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lilith888
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:37
Camélionne a écrit:Je ne pense pas que quiconque tende un piège, Lula. Seulement, Lilith a une démarche qui surprend et que nous aimerions mieux la comprendre. J'espère qu'elle n'y voit pas un piège non plus.
Une question que je me pose :
Tu donnes le questionnaire aux élèves, c'est ça, Lilith? Est-ce que tu essaies de les faire parler seuls d'abord, de les amener à poser seuls des hypothèses de lecture?

ne t'inquiètes pas ! je suis au contraire ravie de pouvoir débattre tranquillement.
Les hypothèses de lecture se font avant la distribution du questionnaire. Souvent, il m'arrive de leur demander, à leur avis, pourquoi je leur donne tel texte à étudier en rapport avec l'objectif, et s'ils y voient des phénomènes intéressants...

De plus en plus, ils en arrivent même à anticiper les questions posées, puisqu'ils adoptent le même raisonnement que moi. "ah madame, là, y'a ça..." et moi de répondre "justement, il y a une question dessus..."
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:39
lafilledelair a écrit:Pour mes élèves de 4è en début d'année : fantastique, science-fiction, merveilleux, c'est la même soupe ! Mais le pire, c'est qu'en fin d'année, après avoir travaillé sur les caractéristiques du fantastique, après avoir distingué le fantastique des autres genres cités ci-dessus, eh bien... ils ne voient toujours pas la différence...

en fait, je commence cette séquence par une longue lecture d'images, pour bien mettre au clair ces notions. Images tirées de tableaux, affiches de films...
lafilledelair
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par lafilledelair Dim 7 Juin 2009 - 22:41
Ok, je comprends mieux Very Happy
Autre question (j'abuse, là) : Qui lit le texte ?
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 22:48
si le texte est vraiment complexe, ou s'il faut bien suivre pour suivre le mécanisme : moi
sinon, les élèves volontaires, à tour de rôle.
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Invité24
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par Invité24 Dim 7 Juin 2009 - 22:55
merci lilith de nous avoir montré.

en fait je m'attendais à une mise en oeuvre bien spécifique, mais je me reconnais assez dans le type de questions que tu formules.
d'où mon interrogation: pourquoi dis-tu que tu ne t'attaches pas à l'histoire ni au personnages? Veuxt-u dire par là que tu ne demandes pas ce que le personnage "ressent" ou "pourquoi il réagit de telle ou telle façon..."?
A quel type de questions t'opposes-tu?

je ne sais pas si je suis bien claire là...
V.Marchais
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par V.Marchais Dim 7 Juin 2009 - 22:59
lilith888 a écrit:Questionnaires + correction


QUESTIONS Texte 1 :

  • Dans le premier paragraphe (L1 à 5) quels sont les indices typiques du genre fantastique ? Mais quel élément est anormal ici ? à la nuit et l’obscurité « toutes les lumières étaient éteintes », le personnage « réveillé par un bruit bizarre », les modalisateurs « on eût dit », « il semblait se rapprocher d’instant en instant » / mais ce qui est étrange ici est la réaction de Mr Otis « très calme » et le pouls « nullement fébrile » (donc aucune marque physique de la peur)
  • Dans le 2ème paragraphe (L6 à 11) en quoi peut-on dire que le portrait du fantôme de Canterville est assez traditionnel (voire stéréotypé) à « bruit étrange », « bruit de pas », « au pâle clair de lune » (cliché), « un vieillard d’aspect terrible », « des yeux rouges », « une longue chevelure grise », « vêtements anciens et salis », « lourdes menottes et fers rouillés » = portrait du spectre typique
  • Comment réagit Mr Otis lorsqu’il est face au fantôme ? Est-ce la réaction attendue par le lecteur ? à Le plus calmement du monde, il lui propose de huiler ses chaînes pour éviter le bruit et pour ne plus le réveiller la nuit. Le lecteur aurait plutôt attendu une réaction de peur ici = décalage
  • Montrez que les lignes 19 à 21 puis les lignes 22 à 26 sont elles aussi bâties sur ce même mécanisme : éléments typiques du fantastique puis décalage comique à « ayant lancé violemment », « gémissements sourds », « lueur verdâtre et fantomatique » / l’attaque des jumeaux qui font une bataille de polochons, et la fuite du fantôme qui prend peur (inversion totale des rôles) « adoptant à la hâte, comme moyen d’évasion, la 4ème dimension de l’espace »
  • La seconde apparition du fantôme : que fait-il de typiquement fantastique dans sa mise en scène ? à la nuit encore une fois, « alertés par un fracas épouvantable » et la posture du fantôme qui « se frottait les genoux, le visage empreint d’une expression de souffrance intense » = posture effrayante
  • Comment réagissent les jumeaux de la famille Otis ? Quel est l’effet sur le lecteur ici ? à ils « lui décochèrent immédiatement deux boulettes » effet comique, de décalage immédiat avec langage courant/familier
  • L36, arrivé en haut de l’escalier, le fantôme « reprit ses esprits » : explique le jeu de mots à C’est un calembour : fantôme > esprit
  • Quelle est, enfin, la troisième humiliation dont est victime le fantôme ? à Il croit effrayer avec son « célèbre éclat de rire démoniaque », mais Mrs Otis lui propose une potion pour gens malades (alors qu’il est mort !)
  • Enfin, pourquoi finalement ne se transforme-t-il pas en gros chien noir ? (L42) à Parce qu’il a entendu les jumeaux venir et qu’il a eu peur d’eux. Du coup, il devient juste « légèrement phosphorescent » (ridicule)
  • Qu’apprend-on à la fin de ce texte ? En quoi peut-on parler de chute comique ? à On apprend qu’en fait, ce n’était pas du tout une mise en scène effrayante peu avant : le fantôme s’est réellement fait mal avec l’armure qu’il a faite tomber au sol : il souffrait donc réellement ! (ce qui est étrange, puisque c’est un fantôme)

