[agrégation Lettres] Rousseau 2022

Merci pour ton analyse, c'est très intéressant. Je trouve que par ailleurs, les dernières lettres de Julie donnent à réfléchir (en gros, à partir du moment où elle confie à St Preux n'être pas heureuse): je trouve qu'elles viennent quand même contredire une partie du roman: «j'ai des regrets et non des remords" en 6, VIII, ou encore « Un jour de plus peut-être, et j’étais coupable ! »; « Après tant de sacrifices, je compte pour peu celui qui me reste à faire : ce n’est que mourir une fois de plus. », en 6, XII. C'est quand même éloquent...

Alors en effet c'est très intéressant dans la mesure où précisément elle disait auparavant "le bonheur m'ennuie", ayant trouvé l'équilibre dans le refuge de Clarens.
La mort de Julie survient au moment où les limites du "systéme" de transcendance de la passion trouve ses limites. Julie meurt en mère exemplaire en sauvant son fils, mais peut-être aussi est-ce un suicide déguisé, Rousseau laisse habilement le doute. A sa mort Julie prononce un discours qui a presque valeur de testament philosophique, elle meurt un peu en philosophe comme Socrate, sa mort est édifiante.
Une amie normalienne m'avait fait remarquer que même narrativement la "conversion" de Julie à l'église au moment de son mariage était un peu faible et artificielle, et coupait un peu le roman en deux: le côté "j'étais une jeune fille passionnée et amoureuse et hop! je me transforme d'un coup en mère de famille-parangon de vertu"...le roman est vraiment coupé de façon pas très habile à ce moment-là.

Oui c'est vrai, ce que tu dis est très éclairant! Oui complètement pour la conversion de Julie.

Merci beaucoup pour ces analyses et ces questionnements éclairants. Tout cela me donne de nouveaux axes de travail.

Bonjour à tous
Est-ce que l’un d’entre vous aurait à disposition des sujets de leçons sur Rousseau préconisés dans une formation agreg ?
Je ne dispose d’aucun intitulé à ce jour. Merci d’avance.

La musique.

Il me semble que nous en avions listé quelques uns plus haut dans le fil de discussion ( vertu, musique, tourment, l'image aussi pendant que j'y pense, amitié) . Dans l'Ellipse consacré au programme on trouve l'idée d'une leçon sur la question de la religion dans la LNH.

Merci pour vos réponses.
J’avais vu effectivement cette liste ainsi que celui de la religion.
Je pensais que d’autres sujets avaient été communiqués dans les diverses formation

Bonjour à tous,
Toujours à l'affût des cours que certains partagent gentiment sur la toile (merci à eux car mon Académie n'est pas très généreuse), j'ai trouvé ceci ce matin autour de la problématique des "discours" amoureux, sur les moeurs et économique dans LNH.
J'espère que cela vous aidera.
https://amupod.univ-amu.fr/videos/?tag=nouvelle%20heloise

Bonjour à tous,

Je suis en train de travailler la lettre II, 21 dite "lettre sur les femmes de Paris" sur les conseils d'un professeur.
Au début de sa lettre, SP blâme Julie "Orgueilleuse, ta feinte jalousie, je vois plus de vanité" pour mieux la flatter puisque selon lui le portrait des parisiennes qu'il fera peu flatteur, ne pourra que lui rendre "hommage". Or, à la page suivante, il semble poursuivre sur ce ton "tu ne me manqueras pas de me censurer encore et tu seras plus injuste que moi", et surtout "car tout le tort en est à toi seule". Je ne vois pas où SP veut en venir ou à quoi il fait référence : Julie est injuste, elle censure, elle a tort mais en quoi ?
Je coince sur ce détail (peut-être). Pouvez-vous m'aider ?

Merci

Ne s'agit il pas de rendre responsable Julie de son infidélité ? Peut-être fais je erreur. Mon unique lecture est déjà ancienne.

L'aveu de l'infidélité vient à la lettre 26, un peu plus tard. C'est sans doute lié à leurs échanges précédents car le ton entre les deux amants est un peu plus tendu, mais je ne saisis pas pourquoi.

