Livre par une journaliste en immersion comme professeur

J’avais lu un article sur son livre dans Télérama, ainsi qu’un extrait du bouquin, qui m’avait bien plu.

Du coup, je l’ai acheté aujourd’hui, jour de sa sortie en librairie.

Et je dois dire que je le trouve effectivement très intéressant. Sincère, touchant. Elle a le mérite d’avoir eu le courage de franchir le pas, de sortir de sa zone de confort, et d’affronter la réalité du métier de l’intérieur. Elle en tire un portrait très réaliste, et qui fera sans doute davantage mouche auprès du grand public que le témoignage d’un prof de métier.

Son livre est par ailleurs bien écrit, il se lit bien. Elle sait donner corps aux personnages de son récit, et on suit avec intérêt ses premiers pas dans le métier, les difficultés liées au manque d’expérience, la solidarité avec les collègues, les rapports ambivalents avec les élèves, la difficulté d’asseoir son autorité, le rythme trépidant, les cours et les journées qui s’enchaînent, le travail de préparation que chaque heure de cours demande, l’anticipation des questions des élèves, l’énergie requise pour faire cours, la discipline, le sentiment d’impréparation ou d’improvisation malgré les heures passées à préparer les cours, le nombre insensé de tâches à réaliser de manière simultanée, etc. Tout ça est très bien rendu.

Bref, personnellement, je ne suis pas déçu, au contraire.

Reine Margot a écrit:

Cochonou a écrit:Je suis assez surpris par la façon dont l'interview de cette journaliste est reçue par certains. Certes, elle reconnaît que les enseignants qu'elle a croisés travaillent beaucoup et que le salaire des enseignants n'est plus ce qu'il était si on le compare au Smic. Cela dit, elle laisse aussi comprendre que les choses se sont finalement bien passées malgré son manque de formation. Elle garde un grand sourire quand elle dit avoir été bordelisée et explique que la chose est normale tant que la relation de confiance n'est pas instituée. Elle dit que les classes qui ont le plus chahuté lui ont aussi offert ses plus belles heures de cours, et que les élèves étaient curieux et passionnés... Bref, tout cela donne l'impression qu'après tout, être enseignant n'est pas très compliqué, que les élèves sont plutôt sympas et que globalement il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Si cette dame avait postulé en musique, elle aurait monté une chorale et nous aurait fait le remake des choristes.

c'est bien différent quand on sait qu'on fait 6 mois et qu'on s'en va après...

Je trouve que c'est normal qu'elle trouve normal d'avoir le bazar dans sa classe, quand elle débute en tant que contractuelle sans formation.

Personnellement, même certifiée, je vivais "mieux" le bazar ma première année de carrière, en me disant "bon, c''est normal, je débute, je vais apprendre et ça ira mieux après", que je ne le vis depuis quand j'ai des classes difficiles.

Caspar a écrit:

dandelion a écrit:Dans d’autres pays on est payé suivant son niveau de diplôme et l’adéquation avec le poste (quand j’ai travaillé dans le primaire, j’ai été payée moins que mes collègues car je n’avais pas le diplôme correspondant). Il n’y a pas de notation, juste une visite du CDE dans la classe et des formations. Je ne dis pas que c’est parfait (le prof de maths de ma fille faisait exprès de choisir un sujet bien difficile et de faire des remarques sur le fait que le CDE, qu’il savait n’être pas bon en maths, se souvenait bien entendu de ce point) mais au moins on n’a pas cette notation qui est tout de même discutable.
Ce qui est dérangeant à mon sens dans la démarche de cette journaliste, c’est qu’on n’est pas dans le cas d’une Barbara Ehrenreich qui donne la parole à des personnes qui ne l’ont pas. Les enseignants sont capables de s’exprimer et de décrire leurs conditions de travail, y compris les contractuels d’ailleurs. Si les agents d’assurance ou les médecins hospitaliers se plaignent de leurs conditions de travail, je n’estime pas leur parole sans valeur parce qu’ils parlent de l’intérieur.

Il y a pas mal de collègues, souvent des  profs de lettres, qui ont publié des livres de témoignage. 