Re bonsoir,

Ce qui me rassure, c'est de voir que, loin de ce qu'aurait pu laisser penser le débat qui nous a opposées, ce que vous faites n'est pas si différent de ce que je fais. Sans vouloir vous faire offense, je trouve que vous décrivez peu fidèlement votre pratique. Vous disiez ne pas vous intéresser aux personnages ni à l'histoire, si ce n'est quelques minutes à l'oral. Mais nombre de vos questions sont des questions de compréhension qui portent sur l'histoire et les personnages : Comment réagit tel ou tel ? Quelle est la troisième humiliation que subit le fantôme ? Qu'apprend-on à la fin ?
Loin de moi le fait de vous le reprocher, puisque je n'ai cessé de répéter que c'était, selon moi, le seul moyen de lier fond et forme, de donner sens à l'analyse formelle. Seulement je comprends mal pourquoi vous affirmiez de façon si péremptoire que les questions portant sur le fond ne pouvaient conduire qu'à la paraphrase. Vous prouvez vous-même le contraire.
Enfin, je ne comprends pas bien en quoi votre démarche serait "quasi scientifique", pour reprendre vos termes. Après une telle revendication, je m'attendais presque à de l'analyse de contenu assistée par ordinateur, ou à des statistiques lexicales, des arbres syntaxiques en pagaïe... Je la trouve finalement très classique, votre démarche.
Tout ça pour ça ?
Voilà qui donne à méditer sur la chose en soi et la chose pour soi - et la difficulté de communiquer toute représentation !

Cordialement,
et merci d'avoir partagé votre travail.

Véronique.
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 23:13
Je pense qu'il y a eu pas mal de malentendus sur l'autre fil.
Je m'oppose fortement à toute critique biographique d'un texte (par exemple, l'expliquer en rapport avec la psychologie supposée de l'auteur) et je me base uniquement sur le texte et lui seul. Lorsque les élèves me demandent si l'auteur a fait exprès de mettre un phénomène, je leur réponds qu'on s'en fiche puisque là n'est pas le propos : si le phénomène est dans le texte, qu'on peut le prouver, c'est qu'il existe, tout simplement (à ce propos, ça peut donner lieu parfois à des choses très drôles... notamment des acrostiches non voulus en poésie)

Ce qui nous a opposé est le "ressenti" sur les textes. Je maintiens que ce n'est qu'une illusion et que notre métier est de faire en sorte de découvrir et analyser les ficelles.

