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kensington
Esprit éclairé

Article : Peut-on faire aimer les classiques de la littérature aux jeunes ? - Page 2 Empty Re: Article : Peut-on faire aimer les classiques de la littérature aux jeunes ?

par kensington Mer 24 Fév 2016 - 11:39

Quel message enthousiaste et revigorant Véronique! Comme souvent.

Des réflexions qui devraient nous inspirer davantage en LV.
palomita
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par palomita Mer 24 Fév 2016 - 11:47
kensington a écrit:
Quel message enthousiaste et revigorant Véronique! Comme souvent.

Des réflexions qui devraient nous inspirer davantage en LV.
+1

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"La sagesse, c'est d'avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu'on les poursuit"
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Ventre-Saint-Gris
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par Ventre-Saint-Gris Mer 24 Fév 2016 - 14:09
doctor who a écrit:Ajoutons que malgré leurs défauts, les nouveaux programmes veulent s'éloigner de ce que tu décris, et qui est majoritaire

Qu'est-ce qui est majoritaire ?
La discussion est passionnante et je suis sensible au vibrant discours de Véronique, mais un point me laisse perplexe : le procès en technicisme. En même temps, comme j'ai soigneusement évité, pendant des années, de venir "lire et discuter prof" sur mon temps libre, je ne suis pas bien sûr de saisir les implicites de vos propos.

Finalement, j'ai toujours l'impression que les apprentissages un peu techniques sont rangés dans la boîte à caricatures. Je ne mets pas la parole de Véronique en cause quand elle évoque les "lectures" infligées à ses enfants, mais quand ces pratiques deviennent "majoritaires" dans le message suivant, je ne suis plus certain d'avoir compris.
Y a-t-il tant de profs qui ont renoncé à faire lire des textes littéraires, qui ne s'efforcent plus de choisir des textes qu'ils aiment en raison de leur richesse, qui prendront ainsi plaisir à contextualiser et à faire lire, au sens vrai du terme, pour mettre cette richesse à la portée des élèves ?
Les exemples que tu prends, Véronique, ne souffrent-ils pas eux-mêmes finalement d'un manque de contextualisation ? Ainsi, le texte de Jules Verne n'a-t-il pas simplement servi de support à une étude grammaticale sur les subordonnées, avant et après d'autres lectures beaucoup plus fouillées et davantage destinées à faire sentir la force des textes littéraires ?

Le schéma narratif, lorsqu'il est un outil intermédiaire permettant de mettre en lumière la structure et la cohérence de l'histoire racontée, est-ce si vilain ? Évidemment, s'il faut croire qu'une majorité de collègues font de ces outils la finalité de leur enseignement, c'est ahurissant. Mais j'ai comme un doute.

Tout cela me rappelle les discussions que j'ai pu avoir avec un collègue "hostile aux figures de styles". Les figures de style, ça sert à rien. Les études montrent que les élèves n'accèdent à l'abstraction nécessaire qu'à l'âge de... Pas besoin de nommer les choses de façon technique pour comprendre et sentir...
Eh bien c'est le même collègue qui ne fait jamais rien lire, qui ne fait pas non plus de grammaire, ni de conjugaison. Et ça tombe très bien, parce que l'IPR n'aime pas tout cela non plus : il n'y a plus que la spontanéité sensible et créatrice de l'élève qui compte.

J'ai du mal à lui faire comprendre que je ne suis pas prof de figures de styles, pas plus que de champ lexical, de terminaisons verbales ou de déclinaisons. Comme mes collègues de sport ne sont pas profs de ballon. Que l'on peut utiliser ces outils non pour eux-mêmes, mais pour que les élèves apprennent à voir comment le texte se nourrit du langage pour le réinventer, de la même manière que le langage populaire, leur propre langage réinvente constamment métaphores et hyperboles. Et on fait évidemment en sorte que les élèves réinvestissent ces outils dans leurs propres textes. On navigue constamment entre lecture naïve ou gratuite, analyse d'ensemble, focalisation sur des détails, apprentissages techniques, écriture.

