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NLM76
Grand Maître

Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ? - Page 4 Empty Re: Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ?

par NLM76 Mer 14 Juin 2023 - 8:17
Taillevent a écrit:
NLM76 a écrit:Le deuxième synonyme du CNRTL est lui aussi assez inexact. Savoir par cœur, en effet, ce n'est pas seulement savoir à la lettre.
Navré d'insister mais tant le Larousse que Le Robert donnent des définitions assez ambiguës, ne reprenant que la notion de mémoire, pas celle de compréhension. Poussé par tes commentaires, je me suis lancé dans une rapide revue de ce que me renvoyait Google à propos de l'expression "apprentissage par cœur". Il y a une certaine diversité mais il me semble que le sens qui domine est tout de même celui qui détache cette forme d'apprentissage de la compréhension, y compris dans des textes universitaires.
Je suis totalement d'accord que la notion que tu proposes est beaucoup plus intéressante mais je peine à comprendre sur quoi tu te bases pour décréter que ton usage de cet expression serait plus correct.
Ne sois pas navré : la discussion est intéressante !
Tout d'abord, il est sans doute bon d'articuler précisément ce qui relève du linguistique et ce qui relève du philosophique au sens large. D'un côté, il y a le sens qu'on peut constater dans l'usage, et de l'autre il y a celui vers lequel j'aimerais faire pencher mes interlocuteurs. Et dans ma mauvaise foi, je leur dis que cette direction a quelque chose de plus vrai qu'un usage trop courant. Autrement dit, quand j'affirme "les gens pensent que tel mot signifie telle chose, mais ils ont tort", j'ai forcément, au plan linguistique, en grande partie tort.
Cependant, dire qu'un mot, une expression a un sens est un raccourci, surtout si derrière "sens", on met un seul synonyme. Autrement dit, dans "par cœur", il y a : littéralement, mécaniquement, de mémoire, parfaitement, sans faute, aveuglément, intelligemment, stupidement, jusque dans le moindre détail, de façon claire, clairvoyante, intimement, entièrement...
Et l'on voit bien qu'il y a un côté obscur et côté lumineux de la force "mémoire", selon qu'on envisage le "par cœur" d'un côté ou de l'autre. Il y a, évidemment, un bon et un mauvais "par cœur". Et je vous dis que la nature même de l'expression devrait nous inviter à explorer son bon côté, parce que le cœur, dans notre langue, c'est à la fois l'organe central qui nous permet d'être vivant, c'est notre pulsation, notre centre, et aussi le siège des émotions, du désir, de la bonne volonté, le bien-vouloir, des passions, des sentiments amoureux, de l'altruisme, de la générosité; c'est l'âme, le caractère, la vie intérieure, la pensée intime. Dans "par cœur", il y a cœur, et quand on y pense, on peut se dire que ça pourrait être intéressant de considérer l'apprentissage par cœur comme quelque chose de vraiment utile.
J'en avais parlé naguère à propos de Gargantua, dans cet article. D'ailleurs on pourrait noter que Rabelais dit ici quelque chose de central pour la Renaissance, en ce qui concerne la théologie : ce qu'il faut connaître, ce qu'il faut apprendre par cœur, c'est le texte, plutôt que ses commentaires. On voit bien dans quelle mesure on peut transposer cela à l'étude de la littérature.
D'autre part, il faut bien reconnaître que je suis très très déformé par mon intérêt pour l'épopée : qu'elle soit grecque, française, fang, mandingue, sanskrite, kirghize, persane, serbo-croate, albanaise ou yakoute, elle prétend associer une immense mémoire, "par cœur", à la vraie connaissance du monde et des hommes, à la vraie pensée.
DesolationRow
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par DesolationRow Mer 14 Juin 2023 - 8:52
NLM76 a écrit:
DesolationRow a écrit:
NLM76 a écrit:
Nos deux mauvaises fois, pour commencer, se valent assez bien !

Je le reconnais volontiers Wink

D'ailleurs, tu pourrais corriger ton charabia... Wink
"Je prends mes analyses de l’Énéide sur à peu près celles de n’importe qui qui connaîtrait le texte par cœur"
Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ? - Page 4 558662839

Oui, ça n'était pas terrible cet anglicisme, je le reconnais également volontiers Very Happy
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Cochonou
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par Cochonou Mer 14 Juin 2023 - 9:04
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gregforever
gregforever
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par gregforever Mer 14 Juin 2023 - 9:15
La fin est pourtant claire et en majuscules! J'adore ce texte de Voltaire que je mets souvent en regard de "La Jeune veuve" de LA Fontaine. Quelle déception!
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Cochonou
Niveau 9

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par Cochonou Mer 14 Juin 2023 - 9:22
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Sei
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par Sei Mer 14 Juin 2023 - 9:36
Connaître à fond les oeuvres, davantage que la théorie, est aussi le conseil très fréquemment donné lors de la préparation à l'agrégation.

