Re: Bac 2014 : "Victor Hugo il m'a pris la tête truc de fou"

Les insultes à proprement parler ne concernent que quelques petits milliers de tweets sur une cinquantaine de milliers concernant Victor Hugo et le bac. Difficile d'en conclure quoi que ce soit sur une génération d'élèves. Reste qu'une réaction aussi primaire, avec tout ce qu'elle comporte de provocation, est assez inédite s'agissant d'élèves de série générale : j'y vois pour ces élèves une littérature devenue inaccessible, pour toutes les raisons que nous savons, et donc un immense échec pour nous.

PS : Une autre journaliste a bien compris que Victor Hugo "était peut-être relou avec ses brins d'herbe. Mais il était du côté des lycéens malgré tout".

Parmi les élèves des filières S et ES qui ont passé l'épreuve du bac français ce mercredi 18 juin, quelques-uns n'ont pas apprécié le commentaire de texte proposé: le poème «Crépuscule» de Victor Hugo (Les Contemplations). Ils ont exprimé leur mécontentement sur Twitter, en optant pour un décalage dans le niveau de langue, produisant un effet de comique, registre qui n'était pas lui-même étranger à Hugo...

http://www.slate.fr/story/88709/victor-hugo-aurait-ete-fier-des-lyceens-qui-le-critiquent

Chocolat a écrit:

J'aimerais pouvoir raisonner de la même manière que toi sur la question, mais il m'est impossible car je pense que trop de jeunes ont franchi la ligne rouge du vide de la pensée qui marque un point de non retour.

Je crois effectivement qu'il y a un problème cru d'accès à la langue, c'est-à-dire à la pensée, et que nous devons nous battre pour tenter de corriger cela. Mais ce n'est pas spécifique aux auteurs de ces tweets, malheureusement, et n'a rien à voir avec le sujet du bac.

Dhaiphi a écrit:

V.Marchais a écrit: ce truc ni intéressant ni significatif

"Ce qui me choque, c'est qu'effectivement, on ait parmi des bacheliers des élèves avec ce niveau de vocabulaire, de violence et d'étroitesse d'esprit. Je pense que c'est cela qui doit nous interroger" disais-tu dans ton premier post.
Je ne comprends pas bien.

Je répète : je pense qu'on a un problème global de transmission de la langue, du CP (et même de la maternelle) au bac, et que ça c'est grave. Nous maintenons les élèves dans une indigence verbale qui les condamne à l'outrance et à la violence. À force de laxisme, nous banalisons cette violence verbale. Mais ce n'est pas propre à cette génération d'élèves de Première. Les élèves concernés, dans cette génération, ne font que rendre visible un phénomène que je constate déjà au collège.

Pour mémoire :

Bac 2014 : "Victor Hugo il m'a pris la tête truc de fou" - Page 7 20140620b

Comparez le primaire avant le collège unique et le total aujourd'hui.

Luigi_B a écrit:

en optant pour un décalage dans le niveau de langue, produisant un effet de comique, registre qui n'était pas lui-même étranger à Hugo...

Mais oui, bien sûr, et la marmotte emballe le chocolat dans le papier alu... Rolling Eyes

Il utilisent les niveaux de langue comme Mr Jourdain pratiquait la prose...naturellement, j'en suis convaincu. Wink

Il faut valoriser ces Django Reinhardt de la syntaxe ! professeur

Bien sûr, Luigi.
Il y a les horaires, et aussi les contenus.
Les lectures de qualité remplacées par les oralbums en maternelle ; la quasi-disparition d'un enseignement systématique du vocabulaire et de la grammaire, en Primaire, mais aussi, partiellement, au collège (quand on voit ce à quoi la grammaire a été réduite pendant plus de vingt ans...) ; la demande de plus en plus instante de privilégier l'oral, alors que quand on maîtrise l'écrit, l'oral ne pose pas problème, au moins dans sa forme ; la perte de nombreux savoir-faire pédagogiques, en particulier dans l'enseignement de l'écriture (que ce soit la graphie ou la rédaction) ; la maîtrise de plus en plus hasardeuse de la grammaire par les professeurs eux-mêmes ; la disqualification de l'orthographe, "science des ânes", de l'apprentissage des leçons au nom de la tête bien faite, etc.