En quoi finalement les nouveaux programmes vont-ils permettre à des profs qui n'aiment pas leur métier de mieux le faire ? Je n'ai peut-être rien compris de vos propos, mais je ne peux m'empêcher de les trouver un peu tendancieux. La "pratique majoritaire" des profs de schéma narratif et de subordonnées, dans le contexte actuel de la charge contre les disciplines et de l'avènement des compétences, ça me titille un brin. Et je vous soumets ma perplexité, pour correction.
V.Marchais
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par V.Marchais Mer 24 Fév 2016 - 14:26
Pour le constat relatif à mes fils, je t'assure qu'il s'agissait (en théorie) d'études littéraires, pas de leçons de grammaire.
Mais laissons là mes fils, un exemple ne faisant pas loi.
J'ai été des années modératrice d'une liste de discussion de professeurs de Lettres, et je ne compte plus les demandes du style : "Est-ce que vous auriez un texte avec beaucoup de subjonctif / des expansions du nom / du conditionnel ?" Pour le coup, je ne pense pas que cette façon de choisir les textes soit majoritaire, mais cette demande récurrente est révélatrice d'une dérive de notre métier.
Et je pense que cette dérive vient principalement du travail en séquences. Depuis plus de vingt ans, on enseigne aux professeurs à faire de la grammaire à partir des textes. On leur martèle que travailler autrement serait mal. On les formate à cette façon d'appréhender les textes. Et ça donne ça. Parce qu'on a peu de temps, et peut-être aussi, parce qu'à force de travailler comme ça, on perd de vue l'essentiel.
Je pense que les professeurs de mes fils sont consciencieux, et intimement convaincus de faire de la littérature. D'ailleurs, peut-être y a-t-il en classe, au moins à l'oral, un rapide travail au moins de compréhension, en tout cas, je l'espère, je n'en sais rien, en fait. Seulement, le coeur du travail, c'est effectivement quelque chose de très technique et très peu stimulant, voire franchement rébarbatif. Nous n'avons pas la même définition de l'étude littéraire, en fait.
Et cette dérive, je la constate dans la plupart des supports qui me tombent sous les yeux. D'abord dans les manuels, que j'ai épluchés pour mon propre travail. On me rétorquera qu'aucun professeur ne suit aveuglément un manuel. Il n'empêche que cela me paraît significatif. D'une part parce que ces manuels sont écrits par des collègues, d'autre part parce qu'ils trouvent leur public.
Par ailleurs, j'ai passé pas mal de temps aussi à analyser de nombreuses séquences déposées sur différentes BDD. J'avais d'ailleurs commencé à détailler ici même le résultat de cette analyse, en renvoyant très précisément aux documents, pour que l'on voie que je n'inventais pas, mais bon, les personnes qui avaient réalisé ces séquences ont trouvé ça malvenu, ce que l'on peut comprendre, et j'ai fait disparaître toutes ces références. Mais il n'est pas difficile de faire ce travail par soi-même et de parvenir au même constat : la plupart des séquences instrumentalisent bel et bien les textes. La fable, quand elle fait l'objet d'un travail, est rapidement expédiée pour arriver aux choses sérieuses : les temps, les substituts, les expansions... ce qui est à mes yeux un non sens.
JPhMM
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par JPhMM Mer 24 Fév 2016 - 14:37
Je détestais lire des extraits, ils me semblaient hors-sol. Heureusement, c'était une pratique rare, sauf pour faire du travail technique.
Mes meilleurs souvenirs (je n'étais pas très bon en français, loin de là) restent les lectures d'œuvres intégrales avec analyse de certains extraits.

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Je crois que je ne crois en rien. Mais j'ai des doutes. — Jacques Goimard
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Feuchtwanger
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par Feuchtwanger Mer 24 Fév 2016 - 14:38
Les classiques ont une capacité étonnante à émerveiller les jeunes.

Je suis en train d'en faire la découverte merveilleuse avec mon fils de sept ans qui est tombé dans les fable de la Fontaine. Je lui laisse le livre et il le feuillette puis choisit une fable et nous l'apprenons ensemble.

Il m'a fait découvrir à l'occasion des fables inconnues. Très souvent, dans les fables, il y a des mots (ou des temps de grammaire) qui ne sont pas de son âge ("hyménée", etc...). Je lui explique rapidement mais cela ne le rebute absolument pas pour apprendre.