J'aime beaucoup La vie des charançons est assez monotone de Corinne Bouchard, qui est écrit sur le ton de l'humour. Je ne sais pas si on peut encore le trouver facilement car il date de 1992 mais certaines anecdotes restent tout à fait d'actualité. C'est un livre assez équilibré, qui n'idéalise pas le métier avec des trémolos mais en dresse un portrait réaliste mais pas désabusé non plus. 

Je me souviens aussi de Journal d'un prof de banlieue, qui date aussi, de Jean-François Mondot.

Ah oui ! Je l'avais lu celui-ci ! Je ne me souviens absolument plus du détail du contenu mais une expression m'avait beaucoup plu et m'est toujours restée en tête : "la frite pédagogique" ! Je me dis encore ça parfois le matin lors de mon trajet en voiture ...

lagoulue a écrit:

Caspar a écrit:

dandelion a écrit:Dans d’autres pays on est payé suivant son niveau de diplôme et l’adéquation avec le poste (quand j’ai travaillé dans le primaire, j’ai été payée moins que mes collègues car je n’avais pas le diplôme correspondant). Il n’y a pas de notation, juste une visite du CDE dans la classe et des formations. Je ne dis pas que c’est parfait (le prof de maths de ma fille faisait exprès de choisir un sujet bien difficile et de faire des remarques sur le fait que le CDE, qu’il savait n’être pas bon en maths, se souvenait bien entendu de ce point) mais au moins on n’a pas cette notation qui est tout de même discutable.
Ce qui est dérangeant à mon sens dans la démarche de cette journaliste, c’est qu’on n’est pas dans le cas d’une Barbara Ehrenreich qui donne la parole à des personnes qui ne l’ont pas. Les enseignants sont capables de s’exprimer et de décrire leurs conditions de travail, y compris les contractuels d’ailleurs. Si les agents d’assurance ou les médecins hospitaliers se plaignent de leurs conditions de travail, je n’estime pas leur parole sans valeur parce qu’ils parlent de l’intérieur.

Il y a pas mal de collègues, souvent des  profs de lettres, qui ont publié des livres de témoignage. 

J'aime beaucoup La vie des charançons est assez monotone de Corinne Bouchard, qui est écrit sur le ton de l'humour. Je ne sais pas si on peut encore le trouver facilement car il date de 1992 mais certaines anecdotes restent tout à fait d'actualité. C'est un livre assez équilibré, qui n'idéalise pas le métier avec des trémolos mais en dresse un portrait réaliste mais pas désabusé non plus. 

Je me souviens aussi de Journal d'un prof de banlieue, qui date aussi, de Jean-François Mondot.

Ah oui ! Je l'avais lu celui-ci ! Je ne me souviens absolument plus du détail du contenu mais une expression m'avait beaucoup plu et m'est toujours restée en tête : "la frite pédagogique" ! Je me dis encore ça parfois le matin lors de mon trajet en voiture ...

Il y a aussi “Entre les murs” de François Bégaudeau.

pseudo-intello a écrit:

Reine Margot a écrit:

Cochonou a écrit:Je suis assez surpris par la façon dont l'interview de cette journaliste est reçue par certains. Certes, elle reconnaît que les enseignants qu'elle a croisés travaillent beaucoup et que le salaire des enseignants n'est plus ce qu'il était si on le compare au Smic. Cela dit, elle laisse aussi comprendre que les choses se sont finalement bien passées malgré son manque de formation. Elle garde un grand sourire quand elle dit avoir été bordelisée et explique que la chose est normale tant que la relation de confiance n'est pas instituée. Elle dit que les classes qui ont le plus chahuté lui ont aussi offert ses plus belles heures de cours, et que les élèves étaient curieux et passionnés... Bref, tout cela donne l'impression qu'après tout, être enseignant n'est pas très compliqué, que les élèves sont plutôt sympas et que globalement il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Si cette dame avait postulé en musique, elle aurait monté une chorale et nous aurait fait le remake des choristes.

c'est bien différent quand on sait qu'on fait 6 mois et qu'on s'en va après...

Je trouve que c'est normal qu'elle trouve normal d'avoir le bazar dans sa classe, quand elle débute en tant que contractuelle sans formation.

Personnellement, même certifiée, je vivais "mieux" le bazar ma première année de carrière, en me disant "bon, c''est normal, je débute, je vais apprendre et ça ira mieux après", que je ne le vis depuis quand j'ai des classes difficiles.

