviations à mémoriser. Elles me servent encore et toujours.
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par JPhMM Sam 18 Mai 2013 - 12:23
JEMS a écrit:C'est une des composantes de l'enseignement de l'informatique.
Là est bien le problème. L'enseignement de l'utilisation de Word n'a strictement rien à voir avec l'enseignement de l'informatique.

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par JEMS Sam 18 Mai 2013 - 12:33
Dans la mesure où l'utilisation d'applications bureautiques entraîne une automatisation d'une tâche, n'est-ce pas de l'informatique ?
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par JPhMM Sam 18 Mai 2013 - 12:36
L'enseignement de l'utilisation de iTune sur iPod relève-t-il de l'enseignement de la nanoélectronique ?

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par JEMS Sam 18 Mai 2013 - 12:42
Non, mais vous voyez l'informatique seulement à travers le prisme des technologies originelles. Rassurez-vous je pense également que l'informatique recouvre bien d'autres domaines tels que la programmation Wink les algorithmes.

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par JPhMM Sam 18 Mai 2013 - 12:48
Je différencie simplement les couches.

L'utilisation de Word relève de la bureautique.
L'art de la composition d'un document relève de la mise en page, qu'il soit fait à la main, sur une machine à écrire ou sur un ordinateur.

La science informatique, c'est autre chose.

Edit : trouvé sur wikipédia :

« La science informatique n'est pas plus la science des ordinateurs que l'astronomie n'est celle des télescopes. »
— Hal Abelson

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par cliohist Dim 19 Mai 2013 - 11:13
« La science informatique n'est pas plus la science des ordinateurs que l'astronomie n'est celle des télescopes »
Les calculs font beaucoup : cf Urbain Le Verrier.
Mais sans le secours des télécospes, les astronomes auraient-ils autant progressé dans la connaissance de l'univers ?


Un autre exemple:
Philcarto : histoire de vie d’un logiciel de cartographie
http://cybergeo.revues.org/23076

A lire, un retour sur expérience de Philippe Waniez, un géographe programmeur, un des artisans qui n'ont pas abdiqué devant les multinationales. « cet article vise aussi à faire prendre conscience aux évaluateurs de la recherche qu’il serait bon d’accorder l’attention due à ces réalisations informatiques permettant de faire avancer les méthodes de recherche ou de consolider des méthodes éprouvées »



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par Le grincheux Lun 20 Mai 2013 - 10:32
bikkhou a écrit:
Le grincheux a écrit:
Je suis ingénieur système, je sais, je ne devrais pas m'en vanter. Lorsqu'on me demande quel est mon métier il m'arrive de plus en plus souvent de répondre « je suis dans l'informatique ». Cette vague formulation a au moins le mérite de m'éviter la lueur de haine méprisante qui apparaît dans l'oeil de l'interlocuteur le mieux disposé au simple énoncé de mes coupables occupations. Je suis lâche. La prochaine fois je répondrai tueur à gages, le relâchement des moeurs étant ce qu'il est, cela devrait moins choquer.
[...]
Avec l'arrivée des PC et surtout de Windows, nous sommes entrés de plain-pied dans ce que l'on pourrait appeler l'ère du Chapelier Fou, c'est-à-dire l'irruption de l'irrationnel dans ce qu'il a de plus poétique et de moins maîtrisable au beau milieu d'un monde jusque là bien tenu. En vertu d'un darwinisme élémentaire il a bien fallu s'adapter. Aujourd'hui être ingénieur système dans le monde merveilleux de PetitMou, c'est être un hybride monstrueux, un mélange aussi subtil qu'indéfinissable de chaman, de Ménie Grégoire, de Dédé la Bricole, de bobologue, de charlatan et de psychopathe.
[...]
Quant à moi je m'endors tous les soirs en rêvant aux tortures que je ferai subir à Bill Gates s'il venait à me tomber sous la main. C'est le côté psychopathe du métier.