En fait, je pense que la littérature ne fonctionne que par ensorcellement (du langage) et par transmission d'héritage (j'aurais du mal à le définir même si les propos de Barrès dans les amitiés françaises quand il insiste sur l'importance de faire revivre les sentiments que l'on a soi-même vécu enfant s'en rapprochent sans doute).

Malheureusement, la logique d'instrumentalisation (de la langue comme des textes d'ailleurs) que Véronique me semble dénoncer coupe cette logique. Le fait de fonctionner beaucoup par extraits fait aussi du mal à mon avis. Du coup, les élèves perdent leur goût de l'exploration pour une becquetée quotidienne.

Du coup, la littérature devient "un truc de profs et de vieux" et pas une chose qui leur appartient. C'est souvent l'impression que j'ai ressenti dans mes cours du collège et du lycée :on me dépossédait du trésor que l'on aurait dû me transmettre.
Ventre-Saint-Gris
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par Ventre-Saint-Gris Mer 24 Fév 2016 - 15:07
Merci pour cette chouette réponse !

Cela fait longtemps que je n'ai pas ouvert un manuel, et je ne sais pas trop si je dois en avoir honte ou m'en féliciter.  :lol:

J'ai bien mangé aussi, avec la séquence. Le cadre est très artificiel, mais des profs de lettres sont censés savoir qu'on n'invente des cadres que pour le plaisir de les transgresser.  Very Happy
Là où la dérive que tu observes me surprend un peu, c'est que la grammaire de l'idéologie séquentielle est précisément censée être au service du texte. Tellement d'ailleurs que l'étude grammaticale disparaît des cours de nombre de collègues qui n'enseignent plus tout ce qui "ne fait pas sens". Et la grammaire a progressivement mais sûrement disparu du DNB. L'unique question de grammaire du brevet 2015 était, selon l'une de nos IPR, un "reliquat" de l'ancien brevet. Depuis des années, les formations ne présentent plus par chez moi que des activités d'où la grammaire est exclue. Une formatrice en chef de mon académie (mais si, vous voyez bien : celle qui est assise à droite de l'IPR !) trouve que la grammaire, c'est "sarkozyste".

Entre l'instrumentalisation du texte pour faire de la grammaire (qui conduit à ne plus lire le texte) et l'instrumentalisation de la grammaire pour lire les textes (qui conduit à ne pratiquer au mieux qu'un vague saupoudrage de notions grammaticales), c'est qu'on se marre.
V.Marchais
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par V.Marchais Mer 24 Fév 2016 - 15:20
Ventre-Saint-Gris a écrit:
Là où la dérive que tu observes me surprend un peu, c'est que la grammaire de l'idéologie séquentielle est précisément censée être au service du texte.

Hélas, je crois que de nombreux collègues confondent être dans le texte et éclairer le texte. Par exemple, presque tous les profs de français de ma connaissance (après "la majorité", je passe à "presque tous" : je prends des risques... :lol: ) étudient l'imparfait à la faveur d'un texte descriptif. Or, rien là de moins signifiant. C'est juste parfaitement normal d'avoir l'imparfait dans une description au passé. Dire cela n'éclaire en rien le texte, ne dit rien de sa spécificité. Et tout est un peu à l'avenant.
Comme tu le dis, c'est très artificiel, le cadre de la séquence. Il se trouvera peut-être deux ou trois notions grâce auxquelles on parviendra effectivement à éclairer le sens du texte. Pour les autres, on se contente de distribuer les points de grammaire du programme au fil de ses séquences, en fonction de ce qu'on trouve dans les textes, même si ça n'apporte rien à leur étude. Et pour les dernières, on mettra un message sur un forum ou une liste de discussion, du type : "Connaîtriez un texte avec plein de subjonctifs / adjectifs attributs...", collant un ulcère à la modératrice ! :lol:
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Feuchtwanger
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par Feuchtwanger Mer 24 Fév 2016 - 15:42
Personnellement, je considère que la grammaire devrait être totalement dissociée de la littérature.
La grammaire, c'est le règne du par coeur et des exercices systématiques (de type bled).