En Seconde, j'ai eu cette année de nombreux élèves produisant ce que je juge être de bons commentaires (mais j'ai peut-être tort !). Ils parlent vraiment du texte et de son sens. En contrepartie, il y a peu d'analyse stylistique.
Je leur ai dit : "Surtout, gardez cette qualité. L'année prochaine, puisque vous aurez quatre heures et non deux heures, il faudra simplement étayer votre propos avec plus d'exemples analysés."

Par ailleurs, je pense que tou-te-s les collègues ont à coeur de transmettre la littérature. En tout cas, autour de moi, mes collègues sont animé-e-s par l'amour de leur discipline, l'amour des textes.
Il n'empêche qu'en effet, ce que tu dis ne m'étonne pas du tout, Cochonou. Pourquoi ?
Je suis d'accord avec les IPR qui disent deux choses chez moi :
1) La paraphrase n'est pas un gros mot, même les enseignant-e-s passent par la paraphrase pour expliquer un texte. À titre personnel, je juge qu'un texte paraphrasé avec intelligence (pas répété mot à mot, sans finalement éclairer ce qu'on en a compris, mais expliqué de façon à montrer qu'on en a compris le sens général, la direction) mérite la moyenne au Bac.
2) Nul besoin d'analyser mille figures de style pour réaliser un bon commentaire ou que la forme soit impeccablement respectée. Il faut savoir "rendre compte de sa lecture".
Quitter le secondaire en sachant comprendre un texte, en sachant rendre compte de sa lecture de manière claire, cela suffit à mon sens.

Quel problème rencontrons-nous ? Eh bien, faire une bonne paraphrase, c'est difficile ! J'ai déjà mis d'excellentes notes à des commentaires sans presque aucune figure analysée, clairement, ce n'était pas les commentaires du tout venant, mais ceux d'élèves très littéraires. Alors nous tâchons de donner un appui pour les élèves fragiles et cela se transforme en exercice techniciste.

Autre interrogation personnelle.
Je donne des travaux à faire dans le carnet du-de la lecteur-trice. J'ai arrêté de donner une trame trop lâche, parce que force est de constater que cela ne sert qu'aux meilleur-e-s élèves (enfin, je continue sur les lectures cursives, et je pense qu'un certain nombre d'élèves se dépatouille avec Internet, donc ça ne sert à rien). Je donne donc quelque chose d'assez guidé, mais qui permet de parler des oeuvres en profondeur. Je trouve que c'est une réussite : les élèves pas très bon-ne-s s'en tirent avec la moyenne, cela les oblige à vraiment fréquenter l'oeuvre et à savoir en parler. Ils-elles se souviennent de ce qu'ils-elles ont lu l'année suivante (vérifié). Et j'ai beaucoup plus de très bonnes notes que dans le cadre d'exercices plus formels. Pourquoi ? ils-elles sont obligé-e-s de vraiment parler de l'oeuvre, d'aller chercher des exemples variés, de réfléchir de manière transversale, ne sont pas soumis au carcan de la forme des exercices scolaires, mais peuvent développer une réflexion malgré tout. Pour moi, ce travail est un préalable à la dissertation. Je crois donc en ce travail avec lequel j'ai l'impression d'enseigner la littérature et non la théorie pour reprendre les mots de Nlm.

Pour autant, je ne peux pas affirmer du tout que c'est la solution (et peut-être que j'arrêterai de le faire) parce que cela induit une lecture prescriptive de l'oeuvre. C'est moi qui les invite à réfléchir en suivant telle ou telle direction. Est-ce que ce n'est pas tuer dans l'oeuf le plaisir de la lecture qui manque cruellement à nos élèves ?

Bref, beaucoup de blabla parce que je n'ai pas de solution et que je cherche comme nous tou-te-s à mieux transmettre ! ^^

(Nlm, ça ne t'ennuie pas de corriger ma faute dans ta citation, s'il te plaît ?)

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par AsarteLilith Mer 14 Juin 2023 - 9:47
Ascagne a écrit:@Iridiane : C'est pour cela que je l'ai indiqué, mais il faut que je relise l'introduction et que je lise le reste pour voir. Ce que tu dis est sans doute vrai ; je suppose aussi que, comme souvent, sans polémique, il y a encore moins de possibilité de publication.