Je suis d'accord avec toi. Quand tu es remplaçant, les élèves te testent, c'est le jeu, puis ça s'équilibre. Enfin ça c'était avant et dans tous les cas.
A la fin de ma carrière, des élèves au comportement difficile et tout au long d'une année qui rendent l'enseignement compliqué malgré les stratégies. De nombreuses explications possibles.

L idéal aurait été de faire une immersion d'un an à  l'école, au collège, au lycée et en lycée pro et pouvoir étudier les conditions de travail. Cela risque d'être un témoignage mais est-ce qu'il s'agira d'un travail de journaliste.
À voir. Il faut lire le livre.

Je n'ai pas lu le livre et pas écouté l'interview, mais à vous lire je me pose une question : à qui est destiné ce livre ?
A nous ? Pour que l'on ait enfin l'impression que quelqu'un nous "défend" ? Parce que, comme le dit l'un d'entre vous, on n'est pas capable de témoigner nous-même ?
Aux parents ? Au ministre (ahah) ?
Mais en fait le truc c'est que tout le monde s'en fout que notre métier soit difficile.

Le livre est destiné au grand public et elle combine son travail de journaliste à son expérience de prof : les chiffres sont documentés, sourcés.

Personnellement, je trouve son témoignage honnête, comme je l’ai dit plus haut.
Le mieux, c’est de lire le livre, pour s’en faire une idée et dépasser les a priori.

Je n'ai rien contre son livre à priori. Je me pose juste la question de l'intérêt, pour nous, d'un tel ouvrage. C'est tout.
Et non, je ne le lirai pas. J'ai assez de témoignages dans mon escarcelle, entre mon expérience, celle de mes collègues et ce que je lis ici.
Si le but est de pourvoir dire "ah ben vous voyez c'est difficile d'être professeur, la preuve", ça sera sans moi.

Elberta a écrit:Je n'ai pas lu le livre et pas écouté l'interview, mais à vous lire je me pose une question : à qui est destiné ce livre ?
A nous ? Pour que l'on ait enfin l'impression que quelqu'un nous "défend" ? Parce que, comme le dit l'un d'entre vous, on n'est pas capable de témoigner nous-même ?
Aux parents ? Au ministre (ahah) ?
Mais en fait le truc c'est que tout le monde s'en fout que notre métier soit difficile.

Je retiens ta dernière phrase. Autour de moi, quand j'explique, je défends le métier et les collègues, tout le monde me dit : " tu t' en fous, tu es en retraite".
En fait j'ai vraiment aimé ce métier, et je l'ai tellement vu se dégrader et le niveau des élèves avec, que ça me fait mal de voir des collègues souffrir et la descente se poursuit tant du côté prof que du côté élèves sauf dans les écoles , les collèges, les lycées d'élite ou la vie se poursuit et les élèves devenus étudiants, puis des professionnels ne connaîtront pas le déclassement.
Je lis le fil sur le lycée, sur le pacte et je vois que cela se dégrade aussi.
Un exemple , celui du prof qui remplace au pied levé dans une classe. C'est méconnaître le métier. 1, les edt sont ainsi faits que lorsqu'un prof est absent, il n'y a pas toujours un prof de la classe présent. 2. S'il est présent, il n'a pas apporté son cours ( bon s'il a du métier, il peut toujours faire un rappel du cours précédent , mais pas perdre trop de temps devant la photocopieuse si celle - ci fonctionne ), ce sera un temps bénéfique mais en fait pas une heure de cours au sens où elle sera super utile. Pour les familles, l'administration, les élèves sont occupés et donc pas de problème. 3. Pour que ce soit super utile, il faut que les élèves aient apporté leur cours, etc.....
Autre exemple que j'ai donné sur un autre fil. Le directeur de l'école primaire cherchait pour la classe de mon petit- ajonc en ce1, un PE retraité et bénévole . Retraité , jusque ces dernières années, jamais vu, bénévole, Tout est dans bénévole. ( à moins que ce soit pour éviter les problèmes avec les caisse de retraite, car il faut prévenir et la c'était urgent. Bon, j' y crois moyen)
Regardez combien les caissières, les infirmières, les routiers, etc étaient en censées pendant le confinement. Aujourd'hui.... tout le monde s'en fout sauf quelques- uns.