Le texte, c'est le lieu de l'évasion (tout comme les rédactions d'ailleurs, envisagerait-on de faire réaliser aux élèves une rédaction avec "plein d'adjectifs attributs/subjonctifs?).
V.Marchais
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par V.Marchais Mer 24 Fév 2016 - 15:45
Ben, ça se rencontre... Rolling Eyes
Presse-purée
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par Presse-purée Mer 24 Fév 2016 - 15:54
V.Marchais a écrit:Bien sûr, la question du vocabulaire et celle de la syntaxe sont devenues problématiques. Il nous faut travailler ces points de façon intensive à chaque étude de texte - au moins, pour le coup, on ne pourra pas dire que ce travail ne fait pas sens : il est indispensable pour la compréhension.
Cela dit, je ne suis pas sûre que ce texte pose les bonnes questions.
Je pense que le plaisir de la rencontre des textes tient avant tout à la manière d'aborder ces textes, et qu'un cours portant sur de la litté jeunesse peut être un tue-l'amour aussi bien qu'un cours sur un classique : là n'est pas la question.
J'ai deux garçons au collège, qui détestent également le Français - mais quand je vois ce qu'ils y font, j'ai du mal à leur en vouloir.
Mon cadet, en Sixième, a travaillé sur le conte. Bon, je suis un peu à côté du fil car c'étaient des contes classiques. Mais tout ce qu'il en a étudié, c'est le schéma narratif et les temps du récit. À aucun moment, il ne s'est interrogé sur le sens de ces récits (je veux dire quelque chose d'un peu plus fouillé que le constat : tenez, là, y a une morale). C'est ensemble, en reprenant ces lectures, que nous avons pu réfléchir sur la cruauté de Barbe-bleue, la passion de la jalousie, les relations de pouvoir entre homme et femme au XVIIe siècle, faire émerger des récurrences comme la figure de l'enfant malingre, mal-aimé, qui prend sa place et affirme sa légitimité en accomplissant un exploit.
Combien de séquences sur Les Misérables se contentaient de juxtaposer des portraits de personnages dont on ne connaissait même pas l'histoire ?
Mon aîné, l'an dernier, étudie un extrait du Tour du Monde en 80 jours. Je lui dis : c'est chouette, ça, au moins. Ça te plaît ? - Bof. - Quoi, bof ? Vous faites quel passage ? - J'sais pas trop. Y a un type qui court, on sait pas pourquoi, et puis c'est fini.
Je me dis qu'il a mal compris, je lui demande son texte, on va reprendre ça ensemble. Et là, je comprends. Le passage fait 15 lignes (et encore, largeur d'une demi-page). C'est le passage où le pont de chemin de fer va s'écrouler et où Fogg demande au mécanicien de faire passer le train quand même. Étude du texte : la phrase complexe, la subordination, le rythme du danger, fini. J'ai refermé son cahier et déclaré  "T'as raison, en l'état, c'est l'histoire d'un type, il court, on sait pas pourquoi, et c'est fini."
Vous me direz que ce ne sont pas des extraits de jeunesse. Mais le problème, ici, n'est pas le support, mais la façon de travailler. Mes souvenirs sont un peu lointains pour donner des exemples précis, mais j'ai vu des inepties tout à fait similaires avec de la jeunesse (si, un exemple me revient : la typologie des discours et la fonction des personnages étudiés à travers L'Oeil d'Horus).