Dhaiphi a écrit:

Luigi_B a écrit:

en optant pour un décalage dans le niveau de langue, produisant un effet de comique, registre qui n'était pas lui-même étranger à Hugo...

Mais oui, bien sûr, et la marmotte emballe le chocolat dans le papier alu...
Il utilisent les niveaux de langue comme Mr Jourdain pratiquait la prose...naturellement, j'en suis convaincu.
Il faut valoriser ces Django Reinhardt de la syntaxe !

Ça, c'est encore plus audacieux que les questions du Nouvel Obs ! :lol:

V.Marchais a écrit:

Chocolat a écrit:

J'aimerais pouvoir raisonner de la même manière que toi sur la question, mais il m'est impossible car je pense que trop de jeunes ont franchi la ligne rouge du vide de la pensée qui marque un point de non retour.

Je crois effectivement qu'il y a un problème cru d'accès à la langue, c'est-à-dire à la pensée, et que nous devons nous battre pour tenter de corriger cela. Mais ce n'est pas spécifique aux auteurs de ces tweets, malheureusement, et n'a rien à voir avec le sujet du bac.

Si, parce qu'ils ont la prétention de réussir le bac ; et certains d'entre eux l'auront sans doute, alors qu'avec un tel degré de bêtise, de vulgarité et de violence verbale ils n'auraient rien à faire au lycée !
Et ça non plus, ça ne va pas.

Oui, ceux qui ont réellement écrit par vindicte, des "Nike ta mère" (qu'est-ce que Nike vient faire là-dedans ? Même "niquer", ils savent pas l'écrire...) n'auraient jamais dû se retrouver au lycée.
En fait, ils n'auraient jamais dû se trouver, après une scolarité obligatoire au moins jusqu'en 3e, dans un tel état linguistique, qu'ils aillent au lycée ou pas.
Mais c'est pas la faute du sujet du bac. C'est toute la chaîne, qui déconne.

V.Marchais a écrit:Oui, ceux qui ont réellement écrit par vindicte, des "Nike ta mère" (qu'est-ce que Nike vient faire là-dedans ? Même "niquer", ils savent pas l'écrire...) n'auraient jamais dû se retrouver au lycée.
En fait, ils n'auraient jamais dû se trouver, après une scolarité obligatoire au moins jusqu'en 3e, dans un tel état linguistique, qu'ils aillent au lycée ou pas.
Mais c'est pas la faute du sujet du bac. C'est toute la chaîne, qui déconne.

Nous sommes bien d'accord.

Chocolat a écrit:Il vaut mieux tard que mal, et cela en tout genre.
Voltaire

Il vaut mieux mal que tard.
Les Chti's à Hollywood

"Vivre vite et mourir jeune", prétendaient les rockers rebelles.
"Vivre mal et mourir comme des cons" prétendent ces conspueurs de Victor Hugo.

La révolution culturelle est en marche. professeur

Je suis d'accord avec Véronique. Il y a trois kékés qui brament sur Internet que le bac sétrodur, et aussitôt les journalistes s'en émeuvent, crient à la révolution. Il ne faut donc pas s'étonner que dans une société pareille, les jeunes incultes se disent que leurs états d'âmes sont importants, et qu'ils en viennent à signer des pétitions disant en substance que le sugé de math, sétrodur, est on veux d'es frite à la cantinnes.

Je hais vigoureusement Bernanos, or il était au programme l'année où j'ai passé l'agreg. C'était le sujet de la dissertation, et je l'ai également tiré en explication (j'ai in petto menacé de faire péter la Sorbonne si je le tirais encore en leçon ; ma menace a semble-t-il porté ses fruits). J'imagine, si j'avais posté à l'époque sur Twitter "Bernanos, i m'énerve", la réaction des journalistes : "l'agrégation, ce concours obsolète", "les sujets de l'agrégation ne sont plus en phase avec le monde dans lequel vivent les candidats d'aujourd'hui", "Bernanos, auteur élitiste", etc, etc...