Enfin, il me semble que le débat que nous avons eu a un peu dépassé le cadre de l'enseignement scolaire, j'ai également parlé en tant qu'universitaire et chercheur en textique.
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 23:14
rose a écrit:merci lilith de nous avoir montré.

en fait je m'attendais à une mise en oeuvre bien spécifique, mais je me reconnais assez dans le type de questions que tu formules.
d'où mon interrogation: pourquoi dis-tu que tu ne t'attaches pas à l'histoire ni au personnages? Veuxt-u dire par là que tu ne demandes pas ce que le personnage "ressent" ou "pourquoi il réagit de telle ou telle façon..."?
A quel type de questions t'opposes-tu?

je ne sais pas si je suis bien claire là...

disons que les questions ne portent jamais sur la "psychologie" du personnage par exemple. Et les 5w sont fait à l'oral en 2 minutes.
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 23:16
V.Marchais a écrit:
Re bonsoir,

Ce qui me rassure, c'est de voir que, loin de ce qu'aurait pu laisser penser le débat qui nous a opposées, ce que vous faites n'est pas si différent de ce que je fais. Sans vouloir vous faire offense, je trouve que vous décrivez peu fidèlement votre pratique. Vous disiez ne pas vous intéresser aux personnages ni à l'histoire, si ce n'est quelques minutes à l'oral. Mais nombre de vos questions sont des questions de compréhension qui portent sur l'histoire et les personnages : Comment réagit tel ou tel ? Quelle est la troisième humiliation que subit le fantôme ? Qu'apprend-on à la fin ?
.

pas vraiment : il s'agit de dégager des conclusions. En expliquant comment réagit le personnage, on en arrive à un "tel effet > telle cause > tel outil dans le récit"
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 23:20
Voici un deuxième exemple concret, sur la poésie cette fois :
« Etre ange… »

Etre ange
c’est étrange
dit l’ange
Etre âne
c’est étrâne
dit l’âne
Cela ne veut rien dire
dit l’ange en haussant les ailes
Pourtant
si étrange veut dire quelque chose
étrâne est plus étrange qu’étrange
dit l’âne
Etrange est
dit l’ange en tapant des pieds
Etranger vous-même
dit l’âne
Et il s’envole.


Jacques Prévert, Fatras, 1966




Que fait Jacques Prévert dans le poème « Etre ange » ? à Il joue sur les mots et les sons. Est parti d’un jeu sur la rime « ange / étrange » puis sur les sonorités « être ange » = étrange ; « étrange est » = étranger. Et il fait de la fausse logique : en effet « étrâne est plus étrange qu’étrange » + jeu sur l’expression « hausser les épaules » ici remplacé par « ailes » et inversion comique à la fin : c’est l’âne qui s’envole : très étrange ! (jeu métatextuel)
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 23:23
C’était un bon copain


Il avait le cœur sur la main
Et la cervelle dans la lune
C’était un bon copain
Il avait l’estomac dans les talons
Et les yeux dans nos yeux
C’était un triste copain
Il avait la tête à l’envers
Et le feu là où vous pensez
Mais non quoi il avait le feu au derrière
C’était un drôle de copain
Quand il prenait ses jambes à son cou
Il mettait son nez partout
C’était un charmant copain
Il avait une dent contre Etienne
A la tienne Etienne à la tienne mon vieux
C’était un amour de copain
Il n’avait pas sa langue dans sa poche
Ni la main dans la poche du voisin
Il ne pleurait jamais dans mon gilet
C’était un copain
C’était un bon copain.


Robert Desnos, Corps et biens, 1968

Sur « C’était un bon copain »



  • Surligne le refrain qui rythme ce poème : que remarques-tu ? à Il y a une évolution
  • Quel passage est comique ? à « et le feu là où vous pensez / mais non quoi il avait le feu au derrière » : alors que le lecteur pensait justement à ça…
  • Comment est construit ce poème ? à Sur un jeu avec les expressions courantes qu’il prend au sens propre.




Ø « il avait le cœur sur la main » = être généreux à « et la cervelle dans la lune » au lieu de la tête = être distrait. Joue sur le démembrement du corps.

Ø « il avait l’estomac dans les talons » = avoir faim. Continue sur cette voie.

Ø « les yeux dans nos yeux » = les yeux dans les yeux, se fixer mutuellement à Tristesse dans le refrain

Ø « il avait la tête à l’envers » : donc la tête au derrière ! à « et le feu là où vous pensez ». Continue sur le démembrement du corps.

