Voir le sujet précédentAller en basVoir le sujet suivant
Volte
Niveau 5

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Volte Dim 1 Oct 2023 - 17:04
Encore une fois, je ne légitimise et ne légitimiserai jamais la violence avec les gamins, et les femmes.
En revanche, je ne mets pas sur le même plan le fait de tirer les oreilles et mettre une rouste.
Maintenant, si tu me dis que ça te gène, parce que c'est une pente glissante et qu'il faut faire attention aux éventuelles dérives, je peux l'entendre sans difficulté.
Soirée
Soirée
Niveau 10

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Soirée Dim 1 Oct 2023 - 17:05
Jenny a écrit:Même la distinction entre l’attitude adoptée entre les enseignantes et les enseignants est révélatrice et très classique.
Tout à fait, et c'est pour cela que j'ai posé la question : "ou un des parents ?" (Souvent le père).
epekeina.tes.ousias
epekeina.tes.ousias
Modérateur

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par epekeina.tes.ousias Dim 1 Oct 2023 - 17:06
Jenny a écrit:Même la distinction entre l’attitude adoptée entre les enseignantes et les enseignants est révélatrice et très classique.

Effectivement. C'est la recherche infantile de la maman-qui-caline-même-si/quand-elle-punit — contre le fait de fuir le papa-méchant-qui-cogne-et-punit, mais en attendant de pouvoir devenir papa à la place du papa.

_________________
Si tu vales valeo. Wink
Soirée
Soirée
Niveau 10

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Soirée Dim 1 Oct 2023 - 17:08
Ah ben c'est sûr que c'est une pente plus que glissante, pour moi c'est plutôt un toboggan !

Accepterais-tu que ton chef d'établissement ou ton inspecteur/inspectrice te tire les oreilles quand tu commets une faute ? Fort comment ?

Ça n'a pas de sens, conviens-en ?
Soirée
Soirée
Niveau 10

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Soirée Dim 1 Oct 2023 - 17:11
(j'ai oublié d'ajouter que ça produit des individus rétifs à l'autorité, ou du moins à la coercition, ce qui, dans une société largement structurée par la coercition, n'est pas un facteur d'adaptabilité extrême, mais bon, à la limite, est-ce vraiment un effet négatif, ah ah...)
Taillevent
Taillevent
Habitué du forum

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Taillevent Dim 1 Oct 2023 - 17:13
Volte a écrit:Maintenant, si tu me dis que ça te gène, parce que c'est une pente glissante et qu'il faut faire attention aux éventuelles dérives, je peux l'entendre sans difficulté.
Ça n'est pas juste une question de pente glissante, c'est plus profond que ça.
Il y a une différence absolue et objective entre "pas de violence physique" et "avec violence physique". Par contre, entre "petite violence physique" et "grande violence physique" il y a un spectre où le point limite est parfaitement subjectif et arbitraire.
Volte
Volte
Niveau 5

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Volte Dim 1 Oct 2023 - 17:14
Soirée a écrit:Ah ben c'est sûr que c'est une pente plus que glissante, pour moi c'est plutôt un toboggan !

Accepterais-tu que ton chef d'établissement ou ton inspecteur/inspectrice te tire les oreilles quand tu commets une faute ? Fort comment ?

Ça n'a pas de sens, conviens-en ?
Certes.

henriette
henriette
Médiateur

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par henriette Dim 1 Oct 2023 - 17:15
Même s'il s'est confié sur son enfance, on n'est pas là non plus pour psychanalyser le pauvre @Volte, il me semble. Wink
On en revient donc à des cas généraux, ce ne sera pas plus mal.