Courage ! moi, j'ai encore besoin d'un chaman, à plein temps si possible ; et pour les projets qui nécessitent un psychopathe, un vrai, on peut me demander de l'aide : j'ai une montagne d'idées pour torturer les responsables. Very Happy
Je prends les idées ! :diable:

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par Isis39 Lun 20 Mai 2013 - 10:35
JEMS a écrit:L'informatique pour l'informatique... non !
Des vrais cours, oui. Mais nous ne disposons pas du temps nécessaire.
Juste deux trois exemples qui me viennent à l'esprit car mes terminales finalisent leur dossier pour l'oral :

- ils ne savent pas insérer un en-tête,
- ne savent pas modifier l'interligne,
- ne savent pas ce qu'est la touche tabulation,
- ne savent pas comment justifier un texte... et j'en passe. Je me liquéfie chaque fois que je passe derrière le dossier d'un gamin de terminale. A côté de cela, le programme de 1ère STMG est d'une pauvreté extrême et s'apparente à du pipo. Faire de la sociologie en 1ère STMG me laisse rêveur !

En dix ans, la maîtrise des bases de la présentation des documents sous tableur, texteur, est devenue obsolète. Je suis sidéré de voir ce gâchis monumental. Ils ne seront jamais efficaces ni professionnels avec de telles lacunes. C'est grave :|

Utiliser un traitement de texte, ce n'est plus enseigné en tant que tel (c'était dans les programmes de techno au collège mais c'est fini). Donc normal que ce ne soit plus maîtrisé. Et c'est bien dommage...
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par Le grincheux Lun 20 Mai 2013 - 11:02
cliohist a écrit:
en rêvant aux tortures que je ferai subir à Bill Gates s'il venait à me tomber sous la main
PetitMou a été mentionné.
Pas encore Linux, ni la compétition entre Apple et Google.
Je vais mettre les pieds dans le plat. Mais quitte à apprendre l'informatique, ce n'est pas par un truc comme linux qu'il faut commencer. Linux est ce qui se fait de moins pire en restant "Michu compliant". Mais du point de vue purement technique, c'est une saleté innommable. Tout ce qu'il ne faut pas faire se trouve dans le noyau (déréférencement de pointeurs NULL pour savoir si tel ou tel module est chargé, ce qui en terme de sécurité est très très moyen) ou la libc (même pas POSIX, voir le fameux bug de pthread_kill()). Si on veut apprendre l'informatique, il faut attaquer par un système propre, c'est-à-dire sur un vulgaire PC par un NetBSD ou un OpenBSD. Ces deux systèmes sont propres, carrés, minimaux et ne font que ce qu'ils prétendent faire. Dans la même veine, mais plus limité, on a Minix. Une autre façon d'attaquer est le micronoyau à la L4.

Là-dedans, Apple et Google ne sont que des opportunistes. Apple a phagocyté un noyau hydride Mach rebaptisé XNU et a conçu un système d'exploitation qui est une aberration technique voulue (subtilement non Unix03 malgré ce qu'ils prétendent et absolument pas POSIX). L'idée est d'avoir un système d'exploitation en mode userland pour faire croire qu'il ne plante pas. L'intérêt est d'avoir la stabilité d'un clone d'unix (enfin, quasiment, parce qu'il y a des bouts d'Unix-based là-dedans) mais absolument incompatible avec un système Unix dès qu'on regarde de près ce qui se passe et en maintenant l'utilisateur captif. Porter un logiciel d'un Unix de base vers MacOS X est un boulot détestable, long et fastidieux. Pour ceux qui veulent un exemple : MacOS X ne connaît pas les sémaphores anonymes. Ce ne serait pas grave si on pouvait les émuler, mais l'API des sémaphores classiques de MacOS X renvoie une zone de mémoire statique et non un pointeur, ce qui fait qu'on est obligé de réécrire toute la gestion des sémaphores lorsqu'on porte pour MacOS X. Et ce n'est qu'un exemple !

Quant à Google, Android est un truc qui tourne sur un noyau Linux. Très bien, sauf que le userland n'est absolument pas celui de Linux, ce qui fait que la gestion des processus, de la mémoire et le reste est gérée un peu à la va comme je te pousse. La stabilité n'est pas réellement au rendez-vous.

Il est possible de rêver, de préférer Arte à TF1, Ixqwick à Google. Mais les usagers font majoritairement d'autres choix. Faute d'éducation adéquate ?
Peut-être parce que certains logiciels sont fournis d'office ?