Nous n'attirons pas la compassion, c'est un fait. Comparez avec les soignants, c'est édifiant.
Donc ce livre, si bien soit-il, ne changera rien. La seule chose qu'on nous demande aujourd'hui c'est de garder les élèves.

-

Cochonou a écrit:

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je pense que l'on se trompe en imaginant que ce genre de livre intéressera les foules et changera leur point de vue.

Je crois aussi que nous avons tort de nous croire importants alors que personne ou presque ne nous considère comme tels en France.

Totalement d'accord avec toi sur les deux points.

Bien vu Cochonou

A l’heure où la profession est tant décriée et dévalorisée, on ne peut pas en vouloir à une journaliste, sensible aux questions d’éducation, de vouloir faire œuvre de pédagogie, justement, afin de mieux éclairer le grand public sur la réalité du métier d’enseignant. D’autant plus si c’est fait avec honnêteté et une certaine sensibilité.

Elberta a écrit:

Cochonou a écrit:

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je pense que l'on se trompe en imaginant que ce genre de livre intéressera les foules et changera leur point de vue.

Je crois aussi que nous avons tort de nous croire importants alors que personne ou presque ne nous considère comme tels en France.

Totalement d'accord avec toi sur les deux points.

Moi aussi. Et Jaykew , je suis aussi sur la même ligne que toi.

JayKew a écrit:J’avais lu un article sur son livre dans Télérama, ainsi qu’un extrait du bouquin, qui m’avait bien plu.

Du coup, je l’ai acheté aujourd’hui, jour de sa sortie en librairie.

Et je dois dire que je le trouve effectivement très intéressant. Sincère, touchant. Elle a le mérite d’avoir eu le courage de franchir le pas, de sortir de sa zone de confort, et d’affronter la réalité du métier de l’intérieur. Elle en tire un portrait très réaliste, et qui fera sans doute davantage mouche auprès du grand public que le témoignage d’un prof de métier.

Son livre est par ailleurs bien écrit, il se lit bien. Elle sait donner corps aux personnages de son récit, et on suit avec intérêt ses premiers pas dans le métier, les difficultés liées au manque d’expérience, la solidarité avec les collègues, les rapports ambivalents avec les élèves, la difficulté d’asseoir son autorité, le rythme trépidant, les cours et les journées qui s’enchaînent, le travail de préparation que chaque heure de cours demande, l’anticipation des questions des élèves, l’énergie requise pour faire cours, la discipline, le sentiment d’impréparation ou d’improvisation malgré les heures passées à préparer les cours, le nombre insensé de tâches à réaliser de manière simultanée, etc. Tout ça est très bien rendu.

Bref, personnellement, je ne suis pas déçu, au contraire.

Merci pour le retour.

JayKew a écrit:A l’heure où la profession est tant décriée et dévalorisée, on ne peut pas en vouloir à une journaliste, sensible aux questions d’éducation, de vouloir faire œuvre de pédagogie, justement, afin de mieux éclairer le grand public sur la réalité du métier d’enseignant. D’autant plus si c’est fait avec honnêteté et une certaine sensibilité.

Je suis plutôt d'accord avec toi, même s'il y a peu de chances que ce livre change les choses sur le long terme, au moins on parle un peu des difficultés du métier pendant...quelques jours où quelques semaines. 

Ça n'empêchera pas le prof bashing, qui vient parfois des collègues eux-mêmes: nous sommes de grands enfants, nous posons trop de questions....

Petite anecdote dont j'ai parlé sur un autre fil: je cherchais des informations sur l'agence Arts et Vie, qui propose des voyages culturels, et je suis tombé sur un article de La Croix: "Bien sûr il y a beaucoup d'enseignants parmi les clients mais ne vous inquiétez pas, il n'y a pas que ça non plus". Ouf, une source de stress en moins pour les voyageurs.

Ce qui fait écho à une remarque que j'ai faite il y a peu ici .
Je suis partie pendant 20 ans avec Arts et Vie, une fois par an.
Aujourd'hui je n'ai vraiment plus les moyens.
Et je ne suis pas la plus à plaindre.