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La cogitatio pour l'elocutio Empty La cogitatio pour l'elocutio

par NLM76 Mer 1 Juin - 23:34
J'essaie de formuler une façon d'enseigner qui a commencé à s'élaborer dans mes classes ces derniers temps, et de vous utiliser pour clarifier ma pensée et son exposé, de sorte que je puisse aussi en faire une fiche de méthode pour les élèves :

En rédaction (de commentaire, de dissertation, d'invention ou de n'importe quoi), l’un des gros problèmes de nos élèves est lié à ce que certains appellent la surcharge cognitive, mais aussi à une sorte de rhume chronique de cerveau. En effet, ils ne savent pas, me semble-t-il couper dans le flux de la pensée ni du discours, de sorte qu’ils ne parviennent pas à ponctuer leurs textes, qu’ils truffent leurs textes d’anacoluthes en tous genres, sans parler des innombrables fautes d’orthographe, y compris lorsqu’ils copient un texte. Ça coule sans interruption ni logique. Il faut apprendre à réguler le flux, à passer du rhume au rythme. Pour cela il faut donner de la respiration à l’écriture.
Cet apprentissage est long et complexe, mais, me semble-t-il, tout à fait faisable. Il faut d’abord réussir à séparer et donc à articuler inventio, dispositio et elocutio. Je reviendrai plus tard sur les deux premières étapes. Evoquons maintenant l’articulation entre les deux derniers. Supposons donc que les élèves (dans un premier temps avec l’aide du professeur) aient élaboré le plan semi-détaillé (parties et sous-parties) de leur rédaction. Il s’agit maintenant d’apprendre à mener le travail de l’elocutio.
Je demande à toute la classe de poser les stylos, de s’installer confortablement — éventuellement de respirer un bon coup — et de composer mentalement la première phrase de leur rédaction, qui développe la première idée de la première sous-partie du plan. Je leur demande d’y réfléchir trente secondes, voire une minute, avec interdiction d’utiliser le stylo. Ensuite, j’interroge un ou deux élèves pour qu’ils énoncent leur phrase. Nous vérifions alors ensemble que tout va bien. Si nécessaire, nous nous redonnons trente secondes pour veiller à ce que cette première phrase soit bien dans la tête de chacun, avec un sens bien clair, et une allure qui convient à chaque « auteur ».
Ensuite j’autorise à prendre le stylo pour qu’ils se dictent leur phrase, en ne pensant donc dès lors qu’à l’orthographe et à la ponctuation. Cependant, il faut une contrainte supplémentaire, pour qu’il y ait vraiment du rythme, et non du rhume : les obliger à se dicter leur propre phrase mot par mot. C’est pourquoi il est nécessaire encore une fois de commencer par un travail collectif. Donc, première consigne : « Maintenant que vous avez bien votre phrase en tête, vous allez vous dicter le premier mot, et seulement le premier mot de votre phrase. Prenez votre stylo et dictez-vous le premier mot, puis posez-le ». Ensuite, nous vérifions ensemble pour quelques élèves en montrant à quoi on réfléchit quand on se dicte un mot (analyse grammaticale). Et on recommence…
Ensuite, comme ils continuent ainsi lentement et posément, je passe dans les rangs, et les félicité parce qu’ils écrivent presque sans faute. Je les invite, lorsqu’ils ont un doute soit à me demander, soit à consulter le dictionnaire, soit — si cela leur pose un problème pour l’instant insoluble — à laisser un blanc souligné au crayon, à reprendre plus tard, en particulier avec mon aide. Le principe étant de ne jamais écrire une faute, pour éviter d’inscrire les mauvaises habitudes, mais au contraire favoriser les bonnes habitudes.

Cela me semble produire des effets assez miraculeux, que ce soit pour la syntaxe, pour l’orthographe, ou pour la ponctuation. Notons pour ce dernier point l’excellente équivalence [idée que j’arrive à formuler et retenir mentalement] = [phrase, terminée par un point, ou, à la limite un point-virgule ou un deux-points]. Si je n’arrive pas à tenir dans ma cogitatio ma prétendue phrase, ce n’en est pas une. Une vraie phrase, c’est une idée qu’on arrive à formuler et à tenir dans sa pensée, à voir d’un seul tenant. Ainsi, finies les pseudo-phrases à rallonges ou composées d’une subordonnée isolée, ou d’un groupe nominal. L’intuition permet alors assez bien de sentir ce qu’est, concrètement, une phrase.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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par Ajupouet Jeu 2 Juin - 7:24
Évidemment, tu as raison.
Pour écrire correctement, il faut s'entendre écrire! Ce que ne savent plus faire les élève, puisqu'ils ont appris à lire en méthode globale et surtout silencieuse.
Par contre, leur demander d'écrire un mot, puis un mot, me semble peut-être contre productif. Cela coupe vraiment trop la pensée.
Ce que je suggérerais serait plutôt de leur demander de synchroniser leur voix (en chuchotant) avec ce qu'ils écrivent, syllabe par syllabe.

Tu te lances dans un énorme travail nlm76, si tard, tu as bien du mérite.veneration

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par NLM76 Jeu 2 Juin - 7:39
Le truc du mot après mot est à affiner en effet. Cependant, l'idée est de ne pas couper la pensée puisque la phrase est déjà pensée dans son ensemble. Le coup du stylo posé entre deux mots n'est qu'une étape — il vaudrait peut-être mieux d'ailleurs demander de lever le stylo plutôt que de le poser — pour obliger à vraiment se dicter la phrase mot après mot. Ce qui compte, c'est l'étape suivante, quand l'élève parvient vraiment à se dicter tranquillement sa phrase. En revanche en effet, je peux réfléchir à la technique du chuchotis + syllabe par syllabe pour les élèves qui se mélangent au plan phonétique — ce n'est pas la majorité de mes élèves : leurs fautes sont essentiellement grammaticales.
En tout cas, lors de cette dernière heure, c'était frappant d'avoir le plaisir de les voir composer quelques phrases écrites du premier coup pratiquement sans faute.


Dernière édition par nlm76 le Ven 3 Juin - 5:46, édité 1 fois

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barèges
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par barèges Jeu 2 Juin - 9:10
nlm76 a écrit: Ainsi, finies les pseudo-phrases à rallonges ou composées d’une subordonnée isolée, ou d’un groupe nominal.

Donc ils "entendent" que la subordonnée seule ne "fait pas" phrase ? J'essaierai ta technique ! Je peux avoir des paragraphes entiers incorrects parce qu'un point sépare principales et subordonnées...
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par e-Wanderer Jeu 2 Juin - 9:18
nlm76 a écrit: Ainsi, finies les pseudo-phrases à rallonges ou composées d’une subordonnée isolée, ou d’un groupe nominal.
Tu es en train de briser dans l'œuf de futures carrières à la Marie Darrieussecq ou Amélie Nothomb (des mains).
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par Ajupouet Jeu 2 Juin - 9:59
Nlm76, j'essaie aussi de reconstruire l'écriture des élèves. C'est bien plus facile pour moi, puisque je suis en tête à tête avec eux. Ce que tu décris est mon cheval de bataille quotidien, avec la belle graphie en prime (mais tu verras que les deux vont de pair, ça sera la cerise sur le gâteau).

Lorsque le processus d'écriture est enseigné de façon progressive, on observe plusieurs phases:
D'abord, l'enfant de CP dit tout haut ce qu'il doit écrire, ce qui lui permet de retrouver le son et de le transcrire. C'est typiquement ce que l'on constate lors des premières dictées de syllabes (en méthode syllabique) lorsque l'enfant reconstruit le mot en s'écoutant. Cela n'a par contre rien à voir avec les dictées en méthode globale ou l'enfant ne se fie qu'à sa mémoire.
Ensuite, l'enfant se met à chuchoter, il devient suffisamment efficient pour ne plus avoir besoin de tout dire à voix haute pour être capable de l'écrire.
Troisième étape, la labialisation : les cordes vocales ne vibrent plus, mais les mots se forment toujours sur les lèvres, dans un silence total. Dans la tête de l'enfant par contre (plutôt en CM à ce stade) le langage est bien présent et audible.
Enfin, au stade expert, plus besoin de parler, la "petite voix intérieure" est intégrée et fonctionnelle, elle est devenue naturelle.

Je constate aujourd'hui que les enfants n'ont pas cette petite voix intérieure.
Ils LISENT en silence
Ils ÉCRIVENT en silence
Le corolaire, c'est qu'ils ne comprennent pas ce qu'ils lisent, ni ce qu'ils écrivent, et qu'ils ne retiennent rien. L'orthographe, la grammaire, ont perdu tout leur sens.

Ce que tu es en train de travailler avec eux, cette méthode que tu cherches, elle est fondamentale pour moi. En éveillant leur voix intérieure pour écrire, tu vas leur permettre non seulement de bien s'exprimer clairement à l'écrit (syntaxe, orthographe) mais aussi de mémoriser ce qu'ils écrivent...

Tiens-moi s'il te plait au courant de ce que tu obtiens avec des élèves de quelle classe, ton expérience m'intéresse au plus haut point.

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gluche
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par gluche Jeu 2 Juin - 16:16
Je vous lis avec intérêt également. Je me demande si je ne vais pas creuser cette idée pour l'an prochain en AP. J'avais déjà lu un article sur la petite voix intérieure qui m'avait particulièrement retenu mon attention, sans savoir qu'en faire: http://www.educalire.net/Miroirsite1/petitevoix2.pdf
Ajupouet a écrit:Pour écrire correctement, il faut s'entendre écrire!
Je le répète à mes élèves, mais effectivement, il leur manque la technique.

gaga13
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La cogitatio pour l'elocutio Empty Re: La cogitatio pour l'elocutio

par gaga13 Jeu 2 Juin - 20:51
Je leur dis sans arrêt d'écrire comme ils parlent : simplement tout d'abord. J'ai du mal à obtenir qu'ils se relisent "à voix haute"-en se chuchotant, phrase par phrase. Pourtant cela éliminerait les plus grosses erreurs de syntaxe...
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par Ryuzaki Jeu 2 Juin - 21:32
Merci beaucoup d'avoir partagé cette idée. Il faut que j'essaie.
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La cogitatio pour l'elocutio Empty Re: La cogitatio pour l'elocutio

par NLM76 Ven 3 Juin - 5:53
barèges a écrit:
nlm76 a écrit: Ainsi, finies les pseudo-phrases à rallonges ou composées d’une subordonnée isolée, ou d’un groupe nominal.

Donc ils "entendent" que la subordonnée seule ne "fait pas" phrase ? J'essaierai ta technique ! Je peux avoir des paragraphes entiers incorrects parce qu'un point sépare principales et subordonnées...
Attention, cela ne se fait pas forcément de façon magique en une fois. C'est un outil important pour y aider. Mais il faut aussi qu'ils soient dans une posture pas complètement désinvestie, comme lorsqu'ils produisent des machins qui leur semble devoir plaire au professeur. Je commence cela avec de la préparation à l'écriture d'invention, pas avec le commentaire ou la dissertation.
La phrase est définie comme "ayant un sens complet". De nombreuses fois, quand ils produisent une phrase, je leur demande "Cela a-t-il un sens?", et on s'entraîne à produire ce jugement — ou en tout cas à l'affiner. Cela dit, ils ont en effet l'intuition de la phrase qui a un sens: ce sont des êtres humains, doués de parole...