Revenons au coeur du sujet, qui concerne l'enseignement de l'informatique en France.
Les enjeux ont été posés dès les années 1970 :
L'informatique en Education, pour quoi faire ? A quel niveau (le logo de Seymour Papert) ?
Enseigner l'informatique théorique ou l'informatique appliquée ?
La programmation ou la "bureautique" ?
L'informatique peut-elle ignorer les machines ?
Traiter des données ou Communiquer en ppt ou sur twitter ?
Que faire des enjeux politiques, sociaux et économiques (dans l'espace public, dans les entreprises, au niveau individuel ..)
A quels lycéens / étudiants destiner ces enseignements ?
Côté prof, les premières dotations en ordi (1985 ?) étaient accompagnées d’une formation de 100 h (une ébauche de programmation).
Côté lycéens, le Ministère a hésité entre une option lourde, surtout exploitée par les lycéens scientifiques et un vide total. En série scientifique, Chatel a introduit une spécialité « Informatique et Sciences du Numérique » (ISN). Au programme : Représentation de l'information, algorithmique, Langages et programmation, architectures matérielles.
http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=57572

La formation informatique des historiens en France : une urgence écrivait Jean-Philippe Genêt dans Mémoire Vive N°9
http://pireh.univ-paris1.fr/mv/num9.html
Les questions sur le type de formation sont déjà posées par les historiens en 1993, en fonction de la technique du moment (UNIX et MS-DOS). Et à une époque où l'histoire quantitative occupait une place importante, une époque où les étudiants en histoire pouvaient avoir réussi un bac C ou S.
En 2011, l'atelier ATHIS a débouché sur l'ouvrage Les historiens et l’informatique. Un métier à réinventer, EFR 2011
http://digital.casalini.it/10.1400/171938

Les pionniers se souviendront de la galère des débuts d'internet.
Depuis, les outils se sont répandus dans toute la société et les usages se sont énormément diversifiés.
En géo, les programmeurs ont développé plusieurs logiciels de carto. Les applications en ligne (Géoclip ou Arctique pour la carto statistique en France) sont très efficaces, et laissent davantage de temps pour faire de la géo.
De fait, il semble exister au moins deux types d'informaticiens : ceux qui mettent toute leur intelligence à faciliter le travail des autres sur ordi ; ceux que l'on paie pour empêcher ou entraver le travail des internautes, à coup de mots de passe, d'interfaces peu intuitives ou de trappes connues des seuls initiés.
C'est un peu réducteur. Il y a d'une part les gens qui mettent les mains dans la cambouis, ceux qui s'occupent des systèmes d'exploitation et des logiciels. Ces gens doivent avoir une sérieuse formation en mathématiques et en logique (je ne parle pas de programmation qui est encore autre chose). Il y a aujourd'hui un gros déficit de ces profils sur le marché. Des pieds-tendres qui codent en Java, on en trouve par milliers. Ils font du code jetable. Mais des véritables programmeurs, cela ne court pas les rues (typiquement Fortran, C, C++, Cobol...). Aujourd'hui, il n'est pas rare de bosser sur du code Cobol ou Fortran des années 60 et 70, bien écrit avec les contraintes de l'époque, alors qu'on préfère généralement réécrire totalement le code objet de ces dix dernières années plutôt que de le modifier.

Quant à la catégorie que j'appellerais les utilisateurs, il leur faut un outil simple, utilisable et fiable. Typiquement, un terminal X (voire une console d'AS/400). Un traitement de texte doit être intuitif, ce qui ne signifie surtout pas WYSIWYG, et avoir une formation adéquate. Implicitement, il faut que ces outils aient une interface stable dans le temps. Un certain nombre d'études montrent que l'interface la plus ergonomique ou que le logiciel le plus efficace n'est pas WYSIWYG malgré ce que l'on peut penser de prime abord. Typiquement, une grande école française (membre de Paritech) a migré il y a dix ans tous leurs logiciels de traitement de texte de Word vers LaTeX (secrétaires de direction comprises). Non seulement le format des fichiers ne change pas intempestivement, mais la qualité des documents (et le nombre de documents tapés par jour) s'est accrue.