Sur les gravures de Gravelot et le regard de Rousseau sur elles : https://books.openedition.org/pul/5786
Bonne lecture

Cabotine a écrit:Bonjour à tous,

Je suis en train de travailler  la lettre II, 21 dite "lettre sur les femmes de Paris" sur les conseils d'un professeur.
Au début de sa lettre, SP blâme Julie "Orgueilleuse, ta feinte jalousie, je vois plus de vanité" pour mieux la flatter puisque selon lui le portrait des parisiennes qu'il fera peu flatteur, ne pourra que lui rendre "hommage". Or, à la page suivante, il semble poursuivre sur ce ton  "tu ne me manqueras pas de me censurer encore et tu seras plus injuste que moi", et surtout "car tout le tort en est à toi seule". Je ne vois pas où SP veut en venir ou à quoi il fait référence : Julie est injuste, elle censure, elle a tort mais en quoi ?
Je coince sur ce détail (peut-être). Pouvez-vous m'aider ?

Merci

Je pense (mais ça date un peu) que SP fait son expérience de Paris et de ses femmes un peu sous le patronage de Julie, qui lui sert de guide moral. Il anticipe ses reproches (puisqu'il a effectivement eu des relations avec ces femmes) et lui rappelle que c'est elle qui lui a recommandé de s'éloigner, et il me semble dans mon souvenir qu'elle lui a conseillé de visiter Paris, pour mieux apprécier ensuite la vertu de la campagne. Je pense qu'il lui rappelle aussi qu'elle se refuse à lui et qu'il est donc contraint d'aller voir d'autres femmes.

Reine Margot a écrit:

Cabotine a écrit:Bonjour à tous,

Je suis en train de travailler  la lettre II, 21 dite "lettre sur les femmes de Paris" sur les conseils d'un professeur.
Au début de sa lettre, SP blâme Julie "Orgueilleuse, ta feinte jalousie, je vois plus de vanité" pour mieux la flatter puisque selon lui le portrait des parisiennes qu'il fera peu flatteur, ne pourra que lui rendre "hommage". Or, à la page suivante, il semble poursuivre sur ce ton  "tu ne me manqueras pas de me censurer encore et tu seras plus injuste que moi", et surtout "car tout le tort en est à toi seule". Je ne vois pas où SP veut en venir ou à quoi il fait référence : Julie est injuste, elle censure, elle a tort mais en quoi ?
Je coince sur ce détail (peut-être). Pouvez-vous m'aider ?

Merci

Je pense (mais ça date un peu) que SP fait son expérience de Paris et de ses femmes un peu sous le patronage de Julie, qui lui sert de guide moral. Il anticipe ses reproches (puisqu'il a effectivement eu des relations avec ces femmes) et lui rappelle que c'est elle qui lui a recommandé de s'éloigner, et il me semble dans mon souvenir qu'elle lui a conseillé de visiter Paris, pour mieux apprécier ensuite la vertu de la campagne. Je pense qu'il lui rappelle aussi qu'elle se refuse à lui et qu'il est donc contraint d'aller voir coucher avec d'autres femmes.

Après lecture et relecture approfondie, j'ai compris ceci :
- Julie lui avait reproché son regard sévère sur les parisiens (lettre 18)
- Il anticipe ses reproches car il s'apprête à faire un portrait sans concession des parisiennes : si cela ne lui convient pas, Julie doit en assumer tout les "torts" p.320 puisqu'il l'a prévenue.

Je rapprocherais cela des Préfaces du roman dans lesquelles Rousseau avertit le lecteur qu'il n'aimera pas ce qu'il va lire ou que cela ne convient pas en particulier "aux filles" c'est pourquoi il a "mis à celui-ci un titre assez décidé pour qu'en l'ouvrant on sût à quoi s'en tenir". C'est selon moi le même type d'avertissement que fait SP fait à Julie : "qu'elle n'impute point sa perte à ce livre ; le mal était fait d'avance" p.50

Merci pour votre aide, cela m'a permis de prendre un peu de recul.