Aemilia a écrit:Heu, quand j'ai passé l'EAF, en 2005, j'ai dû faire le commentaire de ce poème d'Hugo :

Spoiler:

J'étais en ES, je ne me souviens pas d'une quelconque polémique...

oh que de souvenirs! J'avais adoré ce poème (pardon je voulais dire "G tro kiffé ma race sur ce Mpo!") et je me souviens encore être partie sur un délire comparant la figure du poète au tableau de Delacroix "la liberté guidant le peuple" Smile

et super note aussi à la clef...mais si cette épreuve fut aussi surnotée, exista-t-il un seul examen qui sanctionna réellement mon niveau (je pense notamment au capes de l'an dernier)? Sad

Vous croyez qu'il aurait été judicieux de caser dans le commentaire du poème "Crépuscule" de Totor une référence à la saison 4 de "The Walking Dead" ?
:diable:

Sphinx a écrit:Je suis d'accord avec Véronique. Il y a trois kékés qui brament sur Internet que le bac sétrodur, et aussitôt les journalistes s'en émeuvent, crient à la révolution. Il ne faut donc pas s'étonner que dans une société pareille, les jeunes incultes se disent que leurs états d'âmes sont importants, et qu'ils en viennent à signer des pétitions disant en substance que le sugé de math, sétrodur, est on veux d'es frite à la cantinnes.

Je hais vigoureusement Bernanos, or il était au programme l'année où j'ai passé l'agreg. C'était le sujet de la dissertation, et je l'ai également tiré en explication (j'ai in petto menacé de faire péter la Sorbonne si je le tirais encore en leçon ; ma menace a semble-t-il porté ses fruits). J'imagine, si j'avais posté à l'époque sur Twitter "Bernanos, i m'énerve", la réaction des journalistes : "l'agrégation, ce concours obsolète", "les sujets de l'agrégation ne sont plus en phase avec le monde dans lequel vivent les candidats d'aujourd'hui", "Bernanos, auteur élitiste", etc, etc...

Tout à fait. Internet est simplement un amplificateur des coups de gueule qui ont toujours dû exister plus ou moins. Le problème c'est la légitimité et l'écho qui est donné. etdd'ailleurs sur Twitter même, il y a des réactions salutaires...

Luigi_B a écrit:Pour mémoire :

Comparez le primaire avant le collège unique et le total aujourd'hui.

Merci. Quand je disais dans un autre topic qu'à une époque, on avait un emploi du temps complet avec trois classes et potentiellement un ou deux niveaux et qu'aujourd'hui, des collègues disent que quatre classes ou plus avec trois niveaux, ce n'est pas un problème, il est évident que le métier a changé d'une façon ou d'une autre ou alors c'est considérer que les Anciens se la coulaient douce.
Au collège, c'est entre 1986 et 1990 qu'il y a eu une grosse chute des horaires. Sais-tu qui en est responsable ? Y a-t-il une explication particulière ?

Moonchild a écrit:Vous croyez qu'il aurait été judicieux de caser dans le commentaire du poème "Crépuscule" de Totor une référence à la saison 4 de "The Walking Dead" ?
:diable:

Si c'est intelligemment argumenté, pourquoi pas ? Very Happy

Chocolat a écrit:Que l'on serve ça aux S au bac, c'est du n'importe quoi, compte tenu du fait que ces élèves préfèrent en général la littérature d'idées (et moi avec).
Et je dis cela alors que j'ai moi-même passé un bac scientifique ; par ailleurs, pour mon premier poste j'ai eu des S et des L et je me souviens très bien du fait que je ne pouvais absolument pas proposer de corpus ou de problématique identique des deux côtés.

Ah bon. J'ai eu un bac C, avec mes meilleures notes en sciences, et je préférais la poésie. En vers. La poésie, c'est un truc de matheux.

nlm76 a écrit:

Chocolat a écrit:Que l'on serve ça aux S au bac, c'est du n'importe quoi, compte tenu du fait que ces élèves préfèrent en général la littérature d'idées (et moi avec).
Et je dis cela alors que j'ai moi-même passé un bac scientifique ; par ailleurs, pour mon premier poste j'ai eu des S et des L et je me souviens très bien du fait que je ne pouvais absolument pas proposer de corpus ou de problématique identique des deux côtés.

Ah bon. J'ai eu un bac C, avec mes meilleures notes en sciences, et je préférais la poésie. En vers. La poésie, c'est un truc de matheux.

Et moi un D Razz

Et mes meilleurs élèves en littérature ont toujours été des S dont un certains nombres décidaient de suivre une voie littéraire.

nlm76 a écrit: En vers. La poésie, c'est un truc de matheux.

Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds, ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes. Razz

Léo Ferré, album Il n'y a plus rien.

Mais bon, les pieds, c'est pour marcher, pas pour poéter. En tout cas en français Wink

Les aphorismes de Léo, c'est bien joli. Pourtant, ôtez le compte des syllabes et le rythme, et vous aurez perdu une bonne part de l'alchimie.

ysabel a écrit:

nlm76 a écrit:

Chocolat a écrit:Que l'on serve ça aux S au bac, c'est du n'importe quoi, compte tenu du fait que ces élèves préfèrent en général la littérature d'idées (et moi avec).
Et je dis cela alors que j'ai moi-même passé un bac scientifique ; par ailleurs, pour mon premier poste j'ai eu des S et des L et je me souviens très bien du fait que je ne pouvais absolument pas proposer de corpus ou de problématique identique des deux côtés.

Ah bon. J'ai eu un bac C, avec mes meilleures notes en sciences, et je préférais la poésie. En vers. La poésie, c'est un truc de matheux.

Et moi un D

Et mes meilleurs élèves en littérature ont toujours été des S dont un certains nombres décidaient de suivre une voie littéraire.

J'ai connu aussi. Et tout au long de cette discussion j'ai pensé à une 1re S remarquable qui avait obtenu 11,94 de moyenne à l'écrit et 13,77 à l'oral en 1990. Même si l'épreuve a changé depuis, ils ne s'en seraient pas laissé compter et auraient pris le texte à bras le corps.

J'ai toujours estimé que je n'avais aucun mérite dans leur réussite. Certes, j'ai beaucoup bossé, mais le terrain était fertile.

nlm76 a écrit:

La poésie, c'est un truc de matheux.

La grammaire, c'est un truc de matheux.

Bon, je crois qu'on est en train de dire n'importe quoi.
Et en plus, c'est moi qui ai commencé. Rolling Eyes

Mais...

Spoiler:

Pour ma part la lecture de ce poème, mercredi, a illuminé ma morne matinée de surveillance.

Redonnons-le quand même.

Crépuscule

L'étang mystérieux, suaire aux blanches moires,
Frisonne; au fond du bois la clairière apparaît ;
Les arbres sont profonds et les branches sont noires ;
Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ?

Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ?
Vous qui passez dans l'ombre, êtes-vous des amants ?
Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines;
L'herbe s'éveille et parle aux sépulcres dormants.

Que dit-il, le brin d'herbe ? et que répond la tombe ?
Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs.
Lèvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe;
Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs.

Dieu veut qu'on ait aimé. Vivez ! faites envie,
O couples qui passez sous le vert coudrier.
Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie,
On emporta d'amour, on l'emploie à prier.

Les mortes d'aujourd'hui furent jadis les belles.
Le ver luisant dans l'ombre erre avec son flambeau.
Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles,
Le brin d'herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau.

La forme d'un toit noir dessine une chaumière;
On entend dans les prés le pas lourd du faucheur;
L'étoile aux cieux, ainsi qu'une fleur de lumière,
Ouvre et fait rayonner sa splendide fraîcheur.

Aimez-vous ! c'est le mois où les fraises sont mûres.
L'ange du soir rêveur, qui flotte dans les vents,
Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures,
Les prières des morts aux baisers des vivants.

nlm76 a écrit:

Chocolat a écrit:Que l'on serve ça aux S au bac, c'est du n'importe quoi, compte tenu du fait que ces élèves préfèrent en général la littérature d'idées (et moi avec).
Et je dis cela alors que j'ai moi-même passé un bac scientifique ; par ailleurs, pour mon premier poste j'ai eu des S et des L et je me souviens très bien du fait que je ne pouvais absolument pas proposer de corpus ou de problématique identique des deux côtés.

Ah bon. J'ai eu un bac C, avec mes meilleures notes en sciences, et je préférais la poésie. En vers. La poésie, c'est un truc de matheux.

J'ai fait S, je lis beaucoup, mais j'ai du mal avec la poesie. Cela reste très opaque pour moi. Surtout du Hugo, je préfère Baudelaire (si vraiment je dois en lire, mais à petite dose...).
J'aurais aimé du Zola au bac. Je ne sais plus ce qui était tombé lors de ma session.

Cela dit je suis choquée par les propos tenus sur Twitter, j'ai honte pour eux. Pauvre France...