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Une passante
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par Une passante Sam 23 Nov 2019 - 19:31
Je suis dans une ville moyenne, les grandes villes / pôles universitaires sont au plus près à deux heures de route. La plupart de mes élèves ne fera pas d'autres études que celles accessibles dans la ville (moins d'une dizaine de BTS et une seule licence dans un IUP ou IUT), je ne crois pas qu'on puisse considéré cet isolement géographique à celui des banlieues où tout est accessible.
Je me crois donc en zone rurale du fait de cet isolement non pas "intra muros" (un hôpital, une grande surface et même un cinéma) mais par rapport au reste de la France. Quand j'envisage les études de mes enfants, je panique déjà parce que je serai obligée de leur payer un logement, dans une grande ville, ou proche d'une grande ville, ils pourraient continuer à vivre à mon domicile...
Provence
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par Provence Sam 23 Nov 2019 - 19:34
Même avant. Dans mon collège, il n'est pas rare qu'un 3e choisisse son orientation par défaut (2nde pro menuiserie ou commerce), parce que les formations qui pourraient l'intéresser n'existent pas dans la ville la plus proche, qu'il n'y a pas de transport pour rejoindre les autres villes et que les parents n'ont pas les moyens de payer l'internat.
Rendash
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par Rendash Sam 23 Nov 2019 - 19:37
Marie Laetitia a écrit:
Avec comme critère "plus de de 10 % des actifs dans l'agriculture", la Corrèze n'est pas rurale Loin des villes : une génération oubliée - Page 3 437980826 Or quand on connaît, il y a de quoi rire (Oui, bon, je sais, Brive, ce n'est pas rural). Mais quand je vois le nombre de parents agriculteurs, lesdits parents qui entrent en bottes jusque dans le hall du collège, les concours de bestiaux à côté, les tracteurs et les bétaillères qui ralentissent la circulation matin et soir, les paysages tout autour, j'ai du mal à considérer que je ne suis pas en zone rurale.

On a surtout, comme tu le soulignes, un énorme problème de définition. Et à partir de là, on peut déclarer péremptoirement que la ruralité n'existe plus. Ce qui avive les mauvaises relations entre ceux qui y vivent quand même et les urbains.


C'est bien la preuve que la géographie est une annexe des trucs vraiment sérieux Razz


Une passante a écrit:Je suis dans une ville moyenne, les grandes villes / pôles universitaires sont au plus près à deux heures de route. La plupart de mes élèves ne fera pas d'autres études que celles accessibles dans la ville (moins d'une dizaine de BTS et une seule licence dans un IUP ou IUT), je ne crois pas qu'on puisse considéré cet isolement géographique à celui des banlieues où tout est accessible.
Je me crois donc en zone rurale du fait de cet isolement non pas "intra muros" (un hôpital, une grande surface et même un cinéma) mais par rapport au reste de la France. Quand j'envisage les études de mes enfants, je panique déjà parce que je serai obligée de leur payer un logement, dans une grande ville, ou proche d'une grande ville, ils pourraient continuer à vivre à mon domicile...


Même motif, même punition chez moi. Je vis et bosse dans la deuxième ville du département, à une grosse heure de route de Lyon ... et l'immense majorité de mes élèves n'a, au mieux, comme horizon d'attente, Bourg-en-Bresse ou Saint-Claude dans le Jura, c'est dire. Et encore, ça ne concerne que la fraction de ceux qui suivront des études post-bac : ces études se cantonneront le plus souvent à "ben, y'a ça qui est dispo à Saint-Claude/Bourg, donc je prends ça". Les autres ne bougeront pas de Mocheville (sauf retour au bled, pour vacances et/ou boulot).


Provence a écrit:Même avant. Dans mon collège, il n'est pas rare qu'un 3e choisisse son orientation par défaut (2nde pro menuiserie ou commerce), parce que les formations qui pourraient l'intéresser n'existent pas dans la ville la plus proche, qu'il n'y a pas de transport pour rejoindre les autres villes et que les parents n'ont pas les moyens de payer l'internat.