Tangleding a écrit:

Reine Margot a écrit:

Cabotine a écrit:Bonjour à tous,

Je suis en train de travailler  la lettre II, 21 dite "lettre sur les femmes de Paris" sur les conseils d'un professeur.
Au début de sa lettre, SP blâme Julie "Orgueilleuse, ta feinte jalousie, je vois plus de vanité" pour mieux la flatter puisque selon lui le portrait des parisiennes qu'il fera peu flatteur, ne pourra que lui rendre "hommage". Or, à la page suivante, il semble poursuivre sur ce ton  "tu ne me manqueras pas de me censurer encore et tu seras plus injuste que moi", et surtout "car tout le tort en est à toi seule". Je ne vois pas où SP veut en venir ou à quoi il fait référence : Julie est injuste, elle censure, elle a tort mais en quoi ?
Je coince sur ce détail (peut-être). Pouvez-vous m'aider ?

Merci

Je pense (mais ça date un peu) que SP fait son expérience de Paris et de ses femmes un peu sous le patronage de Julie, qui lui sert de guide moral. Il anticipe ses reproches (puisqu'il a effectivement eu des relations avec ces femmes) et lui rappelle que c'est elle qui lui a recommandé de s'éloigner, et il me semble dans mon souvenir qu'elle lui a conseillé de visiter Paris, pour mieux apprécier ensuite la vertu de la campagne. Je pense qu'il lui rappelle aussi qu'elle se refuse à lui et qu'il est donc contraint d'aller voir coucher avec d'autres femmes.

Rhoo, vous me copierez 10 lettres bien moralisantes de Julie pour la peine

Juste pour info :

https://sup.sorbonne-universite.fr/catalogue/litteratures-francaises-comparee-et-langue/lettres-francaises/la-philosophie-des-amants

"« La véritable philosophie des Amants est celle de Platon », écrit Jean-Jacques Rousseau dans une note de Julie ou La Nouvelle Héloïse. Au-delà de ce platonisme à vrai dire très singulier, l’hypothèse centrale de ce livre est que cette « philosophie des amants », qui porte Julie et Saint-Preux, puis toute la communauté de Clarens, à (se) créer un monde imaginaire et parallèle à ce monde-ci, est aussi le ressort poétique et philosophique le plus essentiel du roman, le plus important du XVIIIe siècle. Avec cette « philosophie des amants », il y va, en effet, de l’œuvre toute entière : depuis les images enchanteresses qui auraient saisi Rousseau et fait de lui un romancier malgré lui, jusqu’à la préparation méticuleuse des estampes destinées à orner la première édition, en passant par la fonction déterminante des « opiniâtres images » mentales qui, tout au long des lettres, obsèdent les amants, tout invite à faire de la puissance de l’imagination et de la chimère un principe essentiel de La Nouvelle Héloïse."

Oui Rousseau disait quand il la composait qu'il partait au "pays des chimères"

Reine Margot a écrit:
Une amie normalienne m'avait fait remarquer que même narrativement la "conversion" de Julie à l'église au moment de son mariage était un peu faible et artificielle, et coupait un peu le roman en deux: le côté "j'étais une jeune fille passionnée et amoureuse et hop! je me transforme d'un coup en mère de famille-parangon de vertu"...le roman est vraiment coupé de façon pas très habile à ce moment-là.

Cela porte un très beau nom, femme Narsès, cela s'appelle la grâce. Ici, Rousseau est plus catholique que calviniste, le mariage de Julie fonctionne comme un sacrement.
Pour le et « hop, je me transforme d'un coup » la Pauline de Corneille vit la même expérience :

Mon époux en mourant m’a laissé ses lumières ;
Son sang, dont tes bourreaux viennent de me couvrir,
M’a dessillé les yeux, et me les vient d’ouvrir.
Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée :
De ce bienheureux sang tu me vois baptisée ;
Je suis chrétienne enfin, n’est-ce point assez dit ?

D'un point de vue religieux sans doute, d'un point de vue narratif un peu moins

D'un point de vue narratif, c'est un retournement, une péripétie, qui relance l'intérêt

Moi je trouve qu'au contraire la NH devient bien plus ennuyeuse après
Mais le retournement est quand même assez brutal et même l'aspect religieux et moral ne suffit pas forcément à le faire passer.

Quelle tannée, la nouvelle Héloïse...

(Contribution très constructive, j'en conviens, mais j'en avais besoin.)

Qu'on me pardonne ce reste de masculinisme, mais Julie me casse les c.

Et j'ai envie de gifler Saint-Preux toutes les deux lettres.

C'est beau, certes, mais chiant.

Merci :lol: :lol: :lol:

J'aime bien quand Julie surprend Saint-Preux en plein "mansplaining" :