_________________
"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
Soirée
Soirée
Niveau 10

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Soirée Dim 1 Oct 2023 - 17:20
Voilà. La pente commence quand on pose les fesses sur la partie pentue du toboggan. A partir de ce moment on a clairement franchi une limite. Même si en réalité il y a un continuum entre les violences verbales, psychiques et physiques, au sens où l'enfant est nié comme sujet, devient une matière à façonner de force contraignante. Sans chercher son consentement éducatif, ou si tu préfères, l'exercice de son libre arbitre face à des choix devant être ceux d'un enfant, dans un contexte de sécurité matérielle, physique, affective et psychique.
epekeina.tes.ousias
epekeina.tes.ousias
Modérateur

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par epekeina.tes.ousias Dim 1 Oct 2023 - 17:25
Volte a écrit:Encore une fois, je ne légitimise et ne légitimiserai jamais la violence avec les gamins, et les femmes.
En revanche, je ne mets pas sur le même plan le fait de tirer les oreilles et mettre une rouste.
Maintenant, si tu me dis que ça te gène, parce que c'est une pente glissante et qu'il faut faire attention aux éventuelles dérives, je peux l'entendre sans difficulté.

La question n'est pas de savoir si ça “gène” ou pas. D'ailleurs, ça ne gène absolument pas ceux qui apprécient de pouvoir agresser physiquement des enfants (pour les ado, c'est moins certain, car vu la taille, il faut pouvoir passer à des méthodes beaucoup plus fortes).

Et il ne s'agit pas non plus d'une “pente glissante” ou de “dérives” : il s'agit de délits aux termes du code pénal et, dans les cas les moins graves, d'infractions (cf. art. R. 624-1) mais susceptibles d'être aggravée lorsque la commission est le fait d'une personne ayant autorité (cas d'un enseignant). Contrairement à ce que tu sembles imaginer, ce n'est pas une question “morale” ou de libre appréciation.

Du point de vue du Code de l'éducation, c'est en revanche une faute professionnelle grave, qui relève d'une commission disciplinaire : c'est strictement interdit à tout le monde, a fortiori aux enseignants eux-mêmes, qui agissent en ayant autorité (cf. art. R421-5 par ex.). Dans les cas que j'ai pu rencontrer, je n'ai jamais vu de sanction inférieure à une mise à pied de 3 mois sans salaire avec déplacement d'office (cas d'une institutrice, il y a environ 20 ans qui avait l'habitude de poser un bâillon-scotch sur la bouche de ses élèves de maternelle quand ils “parlaient trop” — et jusqu'à l'exclusion définitive de l'éducation nationale avec constitution de partie civile au pénal pour un cas grave — gifles, coups de pieds et tirage de cheveux et insultes répétées — avec récidive, y compris durant la suspension à titre conservatoire).

C'est donc définitivement illégitime puisque illégal.

J'ajoute que c'est évidemment la même chose vis-à-vis des femmes : leur tirer les oreilles ou leur mettre une calotte “pour les remettre à leur place” est également interdit et sanctionné. Curieusement, ceux qui se permettent de commettre ce genre d'exactions en font souvent autant avec les plus petits…

Tu parais n'en avoir aucune conscience et être habitué à te fier à tes impressions et à tes sentiments, mais tu te trompes : ce n'est pas une question morale, ou d'appréciation personnelle, ou je ne sais quoi de discutable.

Soirée a écrit:Voilà. La pente commence quand on pose les fesses sur la partie pentue du toboggan. A partir de ce moment on a clairement franchi une limite. Même si en réalité il y a un continuum entre les violences verbales, psychiques et physiques, au sens où l'enfant est nié comme sujet, devient une matière à façonner de force contraignante. Sans chercher son consentement éducatif, ou si tu préfères, l'exercice de son libre arbitre face à des choix devant être ceux d'un enfant, dans un contexte de sécurité matérielle, physique, affective et psychique.

Sur ce point, je serais même plus radical que toi : dès qu'on porte la main sur un gosse, par ex. en lui tirant les oreilles, on a déjà entamé largement la descente sur le toboggan.

_________________
Si tu vales valeo. Wink
Soirée
Soirée
Niveau 10

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Soirée Dim 1 Oct 2023 - 17:31
Cependant la matière pénale n'épuise pas la question si l'on souhaite prendre en compte le champ des violences éducatives ordinaires.

