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Le chat botté : quelle vraie morale ? Empty Le chat botté : quelle vraie morale ?

par Lefteris Ven 26 Sep 2014 - 15:18
M'apprêtant à étudier le conte,  et entre autres Le chat botté, je me trouve finalement assez perplexe quant à la vraie morale du conte. Je ne l'ai jamais étudié en détail , et souvent on s'attache à comparer le schéma commun aux contes , qui transforme le sort d'un malheureux, d'un humble.

La 1ère morale  ("l'industrie et le savoir faire valent mieux que des biens acquis " ) me semble une morale généraliste , mais collant assez peu aux mérites du jeune homme, dont la seule bonne idée est d'écouter son chat. La 2ème morale me paraît pouvoir être un constat moqueur , une critique des apparences, peut-être même du peu d'efforts personnels à fournir pour être noble.
La princesse n'est pas séduite par une des qualités qui font les héros de conte le plus souvent, qui réussissent par une qualité morale, la bonté,  l'intelligence, le courage comme le Petit Poucet.

En outre Le chat botté, où le vrai héros est en fait l'adjuvant, et uniquement lui , n'a-t-il pas une place un peu à part dans les contes ?

Je suis preneur d'idées...

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"La réforme [...] c'est un ensemble de décrets qui s'emboîtent les uns dans les autres, qui ne prennent leur sens que quand on les voit tous ensemble"(F. Robine , expliquant sans fard la stratégie du puzzle)

Gallica Musa mihi est, fateor, quod nupta marito. Pro domina colitur Musa latina mihi.

Δεν ελπίζω τίποτα, δεν φοβούμαι τίποτα, είμαι λεύτερος (Kazantzakis).
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Le chat botté : quelle vraie morale ? Empty Re: Le chat botté : quelle vraie morale ?

par Sei Ven 26 Sep 2014 - 15:49
La fin du conte joue en tout cas de l'ambiguité que tu décris : le chat devint grand seigneur, et, comme les nobles, ne chasse plus que pour se divertir. Le renversement habituel des contes - pauvreté-richesse, classes sociales basses-hautes - prend donc effet pour le Maître Chat, adjuvant, mais aussi héros désigné par le titre.

Par ailleurs, les deux morales me semblent toutes deux célébrer ironiquement l'imposture qui court tout le conte : le jeune homme est loué pour son industrie et savoir-faire quand on devrait louer son chat ; la bonne mine et les beaux vêtements priment sur le savoir-faire et l'industrie. Le chat botté pourrait peut-être être envisagé comme un méta-conte, où le chat jouerait le rôle ingénieux du conteur qui prévoit tous les événements avec un coup d'avance sur son lecteur, et où le renversement final reposerait sur la force de l'imagination, de l'imposture, de la fable (imaginer un marquis sous le nom de Carabas, nu à cause d'habits volés...). Après avoir bu quelques verres, le roi éméché pourrait bien croire au conte que le Chat lui a raconté tout du long...
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Le chat botté : quelle vraie morale ? Empty Re: Le chat botté : quelle vraie morale ?

par Lefteris Ven 26 Sep 2014 - 17:05
Sei a écrit:La fin du conte joue en tout cas de l'ambiguité que tu décris : le chat devint grand seigneur, et, comme les nobles, ne chasse plus que pour se divertir. Le renversement habituel des contes - pauvreté-richesse, classes sociales basses-hautes - prend donc effet pour le Maître Chat, adjuvant, mais aussi héros désigné par le titre.

Par ailleurs, les deux morales me semblent toutes deux célébrer ironiquement l'imposture qui court tout le conte : le jeune homme est loué pour son industrie et savoir-faire quand on devrait louer son chat ; la bonne mine et les beaux vêtements priment sur le savoir-faire et l'industrie. Le chat botté pourrait peut-être être envisagé comme un méta-conte, où le chat jouerait le rôle ingénieux du conteur qui prévoit tous les événements avec un coup d'avance sur son lecteur, et où le renversement final reposerait sur la force de l'imagination, de l'imposture, de la fable (imaginer un marquis sous le nom de Carabas, nu à cause d'habits volés...). Après avoir bu quelques verres, le roi éméché pourrait bien croire au conte que le Chat lui a raconté tout du long...
Merci beaucoup . Pour le méta-conte, je n'y aurais pas pensé , mais je laisserai tomber cet aspect , c'est pour des 6èmes . En revanche , en y réfléchissant, même le titre pervertit le conte , car le vrai malheureux , qui subit un préjudice au départ, puis nage dans les richesses et le bonheur est bien un humain , le jeune meunier, au même titre que Cendrillon, le Petit Poucet etc. . Le chat certes aussi profite, mais par contrecoup , et puisqu'il est malin , il aurait pu directement se procurer la belle vie. Quel intérêt à passer par le service de son maître, qui en plus voulait le manger ?
Et pourquoi est-il botté ?