Dandelion a écrit:J’ai le sentiment qu’à un moment les humanités ont eu honte de leur statut de ‘non-sciences’ et on voulu aller vers la technicité pour justifier de leur existence.
Cela étant dit le savoir littéraire ne se réduit pas non plus à la technicité ou aux matières les plus techniques des études littéraires.

gluche a écrit:Là, je me demandais si, finalement, je ne devrais pas en 2de revenir aux registres pour leur apprendre la tonalité des textes. Bon, voilà, j'ai déposé en vrac des réflexions un peu confuses.
Je ne comprends toujours pas comment on peut procéder sans faire référence à ce qu'on peut appeler tonalités/registres (d'une façon ou d'une autre)... Mais j'en ai parlé dans un autre sujet.

Sylvain de Saint-Sylvain a écrit:D'où vient ce malaise ? On se lasse peut-être d'enseigner le commentaire à des élèves qui n'ont pas les prérequis pour cet exercice.
Et puis on a aussi un aspect comptable et un programme lourd (en première surtout si on pense au lycée) qui fait dériver l'affaire.
Pour faire une vraie explication ou un vrai commentaire, il faut déjà avoir un certain bagage culturel et littéraire, il faut déjà aussi avoir une certaine idée de la littérature. Cette année, j'ai organisé mon début d'année en seconde autour de l'idée de montrer ou remontrer ce qu'est le texte littéraire, ce qu'est une lecture proprement littéraire, puis une analyse... avant de buter évidemment sur le passage à des exercices scolaires qui posent des contraintes un peu complexes dans l'affaire.

Iphigénie a écrit:le problème c’est que nos élèves se sont déshabitués  du travail: c’est le problème majeur à résoudre: mais tant qu’on poussera à ce que les enseignants travaillent de plus en plus selon des exigences absurdes et chronophages mal pensées et mal graduées avec des élèves qui travaillent de moins en moins puisqu’ils n’y ont plus de «  récompense »  le fossé ne peut que s’agrandir…
En effet !
À quoi penses-tu derrière l'expression de récompense ?

NLM76 a écrit:Je pense donc à autre chose, au-delà de la liste hétéroclite que j'ai donnée plus haut:
Acquérir du style. Donc faire apprendre à écrire avec du style.
Donc, commencer, en tant que professeur, par travailler à acquérir du style.
Certes. Mais nous travaillons de plus en plus à contre-courant sur ce point et certains collègues dans d'autres disciplines haussent quelque peu les épaules face à ce combat...

Concernant le reste, il y a bien sûr du travail à faire à partir des progymnasmata et de ce qui s'est fait aussi dans l'enseignement classique, que l'on aime ou non Chiron. L'idée essentielle se trouve en effet dans la progressivité, mais comme des élèves arrivent en seconde sans avoir les fondamentaux, ils se retrouvent devant bien des difficultés lorsqu'on leur demande en temps limité des exercices complexes et marqués par la rigidité scolaire, à plus forte raison dans le cadre d'un programme bien chargé et quelque peu contradictoire. (J'ai apprécié le retour de l'histoire littéraire et du cadrage, par exemple, mais d'un autre côté, les contraintes en surnombre et l'idée, en première, de limiter les textes hors-œuvres intégrales à un parcours, pfff.)

Je rebondis sur l'idée de faire acquérir du style aux élèves. C'est en effet un très bon point, sur lequel je l'appuie en AP 5e : faire écrire en imitant des structures, voir qu'on peut utiliser une autre manière de dire (merci le TDL !). Si les élèves sont réceptifs, leurs rédactions s'améliorent entre le début et la fin de l'année.

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Chuis comme les plantes sans eau : sans grec ni latin, j'me dessèche.

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par NLM76 Mer 14 Juin 2023 - 9:49
Cochonou a écrit:Quant à la dissertation... comment dire ?... Le sujet pourrait être : "*@#ù%*@#ù%*@#ù%*@#ù%*@#ù%*@#ù% ?". Vous répondrez à cette question dans un développement organisé... nous aurions la même récitation des mêmes pages de cours apprises par coeur abi  
Voilà. C'est exactement ce que développait Rabelais. La question est de savoir ce qu'on apprend par cœur. Apprendre par cœur des pages de cours de littérature, c'est crétinissime. D'ailleurs, je suis toujours éberlué quand les élèves parlent de "réviser" pour l'épreuve de philosophie... Réviser quoi ?
En littérature, ce qu'il faut apprendre, et de préférence "par cœur", c'est la littérature, et non pas les cours sur la littérature.

Cela dit, d'autres choses importantes, que je n'avais pas listées, qui me tiennent à cœur, et que je ne pratique pas assez, et surtout pas assez bien.
  1. Copier à la main des textes.
  2. Autrement dit, pratiquer le stilus, comme dit Quintilien
  3. Ce qui veut dire aussi évidemment, non pas seulement copier, mais aussi imiter, comme disait @AsarteLilith ci-dessus.
  4. Et puis aussi, entraîner à la cōgitātiō.

Quintilien (X, 6) a écrit:
1Proxima stilō cōgitātiō est. Quæ et ipsa vīrēs ab hōc accipit, et est, inter scrībendī labōrem extemporālemque fortūnam, media quædam, et nesciō an ūsūs frequentissimī. Nam scrībere nōn ubīquē, nec semper possumus ; cōgitātiōnī temporis ac locī plūrimum est. Hæc paucīs admodum hōrīs magnās etiam causās complectitur ; hæc, quotiēns intermissus est somnus, ipsīs noctis tenebrīs adjuvātur ; hæc inter mediōs rērum āctūs aliquid invenit vacuī, nec ōtium patitur.

Tout près du stylet, la cogitation. Laquelle reçoit elle aussi ses forces de celui-ci ; et puis elle est, entre le labeur d'écrire et les hasards de l'improvisation, quelque part au milieu, et sans aucun doute d'un usage très fréquent. En effet, nous ne pouvons pas écrire partout, ni tout le temps ; pour la cogitation, il y a bien davantage de temps et d'espace. Elle peut même embrasser des questions très larges en un tout petit nombre d'heures ; elle peut même être soutenue, autant de fois que le sommeil est interrompu, par les ténèbres de la nuit ; même au milieu d'un procès en train de se dérouler, elle trouve des espaces vacants, et ne supporte pas l'oisiveté.
C'est trop bien, Quintilien.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
uneodyssée
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par uneodyssée Mer 14 Juin 2023 - 9:55
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Ascagne
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par Ascagne Mer 14 Juin 2023 - 11:24
ento a écrit:un collègue à 8 textes début février, un autre qui avait déjà sa vingtaine peu après le retour des vacances d'hiver...
Je me demande comment le second procède ! Dans l'absolu on peut certes procéder de plein de façons différentes...

uneodyssée a écrit:Les programmes et le temps imparti, comme le souligne Ascagne, poussent dans l’autre. Je voudrais résister autant que possible.
C'est pour cela que je trouve les recommandations de l'inspection et le programme contradictoires et que je parle à la fois d'une surcharge et d'un aspect terriblement contre-productif parfois - sans oublier une sorte de confusion autour de l'examen lui-même, si je pense à l'épreuve orale par exemple. L'inspection qui s'accroche mordicus au nombre de textes évaluable pour une partie d'épreuve qui représente 20% du total écrit+oral, l'inspection qui prévoit de venir remettre sur le chemin les brebis égarées parce qu'on a fait 10 textes au lieu de 12, 18/19 au lieu de 20, alors qu'en fait, c'est parce qu'on a pris du temps pour préparer le reste et notamment l'écrit avec plusieurs bacs blancs... ça me dépasse. Désolé pour le HS !

Cochonou a écrit:En fait, je crois que les élèves sont tellement obsédés par le relevé des figures ou des registres qu'ils ne font plus attention au sans global. Dans un sens, ils ont raison. Ecrire quatre pages de "on a un registre pathétique avec les mots - trois lignes de citations - qui montrent que Voltaire veut nous faire sentir la souffrance du personnage", etc... cela assure une note correcte à l'élève, alors qu'une copie qui pose clairement le sens du texte sans ce genre de "commentaires" n'aura sûrement pas la moyenne.
Je ne serais pas sévère envers la deuxième copie mais je n'irais pas très très loin dans la note avec la première.
Dans une grande majorité des cas les "commentaires" ou "explications linéaires" qui accumulent des relevés de façon plutôt myopes, chez moi, sont des embrouillements et des complications de texte plus qu'autre chose...

@Sei : Je vois peu de bonne paraphrase dans les copies. Peut-être faut-il s'entendre aussi sur le sens exact du mot.
Mes élèves de seconde (et ceux de nos autres classes aussi au lycée) étaient bougons en fin d'année parce que nous avons rendu tardivement les copies du devoir commun. Les notes étaient assez souvent inférieures à celles obtenues lors des travaux précédents car l'objectif était de montrer aux élèves qu'on attendait d'eux un véritable commentaire, avec un projet de lecture et une capacité à vraiment expliquer et interpréter le texte... Sans doute étions-nous (déjà !) plus durs que les critères qu'ils auront l'an prochain, certes, mais pour le bonne cause ! Je suis perplexe quand je considère le mélange d'exigence et de licence ou d'acceptation de presque tout dans les recommandations de l'inspection pour le bac, en ce qui concerne le commentaire par exemple. À Créteil, l'inspection a clairement indiqué qu'on ne pouvait pas exiger le respect des règles de la dispositio classique pour le devoir : cela m'a bien fait rire... Ce n'est pas en tout cas à dire en cours de formation à des élèves qui, précisément, manquent de cadre et ne savent pas organiser leurs idées ! Mais c'est un autre sujet, je m'égare...

@NLM76 : Pour compléter, il faut aussi faire ce travail d'imprégnation à l'oral. Je crois aux vertus de l'utilisation de l'enregistrement pour s'approprier les extraits littéraires (ça coule tellement de source que très peu d'élèves le font hélas  Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ? - Page 4 2790680366 ), mais aussi pour s'habituer, à travers la reprise de la langue de l'autre, à maîtriser les formulations, à accroître ses compétences, à mieux improviser des énoncés corrects, en ce qui concerne les exercices. Je pense que pour pas mal d'élèves qui subissent un déficit d'exemples positifs sur ce point en dehors de l'école, passer par cette nécessité de reproduire le discours de l'autre en le lisant à voix haute peut améliorer l'affaire.

Cependant, je ne pense pas qu'il y ait une méthode, évidemment. On peut trouver de très importantes différences de fonctionnement entre les individus. Je comprends à la fois @NLM76 et @DesolationRow par exemple. En revanche, en LCA, je passe du temps à bien oraliser les poésies grecque et latine, parce que c'est beau, parce que c'était jadis fait pour ça, et surtout, sans doute, parce que je rigole bien quand je lis les récriminations de tel ou tel satiriste sur la cacophonie, en tel ou tel lieu de Rome, des déclamations publiques parfois imposées à des passants récalcitrants - ce devait être quelque chose !
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par Iphigénie Mer 14 Juin 2023 - 11:31
@ Ascagne

C'est pour cela que je trouve les recommandations de l'inspection et le programme contradictoires et que je parle à la fois d'une surcharge et d'un aspect terriblement contre-productif parfois - sans oublier une sorte de confusion autour de l'examen lui-même, si je pense à l'épreuve orale par exemple. L'inspection qui s'accroche mordicus au nombre de textes évaluable pour une partie d'épreuve qui représente 20% du total écrit+oral, l'inspection qui prévoit de venir remettre sur le chemin les brebis égarées parce qu'on a fait 10 textes au lieu de 12, 18/19 au lieu de 20, alors qu'en fait, c'est parce qu'on a pris du temps pour préparer le reste et notamment l'écrit avec plusieurs bacs blancs... ça me dépasse. Désolé pour le HS !



Oui.. en fait c’est tout le système qui marche à la lettre en oubliant l’esprit…pareil pour le nombre de lignes des extraits d’ailleurs ….
Sei
Sei
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par Sei Mer 14 Juin 2023 - 12:28
Ascagne a écrit: @Sei : Je vois peu de bonne paraphrase dans les copies. Peut-être faut-il s'entendre aussi sur le sens exact du mot.

Eh bien j'entends par là : dire ce que dit le texte, mais avec d'autres mots. N'est-ce pas ce que nous avons nous-mêmes l'impression de faire, mais en le nommant "analyse", "explication", "commentaire" (parce que nous l'appuyons sur le comment dire) ?
Il faudrait des exemples pour distinguer de la "bonne" et de la "mauvaise" paraphrase. Il me semble que la distinction tient à la capacité de tenir un propos sur le texte, de rassembler ses idées pour former un ensemble cohérent plutôt que de juxtaposer des remarques éparses, ou résumant au fil du texte sans prendre de distance. Je pense à un devoir en particulier, donné en commentaire. L'élève a très bien compris le texte, montre ses enjeux émotionnels, sociaux, etc., et s'exprime avec clarté. Simplement, le devoir ne montre pas avec précision "comment" l'auteur s'y prend pour parvenir à faire percevoir tout cela de manière singulière. Je ne peux pas mettre 15 à un tel devoir, toutefois, j'estime qu'il mérite la moyenne, qu'il remplit le contrat du secondaire. Dans une conversation, si on doit parler de littérature, on s'y prendrait sensiblement de la même façon. Pour moi, un tel devoir est meilleur que le devoir qui relève telle comparaison, tel champ lexical, sans jamais parler du texte. Si on met la moyenne au 2e et pas au 1er, je trouverais cela injuste.

Dans le tronc commun, nous ne formons pas des spécialistes en lettres, mais des lecteur-trice-s autonomes sachant s'exprimer à l'écrit et à l'oral. Les nouveaux programmes sont critiquables, mais il me semble qu'ils ont cet horizon, qui me paraît à propos.

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par uneodyssée Mer 14 Juin 2023 - 12:36
Ascagne a écrit:

uneodyssée a écrit:Les programmes et le temps imparti, comme le souligne Ascagne, poussent dans l’autre. Je voudrais résister autant que possible.
C'est pour cela que je trouve les recommandations de l'inspection et le programme contradictoires et que je parle à la fois d'une surcharge et d'un aspect terriblement contre-productif parfois - sans oublier une sorte de confusion autour de l'examen lui-même, si je pense à l'épreuve orale par exemple. L'inspection qui s'accroche mordicus au nombre de textes évaluable pour une partie d'épreuve qui représente 20% du total écrit+oral, l'inspection qui prévoit de venir remettre sur le chemin les brebis égarées parce qu'on a fait 10 textes au lieu de 12, 18/19 au lieu de 20, alors qu'en fait, c'est parce qu'on a pris du temps pour préparer le reste et notamment l'écrit avec plusieurs bacs blancs... ça me dépasse. Désolé pour le HS !

Quitte à poursuivre le HS, je suis bien d’accord, on est en pleine injonction contradictoire avec ces programmes/ces épreuves. Et ce qui pèse sur nous pèse sur nos élèves, bien sûr. Et les injonctions contradictoires, mon avis médical éclairé dit : ça rend fou.

(message constructif)
sinan
sinan
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par sinan Mer 14 Juin 2023 - 12:44
@sei : quel genre de cadrage rigide donnes -tu pour les lectures cursives ?
NLM76
NLM76
Grand Maître

Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ? - Page 4 Empty Re: Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ?

par NLM76 Mer 14 Juin 2023 - 13:07
Sur la paraphrase : il me semble que je ne l'entends pas de la même façon que beaucoup. En effet, pour moi, expliquer un texte, c'est, comme me le disaient mes professeurs au lycée, en déployer les significations.
Pourquoi cela n'est-il pas paraphraser, alors que manifestement les deux notions sont proches ? D'une part, parce qu'il s'agit d'avoir un propos, de déployer ce qui mérite d'être déployé, de le pointer du doigt; d'autre part parce que ce déploiement va chercher une profondeur, ce qui pourrait n'être pas vu, pas senti. Ainsi, une des affaires importantes est de déployer les images : regardez l'image que vous propose le texte. Il y a ça, il y a ça, il y a ça. Il s'agit d'une description de ce qui se passe entre le texte et le lecteur ; il s'agit d'accompagner le lecteur pour l'aider à voir ce que le texte donne à voir.

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Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ? - Page 4 Empty Re: Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ?

par Hannibal Mer 14 Juin 2023 - 17:19
Je n'opposerais pas ainsi la littérature et la théorie / la méthode ou je ne sais quoi.
Parce que bien commenter un texte est un moyen aussi de le faire apprécier, voire aimer, en montrant qu'il nous pousse à la réflexion sur de réels enjeux. Qu'il engage non seulement une certaine vision de l'homme et du monde, comme on disait, mais aussi une sorte d'éthique de la représentation adaptée à ladite vision - bref une esthétique.

Or ce sont ces enjeux que les élèves ne perçoivent pas, ou très maladroitement, par eux-mêmes.
Leurs copies reflètent ce qu'ils comprennent des textes :
- soit un sens littéral et explicite très simplifié (qu'on peut paraphraser sans dommage dans tous les niveaux de langue);
- soit un ensemble assez décousu de champs lexicaux et de figures de style (qui permet au mieux de comprendre en gros de quoi ça a l'air de parler).

Quel que soit l'exercice, qu'il s'agisse de lire le texte à voix haute, de le réciter par cœur, de le réécrire comme ci ou comme ça, d'en proposer une critique ou un résumé, d'en rédiger une explication linéaire ou un commentaire composé, on n'obtiendra rien qui vaille tant que ces enjeux n'auront pas été compris et même appropriés.

Faire vraiment de la méthode, ce serait donc exercer à percevoir et à expliciter, à l'aide des notions pertinentes, les enjeux d'un texte. Je ne crois pas que cela s’opposerait au fait d'enseigner ou plutôt de transmettre la connaissance et le goût de la littérature.

Je signale au passage que les inspecteurs chaque année depuis des lustres poussent les correcteurs du BAC à renoncer à toute exigence - du moment que quelque part dans la copie (n'importe où) quelque chose, (n’importe quoi ) du texte est compris (y compris parfois  n'importe comment!).
Sauf que tout le monde peut se rendre compte que ce qui est perdu ici n'est pas regagné là, et que la "pure littérature" ne profite en rien de cette épreuve de bac conçue comme une désagrégation de lettres.

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par Sei Mer 14 Juin 2023 - 21:57
Sinan, je t'envoie un MP.

Je suis d'accord avec NLM qui parvient à formuler ce que j'entendais par bonne "paraphrase" (qui donc, si elle est bonne, n'en est plus, et qui, donc, est difficile).

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par NLM76 Ven 16 Juin 2023 - 20:17
Voilà. Et, il existe, d'autre part, une "bonne paraphrase", qui soit vraiment paraphrase : un résumé, par exemple. Et même, une paraphrase comme on fait les élèves, mais qui montre qu'ils ont compris le sens du texte, sans contresens. Souvent, c'est mieux que la plupart des copies, qui montrent que le texte est compris de travers.

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«Boas ne renonça jamais à la question-clé : quelle est, du point de vue de l'information, la différence entre les procédés grammaticaux observés ? Il n'entendait pas accepter une théorie non sémantique de la structure grammaticale et toute allusion défaitiste à la prétendue obscurité de la notion de sens lui paraissait elle-même obscure et dépourvue de sens.» [Roman Jakobson, Essais de linguistique générale, "La notion de signification grammaticale selon Boas" (1959)]
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par NLM76 Sam 17 Juin 2023 - 10:39
Bon. Revenons quand même à cette histoire d'apprendre par cœur. Le problème, ce n'est pas, comme le dit très précisément Rabelais, apprendre par cœur ou ne pas apprendre par cœur, c'est quoi apprendre par cœur. Tiens, spoiler grammatical : je viens d'utiliser deux formes d'interrogatives indirectes fort intéressantes, tant dans leur forme que dans leur fonction. En fait, ce qui se passe, c'est que les élèves, si vous ne leur faites pas apprendre par cœur Apollinaire, Prévost ou Molière, ils vont apprendre du @NLM76 ou de l'@Iphigénie ou du @sinan, ou du @une_odyssée...
Autre idée : le thème, la version ; la copie, la dictée de textes littéraires.

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par Ascagne Sam 17 Juin 2023 - 11:09
Ou ils ne vont rien apprendre du tout ou presque rien. Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ? - Page 4 2790680366
Concernant les exercices que tu indiques, @NLM76, je suis d'accord. Le hic, c'est qu'il est clair pour moi qu'un certain nombre d'élèves, à l'arrivée en seconde, présente un déficit du côté de ces formes d'appropriation et d'exercices classiques. Concernant la dictée, comment faire lorsque les élèves sont incroyablement lents à écrire alors qu'ils sont en seconde, en première ?
Tu évoques la version et le thème, ce qui implique le passage par l'autre langue, mais je trouve qu'on s'achoppe aux réalités du système actuel et au niveau des élèves sur ce point, qu'on pense aux langues vivantes ou aux langues classiques.
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par NLM76 Sam 17 Juin 2023 - 13:11
Ascagne a écrit:Ou ils ne vont rien apprendre du tout ou presque rien. Et s'il était possible d'enseigner la littérature plutôt que la théorie littéraire ? - Page 4 2790680366
Concernant les exercices que tu indiques, @NLM76, je suis d'accord. Le hic, c'est qu'il est clair pour moi qu'un certain nombre d'élèves, à l'arrivée en seconde, présente un déficit du côté de ces formes d'appropriation et d'exercices classiques. Concernant la dictée, comment faire lorsque les élèves sont incroyablement lents à écrire alors qu'ils sont en seconde, en première ?
Tu évoques la version et le thème, ce qui implique le passage par l'autre langue, mais je trouve qu'on s'achoppe aux réalités du système actuel et au niveau des élèves sur ce point, qu'on pense aux langues vivantes ou aux langues classiques.
Tu as tout à fait raison. Il s'agit ici de signifier à un certain nombre de courtevues, que ces exercices ne sont pas d'imbéciles exercices mécanistes, mais de véritables voies d'entrée dans la littérature.

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par NLM76 Lun 19 Juin 2023 - 6:46
Hannibal a écrit:Faire vraiment de la méthode, ce serait donc exercer à percevoir et à expliciter, à l'aide des notions pertinentes, les enjeux d'un texte. Je ne crois pas que cela s’opposerait au fait d'enseigner ou plutôt de transmettre la connaissance et le goût de la littérature.
Je suis assez d'accord avec tout ce que tu dis dans l'ensemble du message, et en particulier avec ce que je cite ci-dessus. Je suis cependant plus circonspect à l'égard des "notions pertinentes" que tu évoques ici. En tout cas, il faut définir ce que sont ces notions pertinentes.
Premier ensemble, énorme, de notions pertinentes : la connaissance de la langue française, à commencer par son vocabulaire... mais aussi sa morphosyntaxe, de façon à être en mesure de comprendre le sens des textes proposés. Deuxième ensemble de notions pertinentes : celles qui rendent aptes à articuler la littérature et le monde : savoir que le monde n'est pas la littérature, et que pourtant la littérature parle du monde et des hommes qui l'habitent. Pour cela, il faut que la littérature soit vivante pour l'élève ; autrement dit, qu'il ait une longue expérience d'entendre et de lire des histoires, qu'il ait fait l'expérience du théâtre, qu'il ait entendu et appris de nombreux poèmes.

Pour le reste, afin d'avoir les moyens d'expliciter les enjeux d'un texte, je pense que l'essentiel est d'avoir pris l'habitude de parler des textes; comme le suggère Boimard, de s'être entraîné à se demander ce qu'on pense d'un texte. Et cela n'a pas grand-chose à voir avec l'apprentissage des genres, des registres, des figures de style,

J'ai à ce sujet un exemple - qui montre que je suis un bien piètre professeur ! L'année dernière, comme je faisais étudier, en humanités, un extrait de L'Iliade, j'essaie de leur montrer combien la comparaison "homérique" entre Hector et un aigle qui fond sur sa proie est saisissante, parce qu'en réalité, pour évoquer la vitesse, il arrête le récit au point de s'arrêter, avec tendresse sur ses victimes (un "tendre agneau", une "hase tremblante"), j'ai bien dû constater, à travers un petit exercice écrit, avec dépit, que seule une élève avait compris ce que je racontais. Les autres en restaient à "on voit bien qu'il va vite, parce qu'un aigle ça va vite. C'était trop compliqué pour eux. Soit la simple comparaison entre Hector et un aigle était suffisamment saisissante, parce qu'ils n'avaient pas l'expérience d'un tel acte de parole, commun pour les humains qui lisent, mais aussi commun pour les humains qui parlent, mais beaucoup plus rare pour ceux qui sont collés aux écrans ou à l'immonde violence quotidienne ; soit ils refusaient de rentrer dans l'événement épique, dans l'autre monde qui naît de la parole, parce qu'ils ne veulent pas qu'on leur "raconte des histoires". Ce qui revient au même.

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par NLM76 Dim 25 Juin 2023 - 6:00
En train de préparer mon cours sur Rimbaud, comme je le dis dans l'autre fil, et en particulier sur "Le buffet", je ne vois pas comment faire sans commencer par réapprendre par coeur le poème. Quelque chose en moi me dit : s'il ne vaut paso la peine d'être appris par coeur, il ne vaut pas la peine d'être commenté. Et ce d'autant plus que son intérêt est à la fois trop évident et trop caché : trop évident dans la mesure où il réside dans l'opposition entre les trois première strophes, qui décrivent le contenu concret du buffet, et le dernier tercet, qui en fait un coffre magique d'où semblent s'échapper des paroles magiques : des contes et des histoires. Trop caché dans la mesure où la description concrète pourrait passer pour ennuyeuse et terne à côté de ce qu'elle recèle, c'est-à-dire la dernière strophe.
Autrement dit, j'ai besoin de me faire buffet moi-même, et m'incorporer ces "vieilles vieilleries", très précisément, avant de pouvoir en parler.
D'ailleurs, quand j'en étudie le plan afin de préparer mon apprentissage, c'est là que j'aperçois le problème posé par le premier tercet : à travers son conditionnel ("c'est là qu'on trouverait"), il commence à sortir de la description concrète, et tourne à la rêverie, ou, en tout cas à une autre forme de rêverie. Un peu comme "Le dormeur du val", ce poème ne vaut en fait que si on le relit : s'il n'était que sa chute, à quoi bon toute cette poésie ?

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