Et s'agissant des femmes le continuum entre les atteintes sexistes et les agressions sexistes et sexuelles est aussi éclairant.

Nul n'est censé ignorer la loi cependant, selon la formule consacrée. La loi est d'ailleurs vouée à évoluer (espérons dans un sens progressiste, on peut toujours rêver), il n'est pas interdit d'anticiper sur ces améliorations à travers le champ politique, des discours et des actes.
Soirée
Soirée
Niveau 10

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Soirée Dim 1 Oct 2023 - 17:33
Le truc c'est que des que tu t'engages sur la pente du toboggan, tu es déjà allé trop loin et tu n'as plus la maîtrise de l'arrêt.


Spoiler : le toboggan va jusqu'à la mort de l'enfant. Parfois on est arrêté avant, d'autres fois c'est juste un coup de chance. D'autres fois l'enfant a pu développer assez de force physique pour mettre un terme à la descente dont il fait les frais. Mais ca devient aussi un autre problème à régler pour lui.
Soirée
Soirée
Niveau 10

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Soirée Dim 1 Oct 2023 - 17:38
Ceci dit on a beaucoup dévié du sujet.
Volte
Volte
Niveau 5

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Volte Dim 1 Oct 2023 - 17:40
Mais ça ne vous est jamais arrivé d'être à la limite ?
Ca m'est arrivé une fois avec un gamin qui m'a sorti une lame, mon premier réflexe atavique était de lui mettre une grande baffe, je ne l'ai pas fait, mais c'est un pur hasard.
Donc je peux comprendre que certains, dans certaines circonstances puissent être moins parfaits qu'attendu...
Vieux_Mongol
Vieux_Mongol
Fidèle du forum

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Vieux_Mongol Dim 1 Oct 2023 - 17:42
Dans ma folle jeunesse en ZEP il m'est arrivé de porter deux fois la main sur un élève. Ce n'était clairement pas des gentils, un harceleur et un racketteur. Dans les deux cas je me suis senti coincé, il fallait protéger quelqu'un d'autre et je ne voyais pas d'autre solution immédiate. Ils ont eu la pétoche et la chose a fonctionné dans son objectif immédiat. Mais c'était aussi clairement un aveu d'échec, individuel et collectif, à traiter préventivement les problèmes et en aucun cas un acte éducatif. Les garçons étaient violents avant, sont restés violents après, n'ont rien appris. Pas de quoi pavoiser.
henriette
henriette
Médiateur

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par henriette Dim 1 Oct 2023 - 17:43
En effet, Soirée, ceci n'a plus de rapport avec le sujet du fil. Merci d'arrêter là la digression, ou d'ouvrir un fil dédié pour la poursuivre.

_________________
"Il n'y a que ceux qui veulent tromper les peuples et gouverner à leur profit qui peuvent vouloir retenir les hommes dans l'ignorance."
epekeina.tes.ousias
epekeina.tes.ousias
Modérateur

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par epekeina.tes.ousias Dim 1 Oct 2023 - 17:51
Vieux_Mongol a écrit:Dans ma folle jeunesse en ZEP il m'est arrivé de porter deux fois la main sur un élève. Ce n'était clairement pas des gentils, un harceleur et un racketteur. Dans les deux cas je me suis senti coincé, il fallait protéger quelqu'un d'autre et je ne voyais pas d'autre solution immédiate. Ils ont eu la pétoche et la chose a fonctionné dans son objectif immédiat. Mais c'était aussi clairement un aveu d'échec, individuel et collectif, à traiter préventivement les problèmes et en aucun cas un acte éducatif. Les garçons étaient violents avant, sont restés violents après, n'ont rien appris. Pas de quoi pavoiser.