Ø « c’était un drôle de copain » = sens propre : bizarre (avec le corps inversé) / sens figuré : rigolo, marrant

Ø « quand il prenait ses jambes à son cou » = s’enfuir. Ici pris au sens propre pour continuer le démembrement, le copain « drôle » (au sens de bizarre)

Ø « mettait son nez partout » = se mêler de tout et « quand » on a les jambes dans le cou : on peut mettre son nez partout au sens propre

Ø « avait une dent contre Etienne » = en vouloir à quelqu’un à « à la tienne Etienne / à la tienne mon vieux » = quand on trinque pour se réconcilier « un amour de copain »

Ø « n’avait pas sa langue dans sa poche » = être bavard à « ni la main dans la poche du voisin » = être honnête : continue sur « poche » avec « dans mon gilet »
Carabas
Carabas
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par Carabas Dim 7 Juin 2009 - 23:32
C'est à peu près comme ça que je procède, et pourtant, j'ai l'impression de parler de l'histoire.

Je ne fais pas de psychologie, dans le sens où je ne dissèque pas un personnage avec des outils de psychologie, mais je vais en faire le portrait, en montrer les facettes à travers ce qu'il dit. Les différentes facettes du personnage de Don Juan nous permettent de dire qu'on est face à un personnage baroque, par exemple.

Ce que je n'aime pas, c'est étudier l'outil pour l'outil. Mais étudier l'écriture, la liaison forme-fond, comment la forme fait sens, c'est ce qui fait l'étude littéraire. Je ne fais pas non plus d'interprétation biographique, en revanche je vais parler du contexte (historique-histoire littéraire, idéologique...) dans la mesure où cela éclaire le texte. Pour étudier "De l'esclavage des nègres" de Montesquieu ou l'extrait du nègre de Surinam dans Candide, je ne me vois pas faire l'impasse de 2 mots sur le Code Noir, par exemple.
lilith888
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 23:35
Je pense que l'on fait tous à peu près la liaison "fond - forme", mais, je le répète, il me semble que les divergences viennent de l'agencement que l'on opère :

pour moi c'est le fond qui est au service de la forme et non l'inverse. La forme demeure primordiale sur le fond (dans la thèse que je défends)

Etudier l'outil pour l'outil, effectivement, ça n'a aucun sens :lol:
Carabas
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par Carabas Dim 7 Juin 2009 - 23:42
lilith888 a écrit:Etudier l'outil pour l'outil, effectivement, ça n'a aucun sens :lol:
Et vice et versa...
https://www.dailymotion.com/relevance/search/vice+et+versa/video/x1ugkz_les-inconnus-karaoke-vice-et-versa_fun
lilith888
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par lilith888 Dim 7 Juin 2009 - 23:45
yesyes

(je vais Sleep )
V.Marchais
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par V.Marchais Lun 8 Juin 2009 - 9:06
lilith888 a écrit:
V.Marchais a écrit:
Re bonsoir,

Ce qui me rassure, c'est de voir que, loin de ce qu'aurait pu laisser penser le débat qui nous a opposées, ce que vous faites n'est pas si différent de ce que je fais. Sans vouloir vous faire offense, je trouve que vous décrivez peu fidèlement votre pratique. Vous disiez ne pas vous intéresser aux personnages ni à l'histoire, si ce n'est quelques minutes à l'oral. Mais nombre de vos questions sont des questions de compréhension qui portent sur l'histoire et les personnages : Comment réagit tel ou tel ? Quelle est la troisième humiliation que subit le fantôme ? Qu'apprend-on à la fin ?
.

pas vraiment : il s'agit de dégager des conclusions. En expliquant comment réagit le personnage, on en arrive à un "tel effet > telle cause > tel outil dans le récit"

Bonjour,

Nombre de collègues, ici et sur l'autre post, vous ont répété en long en large et en travers que c'est précisément ainsi qu'ils travaillent eux-même. Personne n'a jamais écrit qu'il faudrait en rester au constat de telle
réaction d'un personnage ou de telle impression produite par tel
passage. Mais partir de l'impression d'horreur laissée par le récit de
la fin d'Oedipe chez Sophocle, par exemple, permet aux élèves de trouver rapidement
les moyens mis en oeuvre par le poète pour créer cette horreur. En
d'autres termes : effet > cause > outil dans le récit. Pour dire les choses platement, je crois que le désir que vous avez de vous distinguer, de prouver que vous feriez forcément des choses très originales, vous conduit à établir des oppositions là où il n'y en a guère. Ca, c'est juste de l'orgueil. On ne vous en voudra pas pour ça, mais vous nous permettrez de faire la part des choses. Remarquez que c'est plutôt rassurant quant au degré d'hétérogénéité réel des pratiques, pas si élevé que cela, au-delà des discours.

Par ailleurs, étant donné la réalité sociologique de la grande majorité des écoles d'aujourd'hui, je crains que poser en principe le fait de ne pas consacrer quelques minutes à vérifier la compréhension littérale du texte avant de se jeter dans l'analyse serait, partout ailleurs que dans un des rares établissements privilégiés comme le vôtre, ravageur. Vous m'accorderez que prétendre étudier les mécanismes d'un texte auquel on n'a rien compris n'a pas beaucoup d'intérêt.

Il en va de même en ce qui concerne la grammaire, pour revenir au sujet initial. D'ailleurs, je ne vous fais aucun procès sur ce point puisque vous en convenez vous-même. Mais j'attire votre attention sur deux points : d'une part, êtes-vous sûre que vos élèves, s'ils n'ont pas de lacunes grossières en grammaire, maîtrisent réellement tous les points au programme ? Sont-ils vraiment tous capables de réfléchir à l'intérêt de l'emploi de tel temps, de tel discours rapporté, ou de la parataxe ? Si vous me dites oui, je vais en conclure que vous enseingez à Louis Le Grand - ou que vous vous illusionnez sur ce qu'est la maîtrise grammaticale : non simple expression correcte héritée des familles, mais conscience réflexive et capacité d'analyse développée à l'école. Sinon, comment assumez-vous vos responsabilités par rapport à vos élèves ? Etes-vous là pour vous faire plaisir ou pour donner à tous vos élèves le contenu défini par les programmes - programmes criticables, certes, mais seuls garants de l'égalité de tous devant l'instruction ? Et vous trouvez normal de ne pas les préparer à leur premier examen (même si vous ne prenez pas de Troisième, ce que je trouve un peu facile, les méthodes et les connaissances ne se fixent pas en un an) ? Je comprends que l'on prenne quelque distance avec lesdits programmes, que l'on cherche la méthode qui nous conviendra le mieux pour enseigner efficacement, non que l'on en balaie ainsi négligemment un pan entier, et non des moindres. Personnellement, je ne peux pas cautionner cela.

Finalement, pas grand chose de nouveau côté étude de textes - mais une carence difficilement justifiable en grammaire.

Cordialement,
Véronique.
lilith888
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par lilith888 Lun 8 Juin 2009 - 9:32
Ecoutez, j'arrête là pour ma part, cette discussion, qui ne mène plus à rien et tourne au procès d'intention.

Vous avez raison, j'ai tort, je suis une orgeuilleuse qui se pense vaguement originale.

Bonne continuation.
V.Marchais
V.Marchais
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par V.Marchais Lun 8 Juin 2009 - 9:49
lilith888 a écrit:
C’était un bon copain


Il avait le cœur sur la main
Et la cervelle dans la lune
C’était un bon copain
Il avait l’estomac dans les talons
Et les yeux dans nos yeux
C’était un triste copain
Il avait la tête à l’envers
Et le feu là où vous pensez
Mais non quoi il avait le feu au derrière
C’était un drôle de copain
Quand il prenait ses jambes à son cou
Il mettait son nez partout
C’était un charmant copain
Il avait une dent contre Etienne
A la tienne Etienne à la tienne mon vieux
C’était un amour de copain
Il n’avait pas sa langue dans sa poche
Ni la main dans la poche du voisin
Il ne pleurait jamais dans mon gilet
C’était un copain
C’était un bon copain.



Robert Desnos, Corps et biens, 1968



Sur « C’était un bon copain »




  • Surligne le refrain qui rythme ce poème : que remarques-tu ? à Il y a une évolution
  • Quel passage est comique ? à « et le feu là où vous pensez / mais non quoi il avait le feu au derrière » : alors que le lecteur pensait justement à ça…
  • Comment est construit ce poème ? à Sur un jeu avec les expressions courantes qu’il prend au sens propre


Re bonjour,

Je vais essayer de dire les choses de la manière la plus constructive possible, parce que vous avez eu le courage et la gentillesse de nous montrer votre travail et que, rien que ça, ça se respecte, mais voilà, je ne souscris pas du tout à cette manière d'étudier un poème. C'est d'un formalisme tel que ça ne conduit nulle part : aucune interprétation du poème. Finalement, à travers ces jeux de mots, Desnos nous dit quoi ? Pourquoi ? Quel propos cette forme sert-elle ? Qu'est-ce qui fait sa force et son intérêt ? Cela n'apparaît nulle part dans votre étude parce que vous en restez à une pure analyse formelle, sans mettre ce travail de la forme en relation avec un sens possible. C'est exactement ce que je dénonçais dans l'autre post : à procéder ainsi, on donne aux élèves l'impression que, la poésie, c'est un jeu formel qui tourne à vide, qui n'a aucun sens. Comment les intéresser à ce genre avec ça ? Et surtout, quel contresens ! C'est la négation même de ce qu'est la poésie : corrélation plus étroite que jamais entre une forme et un sens.

Je n'ai jamais étudié en classe ce poème en particulier, mais peu importe, allons-y, puisque c'est celui que vous avez choisi : quelques pistes, au débotté, de ce que l'on peut dire sur un tel poème pour dépasser un peu l'analyse purement formelle, lui donner sens.

Il serait tout de même intéressant de remarquer le temps employé dans le poème : l'imparfait, temps du passé ; cette remarque, associée à l'observation des variations apportées au refrain, permet de comprendre qu'il y a là un hommage, une variation sur le thème de l'éloge funèbre. La tradition veut que cet éloge esquisse la biographie de la personne à laquelle on rend ainsi hommage mais ici, cette biographie est conduite sur un mode drolatique, pervertissant le genre, le renouvelant. Mais le jeu de mot n'est pas une fin en soi. Il faudrait souligner la tension, dans le texte, entre le caractère amusant de cette litanie et la profonde mélancolie qui baigne le texte - mélancolie qui jaillit notamment du rythme du poème (un petit quelque chose là-dessus peut-être ?) et de la répétition du refrain comme une pensée douloureuse et entêtante.
L'accumulation de jeux de mots n'est donc pas gratuite. C'est une manière pudique d'exprimer la douleur par des voies détournées (détournantes), d'éviter tout ce que le genre de l'éloge peut avoir de contenu, de figé et de vide, et d'y insuffler un lyrisme nouveau (ben oui. Y a souvent des émotions dans la poésie. Désolée), personnel et authentique.

Votre travail sur la forme du poème ne prendra tout son sens - et donc son véritable intérêt - que mis en relation avec le sens du poème, justement, ce sens que vous vous obstinez à reléguer à l'arrière-plan. Je trouve que cette posture nuit à votre travail : il reste superficiel, ne conduit nulle part - et passe à côté de l'essentiel. Vous avez des capacités d'analyse certaines : elles seraient, je pense, mieux employées si vous renonciez à cette hiérarchie absurde en fond et forme.

Je livre ceci à votre réflexion.
Cordialement,
Véronique.
V.Marchais
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par V.Marchais Lun 8 Juin 2009 - 9:55
lilith888 a écrit:Ecoutez, j'arrête là pour ma part, cette discussion, qui ne mène plus à rien et tourne au procès d'intention.

Vous avez raison, j'ai tort, je suis une orgeuilleuse qui se pense vaguement originale.

Bonne continuation.

C'est dommage. Je m'étonne juste de votre insistance à souligner une opposition qui n'est pas manifeste mais vous n'êtes effectivement pas obligée de répondre sur ce point.
Par contre, je vous ai interpellée sur vos responsabilités dans l'enseignement de la grammaire et le respect de l'égalité des contenus délivrés dans toutes les écoles de France et de Navarre, et j'aimerais bien que vous m'expliquiez comment vous vous positionnez sur ce point. Cela me paraît tout de même important : difficile de botter en touche.

Cordialement,
Véronique.
lilith888
lilith888
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par lilith888 Lun 8 Juin 2009 - 9:57
Ma réflexion vous répond que, de toute manière, cette discussion tourne à vide : nous avons des conceptions totalement opposées sur ce qu'est et doit être la poésie.
A partir de là, je ne dis pas ma conception est meilleure que la vôtre, je dis seulement qu'elles ne peuvent pas s'entendre et qu'il est donc inutile de déblatérer.
Tout ce que vous dites sur ce poème, je pourrais le récuser de mille façon parce je ne conçois pas la littérature de la même manière que vous, que ce soit au niveau collège ou faculté.

Quant à mon travail superficiel, il vous salue bien bas, et s'en va au loin continuer ses ravages.
V.Marchais
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par V.Marchais Lun 8 Juin 2009 - 10:00
lilith888 a écrit:
Tout ce que vous dites sur ce poème, je pourrais le récuser de mille façon parce je ne conçois pas la littérature de la même manière que vous, que ce soit au niveau collège ou faculté.

Eh bien récusez, je vous en prie : c'est cela qui fait la saveur d'un débat. Mais jusqu'à présent, vous vous êtes dérobée à chacun de mes arguments. C'est un peu décevant...

Bonne journée malgré tout,
Véronique.
lilith888
lilith888
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par lilith888 Lun 8 Juin 2009 - 10:02
V.Marchais a écrit:
lilith888 a écrit:Ecoutez, j'arrête là pour ma part, cette discussion, qui ne mène plus à rien et tourne au procès d'intention.

Vous avez raison, j'ai tort, je suis une orgeuilleuse qui se pense vaguement originale.

Bonne continuation.

C'est dommage. Je m'étonne juste de votre insistance à souligner une opposition qui n'est pas manifeste mais vous n'êtes effectivement pas obligée de répondre sur ce point.
Par contre, je vous ai interpellée sur vos responsabilités dans l'enseignement de la grammaire et le respect de l'égalité des contenus délivrés dans toutes les écoles de France et de Navarre, et j'aimerais bien que vous m'expliquiez comment vous vous positionnez sur ce point. Cela me paraît tout de même important : difficile de botter en touche.

Cordialement,
Véronique.

je terminerais là dessus, réellement, parce que cette discussion me fatigue plus qu'elle ne m'amuse : ne vous en faites pas pour mes responsabilités, je les prends et les reprends. Comme je l'ai dis - mais à moins que je mente, qui sait ? - mes élèves écrivent bien. Pour les points du programme de grammaire, combien d'élèves de fin de 3ème s'en souviennent parfaitement, même en les ayant vu ? Soyons plus fous : combien d'élèves de lycée ? combien d'étudiants en fac ?
Combien de professeurs, ici même, postent lorsqu'ils se trouvent en difficulté face à un point de grammaire qu'ils s'efforcent pourtant de faire passer aux élèves, alors qu'eux mêmes doutent ? Combien de professeurs seraient perdus sans le livre du professeur pour corriger les exercices de grammaire ?
Je persiste et signe : la grammaire n'est pas une fin en soi. Vous parlez de vocabulaire technique qui ne mène à rien dans le formalisme, je renvoie le compliment en ce qui concerne la grammaire : savoir ce qu'est une relative ou une participiale n'aide en rien à en forger une.
Quant à la pseudo égalité des écoles...... :lol:
V.Marchais
V.Marchais
Empereur

grammaire - je ne fais pas de grammaire - Page 3 Empty Re: je ne fais pas de grammaire

par V.Marchais Lun 8 Juin 2009 - 10:30
lilith888 a écrit:
je terminerais là dessus, réellement, parce que cette discussion me fatigue plus qu'elle ne m'amuse : ne vous en faites pas pour mes responsabilités, je les prends et les reprends. Comme je l'ai dis - mais à moins que je mente, qui sait ? - mes élèves écrivent bien. Pour les points du programme de grammaire, combien d'élèves de fin de 3ème s'en souviennent parfaitement, même en les ayant vu ? Soyons plus fous : combien d'élèves de lycée ? combien d'étudiants en fac ?
Combien de professeurs, ici même, postent lorsqu'ils se trouvent en difficulté face à un point de grammaire qu'ils s'efforcent pourtant de faire passer aux élèves, alors qu'eux mêmes doutent ? Combien de professeurs seraient perdus sans le livre du professeur pour corriger les exercices de grammaire ?
Je persiste et signe : la grammaire n'est pas une fin en soi. Vous parlez de vocabulaire technique qui ne mène à rien dans le formalisme, je renvoie le compliment en ce qui concerne la grammaire : savoir ce qu'est une relative ou une participiale n'aide en rien à en forger une.
Quant à la pseudo égalité des écoles...... :lol:

Re bonjour,

Je vais devenir sévère mais vous êtes capable de sophismes terrifiants. N'enseignons pas la grammaire puisque tous les élèves ne s'en souviennent pas parfaitement. A cette aune, vous conviendrez qu'il ne faut plus rien enseigner...

La grammaire n'est pas une fin en soi mais on ne peut pas non plus en faire l'économie. La grammaire est d'ailleurs un des outils que l'on peut convoquer utilement pour éclairer un texte du point de vue de la forme. Mais il est vrai que vous n'êtes plus à une contradiction près.
Savoir ce qu'est une relative ne suffit pas à savoir en forger - mais travailler sur la construction de la relative durant un temps spécifique y concourt bien plus sûrement que leur seule lecture naïve. Par ailleurs, l'enseignement de la grammaire ne vise pas seulement à bien écrire - mais ça, vous ne paraissez pas en avoir conscience puisque cela fait deux fois que vous justifiez votre refus de faire de la grammaire par le fait que vos élèves écrivent bien.

J'ai parlé d'égalité des contenus dans les écoles - en d'autres termes, des programmes nationaux. Sachez que la liberté laissée chaque école de définir ses programmes en fonction des "besoins locaux" fait partie du programme de l'extrême droite. Je ne dis pas que vous êtes d'extrême-droite, mais prendre conscience de cette convergence peut faire réfléchir sur les tenants et aboutissants de certains choix.

Pour le reste, je constate qu'une fois de plus, vous vous dérobez.
Tant pis.
Cordialement,
Véronique.
lilith888
lilith888
Grand sage

grammaire - je ne fais pas de grammaire - Page 3 Empty Re: je ne fais pas de grammaire

par lilith888 Lun 8 Juin 2009 - 10:40
je récapitule : dépressive, orgueilleuse, menteuse, irresponsable, extrème droite : voilà mes arguments pour dorénavant refuser en toute conscience de répondre à vos messages.
jehanne
jehanne
Niveau 8

grammaire - je ne fais pas de grammaire - Page 3 Empty Re: je ne fais pas de grammaire

par jehanne Lun 8 Juin 2009 - 10:41
lilith888 a écrit:Pour les points du programme de grammaire, combien d'élèves de fin de 3ème s'en souviennent parfaitement, même en les ayant vu ? Soyons plus fous : combien d'élèves de lycée ? combien d'étudiants en fac ?
Combien de professeurs, ici même, postent lorsqu'ils se trouvent en difficulté face à un point de grammaire qu'ils s'efforcent pourtant de faire passer aux élèves, alors qu'eux mêmes doutent ? Combien de professeurs seraient perdus sans le livre du professeur pour corriger les exercices de grammaire ?
Je persiste et signe : la grammaire n'est pas une fin en soi. Vous parlez de vocabulaire technique qui ne mène à rien dans le formalisme, je renvoie le compliment en ce qui concerne la grammaire : savoir ce qu'est une relative ou une participiale n'aide en rien à en forger une.

Je suis estomaquée par tant de mépris et de mauvaise foi!
Qu'est-ce que les (éventuelles) difficultés des collègues prouvent sur l'inutilité la grammaire? Et les oublis des élèves?
Quant aux collègues de langues anciennes, qui ont absolument besoin que les notions grammaticales soient acquises pour faire de la version et du thème, je leur souhaite bon courage, quant ils reçoivent des élèves formés avec de tels principes!
Il ne s'agit pas de connaître la définition d'une relative; mais d'en comprendre le fonctionnement (rapport relatif/antécédent, fonction du relatif...). Et pour cela, il faut des exercices. Et quand l'élève comprend le fonctionnement, c'est une satisfaction intellectuelle pour lui aussi. Pensez à la distinction nature/fonction, (ou sujet/objet) elle a des implications bien au-delà de la grammaire. Quelle mutilation!
Quant au souci déontologique, je partage la préoccupation de V. Marchais!
venus13
venus13
Niveau 9

grammaire - je ne fais pas de grammaire - Page 3 Empty Re: je ne fais pas de grammaire

par venus13 Lun 8 Juin 2009 - 10:46
lilith888 a écrit:C'est la raison pour laquelle je ne prends pas de classes de 3ème (raison bis : je déteste le programme)

Sinon, effectivement, je le répète : je peux me permettre cela puisque les élèves que j'ai en face ne sont pas en grande difficulté avec leur langue. Pas sûr que cette méthode soit applicable en ZEP, j'en conviens aisément

t'as la chance de pouvoir choisir tes niveaux ? :shock: tu n'es pas TZR ou vacataire donc :lol:
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