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Le chat botté : quelle vraie morale ? Empty Re: Le chat botté : quelle vraie morale ?

par Sei Ven 26 Sep 2014 - 18:56
Oui, le méta-conte est une notion assurément trop complexe pour des petits. Par ailleurs, c'est une hypothèse de ma part, je n'ai pas travaillé à fond la question. La question que tu proposais au départ (qui est le héros de ce conte ?) semble plus enthousiasmante.

Je n'ai pas vraiment de réponses à tes questions, mais il m'apparaît que le motif de la dévoration est à nouveau central dans ce conte : le chat multiplie les tours pour se nourrir - le meunier veut manger son chat - le chat attrape un lapin qui veut manger ce qu'il y a dans son sac - le chat nourrit le roi avec le gibier qu'il attrape - le chat menace de réduire en chair à pâté les paysans - les paysans fauchent le champ pour le pain - l'ogre veut dévorer le chat (et tout ce qui bouge, c'est un ogre) - le chat dévore l'ogre. Il est également question, au début, de "manger le patrimoine", et, à la fin, d'entrer dedans le château pour y manger, bien sûr, une collation.

Il est vrai qu'il est étonnant que le chat se serve ainsi de son maître comme marche-pied. Le titre est troublant : maître chat ; chat botté... qui est qui ? héros, adjuvant, meunier, animal, maître, serf... Je me demande si ce conte ne met pas en scène l'aspiration des richesses par les ogres puissants. Pour parvenir à la richesse, quitter le calcul (manger pour se nourrir) pour le divertissement pur (la chasse plaisir), il faudrait anéantir, dévorer les plus puissants, ceux qui aspirent à eux toutes les richesses, sans fâcher cependant ceux dont on a besoin, et qui sont capables de prodigalité (il ne faudrait pas froisser le Roi qui va donner sa fille en mariage, et, peut-être, pour que le chat puisse chasser pour son plaisir, a-t-il besoin d'un maître qui le nourrisse abondamment). Le Chat me semble assez proche de certains personnages de La Fontaine qui manient la langue avec dextérité, toujours à la limite entre le courtisan et le libre-penseur. Somme toute, dans ce conte, la microstructure du maître et du valet est préservée (et le titre apparaît dans toute sa polysémie), quand la macro-structure est bouleversée : le chat reste au service de son maître, mais son maître épouse la fille du roi.

Que le chat soit botté m'a toujours beaucoup intriguée. Quand j'étais petite, j'entendais Le chat beauté, ce qui ne me paraît pas un non sens étant donné la morale. Le chat chausse ses bottes pour paraître plus noble qu'il n'est aux puissants.
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Le chat botté : quelle vraie morale ? Empty Re: Le chat botté : quelle vraie morale ?

par Lefteris Ven 26 Sep 2014 - 22:57
Sei a écrit:Oui, le méta-conte est une notion assurément trop complexe pour des petits. Par ailleurs, c'est une hypothèse de ma part, je n'ai pas travaillé à fond la question. La question que tu proposais au départ (qui est le héros de ce conte ?) semble plus enthousiasmante.

Je n'ai pas vraiment de réponses à tes questions, mais il m'apparaît que le motif de la dévoration est à nouveau central dans ce conte : le chat multiplie les tours pour se nourrir - le meunier veut manger son chat - le chat attrape un lapin qui veut manger ce qu'il y a dans son sac - le chat nourrit le roi avec le gibier qu'il attrape - le chat menace de réduire en chair à pâté les paysans - les paysans fauchent le champ pour le pain - l'ogre veut dévorer le chat (et tout ce qui bouge, c'est un ogre) - le chat dévore l'ogre. Il est également question, au début, de "manger le patrimoine", et, à la fin, d'entrer dedans le château pour y manger, bien sûr, une collation.