Tu as raison, mais je pense que tu parles de quelque chose d'autre que des mauvais traitements. Il y a bien de la différence entre se laisser surprendre, se trouver dans une situation impossible ou se laisser aller à — et trouver que ce n'est rien, voire que c'est une pratique innocente. Comme tu le dis fort justement : pas de quoi pavoiser, en plus d'être totalement inefficace (voire pire).
Ça arrive à tout le monde d'avoir affaire un gosse ou un ado qui pousse “jusqu'au bout”, et d'avoir envie de le moudre : c'est humain comme on dit. Et de même, on peut aussi avoir un tempérament sanguin ou céder à la colère, ou à la peur (laquelle, à mon avis, est très souvent présente dans ce genre de situation), etc. C'est une toute autre affaire que d'en faire un système ou de trouver que c'est tout à fait tolérable. Et c'en serait encore une autre de se l'autoriser — même dans le cas où l'on a affaire à un harceleur, à un délinquant, un agresseur, etc.

_________________
Si tu vales valeo. Wink
Vieux_Mongol
Vieux_Mongol
Fidèle du forum

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Vieux_Mongol Dim 1 Oct 2023 - 17:53
epekeina.tes.ousias a écrit:
Vieux_Mongol a écrit:Dans ma folle jeunesse en ZEP il m'est arrivé de porter deux fois la main sur un élève. Ce n'était clairement pas des gentils, un harceleur et un racketteur. Dans les deux cas je me suis senti coincé, il fallait protéger quelqu'un d'autre et je ne voyais pas d'autre solution immédiate. Ils ont eu la pétoche et la chose a fonctionné dans son objectif immédiat. Mais c'était aussi clairement un aveu d'échec, individuel et collectif, à traiter préventivement les problèmes et en aucun cas un acte éducatif. Les garçons étaient violents avant, sont restés violents après, n'ont rien appris. Pas de quoi pavoiser.

Tu as raison, mais je pense que tu parles de quelque chose d'autre que des mauvais traitements. Il y a bien de la différence entre se laisser surprendre, se trouver dans une situation impossible ou se laisser aller à — et trouver que ce n'est rien, voire que c'est une pratique innocente. Comme tu le dis fort justement : pas de quoi pavoiser, en plus d'être totalement inefficace (voire pire).
Ça arrive à tout le monde d'avoir affaire un gosse ou un ado qui pousse “jusqu'au bout”, et d'avoir envie de le moudre : c'est humain comme on dit. Et de même, on peut aussi avoir un tempérament sanguin ou céder à la colère, ou à la peur (laquelle, à mon avis, est très souvent présente dans ce genre de situation), etc. C'est une toute autre affaire que d'en faire un système ou de trouver que c'est tout à fait tolérable. Et c'en serait encore une autre de se l'autoriser — même dans le cas où l'on a affaire à un harceleur, à un délinquant, un agresseur, etc.

Certes.
Manu7
Manu7
Expert spécialisé

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Manu7 Dim 1 Oct 2023 - 17:56
Je ne suis pas d'accord quand on dit que l'exemple de l'élève corrigé dans sa jeunesse qui tourne bien est un cas isolé. Jusqu'au début des années 80, les parents et les professeurs pouvaient facilement coller des baffes aux enfants. Dans la grande majorité nous ne sommes pas tous devenus des parents ou des profs violents. Mais cette maltraintance nous semblait normale à l'époque.

Quand j'en parle sur Néo certains sont surpris, pourtant dans ces années-là, cela semblait normal.

Mais, il faut aussi reconnaître que cela laisse des traces en nous, et je suis d'accord quand on dit que c'est néfaste. Tous les profs de ma génération, même s'ils sont les plus doux et les plus corrects du monde diront facilement que tel élève mériterait des baffes et ce n'est pas purement rhétorique, face à certains comportement d'élèves, nous ressentons des pulsions et nos mains nous démangent fortement. Nous avons même peur qu'un jour le coup parte malgré nous. C'est la preuve que cette éducation est néfaste.

J'espère que dans quelques années tout comme il est inacceptable et rarissime de voir un prof frapper un élève ou même lui tirer l'oreille, il sera rarissime de voir un élève harcelé un autre élève. En clair ce qui est normal à une époque peut disparaître à une autre assez rapidement alors que certains disent qu'on n'y peut rien c'est ainsi depuis toujours.