Loin des villes : une génération oubliée - Page 3 2252222100

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Loin des villes : une génération oubliée - Page 3 P61r



"Ce serait un bien bel homme s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en Hercule, mais a un teint africain ; des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’en gaieté. Il rit peu, mais il fait rire. [...] Il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable."
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par Provence Sam 23 Nov 2019 - 19:39
D'ailleurs, je ne saisis pas pourquoi on évoque le cas du 93 ici. Il me semble qu'on peut alerter sur la misère des campagnes sans que ça retire quoi que ce soit à la misère des villes. Ce n'est pas un concours, seulement l'expression d'une réalité parfois mal connue. Je ne l'ai découverte qu'en travaillant à la cambrousse (pardon, en zone péri-urbaine).
Isis39
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par Isis39 Sam 23 Nov 2019 - 19:49
Pour l'orientation professionnelle post 3e mes élèves prennent ce qu'il y a à Saint Claude. Un choix par défaut. Tant pis s'ils rêvent d'autre chose : Saint Claude est accessible en bus.

Beaucoup d'établissements ruraux étaient classés ZEP (comme le mien). Pour faire des économies, cela a été supprimé très largement. Cette "misère-là" ne doit pas être assez visible.
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amalricu
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par amalricu Sam 23 Nov 2019 - 19:55
Rendash a écrit:
pogonophile a écrit:C'est assez paradoxal, avoir la "qualité de vie", mais sans vie humhum
Pour autant, le bobo-bashing, bon ça ne résout pas le problème.

Non, mais lutain que ça fait du bien. Ce sont des cibles faciles, ces cons-là.


(edit : je fais allusion à ces imbéciles-là :

Celadon a écrit:
amalricu a écrit:Et des bobos, qui font suer dans leurs résidences secondaires, parce que que la cloche ou le coq font du bruit.
Pas seulement...
https://www.lci.fr/regions/un-agriculteur-condamne-a-8000-euros-d-amende-a-cause-de-l-odeur-de-ses-vaches-cantal-auvergne-2138400.html
)

Ne te fatigues pas. Tu n'es pas digne de mon mépris.
RogerMartin
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par RogerMartin Sam 23 Nov 2019 - 19:56
amalricu a écrit:
Rendash a écrit:
pogonophile a écrit:C'est assez paradoxal, avoir la "qualité de vie", mais sans vie humhum
Pour autant, le bobo-bashing, bon ça ne résout pas le problème.

Non, mais lutain que ça fait du bien. Ce sont des cibles faciles, ces cons-là.


(edit : je fais allusion à ces imbéciles-là :

Celadon a écrit:
amalricu a écrit:Et des bobos, qui font suer dans leurs résidences secondaires, parce que que la cloche ou le coq font du bruit.
Pas seulement...
https://www.lci.fr/regions/un-agriculteur-condamne-a-8000-euros-d-amende-a-cause-de-l-odeur-de-ses-vaches-cantal-auvergne-2138400.html
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Rendash s'énervait contre les gens qui trouvent que les vaches du Cantal sentent trop fort. Wink

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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019 - 19:59
Une passante a écrit:Je suis dans une ville moyenne, les grandes villes / pôles universitaires sont au plus près à deux heures de route. La plupart de mes élèves ne fera pas d'autres études que celles accessibles dans la ville (moins d'une dizaine de BTS et une seule licence dans un IUP ou IUT), je ne crois pas qu'on puisse considéré cet isolement géographique à celui des banlieues où tout est accessible.

Tout n'est pas accessible dans les banlieues. Par ailleurs, on distingue "isolement" (notion liée à l'éloignement : distance-temps ou distance-kilométrique) et "enclavement" (notion liée à une accessibilité difficile). Les deux sont parfois liés et peuvent se cumuler. Mais il existe des banlieues enclavées et pour autant non isolées.

Et puis toutes ces notions sont relatives...
Une personne qui habite dans le centre d'une grande métropole trouvera éloigné un quartier un peu excentré de la même commune pourvu que celle-ci soit étendue. Un lyonnais à 5 minutes de la gare centrale trouvera "proche" Paris qui n'est qu'à 2 heures de TGV. Là où un navetteur du périurbain francilien se trouvera très éloigné d'être lui aussi à 2 heures de la capitale, en devant cumuler (voiture, bus, rer, métro...)

Enfin, en admettant que la misère soit partout... il doit être possible de compatir aux souffrances ressenties dans nos vertes praires comme dans nos blêmes HLM, n'est-ce pas ?