Il est vrai qu'il est étonnant que le chat se serve ainsi de son maître comme marche-pied. Le titre est troublant : maître chat ; chat botté... qui est qui ? héros, adjuvant, meunier, animal, maître, serf... Je me demande si ce conte ne met pas en scène l'aspiration des richesses par les ogres puissants. Pour parvenir à la richesse, quitter le calcul (manger pour se nourrir) pour le divertissement pur (la chasse plaisir), il faudrait anéantir, dévorer les plus puissants, ceux qui aspirent à eux toutes les richesses, sans fâcher cependant ceux dont on a besoin, et qui sont capables de prodigalité (il ne faudrait pas froisser le Roi qui va donner sa fille en mariage, et, peut-être, pour que le chat puisse chasser pour son plaisir, a-t-il besoin d'un maître qui le nourrisse abondamment). Le Chat me semble assez proche de certains personnages de La Fontaine qui manient la langue avec dextérité, toujours à la limite entre le courtisan et le libre-penseur. Somme toute, dans ce conte, la microstructure du maître et du valet est préservée (et le titre apparaît dans toute sa polysémie), quand la macro-structure est bouleversée : le chat reste au service de son maître, mais son maître épouse la fille du roi.

Que le chat soit botté m'a toujours beaucoup intriguée. Quand j'étais petite, j'entendais Le chat beauté, ce qui ne me paraît pas un non sens étant donné la morale. Le chat chausse ses bottes pour paraître plus noble qu'il n'est aux puissants.
J'ai un peu cherché depuis, et les bottes peuvent être en effet le signe de noblesse. Elles donnent de l'autorité (ben oui, dès que le chat parle, tout le monde l'écoute) , mais elles gênent pour fuir (humour de Perrault) . pur le motif de la nourriture, des richesses, de la survie au détriment d'autrui , là c'est clair pour moi . L'animalité (ogre qui se transforme, chat) est peut-être la métaphore de cette violence.
Ca me fait déjà quelques questions orientées à poser aux élèves, ça... Merci beaucoup.
C'st drôle comme on se pose des questions sur des textes qu'on connaît presque par coeur depuis l'enfance. Very Happy

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Le chat botté : quelle vraie morale ? Empty Re: Le chat botté : quelle vraie morale ?

par Sei Sam 27 Sep 2014 - 10:09
Lefteris a écrit:
C'st drôle comme on se pose des questions sur des textes qu'on connaît presque par coeur depuis l'enfance. Very Happy

Oui ! Very Happy

Le programme de 6e est foisonnant et riche en questionnement. J'avais beaucoup apprécié le travailler avec mes élèves, l'année dernière. Lorsque tu auras travaillé le conte, je serai curieuse de savoir comment cela se sera passé avec la classe...

Hermiony
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Guide spirituel

Le chat botté : quelle vraie morale ? Empty Re: Le chat botté : quelle vraie morale ?

par Hermiony Sam 27 Sep 2014 - 10:39
Je plussoie tout ce qu'a dit Sei concernant les bottes et la morale. Il est également amusant de constater que la princesse tombe amoureuse du héros...au moment où il sort de l'eau sans ses vêtements... Wink

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"Soyons subversifs. Révoltons-nous contre l'ignorance, l'indifférence, la cruauté, qui d'ailleurs ne s'exerce si souvent contre l'homme que parce qu'elles se sont fait la main sur les animaux. Il y aurait moins d'enfants martyrs s'il y avait moins d'animaux torturés".
Marguerite Yourcenar



« La vraie bonté de l’homme ne peut se manifester en toute pureté et en toute liberté qu’à l’égard de ceux qui ne représentent aucune force. » «Le véritable test moral de l’humanité, ce sont ses relations avec ceux qui sont à sa merci : les animaux. » Kundera, L’Insoutenable Légèreté de l’être
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Le chat botté : quelle vraie morale ? Empty Re: Le chat botté : quelle vraie morale ?

par Lefteris Sam 27 Sep 2014 - 11:38
Hermiony a écrit:Je plussoie tout ce qu'a dit Sei concernant les bottes et la morale. Il est également amusant de constater que la princesse tombe amoureuse du héros...au moment où il sort de l'eau sans ses vêtements... Wink
Les femmes ne sont pas particulièrement épargnées chez Perrault. Le Petit Poucet s'enrichit en portant des lettres aux amants des grandes dames, la princesse aime tout de suite le "marquis", et encore plus quand il est bien habillé et se révèle être riche.

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