Au passage, je n'ai pas l'impression que le harcélement scolaire existait sous sa forme actuelle, il y a 40 ans. Je pense que maintenant, c'est bien plus méchant et pervers au niveau psychologique qu'avant. Et c'est incroyable comment un élève peut perdre tous ses copains en peu de temps... J'ai l'impression qu'à mon époque les amitiés étaient bien plus solides et longues et on défendait les copains et on était fier de prendre un coup pour défendre un copain.
Volte
Volte
Niveau 5

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Volte Dim 1 Oct 2023 - 18:00
Manu7 a écrit:on était fier de DONNER un coup pour défendre un copain.
J'ai corrigé. Harcèlement - Page 5 1482308650
Soirée
Soirée
Niveau 10

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Soirée Dim 1 Oct 2023 - 18:08
Pour le harcèlement scolaire au temps jadis, la lecture de la nouvelle de Maupassant "Le papa de Simon" est assez instructive même si c'est une fiction. Elle est parue en 1879... Et les conséquences extrêmes du harcèlement sont envisagées de façon très matérielle. On y trouve aussi le mécanisme de stigmatisation du harcelé et l'interaction avec le stigmate socialement construit par les adultes, la société au sens large (coucou l'Église catholique et le patriarcat...). Il manque seulement la multiplicité des rôles au sein du groupe harceleur (c'est esquissé sommairement). Ça tient à la forme brève et à ses caractéristiques propres bien sûr.
epekeina.tes.ousias
epekeina.tes.ousias
Modérateur

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par epekeina.tes.ousias Dim 1 Oct 2023 - 18:43
Manu7 a écrit:Je ne suis pas d'accord quand on dit que l'exemple de l'élève corrigé dans sa jeunesse qui tourne bien est un cas isolé. Jusqu'au début des années 80, les parents et les professeurs pouvaient facilement coller des baffes aux enfants. Dans la grande majorité nous ne sommes pas tous devenus des parents ou des profs violents. Mais cette maltraintance nous semblait normale à l'époque.

Quand j'en parle sur Néo certains sont surpris, pourtant dans ces années-là, cela semblait normal.

Mais, il faut aussi reconnaître que cela laisse des traces en nous, et je suis d'accord quand on dit que c'est néfaste. Tous les profs de ma génération, même s'ils sont les plus doux et les plus corrects du monde diront facilement que tel élève mériterait des baffes et ce n'est pas purement rhétorique, face à certains comportement d'élèves, nous ressentons des pulsions et nos mains nous démangent fortement. Nous avons même peur qu'un jour le coup parte malgré nous. C'est la preuve que cette éducation est néfaste.

J'espère que dans quelques années tout comme il est inacceptable et rarissime de voir un prof frapper un élève ou même lui tirer l'oreille, il sera rarissime de voir un élève harcelé un autre élève. En clair ce qui est normal à une époque peut disparaître à une autre assez rapidement alors que certains disent qu'on n'y peut rien c'est ainsi depuis toujours.

Au passage, je n'ai pas l'impression que le harcélement scolaire existait sous sa forme actuelle, il y a 40 ans. Je pense que maintenant, c'est bien plus méchant et pervers au niveau psychologique qu'avant. Et c'est incroyable comment un élève peut perdre tous ses copains en peu de temps... J'ai l'impression qu'à mon époque les amitiés étaient bien plus solides et longues et on défendait les copains et on était fier de prendre un coup pour défendre un copain.

Je reconnais en gros le temps dont tu parles : c'est celui de mon enfance aussi entre les années 60 et les années 70 — où l'on s'en prenait une assez souvent.
Tu dis, à raison, que nous ne sommes pas tous devenus des brutes ou des délinquants et là aussi tu as, je pense, raison. Et je souscris aussi à ce que tu dis sur l'effet général de ce type d'éducation, ce qu'elle provoque d'impulsions agressives et de mains qui démangent (en plus de comportements névrotiques, et plus le cas échéant).