Pour compliquer le tout, l'instabilité fait partie du débat : les processeurs et la mémoire ne sont plus ceux de 1985 ou de 2004.
On n'a pas changé de paradigme. La différence est qu'en 1985, il fallait savoir coder avant d'attaquer un système informatique. Aujourd'hui, l'immense majorité des programmeurs seraient incapables d'utiliser une machine de 1985 (processeur 16 bits à 8 MHz, 256 Ko de mémoire. On n'apprend plus à économiser les ressources et comme on n'apprend plus non plus à utiliser des outils de compilation, on attaque par du Java. Et pour un simple "Hello, World!", il faut au moins 512 Mo de mémoire. À titre d'information, en électronique embarquée, la moindre carte aujourd'hui embarque 256 Mo de mémoire et un processeur ARM tournant à 1 GHz (avec un système d'exploitation complet) pour faire ce qu'on faisait il y a trente ans avec un 68B09 à 2 MHz, 8 Ko de ROM et 2 Ko de RAM. Et la carte moderne fait exactement la même chose que celle d'il y a trente ans !

Pour les logiciels, c'est un peu pareil. Un outil comme TeX place sur le papier des caractères avec une précision de l'ordre du centième de la longueur d'onde de la lumière visible. Et ce, depuis la fin des années 1970. Aujourd'hui, on ne fait pas mieux.

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par Le grincheux Lun 20 Mai 2013 - 11:05
JEMS a écrit:L'informatique pour l'informatique... non !
Des vrais cours, oui. Mais nous ne disposons pas du temps nécessaire.
Juste deux trois exemples qui me viennent à l'esprit car mes terminales finalisent leur dossier pour l'oral :

- ils ne savent pas insérer un en-tête,
- ne savent pas modifier l'interligne,
- ne savent pas ce qu'est la touche tabulation,
- ne savent pas comment justifier un texte... et j'en passe. Je me liquéfie chaque fois que je passe derrière le dossier d'un gamin de terminale. A côté de cela, le programme de 1ère STMG est d'une pauvreté extrême et s'apparente à du pipo. Faire de la sociologie en 1ère STMG me laisse rêveur !
Ce n'est pas de l'informatique. C'est tout au plus une connaissance d'un logiciel particulier. Par ailleurs, apprendre à utiliser un traitement de texte WYSIWYG sans avoir eu des cours de typographie me semble assez risqué.

En dix ans, la maîtrise des bases de la présentation des documents sous tableur, texteur, est devenue obsolète. Je suis sidéré de voir ce gâchis monumental. Ils ne seront jamais efficaces ni professionnels avec de telles lacunes. C'est grave :|
Même remarque. C'est l'apprentissage d'un outil et non de l'informatique. Pour filer une métaphore, il vaut mieux apprendre à un homme à pêcher que lui donner tous les jours un poisson.

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par Le grincheux Lun 20 Mai 2013 - 11:09
JEMS a écrit:Gné ? Suspect
Je ne vois pas du tout le rapport avec les retraités... il faut m'expliquer un peu.
Le principal problème avec l'usage de l'informatique c'est qu'il est devenu, non plus un objet de savoirs empiriques, qui s'accumulent avec des cours ciblés, mais un outil au service de compétences. Vouloir évaluer par compétences l'informatique est une aberration sans nom, si vous enseignez en BTS, vous vous pouvez observer les dégâts de cette logique. Les élèves ne maîtrisent pas, ils vous balancent un vague compte rendu bâclé sous Word. La mise en forme, pffff, pas important. Le contenu compte, lui seul est évalué.
En 10 ans, nous avons transformé complétement l'enseignement des suites bureautiques pour les positionner au rang d'outil. Simple outil. Or, je suis désolé, mais ils sont de véritables vecteurs de valeur ajoutée dans la vie professionnelle.
furieux furieux furieux

Lorsque je vois les dégâts que font Word et Excel (sans parler de Powerpoint) dans le monde de l'entreprise, je ne peux qu'être dubitatif sur ces magnifiques vecteurs de valeur ajoutée dans la vie professionnelle.

Ce qu'il manque aujourd'hui, ce sont des cours permettant à des élèves de rédiger des documents. C'est indépendant de la notion d'informatique (et ça pourrait même passer par des Remingtons). Typiquement, on gagnerait beaucoup à apprendre LaTeX aux collégiens (plutôt que Word). On gagnerait beaucoup à apprendres AWK+GNUplot aux lycéens (plutôt qu'Excel pour cracher un graphique). Leur apprendre Microsoft Office (ou LibreOffice), c'est une collection de savoirs jetables qui ne sert à rien sur le long terme mais qui permet de se disculper et de se donner bonne conscience.

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