J'ai l'impression justement que nous perdons le sens de la littérature, et que plus nous le perdons, pire c'est.
Nous constatons que nos élèves ont du mal à lire, alors nous leur donnons des extraits de plus en plus courts (les 15 lignes écrit gros de mon fils). Du coup, nous les empêchons d'entrer dans l'histoire, nous ne leur en laissons pas le temps. Il y a si peu de matière que nous n'avons presque rien à dire sur les personnages, leur psychologie, leurs motivations, l'action, ses retournements. C'est pourtant ça qui fait le plaisir de lire.
L'auteur de cet article parle de lecture naïve refusée à l'élève. Je trouve qu'effectivement, c'est un problème très grave. Là où je ne suis pas d'accord, c'est quand il a l'air de dire que cette lecture naïve ne pourrait s'exercer que sur des textes à l'accès immédiat, comme la litté jeunesse. Cette lecture naïve, qui consiste d'abord en le plaisir de se plonger dans une histoire, de rencontrer des personnages, de se confronter à leurs ressorts et de se construire un peu de cette confrontation, elle peut, que dis-je, elle DOIT exister dans l'étude des classiques. Elle fait tout le sens et la saveur de la lecture et elle seule justifie d'approfondir un peu cette lecture pour dépasser le plaisir naïf et s'initier à l'interprétation.
C'est, depuis des années, la démarche que je défends, et je vous assure, d'expérience, que quand on choisit bien ses extraits de classiques et qu'on les aborde ainsi, les élèves les lisent et en parlent avec autant de plaisir que des textes de jeunesse, et même davantage, car ces textes sont tout de même plus riches, et résonnent davantage au coeur de l'homme, distillant lentement le suc inépuisable de leurs significations.
Mes élèves (de ZEP) qui découvrent Oliver Twist livré à Faggins, le combat entre Challenger et un dinosaure, la folie meurtrière de Médée, le mélange d'émois et d'ambition de Julien Sorel, la rigidité impitoyable de Javert face à la grandeur d'âme d'un ancien forçat, le cynisme d'un Vautrin, sont enthousiastes, ont mille choses à en dire, et je dois parfois canaliser leur ardeur quand, suite à la lecture d'un extrait, ils se précipitent sur une oeuvre intégrale qui n'est pas toujours à leur portée.
Bien sûr, je ne résous pas tout, mes élèves ont toujours, malgré tous nos efforts, de grandes difficultés en lecture. Mais je vous garantis que le plaisir de lire est là - sauf séance foirée, ce qui arrive, évidemment.

Bref, je n'explique pas le désamour de la lecture de la même façon que ce collègue et, au contraire de lui, je suis intimement convaincue que plus nous tournerons le dos à la littérature, en privilégiant les écrits pour la jeunesse, par exemple, plus nous nous condamnerons à des analyses pauvres, purement techniques (car il n'y a rien à dire sur de la litté jeunesse), qui donnent aux élèves cette impression que la lecture est une affaire de spécialistes bien éloignée de leurs préoccupations.

Au contraire, je crois que nous ne sortirons de cette impasse que par la foi, une foi réaffirmée en la littérature, en sa puissance inégalée quand il s'agit de rêver, se confronter, se construire, projeter ses émois, ses rêves. Si nous avons une telle confiance en la richesse des textes, et si nous nous attachons à faire vivre aux élèves cette expérience de lecture, possible avant tout grâce aux "grands textes", ceux qui ont conquis le monde par leur portée, alors les élèves nous suivent avec plaisir et confiance eux aussi. Et dans ce plaisir-là, ils trouvent la volonté d'acquérir le vocabulaire et la syntaxe nécessaires pour accéder à ces textes.

C'est en tout cas mon expérience de professeur.

Je tenais à affirmer cette confiance en la littérature, dont la capacité à charmer et à instituer l'homme n'est pas, je pense, affaire de génération, mais bien un trait universel.

J'espère que nous sommes encore nombreux à croire en elle.

Merci Véronique.

Blague de geek:

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Homines, dum docent, discunt.Sénèque, Epistulae Morales ad Lucilium VII, 8

"La culture est aussi une question de fierté, de rapport de soi à soi, d’esthétique, si l’on veut, en un mot de constitution du sujet humain." (Paul Veyne, La société romaine)
"Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres". La Boétie
"Confondre la culture et son appropriation inégalitaire du fait des conditions sociales : quelle erreur !" H. Pena-Ruiz
"Il vaut mieux qu'un élève sache tenir un balai plutôt qu'il ait été initié à la philosophie: c'est ça le socle commun" un IPR
Presse-purée
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par Presse-purée Mer 24 Fév 2016 - 15:56
La grammaire "sarkozyste", en plus d'être fasciste, doit être fautive...

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Homines, dum docent, discunt.Sénèque, Epistulae Morales ad Lucilium VII, 8

"La culture est aussi une question de fierté, de rapport de soi à soi, d’esthétique, si l’on veut, en un mot de constitution du sujet humain." (Paul Veyne, La société romaine)
"Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres". La Boétie
"Confondre la culture et son appropriation inégalitaire du fait des conditions sociales : quelle erreur !" H. Pena-Ruiz
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par V.Marchais Mer 24 Fév 2016 - 16:14
Spoiler:
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