En revanche, je ne suis pas certain de ce que tu dis à propos des phénomènes de groupe et des violences de type harcèlement. Il se pourrait tout aussi bien qu'il y ait une autre explication. Non pas qu'il y aurait eu moins de violence entre les enfants ou les ados (dans mes souvenirs, ce n'était pas spécialement un monde de tendresse, et prendre la défense d'un copain, c'était aussi bien entrer dans une logique clanique d'affrontement entre bandes rivales), mais plus simplement que l'encadrement renforcé laissait peu de place à quelque initiative (y compris violente) que ce soit — du moins durant le temps scolaire.

En dehors, en revanche, ce n'était pas la même chanson (relire La guerre des boutons, en particulier le chapitre sur la punition de Bacaillé permet aussi de se faire une idée). Simplement, à part la radio (et la télé chez ceux qui en avaient les moyens), quand j'étais gosse, les loisirs en dehors de la présence des adultes ça n'incluait rien qui, de près ou de loin, ressemblerait aux “réseaux sociaux” (il n'y avait pas le téléphone là où je vivais, à part à la mairie ou dans l'école, et pas non plus de cabines téléphoniques). Ça n'empêchait en rien de faire des sottises (ou pire), mais ça limitait par le fait le potentiel d'action. En revanche, si on avait disposé d'armes ou de moyens plus grands…

De nos jours, beaucoup confondent les enfants avec des adultes, en exigeant d'eux un comportement immédiatement responsable, quitte à les réprimer brutalement quand ce n'est pas le cas : ce qui a aussi pour corollaire de moins s'en occuper, voire de décréter qu'ils peuvent se débrouiller de manière indépendante, comme s'ils étaient déjà autonomes. D'autre part, les adultes qui les entourent leur offrent un grand nombre d'outils qui leur permettent d'étendre considérablement le champ des nuisances qu'ils sont susceptibles commettre. C'est le cas de l'invasion des téléphones portables dotés d'accès à l'internet et aux réseaux sociaux que l'on constate (y compris, et de plus en plus jeune, en primaire).

La conjonction des deux phénomènes me paraît permettre de risquer cette hypothèse : les plus jeunes commettent des exactions d'autant plus graves qu'on leur donne des moyens de pouvoir plus grands en les laissant de plus en plus se débrouiller par eux-mêmes… En gros, ce n'était pas “mieux avant”, mais les moyens manquaient pour faire pire. Ce n'est pas “pire aujourd'hui” (cf. cette illusion qui imagine que les enfants seraient “redevenus sauvages”, alors que ce sont les mêmes), mais les moyens plus “performants” dont les adultes leur font cadeau ont des conséquences bien plus nocives et bien plus graves. Imaginons qu'on leur donne accès à des armes de guerre : qu'en feraient-ils ? Un exemple me vient à l'idée…

_________________
Si tu vales valeo. Wink
Ramoneur
Ramoneur
Niveau 7

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Ramoneur Dim 1 Oct 2023 - 22:01
epekeina.tes.ousias a écrit:De nos jours, beaucoup confondent les enfants avec des adultes, en exigeant d'eux un comportement immédiatement responsable, quitte à les réprimer brutalement quand ce n'est pas le cas : ce qui a aussi pour corollaire de moins s'en occuper, voire de décréter qu'ils peuvent se débrouiller de manière indépendante, comme s'ils étaient déjà autonomes. D'autre part, les adultes qui les entourent leur offrent un grand nombre d'outils qui leur permettent d'étendre considérablement le champ des nuisances qu'ils sont susceptibles commettre. C'est le cas de l'invasion des téléphones portables dotés d'accès à l'internet et aux réseaux sociaux que l'on constate (y compris, et de plus en plus jeune, en primaire).

C’est tout à fait ça.
En plus, les adultes leur montrent l’exemple.
epekeina.tes.ousias
epekeina.tes.ousias
Modérateur

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par epekeina.tes.ousias Dim 1 Oct 2023 - 22:06
Oui, aussi. Je suis assez sidéré quand je vois ce que font… les adultes. Ça n'excuse pas du tout les comportements de harceleurs — mais il me semble qu'il y a aussi des responsabilités dans le milieu et dans la société elle-même.