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par Ajupouet Sam 4 Juin - 6:58
Dis voir, nlm76, tu connais scriptum, toi? 
C'est un outil très bien pensé pour apprendre à copier et écrire efficacement

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par NLM76 Sam 4 Juin - 8:01
Merci beaucoup je m'empresse de me procurer ça. Mais est-ce qu'on pourrait avoir la même chose avec écrit dessus "lycée", ou "adulte" ?

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par AsarteLilith Sam 4 Juin - 8:20
J'ai eu cette publicité pour ce livre, je me demandais justement ce qu'il valait. C'est un livre de rédactions ? De grammaire ?

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par Écusette de Noireuil Sam 4 Juin - 9:18
Je suis très intéressée par cette démarche! Mais concrètement comment fais tu Nlm? Je pense à mes secondes de cette année:il y en a pour qui la démarche serait très nécessaire et je pense bénéfique, mais pour les élèves qui ont de l'aisance à l'écrit-il y en a aussi-proposes tu la même démarche?

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par NLM76 Lun 6 Juin - 9:41
Peux-tu préciser ce que tu veux de concret ?
D'autre part, pour ce qui est de l'articulation entre le travail d'alphabétisation et le travail pour les élèves plus forts, deux choses : d'une part, cette année, j'avais une classe d'un niveau très faible, où TOUS les élèves, y compris les meilleurs (de bonne volonté, sachant travailler, plus malins, avec plus de connaissances que les autres...) avaient besoin d'apprendre à écrire des phrases correctes (les deux ou trois meilleurs faisaient en moyenne qqch comme 0,5 faute par phrase, et ne savaient pas vraiment ponctuer). C'est en réalité le cas d'un nombre croissant de classes dans les lycées d'aujourd'hui. D'autre part, pour les classes où il y a plus d'élèves de haut niveau, où il y a une vraie différence de niveau de connaissance (et non la seule différence de talent), je réfléchis depuis des années à des expédients pour faire avec. De cela peut-être on reparle sur un autre fil ?

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par Ajupouet Lun 6 Juin - 9:47
AsarteLilith a écrit:J'ai eu cette publicité pour ce livre, je me demandais justement ce qu'il valait. C'est un livre de rédactions ? De grammaire ?

Ni l'un ni l'autre.
ce sont des séances pensées pour la classe, afin d'aider les enfants à apprendre à copier efficacement. On leur fait prendre conscience de comment ils travaillent, de comment travaillent les autres, des techniques possibles pour mieux copier, des critères de réussite attendus, de ce que c'est que d'écrire vite...

Il faut que je me plonge dedans, pour bien voir si j'adhère un peu, beaucoup ou passionnément.

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par NLM76 Lun 6 Juin - 9:55
Ajupouet a écrit:
AsarteLilith a écrit:J'ai eu cette publicité pour ce livre, je me demandais justement ce qu'il valait. C'est un livre de rédactions ? De grammaire ?

Ni l'un ni l'autre.
ce sont des séances pensées pour la classe, afin d'aider les enfants à apprendre à copier efficacement. On leur fait prendre conscience de comment ils travaillent, de comment travaillent les autres, des techniques possibles pour mieux copier, des critères de réussite attendus, de ce que c'est que d'écrire vite...

Il faut que je me plonge dedans, pour bien voir si j'adhère un peu, beaucoup ou passionnément.

J'ai lu les trente pages de présentation, qui donnent envie de voir la suite : le propos me semble se tenir dans l'ensemble.

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par gluche Lun 6 Juin - 14:33
Écusette de Noireuil a écrit: Mais concrètement comment fais tu Nlm?
Je me pose la même question. Ce travail se fait durant quelques minutes pendant une heure de cours? A quelle fréquence l'as-tu mené pour obtenir des résultats?
Pour les élèves les plus à l'aise, cela leur permet-il d'améliorer leur style?
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par NLM76 Lun 6 Juin - 22:57
En fait, cela fait quelque temps que j'essaie de leur faire faire ça, en leur indiquant des méthodes pour rédiger, en leur faisant écrire des phrases isolées, en leur faisant prendre des temps de cogitatio dans les heures de cours ou avant les devoirs surveillés, en leur faisant copier des textes, mais je ne parvenais pas à obtenir suffisamment de concentration pour gagner suffisamment en orthographe.
Et ce que je raconte là est le point d'aboutissement que je n'ai réussi à ébaucher que lors de mon avant-dernier cours avec eux. J'ai trouvé le résultat assez miraculeux. En l'occurrence j'ai demandé de composer un texte minuscule (sujet=logorallye). Le processus n'est donc pas calibré. Je me dis que l'année prochaine, je le ferai de façon plus systématique et précoce. Un truc pour les obliger à penser ce qu'ils écrivent avant de l'écrire.
Ça me fait penser que c'est comme le coup de la relecture à l'envers. Je la conseille toujours. CEux qui se décident à l'appliquer en sont très contents. Mais ils sont peu nombreux. Pour qu''ils s'y mettent, il faut que je trouve le moyen de les obliger à en faire l'expérience.
Donc: c'est à tout moment où on les fait écrire. Découper le processus. Inventio-dispositio—(elocutio = cogitatio puis stilus).

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par Écusette de Noireuil Lun 6 Juin - 23:09
Le coup de la relecture à l'envers? Tu peux expliquer?
Tu as plein d'idées originales dis moi...
En tout cas ton histoire de réflexion avant d'écrire m'intéresse bigrement. Je vais y réfléchir pendant l'été pour imaginer des mises en pratique. Mais si tu as le temps de formaliser quelque chose ou de donner des exemples ça m'intéresse.

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par NLM76 Mar 7 Juin - 7:53
Vous n'avez pas appris à faire ça pour le thème et la version ?
Quand on relit un texte immédiatement après l'avoir écrit, ça ne sert pas à grand-chose : on ne voit pas les coquilles, oublis et autres erreurs. Donc, pour commencer, relecture à l'envers, en commençant par le dernier mot, mot après mot, ou par la dernière phrase, phrase après phrase, selon le temps disponible. Cela permet d'avoir un œil neuf et analytique sur son texte.

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par trompettemarine Mar 7 Juin - 21:35
nlm76 a écrit:
J'essaie de formuler une façon d'enseigner qui a commencé à s'élaborer dans mes classes ces derniers temps, et de vous utiliser pour clarifier ma pensée et son exposé, de sorte que je puisse aussi en faire une fiche de méthode pour les élèves :

En rédaction (de commentaire, de dissertation, d'invention ou de n'importe quoi), l’un des gros problèmes de nos élèves est lié à ce que certains appellent la surcharge cognitive, mais aussi à une sorte de rhume chronique de cerveau. En effet, ils ne savent pas, me semble-t-il couper dans le flux de la pensée ni du discours, de sorte qu’ils ne parviennent pas à ponctuer leurs textes, qu’ils truffent leurs textes d’anacoluthes en tous genres, sans parler des innombrables fautes d’orthographe, y compris lorsqu’ils copient un texte. Ça coule sans interruption ni logique. Il faut apprendre à réguler le flux, à passer du rhume au rythme. Pour cela il faut donner de la respiration à l’écriture.
Cet apprentissage est long et complexe, mais, me semble-t-il, tout à fait faisable. Il faut d’abord réussir à séparer et donc à articuler inventio, dispositio et elocutio. Je reviendrai plus tard sur les deux premières étapes. Evoquons maintenant l’articulation entre les deux derniers. Supposons donc que les élèves (dans un premier temps avec l’aide du professeur) aient élaboré le plan semi-détaillé (parties et sous-parties) de leur rédaction. Il s’agit maintenant d’apprendre à mener le travail de l’elocutio.
Je demande à toute la classe de poser les stylos, de s’installer confortablement — éventuellement de respirer un bon coup — et de composer mentalement la première phrase de leur rédaction, qui développe la première idée de la première sous-partie du plan. Je leur demande d’y réfléchir trente secondes, voire une minute, avec interdiction d’utiliser le stylo. Ensuite, j’interroge un ou deux élèves pour qu’ils énoncent leur phrase. Nous vérifions alors ensemble que tout va bien. Si nécessaire, nous nous redonnons trente secondes pour veiller à ce que cette première phrase soit bien dans la tête de chacun, avec un sens bien clair, et une allure qui convient à chaque « auteur ».
Ensuite j’autorise à prendre le stylo pour qu’ils se dictent leur phrase, en ne pensant donc dès lors qu’à l’orthographe et à la ponctuation. Cependant, il faut une contrainte supplémentaire, pour qu’il y ait vraiment du rythme, et non du rhume : les obliger à se dicter leur propre phrase mot par mot. C’est pourquoi il est nécessaire encore une fois de commencer par un travail collectif. Donc, première consigne : « Maintenant que vous avez bien votre phrase en tête, vous allez vous dicter le premier mot, et seulement le premier mot de votre phrase. Prenez votre stylo et dictez-vous le premier mot, puis posez-le ». Ensuite, nous vérifions ensemble pour quelques élèves en montrant à quoi on réfléchit quand on se dicte un mot (analyse grammaticale). Et on recommence…
Ensuite, comme ils continuent ainsi lentement et posément, je passe dans les rangs, et les félicité parce qu’ils écrivent presque sans faute. Je les invite, lorsqu’ils ont un doute soit à me demander, soit à consulter le dictionnaire, soit — si cela leur pose un problème pour l’instant insoluble — à laisser un blanc souligné au crayon, à reprendre plus tard, en particulier avec mon aide. Le principe étant de ne jamais écrire une faute, pour éviter d’inscrire les mauvaises habitudes, mais au contraire favoriser les bonnes habitudes.

Cela me semble produire des effets assez miraculeux, que ce soit pour la syntaxe, pour l’orthographe, ou pour la ponctuation. Notons pour ce dernier point l’excellente équivalence [idée que j’arrive à formuler et retenir mentalement] = [phrase, terminée par un point, ou, à la limite un point-virgule ou un deux-points]. Si je n’arrive pas à tenir dans ma cogitatio ma prétendue phrase, ce n’en est pas une. Une vraie phrase, c’est une idée qu’on arrive à formuler et à tenir dans sa pensée, à voir d’un seul tenant. Ainsi, finies les pseudo-phrases à rallonges ou composées d’une subordonnée isolée, ou d’un groupe nominal. L’intuition permet alors assez bien de sentir ce qu’est, concrètement, une phrase.

Tout ce travail me semble fort passionnant. Si l'emploi du temps concocté par la direction me le permet, je compte l'année prochaine ouvrir un club "Boileau" : "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement".
Spoiler:
Il s'agira d'apprendre à bien rédiger, par l'acquisition de vocabulaire et par un travail soutenu de la syntaxe. Tout est à créer et je suis preneuse de bonnes idées et d'une bibliographie.
Il ne faut pas que je perde ce fil, car il va être précieux.
J'aimerais aussi leur faire travailler le résumé pour qu'ils apprennent à repérer une idée, la formuler autrement et utiliser à bon escient les articulations logiques.
Inversement, je me demande dans quelle mesure le travail inverse, celui de la paraphrase (au sens du XVIIè siècle) ne serait pas bon lui aussi. Bien sûr, seuls les textes littéraires, historiques, philosophiques, scientifiques (pas de textes de "communication") serviraient de support.
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par trompettemarine Mar 7 Juin - 21:41
nlm76 a écrit:Le truc du mot après mot est à affiner en effet. Cependant, l'idée est de ne pas couper la pensée puisque la phrase est déjà pensée dans son ensemble. Le coup du stylo posé entre deux mots n'est qu'une étape — il vaudrait peut-être mieux d'ailleurs demander de lever le stylo plutôt que de le poser — pour obliger à vraiment se dicter la phrase mot après mot. Ce qui compte, c'est l'étape suivante, quand l'élève parvient vraiment à se dicter tranquillement sa phrase. En revanche en effet, je peux réfléchir à la technique du chuchotis + syllabe par syllabe pour les élèves qui se mélangent au plan phonétique — ce n'est pas la majorité de mes élèves : leurs fautes sont essentiellement grammaticales.
En tout cas, lors de cette dernière heure, c'était frappant d'avoir le plaisir de les voir composer quelques phrases écrites du premier coup pratiquement sans faute.

Cela me fait penser au travail du musicien. Le maître mot est l'anticipation. Avant de jouer une note, toute la phrase musicale doit être "entendue" intérieurement. Les exercices techniques ne visent pas seulement à mémoriser un mouvement du corps et le rendre systématique, mais doivent permettre l'anticipation du mouvement lui-même, un mouvement à la fois maîtrisé et libre.
C'est ainsi que nos élèves doivent petit à petit apprendre à rédiger.
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par Ajupouet Mar 7 Juin - 22:31
L'outil Scriptum vient de sortir, je crois que c'est le seul de son espèce. Tout est à faire pour les niveaux supérieurs, mais je pense vraiment que l'on peut broder à partir de leur travail.
Qu'est-ce qui empêche de faire recopier un texte à fond les ballons aux élèves (texte de leçon adapté à leur niveau) et ensuite de leur faire constater leur nombre d'erreurs de copie, leurs techniques de recopie, s'ils ont mémorisé ou pas...
Les textes proposés dans scriptum ne seront pas adaptés, le nombre de séances non plus, mais plus j'y pense, plus je suis convaincue qu'on peut adapter à tout niveau.

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par NLM76 Mer 8 Juin - 9:08
trompettemarine a écrit:
Tout ce travail me semble fort passionnant. Si l'emploi du temps concocté par la direction me le permet, je compte l'année prochaine ouvrir un club "Boileau" : "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement".
Je me suis toujours demandé pourquoi l'on transformait ainsi le vers de Boileau. Probablement manquait-il en réalité de fluidité («Ce QUE L'ON conçoit...»
trompettemarine a écrit:
Il s'agira d'apprendre à bien rédiger, par l'acquisition de vocabulaire et par un travail soutenu de la syntaxe. Tout est à créer et je suis preneuse de bonnes idées et d'une bibliographie.
Il ne faut pas que je perde ce fil, car il va être précieux.
J'aimerais aussi leur faire travailler le résumé pour qu'ils apprennent à repérer une idée, la formuler autrement et utiliser à bon escient les articulations logiques.
Inversement, je me demande dans quelle mesure le travail inverse, celui de la paraphrase (au sens du XVIIè siècle) ne serait pas bon lui aussi. Bien sûr, seuls les textes littéraires, historiques, philosophiques, scientifiques (pas de textes de "communication") serviraient de support.
Travailler le résumé, c'est aussi en effet l'un de mes leitmotive. Je me tue à dire qu'aujourd'hui, il faut passer l'année de seconde à apprendre à faire des plans. Vous remarquerez le glissement de terme : «plan» avant «résumé». Il faut bien sûr articuler les deux; mais le point central est le plan.
Vous venez à l'une de mes autres manies : la paraphrase. Et pas seulement au sens d'amplification. Le travail de paraphrase, celui qui consiste à redire autrement ce que dit le texte est un fondement essentiel de l'enseignement du français. Il peut se décliner en:

  1. plan
  2. résumé
  3. amplification (bof)
  4. mise en vers, mise en prose
  5. jeux oulipiens divers
  6. VERSION et THÈME. (Vous devinez pourquoi j'utilise les majuscules)
  7. Tous travaux de pastiche de parodie et d'imitation divers.


Pour le vocabulaire, je me suis promis d'aller explorer le boulot de Véronique Marchais sur TDL et ici, ainsi que celui de Serge.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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