_________________
"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
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par amalricu Sam 23 Nov 2019 - 20:04
En ce cas, je retire ma citation du cardinal de Retz que je trouve excellente.
Rendash
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par Rendash Sam 23 Nov 2019 - 20:04
J'ai édité mon post, pour plus de clarté Razz

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"Ce serait un bien bel homme s’il n’était pas laid ; il est grand, bâti en Hercule, mais a un teint africain ; des yeux vifs, pleins d’esprit à la vérité, mais qui annoncent toujours la susceptibilité, l’inquiétude ou la rancune, lui donnent un peu l’air féroce, plus facile à être mis en colère qu’en gaieté. Il rit peu, mais il fait rire. [...] Il est sensible et reconnaissant ; mais pour peu qu’on lui déplaise, il est méchant, hargneux et détestable."
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par Olympias Sam 23 Nov 2019 - 20:06
Il faut ne jamais avoir vécu et enseigné dans des petites villes de provinces pour comparer la situation avec le 93. Je parle de zones rurales où les services publics disparaissent, où l'horizon est rétréci, où les transports en commun sont rares. Quel avenir pour un ado qui vit en Thiérache et dont les parents n'ont pas d'argent pour payer un logement étudiant à Reims et encore moins à Lille ? Alors oui il y a des pauvres dans le 93, dans le 95 aussi d'ailleurs mais les agglomérations sont dans leur majorité très bien desservies par les transports en commun, il y a beaucoup d'infrastructures sportives et culturelles, soit gratuites soit à des tarifs préférentiels. Plus de formation scolaire et universitaire. On ne peut pas le nier. J'ai enseigné dans des collèges où se trouve cette pauvreté et même cette misère invisible, car elle ne fait que très rarement la une des journaux ou du journal télévisé.
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par Tristana Sam 23 Nov 2019 - 20:07
bas-médiéviste a écrit:
Une passante a écrit:Je suis dans une ville moyenne, les grandes villes / pôles universitaires sont au plus près à deux heures de route. La plupart de mes élèves ne fera pas d'autres études que celles accessibles dans la ville (moins d'une dizaine de BTS et une seule licence dans un IUP ou IUT), je ne crois pas qu'on puisse considéré cet isolement géographique à celui des banlieues où tout est accessible.

Tout n'est pas accessible dans les banlieues. Par ailleurs, on distingue "isolement" (notion liée à l'éloignement : distance-temps ou distance-kilométrique) et "enclavement" (notion liée à une accessibilité difficile). Les deux sont parfois liés et peuvent se cumuler. Mais il existe des banlieues enclavées et pour autant non isolées.

Et puis toutes ces notions sont relatives...
Une personne qui habite dans le centre d'une grande métropole trouvera éloigné un quartier un peu excentré de la même commune pourvu que celle-ci soit étendue. Un lyonnais à 5 minutes de la gare centrale trouvera "proche" Paris qui n'est qu'à 2 heures de TGV. Là où un navetteur du périurbain francilien se trouvera très éloigné d'être lui aussi à 2 heures de la capitale, en devant cumuler (voiture, bus, rer, métro...)

Enfin, en admettant que la misère soit partout... il doit être possible de compatir aux souffrances ressenties dans nos vertes praires comme dans nos blêmes HLM, n'est-ce pas ?

Je n'ai jamais dit autre chose.
Maintenant, je repose la question : ceux qui sont parents, vous préférez élever vos enfants dans un territoire rural (si ça peut vous faire plaisir ; c'est vrai que je ne suis qu'une macronienne en puissance), un peu isolé, ou bien dans une banlieue où l'économie principale est le deal de drogue (c'est vrai, le deal n'est pas une résultante de la misère sociale, j'oubliais tous les dealers qu'on rencontre dans le 16e arrondissement de Paris) ?

https://www.20minutes.fr/paris/2630935-20191018-saint-denis-meres-victimes-menaces-engagement-contre-trafic-drogue

La mairie de Saint-Denis a apporté ce jeudi son soutien aux mères qui se mobilisent devant des écoles en formant une chaîne humaine pour les protéger symboliquement du trafic de drogues. « Certaines familles formulent le souhait de quitter leur logement par mesure de sécurité », indique la municipalité communiste dans un communiqué. « Certaines mamans sont victimes de menaces et d'intimidation en représailles » à leur action devant les écoles des cités Gabriel-Péri et Delaunay-Belleville.

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par Prezbo Sam 23 Nov 2019 - 20:15
Rendash a écrit:

Même motif, même punition chez moi. Je vis et bosse dans la deuxième ville du département, à une grosse heure de route de Lyon ... et l'immense majorité de mes élèves n'a, au mieux, comme horizon d'attente, Bourg-en-Bresse ou Saint-Claude dans le Jura, c'est dire. Et encore, ça ne concerne que la fraction de ceux qui suivront des études post-bac : ces études se cantonneront le plus souvent à "ben, y'a ça qui est dispo à Saint-Claude/Bourg, donc je prends ça". Les autres ne bougeront pas de Mocheville (sauf retour au bled, pour vacances et/ou boulot).

Je me permets de faire remarquer que c'est un peu plus complexe. (Tu as déjà compris que je viens de la ville en question et que j'y ai fait des études jusqu'au bac.)

D'une part, les deux lycées de la ville proposent quand même une petite offre d'enseignement supérieur, niveau BTS. (Je ne vois d'ailleurs sur le sujet pas l'intérêt d'aller à Saint-Claude, qui est encore plus isolée et moins bien fournie.)

D'autre part, il ne faut pas exagérer, une bonne partie des élèves de la ville, s'ils poursuivent jusqu'au niveau bac général ou même bac techno, vont faire des études dans les "grandes" villes du coin. (Souvent Lyon, Annecy ou Grenoble.) Evidemment, c'est très variable suivant le niveau socio-culturel de la famille, son rapport aux études (même à niveau social égal) et en définitive les trajectoires scolaires individuelles. Mais si je prends le cas de ma famille, parmi tous mes demi-frères/cousins de ma génération, tous sont partis à l'exeption d'un cousin (le moins intellectuel de la famille diront-nous) qui a fait son BTS dans son lycée, et d'un original qui a fait un bac pro un peu pointu dans un LP rural du département.

J'ai aussi d'ex-copains maghrébins issus de la cité de transit du coin qui sont partis et ont parfois fait de beaux parcours scolaires.


Bien sûr, les ambitions universitaires, la connaissance des bonnes filières et des clefs pour y arriver, sont très variables selon milieu géographique d'origine. Et le problème du logement et du coût du transport est un obstacle factuel à ne pas négliger pour ceux qui en vivent pas dans une ville universitaire.

Mais si je compare la génération de mes parents, oncles et tantes à celles de mes cousins, c'est flagrant : on est passé d'une génération où les études post-bac étaient l'exception à une où elles sont la norme si on veut faire autre chose que bosser à l'usine.

Un vrai problème, par contre, c'est celui du retour : parmi tous mes cousins qui ont quitté la ville pour leurs études, seule une cousine est revenu dans le bassin d'emploi. (Pour y trouver, non sans mal mais elle y est arrivé, un poste qui correspond à ses qualifications au service RH d'une boite du coin.) Les petites villes se font vider de leur population de bachelier, l'obtention ou non du sésame séparant souvent ceux qui partent et ceux qui restent. Il y aurait une étude démographique à mener sur le phénomène.


Dernière édition par Prezbo le Jeu 28 Nov 2019 - 21:47, édité 1 fois
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par Prezbo Sam 23 Nov 2019 - 20:24
Olympias a écrit:Il faut ne jamais avoir vécu et enseigné dans des petites villes de provinces pour comparer la situation avec le 93. Je parle de zones rurales où les services publics disparaissent, où l'horizon est rétréci, où les transports en commun sont rares. Quel avenir pour un ado qui vit en Thiérache et dont les parents n'ont pas d'argent pour payer un logement étudiant à Reims et encore moins à Lille ? Alors oui il y a des pauvres dans le 93, dans le 95 aussi d'ailleurs mais les agglomérations sont dans leur majorité très bien desservies par les transports en commun, il y a beaucoup d'infrastructures sportives et culturelles, soit gratuites soit à des tarifs préférentiels. Plus de formation scolaire et universitaire. On ne peut pas le nier. J'ai enseigné dans des collèges où se trouve cette pauvreté et même cette misère invisible, car elle ne fait que très rarement la une des journaux ou du journal télévisé.

Sur le sujet, il faut peut-être séparer les zones pavillonnaires/périurbaines des petites villes...Mais pour ce qui est des petites villes, je vais faire hurler sur ce fil, mais elles n'ont probablement jamais été si bien fournies en équipement sportifs et culturels -même si l'offre est évidemment beaucoup plus restreinte que dans une grande, évidemment-. Ceux qui pensent le contraire ne les ont pas connues dans les années 80.

Ensuite, ce n'est pas parce que les infrastructures existent que les habitants s'en emparent. Lors de mes dernières vacances, j'ai emmené une de mes gamines voire un dessin animé au ciné art et essais du centre culturel de la ville dont parle Rendash (pas un blockbuster, donc). C'est à quelques centaines de mètres à pieds d'une partie des HLM du coin, le prix de l'entrée était très raisonnable par rapport à un multiplexe.

On était une dizaine dans la salle, et ce n'est pas la première fois que ça m'arrive.
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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019 - 20:27
Olympias a écrit:Il faut ne jamais avoir vécu et enseigné dans des petites villes de provinces pour comparer la situation avec le 93. Je parle de zones rurales où les services publics disparaissent, où l'horizon est rétréci, où les transports en commun sont rares. Quel avenir pour un ado qui vit en Thiérache et dont les parents n'ont pas d'argent pour payer un logement étudiant à Reims et encore moins à Lille ? Alors oui il y a des pauvres dans le 93, dans le 95 aussi d'ailleurs mais les agglomérations sont dans leur majorité très bien desservies par les transports en commun, il y a beaucoup d'infrastructures sportives et culturelles, soit gratuites soit à des tarifs préférentiels. Plus de formation scolaire et universitaire. On ne peut pas le nier. J'ai enseigné dans des collèges où se trouve cette pauvreté et même cette misère invisible, car elle ne fait que très rarement la une des journaux ou du journal télévisé.

Je vous rejoins sur les points suivants :
_ désertification des services/activités dans les territoires périurbains pauvres (parce qu'il y a aussi du périurbain aisé) et ruraux défavorisés, mais aussi dans les petits et moyens pôles urbains (et les témoignages des collègues sur ce fil l'expriment bien)
_ problèmes d'accessibilité dans ces territoires (contre-coup de la métropolisation qui entraîne la disparition des points d'entrée secondaires sur les réseaux rapides) ;
_ relative invisibilisation de la pauvreté rurale. Mais ceci n'est vrai que dans les discours médiatiques. Les travaux scientifiques sur le sujet sont, à l'inverse, nombreux et anciens.

En revanche, la problématique de l'accessibilité en banlieue est réelle dans certains territoires urbains. En Ile-de-France, il manque souvent des axes transversaux correctement desservis à partir de le moyenne banlieue. C'est l'une des raisons d'être du Grand Paris. L'ancienne logique de desserte en étoile du ferré francilien ne répond plus à ce besoin de mobilité de banlieue à banlieue voire de périurbain à périurbain.

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par ysabel Sam 23 Nov 2019 - 20:28
Isis39 a écrit:Pour l'orientation professionnelle post 3e mes élèves prennent ce qu'il y a à Saint Claude. Un choix par défaut. Tant pis s'ils rêvent d'autre chose : Saint Claude est accessible en bus.

Beaucoup d'établissements ruraux étaient classés ZEP (comme le mien). Pour faire des économies, cela a été supprimé très largement. Cette "misère-là" ne doit pas être assez visible.

Cette misère-là ne brûle pas les voitures (bon, il n'y a que celles du village, ils se feraient recevoir !) et les équipements (flûte, il n'y en pas) donc elle n'est pas visible.

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par Lefteris Sam 23 Nov 2019 - 20:29
ysabel a écrit:

Cette misère-là ne brûle pas les voitures (bon, il n'y a que celles du village, ils se feraient recevoir !) et les équipements (flûte, il n'y en pas) donc elle n'est pas visible.
Il y a un peu de ça...

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par Olympias Sam 23 Nov 2019 - 20:29
Ah mais je suis tout à fait d'accord avec le problème de l'absence des transversales dans certains territoires de l'Île de France.
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par Ascagne Sam 23 Nov 2019 - 20:31
Concernant la définition de la ruralité, la proposition de la Mission ruralité (qui rappelle les différentes approches - le zonage en aires urbaines, la grille communale de densité, la typologie des campagnes élaborée par la DATAR et l'INRA, qui est favorisée dans la mesure où c'est un outil mixte, assez complet et pratique) :

Rapport Mission ruralité, p. 25-26 a écrit:Dans le cadre de ses travaux de refonte des zonages (unités urbaines et aires urbaines) actuellement en cours, la Mission exprime le souhait que l’Insee propose une approche nouvelle des espaces ruraux, qui ne soit pas en négatif de la définition de l’urbain, qui combine les critères de densité et ceux de nature fonctionnelle, et qui permette de traiter du continuum entre les espaces les plus urbanisés et les espaces les plus isolés et peu peuplés. Le CGET a déjà proposé une typologie des territoires fondés sur ces principes, dont l’INSEE pourrait s’inspirer.
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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019 - 20:34
Prezbo a écrit:Ensuite, ce n'est pas parce que les infrastructures existent que les habitants s'en emparent..

Une autre forme d'isolement : la distance sociale ou culturelle ici ?

Pour rebondir dans votre sens : le fait de créer des infrastructures ne génère pas forcément le besoin d'y recourir.
C'était le cas pour Notre-Dame des Landes... L'ancien aéroport de Nantes n'était pas du tout saturé et des aéroports de taille comparable gérait des trafics dix fois supérieur. Mais c'est le besoin de "métropoliser" Nantes qui a poussé à ce projet babylonien.

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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019 - 20:39
Ascagne a écrit:Concernant la définition de la ruralité, la proposition de la Mission ruralité (qui rappelle les différentes approches - le zonage en aires urbaines, la grille communale de densité, la typologie des campagnes élaborée par la DATAR et l'INRA, qui est favorisée dans la mesure où c'est un outil mixte, assez complet et pratique) :

Rapport Mission ruralité, p. 25-26 a écrit:Dans le cadre de ses travaux de refonte des zonages (unités urbaines et aires urbaines) actuellement en cours, la Mission exprime le souhait que l’Insee propose une approche nouvelle des espaces ruraux, qui ne soit pas en négatif de la définition de l’urbain, qui combine les critères de densité et ceux de nature fonctionnelle, et qui permette de traiter du continuum entre les espaces les plus urbanisés et les espaces les plus isolés et peu peuplés. Le CGET a déjà proposé une typologie des territoires fondés sur ces principes, dont l’INSEE pourrait s’inspirer.

Merci Ascagne.

Contrairement à l'INSEE qui reste trop focalisé sur des seuils statistiques discutables pour organiser ses découpages, la MR croise davantage des variables diverses qui permettent une définition moins en décalage avec les "représentations".

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par ysabel Sam 23 Nov 2019 - 20:42
Olympias a écrit:Ah mais je suis tout à fait d'accord avec le problème de l'absence des transversales dans certains territoires de l'Île de France.

C'est le cas ailleurs aussi… pour rejoindre le lycée à partir de la petite ville où j'habitais (15km) : 15 minutes en voiture, plus d'une heure en transport en commun (train jusqu'à la grande ville + tram jusqu'au lycée).

Après, dans les villages, le problème ne se pose pas puisque les transports en commun ont disparu. Dans les années 80, il y avait un bus le matin et un le soir, ils ont disparu dans les années 90.

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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019 - 20:54
ysabel a écrit:
Après, dans les villages, le problème ne se pose pas puisque les transports en commun ont disparu. Dans les années 80, il y avait un bus le matin et un le soir, ils ont disparu dans les années 90.

Le coût d'exploitation et la vulnérabilité aux crises pétrolières expliquent l'abandon de certaines de ces lignes. Sans parler de la propagande organisée autour du "tout-voiture" qui a fini par transformer l'automobile en deuxième nombril de l'homme. Sans parler aussi du peu de soutien de l'Etat à l'égard des collectivités qui géraient, seules, des réseaux déficitaires...

La mort à petit feu de ces lignes est une négation de la pauvreté justement : ils n'ont plus de bus, qu'ils prennent leur bagnole !

Tout ceci pour en venir où ? Aux Gilets jaunes... La boucle est bouclée.

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"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
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Loin des villes : une génération oubliée - Page 3 Empty Re: Loin des villes : une génération oubliée

par ysabel Sam 23 Nov 2019 - 20:58
bas-médiéviste a écrit:
ysabel a écrit:
Après, dans les villages, le problème ne se pose pas puisque les transports en commun ont disparu. Dans les années 80, il y avait un bus le matin et un le soir, ils ont disparu dans les années 90.

Le coût d'exploitation et la vulnérabilité aux crises pétrolières expliquent l'abandon de certaines de ces lignes. Sans parler de la propagande organisée autour du "tout-voiture" qui a fini par transformer l'automobile en deuxième nombril de l'homme. Sans parler aussi du peu de soutien de l'Etat à l'égard des collectivités qui géraient, seules, des réseaux déficitaires...

La mort à petit feu de ces lignes est une négation de la pauvreté justement : ils n'ont plus de bus, qu'ils prennent leur bagnole !

Tout ceci pour en venir où ? Aux Gilets jaunes... La boucle est bouclée.

Bien d'accord avec toi.

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par Ascagne Sam 23 Nov 2019 - 21:05
@bas-médiéviste : Peut-on tout à fait parler d'isolement dans ce cas-là ?
En revanche, oui, du côté socio-culturel, il y a beaucoup à dire.
Spoiler:

Je me demande où en serait l'aménagement du territoire s'il n'y avait pas eu cette fameuse politique du tout voiture il y a quelques décennies.

@ysabel : J'ai souvent l'impression qu'on ne souligne jamais assez le sujet de ces voyages matutinaux parfois très longs que doivent faire les élèves avant d'arriver en cours...
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par bas-médiéviste Sam 23 Nov 2019 - 21:34
Ascagne a écrit:@bas-médiéviste : Peut-on tout à fait parler d'isolement dans ce cas-là ?
En revanche, oui, du côté socio-culturel, il y a beaucoup à dire. Je m'éloigne de la ruralité, qu'on m'excuse. Quand je pense à certaines copies de mes élèves, et surtout aux copies des candidats au bac, dans les sujets d'invention, j'ai vraiment eu régulièrement l'impression d'un imaginaire restreint à la banlieue, parfois englué dans celle-ci. Parmi toutes les possibilités de choix de ville à décrire dans un sujet d'invention du bac technologique, 80% des copies restaient dans la banlieue du Val-d'Oise. Dans les copies de plusieurs élèves, la distinction banlieusard/parisien était intégrée et semblait aussi concrète que les rails du RER B. Une élève, qui imaginait que son personnage habitait dans les beaux quartiers près de la Tour Eiffel, la faisait cependant aller trois lignes plus loin faire joyeusement ses courses dans un supermarché de Sarcelles. Le supermarché de Garge-lès-Gonesse était, pour plusieurs copies non ironiques, l'étalon suprême du lieu à visiter pour profiter d'une forme de beauté et de contentement.

Je me demande où en serait l'aménagement du territoire s'il n'y avait pas eu cette fameuse politique du tout voiture il y a quelques décennies.

L'imaginaire des élèves reflète les valeurs en vogue dans notre société de consommation individualiste, et l'étroitesse du cadre spatial où certains d'entre eux sont claquemurés. On a désormais les icônes qu'on peut. Finalement refuser de se commettre dans ces lieux de perdition que sont les centres commerciaux est, en conscience, un bel acte, mais aussi un luxe.

Plus prosaïquement, il existait au début du XXe siècle en France un dense réseau de lignes de chemin de fer qui innervaient jusque dans les campagnes les plus reculées. Dans le contexte de l'exode rural, le développement de la voiture lui a été fatal. Un peu d'uchronie me ferait postuler que si nous n'avions pas connu le "tout-voiture", les formes d'économie liées spécifiquement à la croissance urbaine se seraient adaptées au cadre rural.

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"Les instructions émanant des socio-pédagogues infestant les cabinets ministériels depuis plusieurs années sont un charabia dont le pathos infernal mériterait d'être traduit en français afin d'en saisir tout le sel lorsque l'on sait qu'il vise un enseignement destiné, je vous le rappelle, à des enfants." (Goubert, 1984)
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