_________________
Si tu vales valeo. Wink
avatar
meevadeborah
Niveau 7

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par meevadeborah Dim 1 Oct 2023 - 23:18
Dans son livre C'est pour ton bien, Alice Miller décrit la « pédagogie noire » et ses conséquences.
Elle cite beaucoup d’extraits de livres sur l’éducation des enfants de la deuxième moitié du 19ème siècle.
Ces livres préconisaient de se faire respecter de l’enfant, de lutter très tôt, dès les premiers mois de sa vie, contre sa nature capricieuse, indolente, quitte à user de châtiments corporels.

Je ne résiste pas à l’envie de vous livrer l’extrait suivant, que je ne saurais vous situer précisément dans le temps, entre 1850 et 1950.
Il s’agit d’un père, troublé d’avoir battu son enfant, qui va chercher réconfort auprès du pasteur. Celui-ci lui dit :

« […] Et vous avez également eu raison de donner une bonne correction à ce petit cabochar. Dans six mois d’ici, il ne l’aura pas oublié. Si vous ne l’aviez frappé que très légèrement, non seulement cela n’aurait servi à rien pour cette fois, mais par la suite, il vous aurait fallu toujours le battre, et l’enfant se serait habitué aux coups de sorte qu’à la fin ils lui auraient été complètement indifférents. C’est comme cela qu’en général les enfants se moquent complètement d’être battus par leurs mères ; c’est que celles-ci n’ont pas le courage de frapper assez fort. […] »

Bien sûr, il ne faut pas oublier d’indiquer à l’enfant qu’il ne doit pas se plaindre du traitement subi, il ne doit même pas être malheureux puisque : c’est pour son bien.


Plus empathique, Janusz Korczak, exceptionnelle personne :
« Seigneur, comment faire pour défendre cette âme si sensible de l’ignominie du monde ? », se questionne-t-il.

Korczak est né en Pologne en 1878 ou 1879. Il a fait des études de médecine vers 20 ans et s’est occupé d’enfants toute sa vie : colonie de vacances, orphelinat, internat, hospices pour enfants.
Il a eu affaire souvent aux plus déshérités d’entre eux.
Janusz Korczak nous offre une profonde réflexion sur la véritable nature de l’enfant, usant d’un regard lucide sur lui-même, lui-même en tant qu’homme, en tant qu’adulte :

« C’est une erreur de croire que la pédagogie est une science de l’enfant et non pas de l’homme.
Dans un moment d’emportement, un enfant violent frappe ; un adulte violent tue. A un enfant candide on soutire son jouet ; à un adulte naïf on fait signer des traites. Un enfant déraisonnable dépense en bonbons l’argent du cahier ; un adulte irresponsable dilapide au jeu son patrimoine. Enfant ? Adulte ? Il y a seulement des êtres humains. Seule existe une différence d’échelle entre les idées, les sentiments, les impulsions, les expériences de chacun d’eux. N’oublie pas que nous ne les connaissons pas. »

Janusz Korczak est un pédagogue, mais loin des dogmes.
Par exemple, sur les punitions, admettons qu’il nous ait convaincu que les châtiments corporels sont à proscrire, mais ensuite il attire notre attention sur les châtiments disons d’ordre psychologique :
« A changer un châtiment de forme ou à l’atténuer, tu n’y as pas renoncé pour autant. Qu’un châtiment soit grave, léger ou seulement symbolique, les enfants le craignent toujours. Tu le sais et ton raisonnement est le suivant : si les enfants ont peur, la discipline est sauve.
On peut fustiger la sensibilité, l’amour-propre de l’enfant, comme, dans l’ancien temps, on fustigeait son corps. »

Si nous adoptons la résolution de nous surveiller alors et de ne plus user de cette sorte de correction, une nouvelle claque nous fera ouvrir le deuxième œil sur notre comportement :
« On peut, par la menace, maintenir un enfant dans l’obéissance ; mais croire que c’est là une méthode non répressive prouve un singulier manque de discernement : l’intimidation par menace constitue une grave mesure de sévérité. »

Si alors nous nous promettons de bannir toute forme de punition, corporelle ou morale, sans pour autant avoir réfléchi encore à la manière d’obtenir l’ordre autrement, la suite de la réflexion nous est offerte :
« Tu décides de te montrer magnanime et tu pardonnes sans poser d’autres conditions. Tu crois avoir bien agi. Tu te trompes. »

Fort de ses nombreuses expériences avec des enfants en collectivité, Korczak réussit ce tour de force de percevoir l’enfant en tant qu’individu mais aussi au sein du groupe, avec toutes les contradictions que cela implique dans son éducation.


La puissance du livre de Korczak, Comment aimer un enfant, réside dans le fait qu’il nous accompagne dans des réflexions, celles-ci restent souvent ouvertes. D’ailleurs, plusieurs paragraphes ne font état que de questions :
« Mais si cette liberté, en avantageant les uns, limitait les droits des autres ; si certains enfants, jugeant inutile de travailler eux-mêmes, voulaient en empêcher les autres ; si, en laissant leurs lits défaits, ils encourageaient leurs voisins à en faire autant ; si, en perdant leur manteau, ils trouvaient naturel de s’emparer de celui d’un camarade ? Comment faire ? »

Pour autant, les réflexions offertes sont très concrètes car Janusz Korczak a toujours tenu des journaux lors de ses expériences en internat ou en orphelinat. Ce livre est donc plein d’exemples, de choses qui marchent mais aussi de choses qui ne marchent pas car Korczak est un homme qui sait dire « je me trompe ».

Il cite le tableau mis en place pour faire passer des messages aux enfants, la vitrine des objets trouvés, la mise en place d’horaires pour la distribution du matériel.

Mais bien sûr, au-delà de l’aspect matériel, il tente de grandes expériences pour faire fonctionner la vie en communauté de « ses » enfants. La Maison de l’orphelin accueillait environ 150 enfants, garçons et filles, d’âges très variés, encadrés par un personnel tout de même très restreint et il fallait trouver des solutions pour que ces êtres humains vivent au mieux ensemble.

Cela l’amène à réfléchir sur le rythme de l’enfant (il constate l’absurdité d’un horaire unique pour le dortoir quand il faut concilier de gros et de petits dormeurs), sur sa physiologie (même réflexion sur la ration unique quand on a affaire à de petits ou de gros mangeurs, d’où sa défense du principe du pain à volonté).

Il fait état de ses essais de tribunaux tenus par les enfants eux-mêmes, relatant avec une grande sincérité son manque de réussite :
« Je sais que le tribunal est nécessaire et que, d’ici à cinquante ans, pas une école, pas un établissement pédagogique ne saura plus s’en passer. Il n’y a que la Maison de l’orphelin où il apparaît comme nuisible, parce que nos enfants ne veulent pas se comporter en hommes libres, ils préfèrent demeurer esclaves. »

Ces lectures, d'autres encore, m'ont vraiment fait réfléchir sur l'éducation, réfléchir au-delà du réflexe de "bon sens" parfois trompeur.

Et car crois-moi c'est pour ton bien, je terminerai en disant :
"Lis Korczak !"
Clecle78
Clecle78
Esprit sacré

Harcèlement - Page 5 Empty Re: Harcèlement

par Clecle78 Dim 1 Oct 2023 - 23:46
Tout ce débat est vraiment passionnant. Ça me fait penser à la comtesse de Ségur et aux diverses façons de punir les enfants dans son œuvre: le fouet pour les uns, l'enfermement dans un cabinet au pain sec et à l'eau avec des lignes et de la méditation pour d'autres. Moi ça me faisait frissonner quand j'étais petite et que je m'identifiais à Sophie.
Voir le sujet précédentRevenir en hautVoir le sujet suivant
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum